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14 janvier 2025 2 14 /01 /janvier /2025 15:34

Gérard Borvon.

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Thalès, nous disent Aristote et Hippias, communiquait la vie aux choses inanimées au moyen de l’ambre jaune mais, également, de la "pierre de magnésie" (μαγνήτις λίθος), l’aimant naturel.


Contrairement à l’ambre, venu des contrées lointaines, l’aimant, oxyde de fer naturellement "magnétique" est largement réparti à la surface du globe. Ses propriétés n’en sont pas moins mystérieuses. L’un de ses noms en grec ancien : "pierre d’Hercule", témoigne de la force des pouvoirs qui lui étaient attribués.

 

Même si l’observation commune ne permettait pas de constater, de sa part, d’autres prodiges que l’attraction de quelques fragments de fer, la légende se nourrissait de récits d’îles attirant les vaisseaux munis de clous de fer et d’hommes cloués au sol par leurs souliers ferrés. Des auteurs aussi sérieux que Plutarque ou Ptolémée n’hésitaient pas à rapporter d’étranges pratiques. "Frottez un aimant avec une gousse d’ail ou du jus d’oignons, disaient-ils, et il cessera d’attirer le fer". "Trempez le dans du sang de bouc, disaient d’autres auteurs, et il reprendra toute sa force" (cité par Henri Martin, doyen de la Faculté des lettres de Rennes dans La foudre, l’électricité et le magnétisme chez les anciens. Paris 1866). A l’évidence une observation de type "scientifique" n’était pas encore à l’ordre du jour !

 

Le terme de "magnétisme" sera donc, comme celui "d’électricité", le principal héritage légué par les grecs.

 

Les hellénistes du 19ème siècle qui, comme Henri Martin, se sont penchés sur l’origine de cette dénomination, ont constaté que l’expression "pierre de magnésie", a pu être interprétée de façon variable suivant les époques. Le sens qui s’est finalement figé est celui d’une pierre issue de la ville de Magnésie, cité grecque d’Asie mineure. La ville étant supposée abriter des mines de cet oxyde de fer auquel nous donnons, aujourd’hui, le nom "d’oxyde magnétique" ou "magnétite", et que nous désignons par la formule Fe3O4.

 


cristaux de magnétite.


Ce nom de "Pierre de Magnésie", sera également donné à d’autres minéraux. La "magnésie" est aussi une terre blanchâtre utilisée dans les pharmacopées anciennes comme laxatif. Elle donnera son nom au magnésium dont elle est l’hydroxyde. "Pierre de magnésie" sera aussi le nom ancien du Manganèse, corps dont l’oxyde naturel était utilisé comme fondant par les premiers verriers ou les métallurgistes et qui est indispensable, actuellement, à la fabrication de nombreux alliages.

 

Retenons surtout que Magnésie a donné "magnétisme" et le mot anglais ou allemand "magnet" qui désigne ce que, en France, nous appelons "aimant".

 

Le terme d’aimant est, quant à lui, issu du latin adamas : le diamant. Par une voie obscure le mot "adamas" a également désigné une pierre de magnésie particulièrement active. Ce double sens se retrouve dans le latin médiéval mais bientôt le mot "diamas" désigne le diamant pendant que le terme adamas, conservé pour la magnétite, est interprété comme issu du verbe "adamare" (aimer avec passion) et traduit en langue romane par le mot "aymant" puis aimant (voir Henri Martin : : La foudre, l’électricité et le magnétisme chez les anciens. Paris 1866).

 

Le mystère et la poésie antiques renaissent ainsi dans une pierre capable d’amour. Le domaine des sciences n’échappe pas à la règle, les mots y sont chargés de l’histoire humaine.

L’héritage chinois.

 

Magnet, aimant… Les grecs et les latins ont légué le vocabulaire au monde européen. Pourtant la propriété la plus fabuleuse de la pierre de magnésie leur avait échappé. C’est de Chine que viendront les premières lumières à travers l’instrument qui fera le bonheur des marchands et des navigateurs : la boussole.

 

A une période que certains auteurs fixent comme antérieure au troisième siècle avant notre ère y est attesté l’usage d’un "indicateur de sud". C’est une statuette montée sur un pivot vertical et dont le bras étendu montre en permanence le sud. C’est naturellement une tige aimantée qui guide ce bras.

 

On évoque aussi la trouvaille archéologique d’une cuillère divinatoire très particulière. La cuillère utilisée dans ce but a une queue courte et tient en équilibre sur sa base arrondie. On la place au centre d’une plaque polie où sont gravés divers signes propres à lire l’avenir. Un coup vif sur la queue et la cuillère tourne. Quand elle s’arrête, il reste à interpréter les inscriptions indiquées par la direction de son manche. Une cuillère en magnétite et sa plaque de bronze ont ainsi été retrouvées laissant imaginer la façon dont les prêtres chinois aidaient le sort.

 

Plus sérieux. Des boussoles à aiguille suspendue, placées sur pivot ou sur un flotteur sont signalées, en Chine, entre le neuvième et douzième siècle de notre ère. Elles étaient utilisées pour des relevés terrestres. Peut-être étaient-elles déjà connues des ingénieurs qui ont dirigé la construction de la grande muraille.

 

Il est vraisemblable que la boussole a d’abord été adoptée par les arabes avant d’arriver en Europe au début du treizième siècle. Les navigateurs européens seront dès lors capables de s’éloigner des côtes et d’ouvrir les routes maritimes de l’Inde, de la Chine et des Amériques.

Pierre de Maricourt ( XIIIe siècle)

 

C’est un "ingénieur militaire" au service du Duc d’Anjou, Pierre de Maricourt dit "Le Pèlerin", qui élucide une partie du mystère de la boussole (son nom est issu de l’italien "bussola" et évoque la "petite boîte" dans laquelle les navigateurs la tiennent enfermée). Pierre de Maricourt est d’ailleurs en Italie, occupé au siège de la ville de Lucera, quand, en 1269, il rédige, sous le titre "Epistola de magnete" (lettre sur l’aimant), le traité qui l’a rendu célèbre.

 

L’unanimité se fait pour considérer ce texte comme l’un des actes fondateurs de la science expérimentale. Suivons, un moment, sa démarche.

 

D’abord quand il définit les "pôles" de l’aimant. "Cette pierre, dit-il, porte en elle la ressemblance du ciel… car dans le ciel il y a deux points remarquables parce que la sphère céleste se meut autour d’eux comme autour d’un axe. L’un est appelé le pôle Nord, l’autre le pôle Sud. Ainsi dans cette pierre tu trouves tout à fait de même deux points dont l’un est appelé pôle Nord et l’autre pôle Sud".

 

Le terme de "pôles" sera conservé dans le vocabulaire du magnétisme mais, notons-le : les pôles dont il est ici question ne sont pas ceux de la terre mais ceux du ciel. La boussole indique le Nord céleste. C’est à l’univers entier qu’est liée la Pierre.

 

L’image du ciel implique une sphère et deux pôles sur celle-ci. Il faut donc que l’aimant soit taillé en forme de sphère :

 

"Pour la découverte de ces deux points tu peux employer divers moyens. L’un consiste à donner à la pierre une forme ronde avec l’instrument employé pour cela pour les cristaux et autres pierres."

 

Reste à y placer les pôles :

 

"Ensuite on pose sur la pierre une aiguille ou un morceau de fer en longueur équilibré comme une aiguille et suivant la direction du fer on marque une ligne divisant la pierre en deux. Ensuite on pose l’aiguille ou le morceau de fer en un autre endroit de la pierre et pour cet endroit, de la même manière, on marque de nouveau une ligne. Et, si tu veux, tu feras cela en plusieurs endroits et sans nul doute toutes ces lignes concourront en deux points comme tous les cercles du monde qu’on appelle azimuths concourent en deux pôles du monde opposés"

 

Ensuite :

 

"Casse un petit morceau d’une aiguille qui soit long de deux ongles et pose le à l’endroit où le point a été trouvé comme on vient de le dire, et s’il se tient perpendiculairement à la pierre, tu as sans nul doute le point cherché… et de même tu trouveras le point opposé. Si tu l’as bien fait et si la pierre est homogène et bien choisie, les deux points seront diamétralement opposés comme les pôles de la sphère céleste"

 

Pour savoir lequel est le pôle Nord, lequel est le pôle Sud, il reste à placer la sphère dans un bol de bois posé sur l’eau et à la laisser s’orienter comme une boussole. On marquera alors comme "pôle Nord" celui qui se dirigera vers le Nord céleste. Ainsi le "pôle Nord" de la boussole sera, jusqu'à notre époque, celui qui se dirige vers l'étoile polaire.

 

Maintenant, expérimentons. Une deuxième pierre a été préparée, on l’approche de la première, et voilà que la Nature dévoile l’une des lois cachée jusqu’à présent à la connaissance des hommes !

 

"Sache donc cette règle", écrit Maricourt " que le pôle Nord d’une pierre peut attirer le pôle Sud de l’autre et le pôle Sud son pôle Nord. Si au contraire tu approches le pôle Nord du pôle Nord, tu verras la pierre que tu portes fuir sur l’eau la pierre que tu tiens et de même si tu approches le pôle Sud du pôle Sud"

 

Le moyen âge, dit-on, est période d’obscurantisme. Pierre de Maricourt semble vouloir prouver le contraire. Il faudra attendre plus de trois siècles pour que William Gilbert apporte de nouveaux éclairages sur le même sujet et plus de quatre siècles pour que Dufay décrive, avec la même précision, les lois de l’attraction et de la répulsion électrique.

 

Louis Néel, en recevant le prix Nobel de physique en 1970 pour ses travaux sur le ferromagnétisme, saura rendre, à Pierre de Maricourt, un hommage mérité. Après avoir salué les travaux de ses prédécesseurs, Pierre Curie, Paul Langevin, Pierre Weiss, il situe ses propres travaux dans l’héritage de son confrère médiéval :

 

" Seules restaient incomprises les propriétés de la plus ancienne des substances magnétiques connues : la magnétite ou pierre d’aimant qui a attiré l’attention des curieux depuis quatre mille ans. J’ai eu la chance de combler cette lacune et d’expliquer ces propriétés, avec la notion de ferromagnétisme.
 

Mais j’avais été précédé dans cette voie, au XIIIème siècle, par Pierre de Maricourt, auteur en 1269 du premier traité sérieux sur les aimants."

 

Pour ajouter à son mérite, notons que Pierre de Maricourt observe également l’aimantation du fer par le contact d’un aimant et qu’il inaugure l’expérience classique de "l’aimant brisé" : quand on brise un aimant, un pôle sud apparaît au niveau de la cassure sur le morceau qui porte le pôle Nord et un pôle Nord sur la partie qui porte le pôle Sud. Deux nouveaux aimants naissent donc de cette rupture.

 


aimant brisé de Pierre de Maricourt

 


William Gilbert

 

Plus de trois siècles se sont écoulés. Nous rencontrons William Gilbert. C’est, rappelons le, dans le cadre d’un ouvrage sur le magnétisme qu’il avait été amené à différencier les actions de l’ambre et de l’aimant et à faire connaître la multiplicité des corps susceptibles d’être "électrisés" par le frottement. C’est lui faire justice que de reconnaître son apport tout aussi fondamental dans le domaine du magnétisme.

 

Quand, en l’année 1600, il publie "De Magnete" l’Univers n’est plus celui de Pierre de Maricourt. Depuis déjà plus d’un demi-siècle, Copernic a mis le soleil au centre du monde et rabaissé la Terre au rang d’une simple Planète. La sphère céleste s’est effacée, le Nord et le Sud ne sont plus les pôles du ciel mais les extrémités de l’axe autour duquel tourne la Terre. La boussole, quant à elle, est devenue l’objet de toutes les attentions. Il y a déjà plus d’un siècle qu’elle a guidé Christophe Colomb vers un nouveau monde. Mais, si ce n’est plus le ciel qui la dirige, comment fonctionne-t-elle ?

 

C’est la Terre, nous dit Gilbert, qui attire la boussole car elle est elle-même un gigantesque aimant.

 


Pour Gilbert la terre est un aimant.


 

Les aimants sphériques de Pierre de Maricourt pouvaient, de façon naturelle, amener à ce modèle. Gilbert en fera des "terellae", des petites Terres sur lesquelles il pourra promener une boussole. Il étudiera ainsi le phénomène d’inclinaison magnétique. Une boussole suspendue n’est horizontale qu’au niveau de l’Equateur. Elle s’incline ensuite quand on se dirige vers les pôles pour se présenter perpendiculaire à ceux-ci quand elle les atteint.

 

Il sait aussi que le Nord magnétique ne coïncide pas exactement avec le Nord géographique. Il n’ignore pas que Christophe Colomb, le premier, a observé la déclinaison, cet écart variable suivant les lieux entre le Nord et la direction de la boussole. Ces variations n’enlèvent rien au modèle qu’il propose. Il les attribue aux imperfections de la Terre qui, avec ses océans, ses montagnes, ses mines métalliques, est loin de l’homogénéité d’un aimant parfait.

 

Mais la nouvelle théorie pose un problème de vocabulaire. Si la Terre est un aimant, son pôle Nord géographique qui attire le pôle Nord de la boussole est donc, en réalité, le pôle Sud de l’aimant terrestre !

 

Pour éviter la confusion, des physiciens des siècles suivants, proposeront d’appeler "pôle magnétique positif" le pôle Nord de l’aimant et "pôle magnétique négatif" son pôle Sud. Le pôle Nord de la terre serait ainsi, tout simplement, un pôle "moins" magnétique. Hélas le succès de cette nomenclature ne fut pas au rendez-vous.

 

Les physiciens du 19ème siècle pensaient pouvoir échapper à la confusion en utilisant le terme de "magnétisme boréal" pour l’aimantation du pôle Nord terrestre et de "magnétisme austral" pour celle du pôle opposé. Ainsi le pôle Nord d’une boussole présentait-il un magnétisme "austral". Cet usage artificiel de synonymes ne réglait cependant, en rien, le problème.

 

Combat perdu : les scientifiques ont jusqu’à présent renoncé à réformer un vocabulaire imposé par des siècles de pratique. Nouvelle cicatrice de la science : nous devons nous accommoder d’un "Nord magnétique" des géographes qui est en réalité un "Sud magnétique" des physiciens.

 

L’ouvrage de Gilbert, qui, lui aussi, se reconnaît comme le continuateur de Pierre de Maricourt, restera la référence pendant près de deux siècles et c’est seulement à la fin du 18éme siècle que Coulomb viendra enrichir la connaissance du magnétisme par l’étude quantitative qu’il en fera au moyen de sa "balance".

Coulomb et la mesure

 

C’est d’abord le magnétisme qui fait connaître Coulomb. En 1777, son mémoire, intitulé "Recherches sur la meilleure manière de fabriquer les aiguilles aimantées", est primé par l’Académie des sciences.

 

Coulomb est de cette nouvelle génération de scientifiques qui mettent leur connaissance approfondie des mathématiques au service de la science expérimentale. Ses mémoires pourraient, encore aujourd’hui, donner lieu à d’intelligents exercices scolaires ou universitaires.

 

Quand il quitte le chantier du magnétisme, il nous a appris que, comme le fluide électrique, "le fluide magnétique agit suivant la raison inverse du carré des distances de ses molécules". Il a répertorié et amélioré les méthodes pour aimanter un barreau aimanté et pour en déterminer le degré d’aimantation.

 


montage de coulomb pour l’étude du magnétisme.

voir


Le domaine du magnétisme semble avoir été entièrement exploré. Du moins a-t-on pu le penser pendant les trente années qui ont suivi.


De l’aimant à l’électro-aimant.

 

Souvenons nous que, depuis l’année 1600, Gilbert a dressé une frontière entre l’ambre et l’électricité d’une part, l’aimant et le magnétisme d’autre part.

 

La frontière était-elle hermétique ? Pas totalement. D’abord parce qu’il est difficile de ne pas imaginer la même cause à des actions aussi visiblement proches que les attractions électriques, magnétiques et même de gravitation. Encore aujourd’hui, la grande "unification" est le rêve des physiciens.

 

Seconde raison : l’observation commune. Avant même que soit connue la nature électrique de la foudre, on savait qu’un éclair pouvait faire bouger l’aiguille d’une boussole et même, parfois, supprimer ou inverser son aimantation. La bouteille de Leyde permettait d’ailleurs de vérifier aisément le phénomène. "Je ne me souviens pas si je vous ai mandé" écrivait Franklin à son ami Cadwallader Colden, en 1751, "que j’ai changé les pôles d’une aiguille aimantée et donné le magnétisme et la polarité à des aiguilles qui n’en avaient point" et ceci en utilisant de volumineuses bouteilles de Leyde de 8 à 9 gallons (environ trente litres).

