Demain l'hydrogène ?
C'est du moins ce que laissent entendre depuis quelques années les médias scientifiques ou autres. Finies les énergies carbonées. L'avenir est l'hydrogène. Heures de gloire pour un élément chimique jusqu'à présent peu mis en lumière. Pourquoi pas un retour aux sources pour retrouver l'histoire de cet élément. Elle commence en Angleterre avec Cavendish.
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Deuxième fils du Duc de Devonshire, Henry Cavendish, reçoit, de son oncle, un riche héritage qui lui permet de constituer un laboratoire bien équipé qu’il utilise avec une rigueur peu commune parmi ses contemporains.
matériel de laboratoire de Cavendish.
En 1766, il présente devant l’Association Royale de Londres une communication sur les airs factices.
"Par air factice, je désigne, en général, toute sorte d'air contenu dans d'autres corps sous forme non-élastique, et qui en est extrait par l'action de l'art".
La découverte de l’air inflammable (notre hydrogène) constitue, par sa nouveauté, la partie la plus remarquable de son travail. Voir : Philosophical Transactions, 1766 page 144.
Le zinc, le fer et l'étain sont donc les trois métaux, à partir desquels Cavendish produit ce qu'il désigne comme "air inflammable" ( et deviendra notre hydrogène). Il l'obtient par leur dissolution dans les acides. Et ceci uniquement dans l'acide vitriolique dilué (notre acide sulfurique), ou dans l'esprit de sel (notre acide chlorhydrique). Le zinc, précise-t-il se dissout avec une grande rapidité. Sans doute le phénomène avait-il déjà été observé dès les premiers temps de l'alchimie. Cavendish sera le premier à l'étudier avec méthode.
C'est ainsi que l'action de l'acide chlorhydrique sur le zinc deviendra, jusque aujourd'hui, la façon de préparer de l'hydrogène dans les laboratoires de nos lycées au moyen de l'appareil de Kipp.
Il note aussi que ces réactions se font avec une grande production de chaleur analogue à celle que produit leur combustion
Quelle explication pour le phénomène ?
Comme lors de leur combustion, quand les métaux sont dissous dans les acides, leur "phlogistique" s'échappe, sans que sa nature soit modifiée par l'acide. Ce phlogistique constitue "l'air inflammable". Ainsi raisonne Cavendish.
Un mot sur le phlogistique.
Georg Ernst Stahl (1659-1734) nomme ainsi un "principe du feu" qui serait présent dans tous les corps combustibles.
Ce phlogistique, Stahl le reconnaîtra dans le soufre mais aussi dans le charbon et les corps combustibles comme les résines, les huiles et graisses végétales ou animales. Car, dit-il, ce principe se trouve dans les trois règnes de la Nature "au point qu’il passe immédiatement sans nulle difficulté et en un instant, du règne végétal et du règne animal dans le règne minéral et dans les substances métalliques".
Que se passe-t-il quand brûle un morceau de charbon ? La combustion libère le "phlogistique" qui ira imprégner l’air ambiant, le transformant en "air phlogistiqué". Mais, d’abord, Stahl le verra en œuvre dans les métaux, eux mêmes combustibles. C'est donc ce phlogistique qui s'échappe de ceux-ci quand ils sont dissous dans les acides. La théorie rencontre le succès parmi tous les chimistes de l'époque et il faudra attendre Lavoisier pour qu'elle soit abandonnée.
Place aux expériences.
La combustion de cet air dans l'air commun est donc la caractéristique majeure de ce nouvel air. Cavendish ne se contente pas d'une rapide observation. Il souhaite en savoir plus sur cette réaction.
De l'air inflammable est mélangé à de l'air commun dans des proportions différentes dans des flacons par les différentes méthodes représentées sur les montages présentés en ce début d'article. Quand une flamme est présentée à l'orifice du flacon, une flamme se produit accompagnée d'un bruit plus ou moins fort. Résultats :
- Avec une part d'air inflammable et neuf parts d'air commun, aucune inflammation quand on approche un papier enflammé de l'orifice du flacon.
- Avec deux parts pour huit, une flamme et un léger bruit/
- Avec trois parts pour sept, un très fort bruit.
- Avec quatre parts pour six, un bruit légèrement plus fort.
- Avec des parts égales, sensiblement le même son.
- Avec 6 parts pour quatre, une flamme et un son faible.
- Avec 7 puis 8 puis 9 parts d'air inflammable, un son de plus en plus faible et une flamme à l'intérieur du flacon.
Proposition d'exercice pour apprenties et apprentis chimistes.
Sachant que la proportion d'oxygène dans l'air est de 21%, quel mélange vous semble le plus favorable à une combustion complète et donc à un fort bruit.
Quelle densité pour l'air inflammable ?