 

Quand, en 1800, Volta fait connaître sa pile, des espoirs renaissent. Comment ne pas voir dans cette colonne présentant deux pôles l’équivalent d’un barreau aimanté.

 

L’analogie entre les fluides électriques et magnétiques redevient un sujet d’actualité dans les laboratoires européens. Si des phénomènes encourageants ont pu être observés, ils ne laissent pourtant aucune trace avant la fameuse expérience réalisée par le physicien Danois Hans Christian Œrsted.

Hans Christian Œrsted (1777-1851).

 

Œrsted, professeur de sciences physiques à l’université de Copenhague, est du nombre de ceux qui aspirent à trouver la cause commune de l’électricité et du magnétisme.

 

Hans Christian Œrsted est né le 14 août 1777 dans l’île danoise de Langeland. Son père est pharmacien et lui fait suivre des études de médecine à Copenhague où il obtient le titre d’agrégé de la faculté de médecine en 1800, l’année même ou Volta fait connaître sa pile. Il tient un moment la pharmacie familiale mais a la chance de se voir attribuer, par son gouvernement, une bourse qui lui permet de voyager pendant cinq ans en Europe pour compléter son instruction. De retour au Danemark, il est nommé professeur de physique dans l’université de Copenhague.

 

Au début de l’année scolaire 1819-1820, il est occupé à un cours sur la pile Volta. Il en montre, en particulier, les effets thermiques, en portant à l’incandescence un fil de platine tendu entre ses deux pôles. Etait-ce un hasard ? Une aiguille aimantée se trouve sur la table, à proximité de la pile. Un assistant remarque, alors, une oscillation de l’aiguille quand les deux pôles de la pile sont réunis. C'est du moins ainsi que la légende de la découverte a été relatée.

 

En réalité il y a déjà plusieurs années que Oersted cherche à montrer une analogie entre magnétisme et électricité. Le phénomène est surprenant. On recherchait une analogie entre les pôles d’un aimant et ceux d’une pile en circuit ouvert. Il fallait, en réalité, fermer le circuit, et en quelque sorte neutraliser ces pôles, pour qu’une observation soit faite.

 


Œrsted découvre l’action magnétique des courants
(Louis Figuier, Les Merveilles de la Science)


Reprenant l’expérience dans le secret de son laboratoire, Œrsted constate que c’est bien le fil reliant les pôles qui est le siège d’un phénomène magnétique et non les pôles eux-mêmes. Il remarque, en particulier que les effets sont les plus spectaculaires quand le fil est parallèle à la direction de l’aiguille. Tous ces résultats sont publiés en juillet 1820 dans un mémoire intitulé : "Expériences relatives à l’effet du conflit électrique sur l’aiguille aimantée".

 

Œrsted, partisan de la théorie des deux électricités, positive et négative, imagine deux "tourbillons" de fluides électriques opposés agissant le long du fil. La "matière électrique négative décrit une spirale à droite et agit sur le pôle nord" dit-il, tandis que "la matière électrique positive possède un mouvement en sens contraire et a la propriété d’agir sur le pôle Sud ".

 

L’interprétation est archaïque et bien éloignée des théories d’action à distance héritées de Newton qui dominent à cette époque. L’observation, par contre, mobilisera, dans l’instant, l’ensemble des physiciens européens. Parmi eux, Ampère.

Ampère (1775-1836)

 

André-Marie Ampère fait partie de cette génération de jeunes physiciens talentueux armés des outils mathématiques les plus récents. A 33 ans il est déjà inspecteur général de l’Instruction Publique. La relation de l’expérience de Œrsted lui parvient au moment où il est devenu un professeur chevronné à l’école polytechnique. Il a alors l’idée de tester l’action de deux courants l’un sur l’autre.

 

Que feront deux fils parallèles parcourus par des courants de même sens. Vont-ils se repousser comme le font deux charges électriques de même signe ?

 

Vérification faite : ils s’attirent !

 

Par contre deux fils parcourus de courants en sens inverse se repoussent.

 

Le résultat peut alors s’énoncer sous la forme d’une loi inverse de celle de Dufay pour les charges électriques statiques :

 

Deux éléments de courants parallèles et de même sens s’attirent. Deux éléments de courants parallèles et de sens contraire se repoussent.

Un montage ingénieux.

 

Le montage réalisé pour cette étude est particulièrement ingénieux. Il s’agit d’un cadre rectangulaire mobile autour d’un axe. Cet axe est parallèle à un fil rectiligne vertical fixe. Le courant descend dans l’une des tiges verticales du cadre et monte donc dans l’autre.

 

Ce dispositif permet d’approcher du fil fixe, parcouru par un courant, un fil parallèle à celui-ci et parcouru d’un courant que l’on peut choisir de même sens ou de sens contraire.

 

Ce choix d’un cadre aura, nous le verrons, de fructueux effets sur la suite des travaux d’Ampère.

 


Le montage imaginé par Ampère pour étudier attraction et répulsion entre deux courants rectilignes. Le fil IL attire le fil DF et repousse le fil MG.

"Exposé des nouvelles découvertes sur l’électricité et le magnétisme, par MM.  Ampère et Babinet, Méquignon-Marvis, Paris, 1822"


 

L’annonce de ces résultats sera faite le 18 septembre 1820 c’est-à-dire une semaine après que les observations de Œrsted aient été connues de l’Académie des Sciences.

 

Plus tard, Ampère soulignera avec force la portée novatrice de son intuition :

 

« Lorsque M. Œrsted eut découvert l’action que le fil conducteur exerce sur un aimant, on devait, à la vérité, être porté à soupçonner qu’il pouvait y avoir une action mutuelle entre deux fils conducteurs ; mais ce n’était point une conséquence nécessaire de la découverte de ce célèbre physicien, puisqu’un barreau de fer doux agit sur une aiguille aimantée, et qu’il n’y a cependant aucune action mutuelle entre deux barreaux de fer doux. » (Ampère, Théorie mathématique des phénomènes électro-dynamiques uniquement déduite de l’expérience, A. Hermann. Paris 1826).

 

Il se pouvait en effet, expose Ampère, que le passage d’un courant électrique dans un fil conducteur ne lui donne, simplement, que la propriété du fer doux et donc n’implique aucune action entre les deux fils : deux barreaux de fer doux ne se repoussent pas !

 

« L’expérience pouvait seule décider la question : je la fis au mois de septembre 1820, et l’action mutuelle des conducteurs voltaïques fut démontrée. » .

 

La vraie découverte résiderait bien plus dans la mise en évidence de cette action mutuelle de deux courants que dans celle de l’action d’un courant sur un aimant faite par Œrsted. Telle semble être, du moins, l’opinion de Ampère au moment où il rédige ces lignes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il refuse la dénomination d’électro-magnétisme pour désigner cette nouvelle branche du savoir et qu’il essaie d’imposer, sans succès, le terme d’électro-dynamisme.

 

Poursuivant l’étude du phénomène, il en établira la loi mathématique et montrera, en particulier, que les forces exercées entre deux éléments conducteurs sont inversement proportionnelles au carré de leur distance. Une loi qui retrouve la forme des celles énoncées par Newton pour la gravitation et par Coulomb pour l’électrostatique et le magnétisme. C’est d’ailleurs de Newton dont il revendique la filiation :

 

« Observer d’abord les faits, en varier les circonstances autant qu’il est possible, accompagner ce premier travail de mesures précises pour en déduire des lois générales, uniquement fondées sur l’expérience, et déduire de ces lois, indépendamment de toute hypothèse sur la nature des forces qui produisent les phénomènes, la valeur mathématique de ces forces, c’est à dire la formule qui les représente, telle est la marche qu’a suivie Newton. Elle a été, en général, adoptée en France par les savants auxquels la physique doit les immenses progrès qu’elle a faits dans ces derniers temps, et c’est elle qui m’a servi de guide dans toutes mes recherches sur les phénomènes électro-dynamiques. »

La terre est un électro-aimant.

 

Le cadre mobile utilisé pour établir la loi d’attraction et de répulsion des courants devait être utilisé avec précaution.

 

En effet, en y faisant passer un courant, alors que le fil fixe n’était pas encore alimenté, on observait une rotation du cadre qu’Ampère pouvait immédiatement attribuer à l’action de l’aimant terrestre sur ce dispositif particulièrement sensible. Pour éviter toute perturbation provenant de l’action de la terre, il fallait donc placer le plan du cadre perpendiculaire à la direction Nord/Sud.

 

L’étude du magnétisme terrestre devenait alors un nouveau champ d’investigation avec pour détecteur, non plus une aiguille aimantée, mais un cadre mobile parcouru par un courant. Le cadre pouvait même être incliné comme une boussole des tangentes, cette aiguille aimantée suspendue de telle sorte qu’elle puisse s’incliner dans la direction réelle des lignes du champ magnétique terrestre. Il apparaissait alors que : « quelle que soit la position qu’on donne au conducteur, » il ne s’immobilisait « que dans la situation où son plan est perpendiculaire à la direction connue de l’aiguille d’inclinaison. »

 

Guidé par ses premières observations, Ampère ne voit qu’une seule explication :

 

« cet effet se trouve expliqué par la même supposition des courants électriques dirigés de l’est à l’ouest dans le globe de la terre... ».

 

Gilbert avait su voir que la Terre était un gigantesque aimant. Ampère précisait qu’il s’agissait d’un électro-aimant résultant de courants électriques circulant en boucles à l’intérieur du Globe. Cette hypothèse est toujours d’actualité.

Du cadre mobile au solénoïde

 

Le cadre rectangulaire peut être remplacé par une spire. La bonne idée est d’enrouler le fil, non plus dans un plan, mais en hélice. sur un tube de verre isolant constituant ainsi ce que Ampère appellera plus tard un "solénoïde" (du grec sôlên, canal, et eidos, forme).

 


Solénoïde.
(Louis Figuier, Les Merveilles de la Science)


 

Ce montage deviendra particulièrement efficace quand le physicien Johann Schweigger aura eu l’idée d’isoler les fils conducteurs en les entourant de soie, permettant ainsi la réalisation de spires jointives et même d’en superposer plusieurs couches.

 

Ce solénoïde, parcouru par un courant, a toutes les caractéristiques d’un barreau aimanté. Il présente à ses extrémités des pôles Nord et Sud (Austral et Boréal, dirait Ampère). Il peut s’orienter dans le champ magnétique terrestre. Il peut agir sur une aiguille aimantée.

Du solénoïde à l’aimant droit.

 

Une hypothèse alors largement admise, pour interpréter l’action des aimants, est l’existence de "fluides", de "charges" ou de "masses" magnétiques dans ceux-ci. Un fluide magnétique "austral" agirait au pôle nord de l’aimant, un fluide magnétique "boréal" au pôle sud.

 

Après avoir expliqué le magnétisme terrestre par l’existence de courants électriques parcourant le globe, Ampère étend tout naturellement cette hypothèse aux barreaux aimantés :

 

« ...puisque nous avons vu que nous pouvions assimiler l’effet produit par le globe, soit sur un conducteur mobile, soit sur un aimant, à celui d’un courant électrique dirigé de l’est à l’ouest, nous devons pouvoir rendre raison de tous les phénomènes que présentent les aimants, en imaginant dans ceux-ci une disposition analogue... »

 


Barreau aimanté représenté comme parcouru par des courants de direction Est/Ouest, à l’image de l’aimant terrestre.

"Exposé des nouvelles découvertes sur l’électricité et le magnétisme, par MM.  Ampère et Babinet, Méquignon-Marvis, Paris, 1822"


 

Un aimant est donc le siège de courants électriques. Ces courants forment des boucles perpendiculaires à l’axe de l’aimant, tournant toutes dans le même sens. Leur résultante superficielle donne à l’aimant une apparence de solénoïde.

 

L’hypothèse est hardie à un moment où on ne connaît rien de la nature des atomes et à plus forte raison des électrons.

 

Cette analogie se renforce quand Ampère à connaissance des expériences faites par le physicien Arago. Celui-ci à d’abord l’idée de présenter de la limaille de fer à l’action d’un fil parcouru par un courant : la limaille est attirée et retombe dès que le courant cesse. Une aiguille d’acier présentée au courant s’aimante et conserve cette aimantation.

 

Arago, puis Ampère, imaginent alors d’introduire un barreau d’acier dans un solénoïde. Leur intuition se vérifie : le barreau s’aimante en présentant les mêmes pôles que ceux du solénoïde.

 

Voici donc le moyen efficace et rapide de fabriquer des aimants permanents. Coulomb, qui en avait fait un de ses principaux objets d’étude, aurait aimé vivre cet instant.

 

Tout aussi digne d’intérêt : une tige de "fer doux" placée dans un solénoïde s’aimante également mais perd son aimantation dès que le courant cesse. Mieux qu’un aimant permanent, l’aimant temporaire, l’électro-aimant vient d’être découvert.

 

C’est l’électroaimant qui bientôt transportera des charges métalliques mais aussi permettra d’imaginer le télégraphe et surtout les moteurs puis les génératrices électriques.

 

De Ampère nous retiendrons également le "bonhomme" placé sur le conducteur de façon à ce que le courant "positif" lui entre par les pieds. La force qui agit sur le pôle nord de la boussole qu’il regarde, se dirige vers sa gauche.


Le bonhomme dessiné par Ampère.

 

voir aussi : Au sujet du sens du courant électrique, du bonhomme d’Ampère et du tire-bouchon de Maxwell.


Ampère publie l’ensemble de ses travaux en 1826, sous le titre "Théorie mathématique des phénomènes électro-dynamiques uniquement déduite de l’expérience". L’expérience : le mot est essentiel. Quelles que soient les hypothèses qui pourront être formulées sur le magnétisme, ma loi restera juste, affirme Ampère, car elle "restera toujours l’expression des faits".

 

Les faits l’ont imposé : l’ambre et l’aimant se sont à nouveau rencontrés. L’électromagnétisme est né.


Voir aussi :

 

"Gilbert, qu’on peut à juste titre appeler le père de l’électricité moderne"

 

L'expérience de Hans-Christian Œrsted (1820)

 

Ampère jette les bases de l'électrodynamique (septembre 1820-janvier 1821)

 


Pour aller plus loin :

 

Cet ouvrage retrace l’histoire de l’électricité et des savants qui ont marqué son évolution.

L’électricité paraît être une énergie évidente et n’étonne aujourd’hui plus grand monde ; son utilisation est très banale, et pourtant un nombre incalculable de nos actes et modes de vie ne sauraient se passer de son indispensable compagnie. L’électricité est une science récente… mais, des Grecs de l’Antiquité qui, en frottant l’ambre, s’émerveillaient de ses propriétés électrostatiques aux Curie étudiant la radioactivité, de découvertes heureuses en expériences dramatiques, portés par des hommes et des femmes qui ont tout sacrifié à la compréhension des phénomènes électriques, plus de vingt-cinq siècles ont défilé avant que l’on perçoive, peut-être, l’essence de cette force naturelle.

 

Au fil d’un récit imagé - celui d’une succession de phénomènes généralement discrets qui, sous le regard d’observateurs avertis, débouchèrent sur des applications spectaculaires - nous croiserons des dizaines de savants, d’inventeurs et de chercheurs dont les noms nous sont déjà familiers : d’Ampère à Watt et de Thalès de Milet à Pierre et Marie Curie, ce sont aussi Volta et Hertz, Ohm et Joule, Franklin et Bell, Galvani et Siemens ou Edison et Marconi qui, entre autres, viennent peupler cette aventure. On y verra l’ambre conduire au paratonnerre, les contractions d’une cuisse de grenouille déboucher sur la pile électrique, l’action d’un courant sur une boussole annoncer : le téléphone, les ondes hertziennes et les moteurs électriques, ou encore la lumière emplissant un tube à vide produire le rayonnement cathodique. Bien entendu, les rayons X et la radioactivité sont aussi de la partie.

 

De découvertes heureuses en expériences dramatiques, l’électricité reste une force naturelle qui n’a pas fini de susciter des recherches et de soulever des passions.


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8 janvier 2025 3 08 /01 /janvier /2025 20:36

De Galvani à Volta.

La découverte de la pile électrique.

par Gérard Borvon

 

         Qu'est devenue la science électrique à l'orée du 19ème siècle ? Conducteur, isolant, fluides électriques positifs et négatifs, sont devenus des concepts bien établis. Des machines électriques ont été perfectionnées, alimentant des batteries de bouteilles de Leyde. Dans les foires, dans les "cabinets de curiosités", elles ont attiré des foules de badauds. On connaît la nature électrique de la foudre et on sait s'en protéger.

 

Pourtant, après ces premiers succès spectaculaires, l'électricité semble, à nouveau, être venue se réfugier dans le cabinet du médecin. Le seul endroit où elle paraisse utile. Même si la bouteille de Leyde n'a pas répondu aux attentes des paralytiques, un bon "choc électrique" donnera encore l'illusion d'une thérapie efficace.

 

Plus sérieusement cependant, un biologiste curieux peut vouloir comprendre l'influence de l'électricité sur les corps animés et en particulier sur les muscles. Parmi ceux-ci, Galvani.

 

 

Galvani et les grenouilles.

 

         Aloysius Galvani (1737-1798) est professeur d'anatomie à l'université de Bologne. Comme beaucoup de ses confrères physiologistes, il possède une solide formation de chimiste et de physicien. Concernant l'électricité, il y voit l'un des moteurs de la vie animale. Le fluide nerveux ne serait-il pas un fluide électrique ? Galvani, chercheur méthodique, étudie plus généralement les facteurs susceptibles d'exciter les nerfs et de provoquer une contraction musculaire. La grenouille devient dès lors son partenaire principal.

 


 

dessin de Laëtitia B. 1ère S du lycée de l’Elorn à Landerneau. Année 1991-92
 


 

         En débarrassant une grenouille fraîchement tuée de sa peau et en sectionnant son arrière-train, on libère facilement les nerfs qui commandent les muscles de ses cuisses (les nerfs cruraux). Ces nerfs peuvent alors faire l'objet de stimulations diverses, mécaniques, thermiques, chimiques... électriques.

 

         Depuis 1772, Galvani fait régulièrement parvenir le résultat de ses recherches à l'Académie de Bologne. Comptes-rendus sages jusqu'à ce soir de l'année 1780 où le hasard se mêle à la partie. Galvani se trouve alors dans son laboratoire où il répète, avec quelques élèves, certaines des expériences sur l'excitation des muscles de grenouille. Une grenouille a été sacrifiée et son arrière-train repose sur la table du laboratoire.

 

A distance respectable, une machine électrique se trouve sur la même table. Un assistant est justement occupé à l'actionner pour des expériences de physique. En ces années 1780, les machines électriques sont déjà puissantes. Celle conçue par Van Marum, physicien hollandais, utilise un disque de verre frotté, associé à de volumineuses bouteilles de Leyde. Elle autorise la production d'étincelles qui prennent la forme de véritables arcs électriques.

 

Revenons à la cuisse de grenouille. N'a-t-elle pas encore été totalement apprêtée ? Toujours est-il qu'un assistant touche, de la pointe de son scalpel, l'extrémité du nerf qui a été dégagé. Au même moment il observe une exceptionnelle contraction des membres de l'animal comme "pris de convulsions tétaniques".

 

Plus que la violence des contractions, les circonstances de leur production sont extraordinaires. Combien de grenouilles n'a-t-on pas déjà disséquées et combien de fois n'a-t-on pas porté le scalpel sur un nerf sans qu'aucun effet notable ne s'en suive ?

 

 

Expérience de Galvani

(Les Merveilles de la Science)

 

Fort heureusement, à distance, se trouve une personne attentive : la tradition désigne madame Lucia Galvani. Elle n'est pas dans le laboratoire par hasard, c'est une collaboratrice constante de son mari et elle est rompue aux observations scientifiques. C'est donc elle qui sait voir que, le scalpel touchant le nerf, les contractions n'apparaissent qu'au moment exact où une étincelle éclate à la machine ! Madame Galvani, après plusieurs observations répétées en informe alors son mari :

 

"Emerveillée de la nouveauté du fait, elle vint aussitôt m'en faire part. J'étais alors préoccupé de toute autre chose ; mais pour de semblables recherches, mon zèle est sans bornes, et je voulus répéter par moi-même l'expérience et mettre au jour ce qu'elle pouvait présenter d'obscur. J'approchais donc moi-même la pointe de mon scalpel tantôt de l'un, tantôt de l'autre des nerfs cruraux, tandis que l'une des personnes présentes tirait des étincelles de la machine. Le phénomène se produisit exactement de la même manière : au moment même où l'étincelle jaillissait, des contractions violentes se manifestaient dans chacun des muscles de la jambe, absolument comme si ma grenouille préparée avait été prise de tétanos". (mémoire en latin adressé en 1790 à l'académie de Bologne - traduction par Louis Figuier - Merveilles de la Science - tome I -  page 604).

 

L'histoire devient rapidement légende. Dans l'une des versions les plus répandues, madame Galvani est réduite au rôle d'une brave ménagère venue apporter un bouillon de cuisses de grenouilles à son mari enrhumé. Le siècle admet difficilement que des femmes, Madame Lavoisier ou Madame Galvani, puissent avoir joué un quelconque rôle dans le domaine des sciences. Louis Figuier, remarquable vulgarisateur de la fin du 19ème siècle, rapporte que, déjà étant élève de terminale de son lycée, il avait relevé, dans les manuels en usage, 21 versions différentes de cette histoire. Même Alibert dans son "éloge historique de Galvani"   et Arago, dans son "éloge historique de Volta" n'échapperont pas à la mode.

 

 

Il serait certainement amusant de rechercher les nouvelles fantaisies dont la liste aurait pu s'enrichir dans le siècle qui a suivi.

 



La légende de Mme Galvani.(Laëtitia B).


 

Emerveillé lui-même, Galvani consacrera six longues années à étudier le phénomène. Deux éléments entrent en jeu dans l'excitation du nerf : l'étincelle électrique et le corps étranger touchant l'extrémité du nerf.

 

Les premières expériences portent sur le corps étranger. Après avoir multiplié les tests, Galvani constate qu'il doit simplement être conducteur. On ne s'étonnera pas de ce résultat aujourd'hui où nos toits sont hérissés d'antennes conductrices, captant et transformant en courants électriques les ondes électromagnétiques diffusées à distances par des émetteurs divers (ce rôle étant joué ici par la machine produisant des étincelles, le scalpel tenant lieu d'antenne).

 

La seconde série d'expériences porte sur la nature de l'étincelle. Qu'elle soit issue d'une machine ou d'une bouteille de Leyde. Qu'elle soit extraite d'un corps chargé positivement ou négativement, le résultat est le même.

 

Poussant sa recherche jusqu'à l'extrême, Galvani imagine de ne pas cantonner son observation à la modeste étincelle produite par une machine mais, à l'image de Franklin, de tester la foudre. Galvani fait élever une pointe de fer au-dessus de sa maison, un fil métallique partant de cette tige est amené dans son laboratoire jusqu'au crochet soutenant l'arrière train d'une grenouille. Galvani sait-il qu'en 1753, un tel montage a foudroyé le physicien Richmann ? On peut le penser, mais la curiosité scientifique fait bien souvent oublier la prudence. La tentative en valait d'ailleurs la peine car le succès est au rendez-vous. Quand un orage approche, la chute, à distance, d'un éclair, même modeste, provoque la contraction du muscle de grenouille.

 

Il semble, même, que de faibles variations de l'état électrique de l'atmosphère puisse avoir de l'influence. Pour s'en assurer Galvani se propose un montage simple : il consiste à suspendre, par un crochet (qui se trouve être de cuivre), une cuisse de grenouille à la balustrade de fer de son logement. Le 20 septembre 1786, le ciel est résolument bleu et rien ne se passe. Pourtant, dans la vie de Galvani, tout bascule.

 

 

 

Galvani teste l'électricité atmosphérique.

(Les Merveilles de la Science)

 

Lassé d'observations sans succès et prêt à renoncer, Galvani frotte le cuivre du crochet contre le fer du balcon, dans le but, semble-t-il, de rendre le contact plus efficace. Aussitôt les pattes de la grenouille se contractent. Il en est ainsi à l'occasion de chaque nouveau contact. Le phénomène se reproduit également dans le laboratoire avec une plaque de fer et un crochet de cuivre bien décapés.

 

Sur le balcon de Galvani. (Laëtitia B).

 

Aucun besoin d'une machine électrique, inutile d'attendre un éclair d'orage ! L'électricité responsable de la contraction peut donc également ne résulter que d'une cause interne au montage utilisé. Une cuisse de grenouille, un crochet de cuivre, une plaque de fer se suffisent à eux mêmes !

 

Pour Galvani, physiologiste à la recherche de la nature de l'influx neveux, le doute n'est pas permis. Seul le muscle de la grenouille est capable de produire cette électricité. L'expérimentateur s'est contenté de découvrir le dispositif le plus favorable à sa circulation. Et ce dispositif est simple : il suffit de constituer un arc conducteur entre le nerf et l'extérieur du muscle. Le fer et le cuivre, pense Galvani, n'ont pas d'autre rôle que celui de fermer le circuit. Un simple et unique fil métallique semble d'ailleurs convenir même si son efficacité est très faible. Le meilleur résultat, cependant, demande un montage complexe : il faut entourer l'extrémité du nerf d'une feuille d'étain, les muscles d'une feuille d'argent et relier ces métaux par un fil de cuivre. Nous le savons aujourd'hui, Galvani réalise ainsi une superbe "pile" du type de celle qui nous agace quand nous touchons l'or d'une couronne dentaire avec la pointe d'une fourchette d'acier.

 

Mais Galvani suit son idée et ne cherche pas à tirer parti de l'observation qu'il fait de la meilleure efficacité d'une chaîne de métaux différents. Le muscle et le nerf, seuls, l'intéressent et l'interprétation lui semble évidente : le muscle est une "bouteille de Leyde" dont le nerf serait en relation avec l'armature interne et dont la surface serait l'armature externe. "Il y a une telle identité apparente de causes, dit-il, entre la décharge de la bouteille de Leyde et nos contractions musculaires, que je ne puis détourner mon esprit de cette hypothèse". Le "muscle - bouteille de Leyde", se chargerait par un processus biologique pour se décharger brutalement après l'établissement d'un circuit conducteur externe. Ce courant de décharge étant à l'origine de la contraction musculaire.

 

L'idée d'une électricité d'origine biologique n'est pas nouvelle. Dès la découverte de la bouteille de Leyde, plusieurs physiciens, dont Musschenbroek lui-même, en avaient comparé les effets à ceux de la "Torpille". Depuis l'Antiquité on connaît ce poisson particulier de la famille des raies et dont le contact produit, sur ses victimes, un choc suivi d'une étrange "torpeur". On sait aujourd'hui que, même si les tensions mises en jeu sont inférieures aux dizaines de milliers de volts de la bouteille de Leyde, elles sont cependant de l'ordre de 500 volts. Tension suffisante pour secouer un homme adulte et pour assommer le menu fretin d'une pêche électrique  garantie "biologique".

 

L'idée d'un "muscle - bouteille de Leyde" n'est pas, non plus, totalement fausse. On sait aujourd'hui qu'il existe bien une différence de potentiel entre l'intérieur et l'extérieur d'un muscle au repos. Mais elle est, au plus de quelques dizaines de millivolts et ne peut procurer les contractions observées.

 

Galvani fait connaître l'ensemble de ses travaux dans les "Mémoires de l'Académie de Bologne" publiés en l'année 1791. A cette occasion il énonce l'hypothèse d'une "électricité animale" responsable des phénomènes vitaux. La théorie est séduisante. Elle rencontre l'adhésion des physiologistes qui, déjà, soupçonnent l'importance des phénomènes électriques dans le fonctionnement des organismes animaux. Elle fait le bonheur des médecins qui imaginent pouvoir justifier, avec plus de force, la présence de machines électriques dans leur cabinet. Peut-être, un jour, l'électricité fera-t-elle réellement marcher des paralytiques, peut-être soulagera-t-elle un cœur fatigué, peut-être rendra-t-elle l'audition aux sourds et la vue aux aveugles ?

 

L'hypothèse se heurte, aussi,  à de solides oppositions. Surtout de la part des physiciens. Dans le couple "métal/muscle", leur spécialité les amène à privilégier les métaux plutôt que les tissus vivants.

 

Parmi ceux-ci, un confrère italien de Galvani : Alexandre Volta (1745-1827).

 

Volta et la pile électrique.

 

         Volta est un professeur de physique qui enseigne d'abord à Côme puis à Pavie. C'est un scientifique "voyageur". On le trouve en Suisse où il rencontre Voltaire, en hollande où Van Marum lui présente sa célèbre "machine électrique", en Angleterre où il est reçu par Priestley, à Paris où il travaille avec Lavoisier.

 

Il est aussi l'auteur d'une abondante correspondance académique qui lui vaut un succès d'estime dès ses premiers travaux. Son "pistolet électrique" est particulièrement célèbre. Conçu vers 1777, il est constitué d'un tube traversé par deux électrodes et fermé par un bouchon à l'intérieur duquel on emprisonne un mélange d'air "inflammable" (hydrogène) et d'air "vital" (oxygène). Quand une étincelle est provoquée entre les deux électrodes, une explosion se produit qui expulse le bouchon avec violence. Plus tard ce dispositif prendra la forme plus sage d'un "eudiomètre" permettant la mesure des volumes gazeux intervenant dans ces réactions explosives. Volta l'utilisera ainsi pour étudier la combustion du "gaz des marais", c'est à dire du méthane recueilli dans le fond vaseux des marécages.

 

Volta, comme tous ses confrères européens, est fasciné par les observations de Galvani et son hypothèse de l'électricité animale. Après vérification, il adopte dans un premier temps les vues de son collègue de Bologne. Pourtant, rapidement, sa formation de physicien reprend le dessus. Là où Galvani voyait de "l'électricité animale", il trouvera de "l'électricité métallique. "Lorsque deux métaux sont en contact l'un avec l'autre, par suite de ce contact, par l'effet de cette hétérogénéité de nature, il y a développement d'électricité", estime-t-il.

 

Nous ne donnerons pas ici le détail de la lutte acharnée entre Galvani, Volta et leurs disciples respectifs. Si Volta vérifie la production d'électricité métallique en testant la série la plus étendue possible de couples métalliques, Galvani lui répond en obtenant la contraction d'une cuisse de grenouille tout simplement en recourbant le nerf et en l'appliquant sur la partie externe du muscle. Aucun besoin d'un métal : match nul !

 

Pourtant la victoire finira par tomber de façon éclatante dans le camp de Volta le jour où il imaginera la "pile" qui le rendra célèbre.

 

Mais avant d'aller plus loin, évoquons deux "inventions" de l'habile expérimentateur qu'est Volta. D'abord l'électromètre à brin de paille : deux brins de pailles sont suspendus ensemble dans un flacon bien sec à une tige conductrice. Celle-ci traverse le bouchon et supporte un plateau métallique. Quand on touche le plateau d'un corps chargé d'électricité, les deux pailles s'écartent. Amélioré, ce montage, déjà très sensible, deviendra électromètre à feuilles d'or.

 

Citons ensuite l'électrophore qui deviendra "condensateur", nom attribué par Volta à deux disques de laiton soigneusement poli et recouverts d'un vernis isolant, placés l'un sur l'autre, face isolante en regard. Sans entrer dans le détail de son fonctionnement, disons que le "condensateur" permet de charger plusieurs fois de suite l'un de ses plateaux par l'action à distance d'un corps électrisé sans avoir à décharger celui-ci. Associé à un électroscope, il permet de multiplier et donc de mieux observer les effets d'une infime charge électrique.

 

Muni de ces deux appareils, Volta est donc bien armé pour explorer le délicat mécanisme mis en jeu dans l'expérience de Galvani. C'est ainsi qu'il affirme constater que deux métaux différents, mis simplement en contact, se trouvent chargés l'un négativement, l'autre positivement, quand on les sépare.

 

Explication ? Volta imagine que les métaux sont non seulement conducteurs du fluide électrique mais encore "moteurs" de ce fluide. Ce fluide est, pour Volta, le fluide unique de Franklin. Pour le faire circuler, inutile de s'encombrer d'une machine : le simple contact entre deux métaux différents suffit à le faire passer de l'un à l'autre. Tous les couples n'ont d'ailleurs pas la même efficacité. Parmi ceux testés par Volta le couple Argent/Zinc lui semble le plus efficace. Quand on associe ces deux métaux le fluide électrique "passe de l'Argent au Zinc"  de telle sorte qu'une "tension électrique" positive se crée dans le zinc pendant qu'une "tension" négative apparaît dans l'argent.