Cavendish s'est fait une spécificité dans la mesure de la densité des gaz. Nous ne décrirons pas ici les méthodes utilisées. La faible densité du gaz inflammable rend la mesure délicate. Notons que l'expérimentateur conserve comme dernière valeur une densité 8760 fois plus faible que celle de l'eau ou 11 fois plus faible que celle de l'air.
Autre proposition d'exercice : comparer ces résultats avec ceux que nous donneraient nos connaissances actuelles.
En conclusion : Cavendish ne se contente pas de découvrir l'existence de cet "air inflammable" qui deviendra notre hydrogène, il nous en apprend déjà beaucoup sur ses propriétés chimiques et physiques. Il mérite, à plus d'un titre, celui de "découvreur" de l'hydrogène.
A suivre :
Joseph Priestley (1733-1804)
Dans son ouvrage "Expériences sur diverses espèces d'air, Paris 1777", Priestley n'apporte pas d'informations nouvelles quant à la nature de "l'air inflammable" décrit par Cavendish. Son intérêt réside dans le nouveau mode de production : il extrait cet air de toutes matières qu'il considère comme inflammables, en chauffant celles-ci, comme sur le modèle de Hales, dans un canon de fusil, c'est à dire de fer. Lavoisier reprenant le montage saura, mieux que lui, interpréter la réaction.
De l'air inflammable (p70) Priestley.
Résister, de ZAD en ZAD.
Certaines victoires sont porteuses des luttes à venir. Celle de Notre-Dame-des-Landes, à l’évidence, en est une. Pour la littérature officielle, une ZAD est une « zone d’aménagement différée ». L’humour est souvent la plus efficace des armes. ZAD : « Zone à défendre » ont traduit les militants et militantes de Notre-Dame-des-Landes. Alors se sont ravivés les souvenirs d’autres luttes pour d’autres lieux à défendre. Celle du Larzac contre l’extension du camp militaire. Celle de Plogoff contre le projet de construction d’une centrale nucléaire à la pointe du Raz. Sainte-Soline, autoroute A69... qui pourrait s’étonner de voir se multiplier les ZAD quand le pouvoir politique, au sommet de l’État, se fait le relai des lobbys du vieux monde et tient à répondre par la force à toute contestation.
Les ZAD, le pouvoir en a peur.
Alors que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, peut donner l’ordre aux forces de l’ordre de rester inertes face aux exactions des troupes agricoles menées par la FNSEA, c’est un véritable guet-apens qui attend, à Sainte-Soline, les militantes et militants invités à manifester pacifiquement, à l’appel des Soulèvements de la Terre.
Résister avec Les Soulèvements de la Terre.
A nouveau l’imagination en actes. En 2021, à l’occasion d’une rencontre sur la ZAD de Notre-Damedes-Landes, naît un manifeste « Contre l’apocalypse climatique, les Soulèvements de la Terre ». Qui sont ses signataires ?
Nous sommes des habitant·es en lutte : « attaché·es à leur territoire. Nous avons vu débouler les aménageurs avec leurs mallettes bourrées de projets nuisibles. Nous nous sommes organisé·es pour défendre nos quartiers et nos villages, nos champs et nos forêts, nos bocages, nos rivières et nos espèces compagnes menacées. Des recours juridiques à l’action directe, nous avons arraché des victoires locales. Face aux bétonneurs, nos résistances partout se multiplient. »
Nous sommes des jeunes révolté·es : « qui avons grandi avec la catastrophe écologique en fond d’écran et la précarité comme horizon. Nous sommes traversé·es par un désir croissant de déserter la vie qu’ils nous ont planifiée, d’aller construire des foyers d’autonomie à la campagne comme en ville. Sous état d’urgence permanent, nous avons lutté sans relâche contre la loi Travail, les violences policières, le racisme, le sexisme et l’apocalypse climatique. »
Nous sommes des paysan·nes : « La France n’en compte presque plus. Avec ou sans label, nous sommes les dernier·es qui s’efforcent d’établir une relation de soin quotidien à la terre et au vivant pour nourrir nos semblables. Nous luttons tous les jours pour produire une nourriture saine à la fois financièrement accessible et garantissant une juste rémunération de notre travail. »
« Parce que tout porte à croire que c’est maintenant ou jamais, nous avons décidé d’agir ensemble. »
Agir ensemble.
Cette convergence des luttes, tant de fois espérée, est enfin réalisée. Sainte-Soline en sera la première manifestation à caractère national. Ce pouvoir qui a déjà manifesté sa violence contre cet autre soulèvement qu’ont été les gilets jaunes ne peut le supporter. La répression devra à nouveau être violente et suivie d’une campagne de presse visant à discréditer le mouvement. La machination ourdie pour pouvoir déclarer la dissolution du collectif, a été bien orchestrée.