 

Une "tension " : un mot nouveau vient enrichir le vocabulaire électrique en même temps que le terme de "électromoteur", par lequel Volta désigne le couple des deux métaux siège d'une "force électromotrice".

 

Les choses se passent-elles vraiment si simplement ? En réalité, pour observer les tensions positives ou négatives des métaux de ses couples, Volta est bien souvent obligé d'user d'un artifice : une rondelle de carton ou de feutre humide entre le métal et la plaque de cuivre de l'électroscope.

 

Ce simple conducteur n'influe en rien sur le phénomène, affirme Volta, mais a uniquement pour rôle de renforcer le contact électrique.

 

L'usage de ce "conducteur" humide permet aussi d'associer en série plusieurs couples métalliques en intercalant une rondelle imbibée de liquide entre deux couples successifs. Avec 2,3 ou 4 couples ont augmente les tensions entre les métaux extrêmes dans les mêmes proportions. Et pourquoi s'arrêter à quatre ?

 

Posez, dit Volta, une pièce d'argent sur une pièce de zinc, puis une rondelle de carton ou de feutre humide sur le zinc et poursuivez par couches successives jusqu'à vingt ou plus de couples. Vous obtenez ainsi une "colonne" formée d'éléments empilés. Une "pile" dira-t-on bientôt.

 


La "pile" de Volta. (Laëtitia B).

 

Si cette colonne, nous dit Volta, "parvient à contenir environ vingt de ces étages ou couples de métaux, elle sera déjà capable, non seulement de faire donner des signes à l'électromètre de Cavallo, aidé du condensateur au-delà de dix ou quinze degrés, de charger ce condensateur au point de lui faire donner une étincelle, mais aussi de frapper les doigts avec lesquels on vient toucher ses deux extrémités."

 

C'est par une lettre adressée le 20 mars 1800 à Joseph Banks, président de la Royal Society de Londres, que Volta fait part au monde des électriciens de la naissance de ce nouvel enfant de la science électrique. Dès les premiers mots Volta soigne sa mise en scène :

 

La pile de Volta

(Les Merveilles de la Science, y lire aussi la lettre de Volta)

 

" Après un long silence dont je ne chercherai pas à m'excuser, j'ai le plaisir de vous communiquer, Monsieur, et par votre moyen à la société royale, quelques résultats frappants auxquels je suis arrivé en poursuivant mes recherches sur l'électricité excitée par le simple contact des métaux de différentes espèces...

 

Le principal de ces résultats, et qui comprend à peu près tous les autres, est la construction d'un appareil qui ressemble par ses effets (c'est-à-dire pour les commotions qu'il est capable de faire éprouver dans les bras", etc.) aux bouteilles de Leyde, et mieux encore aux batteries électriques faiblement chargées, qui agiraient cependant sans cesse, et dont la charge, après chaque explosion, se rétablirait d'elle-même ; qui jouirait en un mot dune charge indéfectible, d'une action sur le fluide électrique , ou impulsion, perpétuelle...

 

Oui, l'appareil dont je vous parle, et qui vous étonnera sans doute, n'est qu'un assemblage de bons conducteurs de différentes espèces, arrangés d'une certaine manière. Vingt, quarante, soixante pièces de cuivre, ou mieux d'argent, appliquées chacune à une pièce d'étain, ou, ce qui est beaucoup mieux, de zinc et un nombre égal de couches  d'eau ou de quelque autre humeur qui soit meilleur conducteur que l'eau simple, comme l'eau salée, la lessive, etc. ; ou des morceaux de carton, de peau, etc., bien imbibés de ces humeurs... "

 

Suit une description précise de l'appareil et de ses effets. L'empilement peut d'ailleurs être plus commodément remplacé par un autre dispositif comme le propose Volta lui-même dans ce qu'il nomme un "appareil à couronne de tasses". Nous présenterons, dans un prochain chapitre, quelques dispositifs de ce type. Cependant, le succès du mot "pile" est tel qu'il se maintiendra dans le vocabulaire électrique jusqu'à nos jours même si une "pile alcaline", une "pile à combustible" ou une "pile photovoltaïque" sont bien loin de correspondre à un quelconque empilement !

 

La lettre de volta est lue devant les membres de la Royal Society le 26 juin mais dès le mois d'avril son contenu était connu des membres de la société. On imagine facilement la perplexité des savants réunis et l'agitation de leurs laboratoires dans les jours qui ont suivi. Dès le mois de Juillet, le "Journal philosophique de Nicholson" publiait à la fois la lettre de Volta et le récit d'une multitude d'expériences aussitôt exécutées par ceux qui en avaient été informés.

 

En France, l'Académie des Sciences, institution royale, a été remplacée par l'Institut National des Sciences. Volta est invité à y présenter son mémoire  en public. Cette lecture occupe trois séances consécutives les 16, 18 et 20 brumaires de l'an IX (Novembre 1800). Après chaque séance, Volta exécute les expériences décrites dans son mémoire. La seconde séance, à laquelle assiste Bonaparte provoque chez celui-ci un profond sentiment d'admiration pour le savant italien qu'il conservera toute sa vie. Au moyen d'une pile de quarante quatre couples, Volta produit de fortes commotions mais aussi des étincelles, la combustion d'un fil de fer et même la décomposition de l'eau.

 

Il fait également réaliser l'expérience du pistolet électrique, parfaitement adaptée au célèbre militaire auquel il s'adresse. Deux électrodes traversent la paroi d'une éprouvette à gaz, de la forme d'un pistolet, renfermant un mélange "tonnant" d'hydrogène et d'oxygène dans les proportions déterminées par Lavoisier. L'étincelle provoquant l'explosion, habituellement générée par une machine à friction, comme celle de Van Marum qui équipait le laboratoire de Lavoisier, est cette fois déclanchée par la pile. Le bruit de l'explosion et la violence avec laquelle fut expulsé le bouchon fermant le "pistolet" réveillèrent un auditoire qui n'était pas nécessairement uniquement composé de "savants".

 

Les appareils de Volta (Revue "La Nature", 1881)

 

La séance étant finie, Bonaparte, lui-même membre de l'Institut, propose de décerner à Volta une médaille d'or qui "servirait de monument" et marquerait l'époque de sa découverte. Il demande également qu'une commission soit nommée pour répéter toutes les expériences présentées par Volta. Parmi les membres de cette commission le "citoyen Coulomb" aura ainsi la chance de voir s'ouvrir une nouvelle branche de la science électrique au moment ou se termine sa propre carrière.

 

Le rapport de la commission est lu par Biot à la séance du 11 frimaire an IX (décembre 1800). L'exposé utilise, en particulier, les notions de "tension" et de "force électromotrice" introduites par Volta et qui survivront dans le vocabulaire électrique. Conformément au vœu de Bonaparte une médaille d'or de l'Institut est attribuée au savant italien ainsi qu'une somme de 6000 francs pour ses "frais de route".

 

 


Bonaparte enthousiaste. (Laëtitia B.)

 

Bonaparte, conscient de l'avenir de cette nouvelle science, souhaite accélérer son développement. Le 26 prairial an X (juin 1801), il adresse d'Italie à Chaptal, alors ministre de l'intérieur, une lettre dans laquelle il demande à l'Institut de créer un prix de 3000 francs "pour la meilleure expérience qui sera faite dans le cours de chaque année sur le fluide galvanique" ainsi qu'un prix de 60 000 francs "à celui qui, par ses expériences et ses découvertes, fera faire à l'électricité et au galvanisme un pas comparable à celui qu'on fait faire à ces sciences Franklin et Volta".

 

Napoléon, précise : "Les étrangers de toutes les nations seront également admis au concours".

 

Quelques dizaines de rondelles d'argent ou de cuivre, autant de rondelles de zinc, de carton ou de feutre, de l'eau, (de préférence acidulée), suffisent pour entrer dans ce nouveau monde encore jamais exploré du "courant continu" avec la certitude d'en rapporter quelques brillantes pépites..

 

C'est d'Angleterre que partiront les premiers aventuriers.

 

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Voir aussi : La pile électrique, toute une histoire, par Hélène Bernicot.

                   Eloge de Volta par Arago

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Cet article est extrait d'un ouvrage paru chez Vuibert en juin 2009.

 

 

 

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Une vidéo du site Ampère-CNRS

 

 

 

 

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1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 16:14

Loin de l'agitation du monde, il existe toujours un lieu où se poser.

photo Annaïck Chauvet.

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 19:08

 

 

Une industrie chimique des algues en Bretagne

par Gérard Borvon et les élèves du lycée de l'Elorn à Landerneau.

 

Goémon, blé des vagues, pain de mer. Moisson qui lève sans semailles.

(Pierre Jakez Hélias)

 

 

 

Ce texte est le résultat d'une recherche à la fois historique et pédagogique menée avec des classes de seconde du lycée de Landerneau entre les années 1995 et 2000.

 

C'est un travail historique : il montre l'évolution et la permanence d'une industrie liée aux algues en Bretagne depuis le début du 18ème siècle.

 

C'est un travail pédagogique avec pour objectifs :
- de sortir l'enseignement des murs de l'école.
- de faire participer les élèves à la construction de leur savoir.
- d'étudier un programme dans le cadre d'un projet.
- de situer une science et une technique, comme toute activité humaine, dans l'histoire et en particulier celle d'une région.

 

 

 

Vous y trouverez tous les dosages des éléments contenus dans les cendres d'algues. Les méthodes d'extraction de l'iode et des alginates. Les formules de masques de beauté et de moulages aux alginates. La recette d'un "flan" au "pioka". Le texte que nous présentons ici est une invitation à aller plus loin.

 

 

 

Une industrie chimique dans le Nord-Finistère

 

Le Nord-Finistère, en Bretagne, n'est pas particulièrement réputé pour son industrie chimique. Pourtant, depuis le 17e siècle, c'est à dire depuis le début de la chimie, une activité chimique y est menée, sans interruption, autour des algues.

 

L'industrie de la "soude" (carbonate de sodium) se développe d'abord. On extrait ce produit des cendres de goémons séchés. Il est indispensable à la fabrication du verre. Cette activité s'arrête à la fin du 18e siècle quand de nouveaux procédés sont découverts.

 

Elle reprend en 1829 après que le chimiste Bernard Courtois ait découvert, en 1812, un nouveau et utile produit dans les cendres d'algues : l'iode. L'iode est utilisée, en particulier, en photographie et en médecine. Sa production en Bretagne s'arrête en 1952 à cause de la concurrence de l'iode extrait des nitrates du Chili.

 

Aujourd'hui le relais est pris par l'extraction des alginates contenus dans les grandes laminaires.

 

 

En 1883 Edward Stanford isole l'algine des algues, plus tard le norvégien Axel Kefting en extrait l'acide alginique. La production à grande échelle commence en 1930. La Bretagne en produit environ 2000 tonnes dans les usines de Lannilis et Landerneau. Les alginates sont des agents épaississants et stabilisateurs qui interviennent aussi bien dans l'industrie pharmaceutique que dans l'industrie alimentaire ou celle du papier, des colorants ou des produits de moulage.

 

Plus confidentiels mais tout aussi riches d'intérêt sont les usages alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques des algues.De nombreux laboratoires, dans le Finistère, travaillent dans ces domaines pour des produits " haut de gamme " souvent destinés à l'exportation.

 

Cette ancienneté, cette richesse et cette diversité ont nourri les activités de plusieurs classes du lycée de l'Elorn à Landerneau. Ce site leur doit beaucoup. Il s'adresse à ceux qui voudraient s'inspirer de leur expérience mais aussi à tous ceux dont la curiosité aurait été éveillée par cette curieuse et attachante industrie.

 

La soude

 

En vous promenant sur les dunes du Nord-Finistère, vous ne pouvez manquer de rencontrer de longues tranchées tapissées de pierres plates. Les habitants du lieu vous dirons que ce sont les " fours à soude " des anciens goémoniers.

 

Pour le chimiste contemporain le mot " soude ", nom usuel de l'hydroxyde de sodium de formule NaOH, est déjà un archaïsme. La " soude " des goémoniers, quant à elle, évoque des temps encore plus reculés et désigne le carbonate de sodium (Na2C03). Dans un passé récent les droguistes savaient encore distinguer cette " soude du commerce " utilisée comme décapant banal de la " soude caustique " (l'hydroxyde de sodium) bien plus corrosive.

 

Un rapide coup d'œil dans un dictionnaire contemporain nous apprendra que le mot soude désigne également une plante des terrains salés appartenant à la famille des salsolacées qui comprend, entre autres, les salicornes. Le Larousse en trois volumes précisera même que le nom dérive de l'arabe " sunwäd ".

 

Un produit de la science arabe.

 

Ce sont bien les arabes qui ont introduit l'usage de la soude en Europe.

Depuis l'antiquité égyptienne, les populations du sud de la Méditerranée

 

Salicorne

 

savaient utiliser les propriétés des cendres des plantes terrestres riches en carbonate de potassium et celles des plantes marines contenant du carbonate de sodium. Le nom de " al kali ", par lequel les arabes désignaient ces plantes et leurs cendres, se retrouve dans le terme " alcalin " de la chimie récente. Ces cendres pouvaient être utilisées pour dégraisser les laines ou fabriquer des savons, elles entraient également dans la composition du verre.

 

Le verre, dont la découverte est attribuée aux égyptiens, est en effet un produit qui contient 70% de silice, 15% de chaux et 15% de soude ou de potasse.

 

Pour ceux que l'histoire du vocabulaire de la chimie intéresserait on peut signaler que, pour ces usages, les égyptiens de l'époque pharaonique utilisaient également les dépôts cristallins de carbonate de sodium déposés par évaporation sur les rivages des lacs Natron (Ouadi-Natroun), groupe de lacs à l'ouest du delta du Nil. Cette origine se retrouve dans le nom de natrium et le symbole Na retenus par la nomenclature internationale pour désigner ce que les chimistes français continuent à appeler sodium par référence à la soude.

 

On pourra noter également que le mot " kali " a donné le kalium de symbole K qui est le " potassium " de la nomenclature française. Cette autre exception française tire son nom du mot potasse, dérivé de l'allemand " Potasche " ou " Cendre de pot ". Ce terme a d'abord désigné le carbonate de potassium présent dans les cendres des végétaux terrestres et qui était utilisé, sous cette forme ou " lessivé " à travers un chiffon, pour la corvée de la " buée ", c'est à dire la " lessive " du linge sale. Le mot potasse désigne aujourd'hui l'hydroxyde de potassium.

 

De la salicorne à la soude.
 

Cette parenthèse étant refermée, il faut donc retenir que le carbonate de sodium extrait des cendres de plantes marines était une matière première indispensable aux industries du verre et du savon.

 

Aux 17e et 18e siècle la " pierre de soude " est un produit encore essentiellement importé d'Espagne. La soude d'Alicante est particulièrement réputée. Les arabes de l'époque andalouse ont introduit, dans cette région, la culture de la " Barille ", une variété de salicorne dont les cendres contiennent jusqu'à 30% de carbonate de sodium. Afin de rendre la France moins dépendante de ce pays parfois hostile, Colbert fera développer la culture de la salicorne et la fabrication de la " pierre de soude " sur les côtes françaises de la Méditerranée, inaugurant ainsi la vocation chimique de la région marseillaise.

 

La culture se fait sur les rives des étangs autour de Montpellier et Marseille. Les semailles sont faites en Février et Mars. La plante atteint la maturité fin Juillet, début Août, elle est alors jaune ou rouge et commence à sécher. On l'arrache, on la laisse faner comme le foin, on la bat avec des fléaux pour en recueillir la graine, elle est alors prête à être brûlée. Deux mille cinq cents quintaux d'herbes sèches donneront cent quintaux de " pierre de salicor ".

 

La combustion se fait dans une fosse circulaire de deux mètres cinquante de diamètre pour cinquante centimètres de profondeur tapissée de pierres. Le four est d'abord chauffé par des fagots de bois, la salicorne est ensuite jetée sur les braises en couches continues pendant trois heures environ. La cendre apparaît alors comme une masse en fusion qui est pétrie au moyen de perches de bois et qui deviendra un bloc compact lors du refroidissement. L'opération se poursuit jusqu'à ce que le fourneau soit rempli. Quand la " cuisson " de la pierre se fait de nuit on voit avec surprise dans la fournaise, une matière embrasée, liquide comme du métal fondu.

 

On ressent le même étonnement quand on observe l'aspect de lave en fusion de la soude des fours des goémoniers bretons au soir des démonstrations estivales.

 

four de goémonier en Bretagne.

 

La soude en Bretagne
 

La salicorne pousse également sur les côtes bretonnes, normandes ou vendéennes. Pourtant c'est une matière première différente qui y sera à l'origine d'une industrie de la soude : le goémon. Les cendres de warech et de laminaires ont rapidement été utilisées comme substituts aux cendres de salicorne. Cependant leur réputation est mauvaise pour ce qui concerne le blanchissage et la savonnerie, elles sentent le " foie de soufre " (le sulfure d'hydrogène), elles dissolvent mal les graisses, elles tachent le linge. Par contre elles sont efficaces en verrerie.

 

A l'initiative de verriers installés dans la région de Cherbourg l'industrie de la " soude de warech " se développe donc en Normandie, en Bretagne et partiellement en Vendée. Le verre obtenu n'est pas un verre de qualité, les sels minéraux composant les algues le colorent en vert, mais c'est un " verre à bouteille " très utile à l'industrie vinicole française. L'activité ne se développe pas sans difficultés, il faut convaincre les pêcheurs inquiets pour la reproduction du poisson et rassurer les agriculteurs persuadés que les épaisses fumées des fours, à l'odeur âcre, viendront ruiner leurs cultures. De savants académiciens seront mobilisés et viendront sur place apporter la caution de la science. Parmi ceux-ci le scientifique breton Guillaume Mazéas originaire de Landerneau qui publie en 1768 ses Observations sur l’alkali des plantes marines et les moyens de le rendre propre aux mêmes usages que la soude.

 

 

Goémoniers devant l'Ile Vierge (Mathurin Méheut)

 

La technique des goémoniers est directement dérivée de celle des brûleurs de salicorne. Seule diffère la forme du four. La plus faible qualité combustible du goémon oblige à un four en tranchée orienté dans le sens des vents dominants. Les perches de bois utilisées pour malaxer la cendre en fusion cèdent la place à une perche de fer terminée par une pelle étroite : le " pifoun ". Le four est divisé en compartiments par des pierres transversales qui permettront un démoulage commode des " pains de soude " contrairement à la méthode méditerranéenne qui oblige à casser la " galette " en morceaux irréguliers.

 

L'une des premières industries chimiques développée en France s'est donc installée en Bretagne. La transformation des algues est, depuis cette date, restée la seule activité chimique consistante de cette région. L'industrie de la soude, pour sa part, s'y maintiendra jusqu'à la fin du 18e siècle.

 

 

Naissance de la soude factice
 

Très tôt, les chimistes avaient su reconnaître que la soude de warech contenait un élément présent dans le sel marin. L'idée de fabriquer la soude à partir de ce sel était donc naturelle. Elle ne se concrétisera qu'à la fin du 18e siècle. En 1781, l'Académie des sciences lance un concours pour " trouver le procédé le plus simple et le plus économique " de fabriquer de la soude à partir du sel marin.

 

Voir à ce sujet le mémoire présenté par Lavoisier

 

Deux propositions retiennent l'attention de l'Académie. L'une faite par un chimiste alsacien nommé Hollenweger, l'autre par Guyton de Morveau chimiste bourguignon déjà renommé. Les deux lauréats sont invités à rechercher une région exempte de gabelle pour y installer une manufacture. Tous les deux se retrouvent en Bretagne. L'un, Guyton de Morveau, s'installe au Croizic, l'autre, Hollenweger, au Pouliguen. Cependant, aucun de ces deux manufacturiers n'a vraiment réussi à développer sa méthode au moment où le Comité de Salut Public de la République lance un appel à tous les savants pour qu'ils établissent un procédé vraiment efficace.

 

Celui de Nicolas le Blanc est retenu. Il consiste à faire agir de l'acide sulfurique sur le chlorure de sodium dans une chambre en plomb. Le sulfate de sodium obtenu est ensuite porté à haute température en présence de charbon et de calcaire. Le chimiste moderne traduirait ces deux réactions par les équations suivantes :

 

H2SO4 + 2 NaCl -> Na2SO4 + 2 HCl

Na2SO4 + 2 C + CaCO3 -> Na2CO3 + CaS + 2 CO2

 

Pendant un siècle ce procédé restera le seul utilisé par l'industrie mais celle-ci ne s'installera pas en Bretagne. Depuis l'abolition des privilèges le sel breton a le même prix que celui des autres régions et rien ne pousse plus les industriels à venir s'installer dans cette province excentrée.

 

Quant à la soude de warech, autant ne pas en parler, elle n'a aucune compétitivité par rapport à la soude dite " factice ". Le métier de " soudier " aurait donc dû disparaître en Bretagne, si un événement fortuit ne l'avait pas relancé sur une autre base. Nous en reparlerons.

 

 

Retour aux sources
 

Depuis plusieurs années, les populations du Nord-Finistère ont voulu faire revivre la tradition du métier de goémonier. A Plouguerneau, un musée a choisi d'en conserver les outils et les gestes. Chaque été, ici ou là, les fours sont remis en activité pour une fête qui n'attire pas uniquement les touristes.

 

Professeur de physique-chimie au lycée de l'Elorn à Landerneau, attaché à la région de Lilia-Plouguerneau et au métier de goémonier par tradition familiale, j'ai eu, très tôt, le sentiment que les cendres d'algues, et les algues elles-mêmes, pourraient constituer un produit de choix pour la construction d'un cours de chimie.

 

L'industrie des algues, d'hier et d'aujourd'hui, au lycée.
 

Petit à petit ce sentiment s'est transformé en une pratique. Des élèves ont procédé au brûlage des algues, dans un authentique four de goémonier, sous la conduite des derniers représentants de la profession qui faisaient revivre les tours de main ainsi que le vocabulaire, en breton, du vieux métier. Les cendres ont été concassées, tamisées, analysées et dosées au laboratoire. La chimie y trouvait une couleur nouvelle, plus chaleureuse, plus humaine, reliée à une histoire proche, sans que pour autant le " programme " soit oublié.

 

Mais pourquoi ne voir que le passé ?

 

L'activité chimique autour des algues est, plus que jamais vivante en Bretagne. Les laminaires sont une source essentielle pour les alginates dont les domaines d'utilisation croissent sans arrêt. L'industrie alimentaire, cosmétique et pharmaceutique exploitent de plus en plus les ressources des plantes marines dans lesquelles on découvre en permanence de nouvelles propriétés.

 

Les " goémoniers" d'aujourd'hui sont des marins équipés de moyens modernes de récolte. Ce sont également des ingénieurs et des techniciens de haut niveau qui pratiquent dans des laboratoires ou des unités de production à taille humaine une " chimie du vivant " qui a de quoi séduire. Nous leur avons rendu visite. Ils nous ont initié à une chimie qui ne se trouve pas dans nos livres scolaires. Ils nous ont confié l'essai de leurs produits. Nous avons adapté leurs techniques à nos salles de travaux pratiques et constaté, là encore, que nos programmes de chimie " organique " pouvaient très bien se construire autour des algues.

 

Par séquences séparées, mais aussi parfois dans le cadre d'un projet construit sur l'ensemble de l'année scolaire, les algues, d'hier et d'aujourd'hui, sont donc entrées dans nos classes. Ce sont des éléments de ces travaux que nous proposons ici. L'année 2000 verra l'introduction dans les classes de seconde des lycées, de thèmes et de méthodes très proches de ce que nous avons réalisé. Des enseignants y trouveront peut-être des idées. Des élèves pourront y trouver des pistes pour des travaux personnalisés. Des apprentis chimistes voudront peut-être en reproduire certaines manipulations qui peuvent se faire, chez soi, avec peu de matériel.

 

Nous destinons également ce texte, qui est un travail de mémoire, à tous ceux que cette tradition, qui a fait se côtoyer des marins, des manufacturiers et des chimistes, intéresse. Au delà des techniques et des formules, c'est la vie d'une région qui est concentrée dans cette chimie.

 

Pour reprendre l'expression d'un élève d'une classe de seconde :

" ici des hommes ont su extraire de la nature, en la respectant, le mieux de ce qu'elle pouvait offrir ".

 

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Extraction de la soude (carbonate de sodium)
 

Le musée des goémoniers à Plouguerneau, sur la côte du Nord-Finistère, organise chaque été un brûlage des algues dans les anciens fours afin d'obtenir les cendres riches en soude.

 

Nous nous sommes rendus sur place pour extraire un " pain de soude " qui se présente sous une forme très compacte. Les cendres chaudes ont un aspect de matière en fusion et se moulent dans les alvéoles du four pendant leur refroidissement.

 

On peut également réaliser la combustion d'algues sèches dans une fosse de 40 à 50 cm de côté creusée dans le sol et tapissée de pierres plates.

 


Le traitement au lycée.
 

 

Le travail au pifoun dans le four.

 

 

 

Concasser le pain de soude

 

opération de lessivage

 

analyser le filtrat

 

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Un fabuleux hasard : l'iode
 

La découverte de l'iode est due au chimiste Bernard Courtois (1777-1838). Fils d'un maître salpêtrier de Dijon, il reprend cette activité à Paris au moment où les guerres de Napoléon réclament le salpêtre nécessaire à la fabrication de la poudre à canons. En tant que responsable de la régie des poudres, Lavoisier a donné à cette activité une nouvelle rationalité. Le salpêtre est élaboré dans des « salpêtrières » où le développement des bactéries nitrifiantes sur des mélanges terreux appropriés est favorisé. Les terres enrichies en salpêtre doivent alors être lessivées. Les eaux-mères obtenues sont ensuite traitées par des cendres de bois riches en potasse afin d'obtenir la cristallisation du salpêtre.

 

Cependant le blocus commercial organisé autour de la France rend difficile l'approvisionnement en cendres potassiques dont la Suède est le principal fournisseur. Courtois tente donc l'essai des cendres de warech. Ces dernières contenant des composés sulfurés indésirables, le chimiste entreprend de décomposer ceux ci par l'acide sulfurique concentré. C'est à cette occasion qu'il observe le dégagement de vapeurs violettes et la précipitation d'un corps noir et brillant. Courtois est un chimiste suffisamment avisé pour comprendre qu'il est en présence d'un corps nouveau. Il en prépare une petite quantité qu'il confie à ses amis Clément et Désormes pour en faire une étude chimique qui sera ultérieurement complétée par Gay-Lussac et Davy. Cette découverte est annoncée à l'Académie des Sciences le 29 Novembre 1813 par Nicolas Clément. Le mot grec iôdês (violet) inspire le nom de « iode » qui est donné à ce produit par référence à la couleur de ses vapeurs.

 

Rapidement l'iode apparaît comme un produit de grand intérêt. Il est à l'origine des premiers daguerréotypes, photographies sur plaques de cuivre argentées sensibilisées aux vapeurs d'iode. C'est, en solution dans l'eau ou l'alcool, un excellent désinfectant encore très utilisé aujourd'hui. On reconnaît également, très vite, son efficacité contre le goitre. C'est donc un produit précieux dont la production s'annonce rémunératrice.

 

En 1828, arrive en Bretagne un jeune chimiste prêt à tenter l'aventure de sa production industrielle. François-Benoît Tissier a d'abord dirigé, à Paris, l'usine d'iode crée par son professeur, le chimiste Clément. Il y met au point une méthode efficace. Au Conquet, il rencontre la famille Guilhem déjà engagée dans cette aventure mais sans grande conviction. Il leur rachète leur fabrique et commence alors une ère de prospérité qui permettra à Tissier d'amasser une fortune colossale.

 

Le succès amène des concurrents. Des usines s'ouvrent à Granville (1832), Pont-Labbé (1852), Vannes (1853), Quiberon, Portsall (1857), Tréguier (1864), L'Aber-Wrach (1870), Guipavas (1877), Lampaul-Plouarzel, Audierne (1895), Loctudy, Penmarc'h (1914), Plouescat, Argenton (1918). Toutes ne connaîtrons pas le succès, d'autant plus qu'une rude concurrence existe avec l'iode du Chili.

 

Dès 1830 on constate que les riches gisements de nitrates du Chili contiennent de l'iode. Abondant, facile à extraire, il pourrait inonder les marchés européens si des mesures protectionnistes n'étaient pas prises. Un organisme international la « combinaison de l'iode » fixe la part de marché de chaque usine et le cours de l'iode. Le Chili qui pourrait produire jusqu'à 3000 tonnes par an limite sa production à 900 tonnes. L'Angleterre et la France disposent chacune d'un quota de 70 tonnes. Cet accord permet à l'industrie française de se maintenir jusqu'à 1955 environ. A cette date le gouvernement français décide de lever les mesures protectionnistes et invite les manufacturiers à rechercher un autre débouché pour les algues. S'ouvre alors l'ère des alginates.

 

L'extraction de l'iode des cendres d'algues

 

L'iode est extrait des cendres d'algues, le vieux métier de producteur de soude se poursuit donc avec la nouvelle activité. Un problème cependant : pour obtenir de beaux pains de soude, bien gris et bien compacts, il fallait des températures élevées et une combustion vive. A l'inverse la production d'iode nécessitait une température modérée, les iodures étant des corps très volatils. Plusieurs brevets avaient été déposés pour des fours à combustion ménagée utilisant la chaleur produite afin de sécher les algues mais aucun ne débouchera sur des applications rentables. Il aurait fallu pour cela pouvoir dépasser le maigre quota de production attribué à la France. Les goémoniers reprendront donc les vieux fours de leurs pères. Ils voudront, comme eux, mouler de beaux pains de soude en faisant brûler les algues à feu vif au détriment de la teneur en iode des cendres et ceci malgré la pression exercée par les manufacturiers qui les payaient en fonction de cette teneur. Il est vrai que des pains bien compacts se transportaient mieux, surtout si on devait les ramener des îles où les goémoniers faisaient de longues campagnes.

 

La teneur en iode dans les algues séchées variait suivant les algues de 2% à 3%. Dans les cendres cette teneur tombait de 1% à 1,5%. Reste à extraire cet iode.

 

Toutes les caractérisations et dosages des éléments présents dans les algues sont présentés dans l'article:

Histoire de la chimie des algues en Bretagne. De la soude à l'iode jusqu'aux alginates. Les caractérisations et les dosages.

 

Traitements pour obtenir l'iode
 

Lixivation : Les cendres sont concassées en morceaux de l'ordre de quelques cm 3. Le broyage se fait à la masse sur une table recouverte d'un plaque de fonte. Le lessivage dégage une partie soluble qui peut représenter jusqu'à 65% de la totalité. Les lessives contiennent de 6kg à 9kg d'iode au m3.

 

Concentration : Les solutions sont concentrées par évaporation dans des chaudières peu profondes chauffées à feu nu ou encore en utilisant des serpentins où circule de la vapeur d'eau sous pression. Le chlorure de sodium se dépose d'abord, le chlorure de potassium ensuite. Les eaux mères finales contiennent 100g à 150g d'iode par litre mais aussi les carbonates, les sulfures, sulfites et hyposulfites solubles.

 

Désulfuration : La désulfuration se fait en milieu acidifié. Il faut verser de l'acide sulfurique ou de l'acide chlorhydrique dans la solution qui à l'origine est très basique. Les carbonates se décomposent les premiers avec un dégagement de dioxyde de carbone. Les composés sulfurés se décomposent ensuite avec un dégagement de sulfure d'hydrogène et un précipité de soufre sous forme essentiellement colloïdale. En portant la solution à ébullition on chasse le sulfure d'hydrogène dissout et on favorise la précipitation du soufre.

 

Précipitation de l'iode : L'iode est chassé de la solution par l'action du chlore. Celui ci est obtenu par l'addition de chlorates dans la solution acide (au laboratoire on pourra utiliser de l'eau oxygénée). L'iode se précipite alors sous la forme d'une poudre noire.

 

Sublimation : L'iode lavé et séché par pression est sublimé dans des cuves de céramique surmontées d'un couvercle sous forme de cloche chauffées sur bain de sable. On obtient alors des paillettes contenant de 97% à 98% d'iode. Une nouvelle sublimation peut porter ce taux à 99,5%. C'est en nous inspirant de ces techniques que nous procéderont à l'extraction de l'iode puis à son dosage.

 

Vapeurs d'iode violettes.

 

Nous avons extrait l'iode de la solution par action de l'eau oxygénée H2O2 en milieu acide.

 

Fiche expérimentale
 
Etapes de la manipulation Réactifs et méthodes utilisés observation
Acidification de la solution Acide sulfurique concentré L'acidification de la solution a pour premier effet de libérer le dioxyde de carbone provenant des ions carbonates
Libération de l'iode eau oxygénée L'eau oxygénée oxyde les ions iodure, il se forme de l'iode qui colore la solution en brun. On observe même un léger précipité d'iode.

mise en évidence de l'iode gazeux

 

 

chauffage Un chauffage léger libère les vapeurs d'iode violettes

 
 
 
Aujourd'hui - Les alginates et les carraghénanes

 

L'anglais Edward Stanford (1837-1899) isole, dans les algues, un gel qu'il désigne du nom d'algine. Le norvégien Axel Krefting est le premier à en extraire l'acide alginique. Ce produit trouve un intérêt immédiat comme apprêt pour les tissus. Sa production à grande échelle commence vers 1929 sur les côtes californiennes.

 

En Bretagne, cette industrie débute à Pleubian, dans les Côtes d'Armor, dès le début du siècle. Elle ne prendra son essor que vers les années 1960. A cette date l'état français a décidé de ne plus subventionner la fabrication de l'iode, obligeant ainsi les manufacturiers à se reconvertir. Ceux-ci font preuve d'une extraordinaire capacité d'adaptation. Il faut d'abord élaborer la théorie de l'extraction, il faut inventer et construire de nouvelles machines. Il faut surtout imaginer les utilisations possibles d'un produit aux débouchés encore limités.

 

Beaucoup d'usines disparaissent dans la tourmente mais le pari est gagné et le Nord-Finistère devient le producteur principal de l'alginate en Europe. Actuellement de l'ordre de 2000 tonnes par an sont produites dans les deux usines de Lannilis et de Landerneau qui se partagent le marché. L'essentiel de la production est exporté mais, sur place, une constellation de petites entreprises utilisent cette matière première pour des produits cosmétiques, pharmaceutiques ou alimentaires.

 

L'alginate est utilisé comme épaississant et stabilisateur dans les glaces, les crèmes et même les yaourts et les fromages frais. Dans la nomenclature européenne ce sont les E 400 et E 411. On trouve encore les alginates dans la fabrication du papier, de la peinture, des électrodes....Un marché en constante expansion qui n'est limité que par la quantité d'algues que l'on peut récolter. En Bretagne cette quantité est limitée aussi la production est-elle orientée vers des produits de qualité destinés aux industries cosmétiques, pharmaceutiques et alimentaires.

 

Le Pioka et les carraghénanes

 

Depuis plusieurs siècles le Chondrus est une algue utilisée en médecine et dans l'alimentation. Il y a plus de 600 ans les irlandais du comté de Carragheen dans le sud de l'Irlande savaient utiliser cette " Irish moss " pour des pommades et des flans. Cette algue séchée a, en effet, un extraordinaire pouvoir gélifiant en présence de lait. Les émigrants irlandais ont emporté leurs recettes avec eux quand, vers 1700, ils ont rejoint l'Amérique du Nord et constaté que leur " irish moss " poussait également sur les côtes du Massachusetts. Le polysaccharide extrait de cette algue et obtenu pur vers 1871 a été logiquement nommé carrageenan dans la nomenclature de la Société Chimique Américaine et est encore désigné sous ce nom.

 

En Bretagne, le Chondus Crispus est également abondant. Dans le Léon finistérien on le désigne par le terme de " pioka ", en Cornouailles il est parfois appelé " piko ". Une tradition de gâteaux et flans au pioka existe dans le Nord-Finistère. Est-elle ancienne ? Il est certain, par contre, que dès le début du 19ème siècle les industriels on su mesurer l'intérêt de ce produit. La cueillette du pioka, les jours de grande marée, est devenue une activité rémunératrice qui se pratique, encore de nos jours, avec les mêmes méthodes. Jadis vendu sec et blanchi, il est acheté humide aujourd'hui, sauf pour de petites productions artisanales. Actuellement, une seule usine, installée en Normandie, produit les quelques 3000 tonnes fabriquées en France.

 

Comme les alginates, les carraghénanes sont utiles dans l'industrie textile, la peausserie, la fabrication des peintures. Le gel qu'ils forment avec le lait les font utiliser en priorité dans tous les produits alimentaires lactés, mais aussi dans les bières, les pâtes alimentaires, les confitures.

 

 


Deux entreprises d'alginates à Landerneau

 

Dans la région de Landerneau, deux entreprises traitent les algues pour en utiliser les alginates.

 

L'entreprise Danisco est spécialisée dans l'extraction de l'acide alginique à partir des algues brutes.

 

L'entreprise Technature utilise les alginates pour élaborer des produits finis.

 

 

L'entreprise Danisco : Nous l'avons visitée sous la direction de son directeur Monsieur Pasquier. L'usine (9000 mètres carrés d'ateliers et de laboratoires) traite chaque année 6000 tonnes d'algues séchées pour la production d'alginates particulièrement purs utilisés pour la pharmacie et l'alimentation. La société Danisco nous a fourni un sachet d'acide alginique pur pour en étudier les propriétés. Son directeur nous a également détaillé le procédé d'extraction des alginates à partir des algues (voir fiche).

 

L'entreprise Technature : Nous y avons été reçus par son directeur, Monsieur Le Fur, et par son directeur commercial, Monsieur Winkler (aujourd'hui directeur de l'entreprise Lessonia). L'entreprise conditionne les alginates pour ses différents usages : moulages, cosmétiques, alimentation... Sa clientèle est mondiale (Europe, U.S.A, Japon). La réputation des produits bretons est internationale ! L'entreprise nous a confié des alginates de moulage pour que nous puissions réaliser un moulage. Elle nous a également proposé de mettre au point un nouveau masque de beauté.

 

 

 

Retour au laboratoire

 

Nous y avons extrait les alginates contenues dans des laminaires. Nous avons utilisé pour cette manipulation des laminaires de l'espèce " laminaria digitata " dont le nom en langue bretonne est " tali ".

 

Les procédés d'extraction des alginates nous ont été expliqués par M. Pasquier directeur de l'usine DANISCO et M. Le Fur directeur de l'entreprise TECHNATURE. Nous avons réalisé cette opération en suivant les étapes indiquées dans le tableau ci-dessous. Nous avons utilisé pour cette manipulation des laminaires de l'espèce " laminaria digitata " dont le nom en langue bretonne est " tali ".

 

 

Nature de l'opération méthode observation
préparation des algues découper une algue fraîche (laminaire) en morceaux (1cm x 1cm) ou réhydrater des morceaux d'algue sèche. Il faut utiliser des algues fraîches ou rapidement séchées après la cueillette.
Déminéralisation faire " mariner " les algues dans trois bains successifs de 25 minutes chacun d'une solution d'acide sulfurique à pH=2 Les algues prennent une consistance très ferme. Le bain d'acide dissout les sels minéraux et prend une coloration verdâtre.
Formation de l'alginate de sodium soluble les algues sont placées dans une solution de carbonate de sodium à pH=11. Les morceaux d'algues se ramollissent, l'ensemble prend un aspect pâteux dû à la dissolution de l'alginate de sodium.
Filtration, blanchiment La pâte est pressée à travers un tissu de coton blanc afin de séparer l'alginate de la cellulose le filtrat obtenu est légèrement gélatineux et faiblement coloré. On peut le décolorer par quelques gouttes d'eau de Javel (hypochlorite de sodium)
précipitation de l'acide alginique On utilise une solution d'acide sulfurique ou d'acide chlorhydrique. Il faut atteindre un pH=1,8 l'acide alginique se coagule. On peut l'extraire en utilisant un agitateur ou en filtrant.

 

voir aussi

 

Nous avons également construit des modèles moléculaires de ces monomères et de leurs polymères.

 

 

La technique du moulage à l'alginate

 

L'alginate de moulage est une poudre blanche composée d'alginate de calcium et de terre de diatomée (contrairement à l'alginate de sodium qui est soluble dans l'eau, l'alginate de calcium forme un gel insoluble). Mélangée à quatre fois son poids d'eau, la poudre d'alginate se transforme en une pâte onctueuse. Elle gélifie en 6 à 10 minutes en fonction de la température et de la concentration. On obtient une masse souple et résistante qui permet de réaliser le moule dans lequel on viendra verser du plâtre ou de la cire. Sa rapidité de prise, sa finesse de reproduction, son absence totale d'agression, en font un matériau idéal pour mouler des objets vivants : une main, le pieds d'un bébé, un visage.

 

Préparation de la pâte :

 

prévoir 300g de poudre pour un litre d'eau. Verser l'eau sur la poudre et mélanger activement avec une main pendant une minute pour obtenir une pâte homogène. A partir de ce moment on dispose d'un temps de travail de 3 à 5 minutes pour réaliser le moule. Ce moule dans certains cas pourra être utilisé deux ou trois fois si le démoulage ne l'a pas endommagé.

 

Que mouler ?

 

De façon classique on peut démarrer par la trace d'un animal sur le sol. La rapidité de la prise et la finesse de l'empreinte sont immédiatement perceptibles. La contre-empreinte réalisée en plâtre sera riche de détails.

 

Le plus spectaculaire : le moulage d'une main d'enfant !

 

Il faut trouver un pot pas trop large mais dans lequel la main de l'enfant puisse plonger jusqu'au dessus du poignet. Faire un essai du volume de pâte de moulage nécessaire en remplissant d'eau le récipient dans lequel l'enfant a plongé sa main. Calculer la quantité de poudre nécessaire ( ¼ du poids de l'eau).

 

Préparer la pâte. Verser la pâte dans le coffrage.

 

Masser la main avec un peu de pâte, celle ci ne collera pas à la peau en durcissant mais vous obtiendrez ainsi de fins détails.

 

Plonger la main dans le coffrage jusqu'à ce que les doigts touchent le fond et remonter légèrement.

 

Maintenir la pause quelques minutes, on sentira alors que l'alginate est bien gélifié, il résistera sous la pression des doigts et se détachera bien de la peau. Un petit tour de main pour décoller le moule : agiter les doigts doucement en rapprochant le pouce du petit doigt.

 

L'enfant doit, de la sorte, retirer la main sans trop de difficultés.

 

Un conseil : la surface de l'alginate est légèrement acide, le plâtre de moulage prend mal à son contact. On peut y remédier en versant dans l'empreinte une solution diluée de bicarbonate de sodium pour la rincer rapidement.

 

Mise au point d'un masque de beauté

 

L'entreprise Technature nous a confié la mise au point d'un masque de beauté. C'est un nouveau produit que l'entreprise souhaite commercialiser. Il s'agit d'un masque aux fruits tropicaux dont le support est constitué par un alginate de moulage.

voir :

 

Nous avons testé un premier masque d'alginate sans aucun additif afin d'observer l'effet " moulant " de ce produit. Nous avons ensuite essayé plusieurs formulations en faisant en particulier varier les colorants et les parfums. Pour finir, nous avons testé le masque obtenu

préparation phase 1

 

 

La recette d'un masque de beauté

alginates

couleur naturelle

extrait de papaye, d'ananas

parfum de mangue

phase 2

 

Dose : 30g de poudre d'alginate pour 100g d'eau.

 

Dilution du produit

Verser rapidement l'eau sur la poudre. Mélanger énergiquement jusqu'à l'obtention d'une pâte lisse et onctueuse. Important : La dilution se fait dans de l'eau à 20°C.

 

Application

Appliquer immédiatement sur le visage en évitant le contour des yeux. La prise a lieu au bout de 6 minutes.

Durée du soin 15 minutes environ.

 

Résultat peau plus douce plus fine, teint plus lumineux

 

Réalisation du masque.

 

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L'agar-agar et la formation de gel

 

Agar-Agar est un mot malais.

 

Ce corps, utilisé en Malaisie, était également d'un usage courant au Japon et dans tout l'Extrême-Orient. L'Agar-Agar provient d'algues diverses et en particulier de l'espèce gélidium. Ces algues, après des lavages fréquents, sont séchées et soumises à ébullition. Le gel obtenu est déshydraté puis réduit en poudre.

 

Le pouvoir gélifiant de l'Agar-Agar est extrême. Deux grammes dans un quart de litre d'eau portée à ébullition pendant 5 minutes donnent un gel très ferme après refroidissement.

 

Au laboratoire de biologie, l'Agar-Agar sert à préparer des supports nutritifs pour les plantes. Au laboratoire de chimie, il sert, par exemple, à préparer des " ponts électrolytiques " conducteurs dans l'étude des piles.

 

Nous avons préparé un gel d'Agar-Agar coloré par de l'hélianthine. L'Agar-Agar est aussi utilisé pour préparer des flans mais nous avons utilisé pour cela une algue originaire de Bretagne, le Pioka, qui contient des carraghénanes.

 

L'Agar-Agar : un excellent gélifiant extrait des algues rouges
 

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Les algues dans l'alimentation
Le " pioka " et les carraghénanes

pioka de Bretagne

 

Pioka est le nom breton d'une algue qu'on appelle également " lichen " de mer. On la récolte aux grandes marées, son prix élevé attire les cueilleurs saisonniers. Son nom scientifique est Chondrus crispus. Le principe actif qu'on en extrait est constitué par les carraghénanes . C'est un excellent gélifiant dans le lait. De façon traditionnelle, il est utilisé par les populations côtières du Nord de la Bretagne pour réaliser des " flans ". Préparation des algues Après la récolte, les algues sont étalées sur les dunes et séchées en les retournant fréquemment. On peut également les arroser d'eau douce de temps en temps afin de les débarrasser du sel et des débris divers. A la fin de ce traitement les algues sont blanches et sèches on peut alors les conserver. Juste avant l'usage On peut parfaire le rinçage par trempage et rinçages répétés. Les algues doivent être totalement débarrassées de leur odeur de " mer "


Recette de flan au pioka

 

Nous avons réalisé la recette de dessert suivante. Elle nous a été communiquée par une personne agée de la région de Brignogan dans le Nord-Finistère. Elle l'avait vue elle même réalisée par ses parents.

 

Remarque : les carraghénanes du pioka donnent facilement un gel avec le lait, il ne donnent pas de gel avec de l'eau. Pour cela il faudrait utiliser de l'Agar-agar que nous avons également testé (il est également utilisé pour des flans).

Notre recette

Utiliser une petite poignée d'algues sèches par quart de litre de lait. Les rincer. Faire bouillir pendant 5 à 10 minutes dans le lait en remuant. Filtrer le lait chaud dans une passoire ou une écumoire. Remettre le lait à bouillir cinq minutes avec l'arôme souhaité, chocolat ou vanille sucrés ( par exemple 3 cuillérées de Nesquik par ¼ de litre de lait). Verser dans des coupes. Laisser refroidir et mettre au frigo.

 

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Conclusion
 

Si, comme nous, vous ignoriez que la chimie, depuis si longtemps, s'intéressait aux algues, vous savez maintenant que, chez nous en Bretagne, des personnes ont fabriqué, et fabriquent encore, des produits utilisés dans le monde entier.

 

Nous avons rencontré des " anciens ". Goémoniers et manufacturiers. Ils nous ont transmis la fierté qu'ils gardent de leur métier. Nous avons, également, rencontré les acteurs modernes de cette aventure. Des marins qui font un travail toujours hasardeux mais qui ont mis au point des techniques sures et efficaces et ne vivent plus la vie de forçats de leurs ancêtres exilés sur les îles. Des chimistes extrayant de la nature le meilleur de ce qu'elle peut fournir. Des biologistes mariant les essences et les extraits pour embellir, soigner ou nourrir.

 

Pour ce qui est de notre programme scolaire, il a avancé sans que nous nous en rendions compte. Etude théorique, recherche documentaire, visite des usines et discussion avec les chimistes de métier, manipulations au laboratoire, mise au point de nouvelles recettes et de nouveaux produits...tout cela faisait partie du même projet.

 

En rédigeant ce dossier nous avons eu le désir de garder la trace de notre travail et de transmettre cette expérience à tous ceux qui voudraient la partager et la compléter. Nous avons également pensé à nos lecteurs et lectrices qui ne seraient ni chimistes ni lycéennes ou lycéens . Nous avons cherché à leur faire découvrir un aspect de l'histoire et de l'actualité de notre région. A elles et eux de nous dire si l'objectif a été atteint.

 

La classe de seconde A, année 1997/1998, La classe de seconde C, année 1998/1999 et leur professeur, Gérard Borvon


 

 

Une suite à notre travail

 

Second prix du concours CEFIC pour l'enseignement des sciences.

 

 

Ce travail a reçu le second prix européen au concours CEFIC de 1999.

 


 

Il est cité et en partie repris sur le site CultureSciences-Chimie de l'école normale supérieure de Cachan.

voir : Les algues : une « agroressource » d'avenir


Il a fait également l'objet d'un sujet à des olympiades de chimie.

 

 

 

Une reconnaissance de la place historique de la Bretagne dans l'étude et l'industrie des algues.

 

 

 

Du 20 au 26 août 2023, se tient à Brest, le 8e congrès phycologique européen (spécialistes des algues). La France a en effet une longue tradition de recherche dans ce domaine et possède une flore très diversifiée.

 

 

 

Et pour terminer en chansons

 

 

 

 

 

 

Ecouter :

Storlok - Gwerz ar vezhinerien

 

 

Paroles

Un livre.

 

Aussi loin que l'on remonte dans la généalogie, on trouve des Arzel dans le canton de Porspoder. Pierre rzel y est né en 1947. Après une enfance passée sur les grèves et dans les fermes, il a fait ses études à Brest et à Caen. DEA d'océanographie biologique en 1972. DEA d'ethnologie de la France en 1978. Thèse sur l'évolution de l'exploitation des algues en 1980. Biologiste des pêches à l'IFREMER à Brest, il a assuré le suivi de l'exploitation des algues et leur cartographie.

Son ouvrage, publié en 1987, est à la fois une encyclopédie du métier et un hommage à ces travailleurs de la mer

Un autre livre

 

 

Les champs d’algues entre Quiberon au sud et la côte d’Émeraude au nord sont exceptionnels. Ils ont permis diverses pratiques et usages qui ont pris de l’ampleur avec la production de l’iode et l’utilisation de l’engrais. Depuis les années du romantisme jusqu’à celles de l’abstraction, plus de 120 peintres ont trouvé leur inspiration dans ce thème jusqu’alors inédit.

 

 

 

 

 

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Un autre livre d'un témoin de la vie du peuple des goémoniers.

Charles le Goffic Les Faucheurs de la mer Revue des Deux Mondes,

5e période, tome 31, 1906 (p. 362-397).

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Deux poèmes de Pierre Jakez Hélias

(qui a été mon professeur à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Quimper.)

 

 

 

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 18:26

Alors qu'avec les classes de seconde du lycée de l'Elorn de Landerneau, nous avions engagé un travail autour de la chimie des algues, nous avons eu connaissance, par la voie du rectorat, de l'existence d'un concours européen autour de l'enseignement des sciences chimiques. Après un premier essai infructueux le second a valu à la classe de seconde C d'être classée première au niveau français en 1999 et donc de représenter la France au niveau européen. Leur travail valait alors le deuxième prix à cette classe

 

.

Commentaire du jury : "Un projet très bien organisé couvrant la chimie dans la vie quotidienne. Bonne coopération industrielle avec une industrie chimique à proximité de l'élève. Classe entière impliquée dans les travaux pratiques du projet. Bonne présentation incluant une excellente vidéo."

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 16:31

En complément de l'article Histoire de la chimie des algues en Bretagne. De la soude à l'iode jusqu'aux alginates.

nous présentons ici les caractérisations et dosages des éléments présents réalisés au laboratoire.

 

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16 décembre 2024 1 16 /12 /décembre /2024 19:32

lundi 10 septembre 2012

A class of the lycée de l’Elorn, in Landerneau, Brittany, France, has chosen to discover that ancient, rich and varied industry of seaweed, while dealing with different parts of its curriculum. We present the result of that work in the following pages


Northern Finistère, in Brittany, is not really welknown for its chemical industry. Yet, since the 17th century, that is to say when chemistry started to develop, a chemical industry was carried out, non stop, around seaweed.

 

In the past

The industry of « soda » (sodium carbonate) first developed. This product is extracted from ashes of dried seaweed. It is necessary to make glass and soap. That activity came to an end at the end of the 18th century when new ways were discovered.

It resumed in 1829 after Bernard Courtois, the chemist, had discovered in 1812 a new an useful product in seaweed ashes : iode. It is mainly used in photo-making and medecine. Its production in Brittany stopped in 1952, because of the competition of iodine, extracted from nitrates in Chili.

Today

Today, the extraction of alginates contained in big laminaria has taken over. In 1883, Edward Stanford isolated the algine of seaweed, later Axel Kefting, a Norvegian, extracted algine acid. Its production on a large scale started in 1930. Brittany produces about 2000 tons in its factories in Lannilis and Landerneau. Alginates are thickening and stabilying agents, that are used both in the pharmaceutical industry and food industry, or in that of paper, colouring or moulding products.

The use of seaweed in food, pharmacy or cosmetics is less known., though worthy of interest. Many laboratories in Finistere work in that field for « top quality » products, often meant for export.

The seconde C of the lycée de l’Elorn, in Landerneau, has chosen to discover that ancient, rich and varied industry of seaweed, while dealing with different parts of its curriculum. We present the result of that work in the following pages.


Our work on the seaweed industry


The story of the seaweed industry, that of soda and iodine, is made lively thanks to the museum of seaweed gatherers in Plouguerneau, which supplied us with the ash from ovens, operated for shows during the summer, so as to analyse it.

The « Centre for the Study and Promotion of Seaweed (C.E.V.A) » in Pleubian looks for the properties of seaweed and implements new uses. We contacted them for the food applications (the making of a « flan »)

Today, many factories work on seaweed. It’s the case for DANISCO and TECHNATURE, which agreed to help us.

DANISCO deals with laminar collected in North-Finistere, it’s one of the largest European producers of alginates. We visited the factory. It supplied us with refined alginate of sodium for our experiments.

TECHNATURE packages alginates and other seaweed extracts, to make casting products, cosmetics, or food products. Its customers are in the U.S.A, as well as in Japan, Spain, or France. The company allowed us to test its products and to prepare new ones, following its advice (face creams).

Our school syllabus is well adapted to a study of seaweed. In a first part, the study of ionic compounds can be made on the seaweed ash. In a second part, the study of organic molecules can be made on alginates. The appliances are varied and entertaining.

We have divided the form into four groups, each responsible for a part of the work and for the links with one of the companies concerned.

- Seaweed ashes. Analysis, extraction of iodine.(in connection with the museum of the seaweed gatherers)

- Extraction of alginates. (in connection with Danisco company)

- The use of alginates for castings . (with Technature).

- The making of a new face cream.(with Technature)

- The making of a flan (a pudding) (with C.E.V.A Pleubian)

- Translations into English ( documentation and reports).

- A video report on our project ( and the making of a poster).


Seaweed in the past
Treating the « soda loaves »

The burning of seaweed

Each year, the museum of seaweed gatherers, in Plouguerneau, on the Northern coast of Finistère organises the burning of seaweed in its old furnaces so as to get ashes with a large amount of soda. We went on the spot, to extract a « soda loaf », in a compact shape. The hot cinders seem to be melting, and are cast in the cells of the furnace, while they are cooling.

The mechanical processing of the ashes :

We first roughly broke the « soda loaf » with a hammer. We, then, crushed the ashes in a mortar with a pestel. Then, we sifted them, to obtain a thin powder.

The washing of the ashes

We left to boil 20g of the ashes in 100 cm3 of water for about 5 min. We filtered it. A solid deposit of about 9g was left (weighed after drying). The solution contains soluble substances, mainly carbonate and iodur ions.


The search for carbonate ions

The carbonate ions, CO32- , represent the main active principle of soda and gives it its basic character.(in the present the word « soude » ,in French, refers to sodium hydroxide).

Experimental file

measure of the pH using pH paper and pHmeter : The solution has a pH=11, so that, its basic character is obvious.

Characterisation of the CO32- ions :

(first method) : action of the calcium chlorur. You get a precipitate of insoluble calcium carbonate according to the reaction :

Ca2++ CO32- -> CaCO3

(second method) : action of the concentrate chlohydric acid. You can notice an important emission of carbon dioxide, according to the reaction :

CO32-+ 2H+-> CO2 + H2O

The extraction of iodine

We extracted iodine from the solution, through the action of Hydrogen Peroxide H2O2 in acid surrounding.

experimental File

- Acidification of the solution using concentrated hydrochloric acid : The first result of the acidification of the solution is to let out carbon dioxide coming from carbonate ions.

- Iodine is let out using hydrogen peroxide : The hydrogen peroxide oxidises iodide ions, iodine appears and turns the solution brown. One can also see a light precipitate of iodine.

- Getting the gassy iodine to appear by heating the solution : a light heating lets out purple vapours of iodine.

Measuring the iodine : this experiment is part of the curriculum of the 1ere S form, so we asked them to measure the iodine in the solution. The iodine is measured with the thiosulphate of sodium. They found 1,29g of iodine in 100g of ash.


Seaweed Today

A visit to two factories processing alginates

In the Landerneau area, two firms process seaweed for theit alginates. The Danisco firm has specialized in extracting alginic acid from raw seaweed. The Technature firm uses alginates to elaborate finished goods.

Danisco :

Mr Pasquier, the manager, conducted our guided tour of the factory. Every year the plant (9000 m2 of workshops and laboratories) processes 6000 tons of dried seaweed to produce 3000 tons of alginates.

The alginates supply numerous industries all over the world. Used as binders and thickeners, they can be found in inks, creams, glues, rubbers, toothpastes. As gelling agents they come in useful to make jams, custards, impression powders. These products ar marketed under the brand name SOBALG.

The Danisco firm provided us with a smal quantity of purified alginic acid so that we could study its properties. The danisco manager also explained to us a great length how they extract the alginates from the seaweed.

We conducted that experiment in our scholl laboratory.

Technature :

We were welcomed by the manager, Mr Le Fur, and the commercial manager, Mr Winckler (today manager of Lessonia). The firm packages the alginates for its different uses : casts, cosmetics, foodstuffs.

The firm has clients all over the world (Euope, the USA, Japan...). The breton products ar renowned for their quality and their purity.

The firm gave us some casting alginates so that we could make a cast.

They also offered us to elaborate a new "beauty mask". We will give more details about these two experiments in the following pages.


How to create a beauty mask

Technature entrusted us with the creation of a beauty mask. It is a new product the company wishes to launch. It’s a product made with tropical fruits, based on casting alginate.

The formula of the « tropical fruit » mask.

Product used Quantity properties
Bioprunte (alginate of sodium, sulfate of calcium, salt of phosphorus, neutral charge of diatomees earth.) 30g When in close contact with the skin, it creates a film. The mask sets into action active agents, and also has a mechanical effect ( it eliminates the dead cells of the skin).
Pinaple Pouder

Papaye powder
0,15 g

0,15 g
The cells of the skin are constantly replaced (every one to two months). With age, the process slows down, and the dead cells accumulate, which cause the skin to thicken. The dead cells are retained by a ciment of proteins ; it has to be hydrolysed to eliminate the dead cells.
Papaye contains papaïn, an enzym, which acts on the hydrolysis of proteins. Pinaple contains bromeline which plays the same role.
yellow pigment n°5
yellow pigment n°6
0,03g
0,03g
Naturel pigments are used to obtain a pleasant colour of fruit.
Flavours : fruit de soleil, papaye 0,015g They are natural extracts from fruit, with very concentrated effects.
Our work

First, we tested an alginate mask, with no additive, so as to watch the « casting » effect of that product.
We then tried several formulas, by varying the colours and flavours.
At last, we tested the resulting cast.

How to operate

Dose : 30g of powder for 100g of water

Dilution of the product : Pour the water quickly on the powder. Mix briskly until you get a smooth paste.
Important : water must be at 20°C

How to apply it : Apply it immediately over the face, avoid the eyes. It sets after about six minutes.

It takes about 15 mn to use

Résult

your skin is finer

your complexion
brighter


Agar-Agar and the formation of colloids

Agar-Agar is a Malaysian word. That product used in Malaysia, was also often used in Japon and the Far East. Agar-Agar comes from various seaweed, in particular from the gelidum species. Those seaweed, after frequent washings, are dried and boiled. The colloid we get is then dehydrated and turned into powder.

Agar-agar has a stong gelling power. If you add two gramms into a quarter of a litre of water, and boil it for five minutes, you get a hard gel, if tou leave it to cool.

At the biology laboratory, Agar-Agar is used to prepare nutrient supports for plants.
At the chemistry laboratory, it can be used to prepare conducting electrolytic bridges in the study of batteries.

We prepared Agar-Agar colloid, coloured with helianthine. Agar-agar is also used to prepare pudding, but for that we used a seaweed from Brittany, Pioka, which contains carrageenans.

Agar-Agar : an excellent gelling agent extracted from red algae


« Pioka » and carrageenans

Pioka is the Breton name of a seawweed that is also called sea « lichen ». It is collected at every low tide, its high price attracts seasonal pickers. Its scientific name is chondrus crispus. The active principle extracted from it is made up of carrageenans. It has a real gelling power in milk. In the traditionnal way, it is used by people along the Northern coast of Brittany to make puddings named « flans ».

The préparation of seaweeds.
After the gathering of seaweeds, they are spread on the dunes, and dried by often turning them. They can be also washed with fresh water to clear them of salt at various remains. At the end of treatment, the seaweeds are white and dry, and can then be preserved.

Just before use.
One can improve the rising process with several soakings ans rinsings. The seaweeds must completely get rid of their « sea » smell.
Seaweeds today, in food

A recipe of pioka pudding

We have prepared the recipe of this dessert. It was given to us by an elderly person from the Brignogan area in North-Finistere. She herself had seen her parents make it.

N.B : carrageenans of pioka easily give a gel with milk, it gives no gel with water. For that, on should use the agar-agar we also tested (it is also used for puddings).

Our recipe

Take a handful of dried seaweeds per quarter of a litre of milk. Rinse them. Make them boil for five minutes stirring them. Filter the hot milk with a strainer or a skimming ladle. Make it boil again for five minutes with the flavour choose, either chocolate or vanilla ( for exemple, three sponfils of Nesquick per quarter of litre of milk). Pour into bowls. Leave it cool and place it into a fridge.


Conclusion

When we started working on this project, we were not aware chemistry had been concerned with seaweed for so long.

We now, know, that here, people make products that are used all over the world.

Our impression is that the chemists who do that work really enjoy it, they extract from nature the best it can offer. The issue will be to increase the stock of seaweed and no doubt to plan its culture.

As far as our school project is concerned, it developed without our knowing it. The theorical study, the search for information, the experiments at the laboratory, the visit of factories, the elaboration of a new product, the test of an old recipe...all that was part of our project.

By writing this project, we intend to keep track of our work.

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5 décembre 2024 4 05 /12 /décembre /2024 12:05

 

 

Sur France Culture.

 

 

 

 

 

Newton est l'un des mathématiciens les plus illustres au monde. On ne sait pas forcément qu'il est aussi philosophe, alchimiste, ami des "Platoniciens de Cambridge" et qu'il s'intéresse aussi, dans son 18e siècle, à la théologie et à la religion. Autant d'aspects à découvrir dans ce documentaire.
 

 

 

 

 

 

 

 

Avec

 

    Michel Blay Philosophe et historien des sciences
    Bernard Joly Professeur émérite de philosophie et d'histoire des sciences à l'université de Lille 3
    Jean-François Baillon Professeur de civilisation britannique à l’Université Bordeaux Montaigne

 

 

Isaac Newton, né en 1642 et mort en 1727, est une figure emblématique des sciences, s'inscrivant dans la lignée de Galilée. Alchimiste, philosophe de la nature, il fait partie de la deuxième génération des physiciens qui vont construire la nouvelle physique, celle qui va remplacer la physique aristotélicienne.

 

 

Fondateur de la mécanique classique, de la gravitation universelle, créateur du calcul infinitésimal, de la théorie de la décomposition de la lumière par un prisme, ses travaux sont à la base de bien des piliers de notre monde moderne. Il existe toutefois un Newton plus méconnu : qui lit ses œuvres littéraires ? Sait-on qu'il fut le contemporain et l'ami des "Platoniciens de Cambridge", l'un des courants les plus réactionnaires et les plus audacieux du 17e siècle européen ? Qu'il a développé tout au long de sa vie des réflexions théologiques ? Pour en parler, ce documentaire réunit quatre spécialistes de Newton : Jean-François Baillon, Michel Blay, Jean-Louis Breteau et Bernard Joly.
L’entourage intellectuel de Newton : Les Platoniciens de Cambridge

 

 

Jean-Louis Breteau rappelle les caractéristiques de la pensée des Platoniciens de Cambridge : "Ils popularisent en Angleterre les idées de Descartes, en qui ils voient un penseur et un philosophe, qui va permettre de rendre de façon satisfaisante des pensées scientifiques. Ils s'en écartent par la suite, mais leur intérêt pour les sciences les pousse à s'impliquer dans la création de la Royal Society, en 1660, dont Newton sera ensuite le président."
 

 

Les principes mathématiques de la philosophie naturelle

 

 

En 1687, Newton publie l'un des textes les plus importants de toute l’histoire mondiale de la pensée scientifique, Philosophiae naturalis principia mathematica. Michel Blay résume son contenu : "Le livre se compose de trois parties. La première est consacrée à la théorie des forces centrales ; la deuxième, à ce qu’on appellerait aujourd’hui la mécanique des fluides et la troisième, au système du monde, avec la loi de la gravitation universelle."

 


Newton alchimiste ?

 

 

Comment un pilier de la science moderne a-t-il pu consacrer une partie de sa vie à l'alchimie ? Bernard Joly remet les choses en perspective : "L’alchimie, au 17e siècle, c’est tout simplement la chimie de l’époque. Les chimistes ou alchimistes travaillent dans des laboratoires et se livrent à toutes sortes de recherches sur ce qu’on appelle les acides, sur les alcalis, sur les métaux. Ce sont des "natural philosophers" comme on dit en anglais, des philosophes de la nature, qui veulent comprendre comment marche la matière, trouver comment elle est constituée. C’est pourquoi on parle de la pierre philosophale : ce sont des philosophes tout simplement. Les alchimistes se considèrent eux-mêmes comme appartenant au clan de la "philosophie naturelle" c’est-à-dire la philosophie qui veut comprendre la matière, la nature. Et Newton s’intéresse à la chimie de son temps, parce qu’il s’intéresse à tout."

 

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1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 19:13

Gérard Borvon

 

Extrait de : refuser l'arme nucléaire.

 

 

 

 

Quand les premières pages de ce livre ont été écrites, rien ne laissait penser que le président de la Russie, Vladimir Poutine, allait déclarer la guerre à l’Ukraine. Qui pouvait imaginer de voir à nouveau des populations écrasées sous les bombes et subissant les  exécutions sommaires, tortures, viols, qui accompagnent toutes ces guerres modernes qui visent d’abord les civils.  Encore moins était-il envisageable que le président Russe menace d’utiliser son armement nucléaire. Une menace qui s’adressait à l’Ukraine, mais aussi aux pays qui avaient choisis de répondre à la demande d’aide du Président Ukrainien Zelensky.
 

 

Les objectifs annoncés des frappes nucléaires russes étant les sites militaires adverses, nous voilà revenus aux premières pages de cet écrit quand les habitants de la presqu’île de Crozon refusaient d’être la cible d’une frappe nucléaire « préventive ». Que penser de la réponse faite au président Russe par le ministre français des affaires étrangères, Jean Yves Le Drian : « Je pense que Vladimir Poutine doit aussi comprendre que l’alliance atlantique est une alliance nucléaire ». Comment ne pas s’interroger sur le fait que ce soit un ministre français, pas particulièrement bien placé pour le faire, qui choisisse d’évoquer une possible réponse nucléaire de l’OTAN. N’était-ce pas plutôt de sa part une façon de rappeler que la France est elle même une puissance nucléaire qui affiche régulièrement sa prétention à être le « parapluie » nucléaire de l’Europe ? Être ainsi remis en lumière n’avait rien de rassurant pour la population du « bout du monde ».

 

Le 5 mars 2022 la chaîne de télévision Tébéo, liée au journal Le télégramme, rendait compte de cette inquiétude dans une émission titrée : « Menace nucléaire, la Bretagne en première ligne ». « Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine agite la menace nucléaire. Un signal qui résonne fort en Bretagne, puisque l'un des sièges stratégiques de la dissuasion nucléaire se trouve à l'Île Longue », annonçait le préambule de l’émission. L’invité était le président de « l’Université Européenne de la Paix », une association qui milite activement depuis trente ans pour le renoncement par la France à son armement nucléaire et qui est membre du Collectif finistérien pour l’Interdiction des Armes Nucléaires (CIAN 29).

 


 

 

Si on peut comprendre une sensibilité particulièrement forte dans cette pointe de Bretagne, l’agression de l’Ukraine par la Russie a été ressentie comme une menace par l’ensemble de la population en France qui a vu s’effondrer le dogme de la dissuasion : la preuve est faite que la paix n’est nullement garantie par  l’équilibre de la terreur. Comme le signale Benoît Pelopidas, fondateur du programme d’étude des savoirs nucléaires de Sciences Po, dans son  livre « Repenser les choix nucléaires », en situation de crise, une escalade incontrôlée ou un tir non autorisé peuvent aboutir à une explosion nucléaire dont les conséquences sont facilement imaginables.

 


 

 

Il note surtout que, en dehors même des périodes de tension, une catastrophe nucléaire d’origine militaire est toujours possible. Il met ainsi en évidence le rôle de la chance dans le  fait qu’aucune explosion nucléaire  accidentelle n’ait encore eu lieu. Parmi plusieurs exemples, il cite cette dislocation d’un B-52 en 1961 dans le ciel de Caroline du Nord au moment d’un ravitaillement en vol. Deux bombes de 3,8 mégatonnes – plus de 250 fois Hiroshima – se sont trouvées en chute libre. Un simple interrupteur a empêché l’explosion. Il aurait suffit d’une simple décharge électrique pour que la bombe explose en arrivant au sol.

 

C’est encore en 1980 l’incendie du moteur d’un B-52 sur une base du Dakota du Nord. A bord se trouvaient des armes nucléaires, très sensibles au feu, qui auraient pu exploser si, après trois heures d’intervention des pompiers, l’incendie n’avait pas été arrêté avant qu’il atteigne le compartiment contenant les armes.

 

C’est aussi le cas largement médiatisé de l’officier radar Stanislav Petrov, « l'homme qui a sauvé le Monde d'une guerre nucléaire ». Après avoir vu apparaître sur ces écrans ce qui semblait être la marque de cinq missiles ennemis, il a décidé de ne pas déclencher la procédure d’alerte qui aurait pu mener à une réplique nucléaire immédiate. A côté de ces quelques cas connus, combien d’autres restent dissimulés sous le « secret défense », y compris en France ? Alors que faire face à ces risques incontrôlés.

 

 

Un autre exemple retrouvé dans d'anciennes archives personnelles.
Voir

 

« Exigez de vos gouvernements un désarmement nucléaire total ». Tel est l’appel que nous adressaient Stéphane Hessel et Albert Jacquard dans le court ouvrage qu’ils ont publié en 2012. Qui mieux qu’eux a mis en lumière le non-respect par les états signataires du TNP, dont la France, de leurs engagements en matière de désarmement nucléaire, en particulier de l’article VI du TNP, entré en vigueur en 1970 : « chacune des parties du traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire à une date approchée ».

 


 

 

Désarmement nucléaire à une date approchée ? Un demi siècle plus tard avons nous vu des progrès ? Le traité n’a été qu’un leurre, constatent les deux auteurs, car fondé  sur une base « d’une part, injuste et, d’autre part, perverse ». Base injuste car quelle justice y a-t-il, de la part des états détenteurs d’armes nucléaires, de demander aux autres pays d’y renoncer quand eux-mêmes présentent leur possession comme l’indispensable garantie de leur sécurité. Base perverse quand le TNP prévoit, en contrepartie de ce renoncement, d’aider les pays signataires à développer chez eux le nucléaire « civil »,  proposition qui est une excellente opportunité pour les pays nucléarisés d’ouvrir des marchés lucratifs à leur propre industrie nucléaire. Ce faisant ils ne peuvent ignorer que ce nucléaire « civil » est la voie vers le « militaire » car, comme l’a reconnu explicitement le président français Emmanuel Macron le 8 décembre 2020, «  Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil » . C’est ainsi que l’Inde, le Pakistan, Israël, la Corée de Nord ont développé leur propre force de frappe nucléaire, rendant de ce fait le monde encore plus dangereux. Alors, « exiger » de nos gouvernements un désarmement nucléaire total ? Que pouvons nous exiger de présidents de la république française dont le premier geste après leur élection est de venir se faire adouber, à bord d’un sous-marin nucléaire, à l’Île-Longue dans la presqu’île de Crozon.

 


Face à l’inaction des « politiques », ce sont donc des organisations non-gouvernementales qui se sont regroupées en 2007 dans une « Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires (ICAN) ». Loin d’être utopique, leur action, qui a été reconnue par un prix Nobel de la paix en 2017, est à l’origine de l’adoption par 122 pays, en juillet 2017, d’un traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).  Après sa ratification par 50 pays, le traité est entré en vigueur le 22 janvier 2021.
 

 

Son premier article résume à lui seul l’esprit du traité. « Chaque État partie s’engage à ne jamais, en aucune circonstance [.] mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ». Réaction des puissances nucléaires ? Le gouvernement français affiche sa réponse sur le site du ministère des affaires étrangères. La France ne le signera pas car, ose affirmer son communiqué, le TIAN « ne servira [.] pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera ». Aucun ne le signera ? Faudra-t-il attendre que les USA et la Russie se mettent d’accord pour se dénucléariser alors que nous voyons leur rivalité se réveiller à chaque occasion ?
 

 

« Nos parents et grands-parents nous ont laissé les bombes nucléaires en héritage. Nous ne voulons pas laisser ce cadeau empoisonné à nos enfants » écrivaient quatre étudiants dans la préface de « Nucléaire, un mensonge français », le livre de l’ancien ministre de la défense Paul Quilès. Alors que nous laissons déjà à nos descendants le poids du dérèglement climatique et celui de la perte de la biodiversité, comment accepter, sans agir, que s’y ajoute la menace permanente de l’apocalypse nucléaire.  

 


 

 

Que faire ? Pour renouer avec la tradition humaniste qui a été la sienne dans une période de son histoire, la France peut donner le signal de la marche vers un monde débarrassé de la menace nucléaire en étant le premier pays à renoncer volontairement à son armement nucléaire.

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21 novembre 2024 4 21 /11 /novembre /2024 13:40

La Terre au Carré.

photo Nicole et Félix le Garrec

Après-guerre, en Bretagne surtout, et dans une moindre mesure dans les zones moins bocagères, les haies ont été arrachées à coups de bulldozer, les talus arasés, et les vergers réduits à néant. C'est ce qu'on a appelé le remembrement et voici son histoire oubliée racontée dans une BD.
Avec Inès Léraud Journaliste

 

En mai 1978, Gildas Le Coënt, emprisonné neuf mois en hôpital psychiatrique, est libéré. Cette affaire marque un nouvel épisode de la bataille bretonne contre le remembrement. Elle reflète une réalité vécue par des milliers de paysans à travers la France pendant les décennies de modernisation agricole. Inès Léraud est journaliste, et lanceuse d’alerte en 2019 face à l’omerta des algues vertes. Elle publie aujourd'hui « Champs de bataille, l'histoire enfouie du remembrement », sa deuxième BD, une enquête avec Pierre van Hove, publiée chez La Revue Dessinée et les Éditions Delcourt.

 

 

Des blessures toujours vives dans la mémoire collective

 

 

Les témoignages recueillis révèlent des traumatismes profonds. Comme le rapporte Jacqueline Goff née en 1953 : "Je revois l'apparition des bulldozers, ce saccage qui détruit tout, les arbres, les talus. Ce n'était pas un remembrement, un démembrement, c'était le chaos." sur France Culture. Cette mémoire douloureuse se transmet encore dans les villages, où certaines familles ne se parlent plus depuis cette époque.
 

 

Une modernisation imposée qui a divisé les campagnes

 

 

Le remembrement, lancé après la Seconde Guerre mondiale, visait à adapter l'agriculture française aux enjeux de productivité et de concurrence internationale. "C'était une société paysanne qui n'était pas dans une logique de l'argent" explique Inès Léraud, "il s'agissait de regrouper les parcelles, d'arracher les arbres, les talus, pour avoir des champs facilement cultivables par des machines". Cette politique crée alors des tensions durables, opposant les "gagnants", appelés "profiteurs" et les "lésés" du remembrement.

 

 

Ce qui frappe Inès Léraud et Léandre Mandard en travaillant sur le sujet du remembrement, c'est l'ampleur des résistances et des conflits liés à cette question. Un mouvement contestataire qu'on aurait difficilement imaginé vu le peu de cas qu'en ont fait les sociologues ruraux et les historiens jusque-là. "Or, dans les archives départementales, les cartons de réclamation, de recours, de lettres, de mécontentement. Il y en avait partout, dans toutes les archives départementales où je suis allée sur le territoire français. Les bulldozers du remembrement ont dû être accompagnés des forces de l'ordre pour intervenir" explique Inès Léraud.

 

 

Un impact environnemental majeur qui persiste

 

 

Les conséquences de cette transformation radicale des paysages se font encore sentir aujourd'hui. "Il y a 23 000 kilomètres de haies qui disparaissent chaque année, il y en a 3 000 qui sont replantées, donc on perd 20 000 kilomètres de haies chaque année", souligne Inès Léraud. Cette destruction massive du bocage, associée à la diminution drastique du nombre d'agriculteurs (passé de 7 millions en 1946 à 400 000 aujourd'hui), illustre l'ampleur des changements opérés. "Certains chercheurs parlent même d'éthnocide, on a perdu 90% des paysans." explique Inès Léraud.

 

La suite est à écouter...

 

 

Inès Léraud et Léandre Mandard, agrégé d’histoire et doctorant au Centre d’histoire de Sciences-Po (CHSP). Après avoir étudié le mouvement militant gallo au XXe siècle, il s’intéresse à l’histoire sociale, culturelle et environnementale de la modernisation agricole en Bretagne.
 

 

Sa thèse, qu’il soutiendra en 2025, sous la direction d'Alain Chatriot, s'intitule « Révolution dans le bocage. Genèse, exécution et contestations du remembrement rural en Bretagne (1941-2007) ». Il a travaillé avec Inès Léraud comme « conseiller historique ». Il avait également collaboré à l’ouvrage « Algues Vertes, l’histoire interdite » en proposant une version en gallo, titrée « Limouézeries, l’istouère defendue » Inès Léraud, et Léandre Mandard sont tous deux membres de « Splann ! » (« clair », en breton), un média en ligne indépendant consacré à l'investigation en Bretagne (Inès Léraud en est cofondatrice).

 

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 Ils reconstruisent les paysages détruits par le remembrement.

 

extrait de S-eau-S, l'eau en danger.

 

 

Ils sont quelques « fêlés » à vouloir remonter le cours du temps :
 

 

Décembre 1992, dans un champ au dessus de la rivière Elorn une trentaine de personnes s’occupent à reconstruire un talus à l’ancienne dans un champ travaillé par Goulven Thomin, agriculteur bio. Le maître d’œuvre, Mikael Madec, est bien connu en Bretagne comme le collecteur assidu des gestes et des mots de la vie traditionnelle. Auteur d’un livre en breton sur la construction des talus, il a su mettre la main à la pâte et retrouver les méthodes anciennes. Sous sa direction donc, une équipe découpe les mottes, une autre les véhicule avec précaution, la troisième se livre au délicat travail de l’assemblage. En trois heures, malgré la pluie fine, une centaine de mètres d’un beau talus arrondi est monté. Il ne reste plus qu’à s’attabler devant le solide casse - croûte qui est de tradition quand Goulven invite ses amis à un « grand chantier ».

 

Naturellement l’opération est symbolique. Cette parcelle avait jadis été remembrée de force. Son propriétaire, Jean Tanguy, s’était placé devant les engins venus araser ses talus, il avait fallu faire intervenir la gendarmerie.

 

Il s’agissait donc de rappeler à tous ceux qui semblaient les avoir oubliées, les multiples fonctions des talus : remparts contre les vents dominants, barrières contre le ruissellement, pièges pour les nitrates et les pesticides, refuges pour les plantes et les animaux « sauvages », facteurs d’équilibre biologiques.

 

Bien sûr, 100m de talus reconstruits n’allaient pas inverser à eux seuls la tendance. Les bulldozers du remembrement en avait détruit 200 000 km !

 

Sur la parcelle voisine, pour parfaire la démonstration, un tracto-pelle travaillait lui aussi à remonter un talus. Chacun pouvait apprécier la meilleure qualité esthétique du talus « fait main » mais reconnaissait cependant que le travail mécanique faisait quand même moins mal aux reins. Il ne s’agissait pas de « retourner à la marine à voile », comme le faisait remarquer Jean-Yves Kermarrec, un des pionniers de la lutte pour la protection de l’environnement dans le secteur. Les nouveaux paysans ont une vision très « nouvelle » de la vie. L’informatique, internet, ne leur font pas peur, pas plus que le tracteur, quand il est manié de façon conviviale. Ce qu’un engin a démoli, un autre engin peut le reconstruire !

 

Restait à espérer que la course engagée entre ceux qui redressent les talus et ceux qui les détruisent tournerait à l’avantage des premiers.

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