On ne dissout pas un soulèvement, lui répondent quarante voix, d’origines diverses, dans un ouvrage publié au Seuil. Depuis l’hiver 2001, un mouvement s’est levé, écrivent-elles, « contre l’accaparement et l’empoisonnement de la terre et de l’eau par le complexe agro-industriel. Contre la métropolisation et la bétonisation des terres agricoles nourricières et des derniers espaces naturels. Un mouvement pour résister de toutes nos forces au ravage en cours. ».
Un mouvement « Pour reprendre, mettre en commun et choyer les terres. Y déployer des expériences communales et coopératives. Réinventer des formes de vie qui imbriquent subsistance paysanne et symbiose avec l’ensemble du vivant ».
Ces voix rappellent Sainte Soline et les 30 000 personnes qui ont marché contre les mégabassines. « Ce jour-là, l’État a voulu écraser la lutte, en tirant massivement sur une foule diverse, mais déterminée à mettre un terme au chantier. Il était prêt à tuer. »
On n’a pas dissout le Soulèvement de la Terre. Suite aux plaintes des associations, le Conseil d’État a annulé la décision du ministre de l’Intérieur. Retour du bâton : des dizaines de comités voient le jour sur l’hexagone.
Résister en rebelles.
2018. Un logo apparaît sur les tracts, les affiches, les murs. En vert, pour le combat écologique, un cercle représentant la Terre. A l’intérieur un sablier rappelle l’urgence à agir. En noir, une signature : XR, pour « Extinction Rébellion ». Leurs revendications sont celles de l’ensemble des associations écologistes : la reconnaissance de la gravité et de l’urgence des crises écologiques actuelles - la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre - l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, à l’origine d’une extinction massive du monde vivant.
Le mode d’action de ces rebelles rejoint celui des nombreux groupes visant le même objectif : attirer l’attention par une action spectaculaire. Certaines font date comme celle de cette jeune militante de « Dernière Rénovation » qui a interrompu la demi-finale de Roland Garros en s’attachant au filet. Sur son t-shirt une inscription en anglais « Il nous reste 1028 jours ». 1028 jours c’est le temps qu’il reste pour « déterminer le futur de l’humanité » annonce l’organisation. L’État « a été condamné par ses propres tribunaux pour manquement à ses propres lois. C’est désormais à nous, citoyens et citoyennes ordinaires, de faire appliquer les engagements auxquels notre gouvernement refuse de se plier. C’est à nous d’entrer en résistance civile ».
Résister dans les écoles et les universités.
Décembre 2018. En visite sur le campus de l’École Polytechnique à Paris-Saclay, Patrick Pouyanné, Président-directeur général de Total, annonçait le projet d’ouverture d’un nouveau centre d’Innovation et de Recherche sur le plateau de Saclay au cœur de l’École Polytechnique. Ce centre, dont l’ouverture officielle était prévue pour 2022, aurait pour objectif de placer le groupe « au cœur d’un écosystème mondial d’innovation ».
Le chantier devait démarrer dès l’été 2019 quand, comme le relate le journal Le Monde du 6 juillet 2021, « Le mardi 1er juin 2021 à 19 heures, un événement tout à fait inhabituel s’est produit dans la cour Vaneau de l’École polytechnique [.] une action militante à des années-lumière de la tradition militaire. ».
illustration Le Monde
Ce sont 350 élèves ingénieurs qui se sont regroupés pour former un« X » géant, symbole de l’école et de ses élèves. Leur objectif : montrer leur opposition au projet de construction du groupe Total (devenu TotalEnergies) sur leur campus. Bientôt ces premiers francs-tireurs étaient rejoints par Greenpeace France, Anticor et l’association Sphinx, qui rassemble plusieurs dizaines d’anciens élèves de l’X. Ces organisations déposaient une plainte pour prise illégale d’intérêt contre Patrick Pouyanné. Les plaignants lui reprochant d’avoir profité de sa position de membre du conseil d’administration de Polytechnique pour influencer, au nom de Total, la décision finale de valider le projet d’implantation.
Janvier 2022. Après deux ans d’une lutte intelligemment médiatisée, Total jetait l’éponge. Les étudiants étaient les premiers à savourer leur victoire. Ils n’en restent pas moins vigilants. « Nous continuerons à nous battre pour que les relations entre l’École polytechnique et les entreprises partenaires s’inscrivent dans un cadre transparent et soient accompagnées de garanties concernant l’indépendance de la recherche et de l’enseignement », faisait savoir Thomas Vezin, secrétaire général de Sphinx. La leçon sera effectivement retenue.
Juin 2022. A nouveau Polytechnique.
Ils sont huit, étudiants et étudiantes, sur la tribune lors de la remise des diplômes des dernières promotions. Leur discours, d’une rare radicalité, rompt avec l’affichage « élitiste » de leur école. D’abord le constat : « Les rapports du GIEC sont sans appel : nous devons résoudre en trente ans le défi écologique. Un défi existentiel et civilisationnel dont l’enjeu est la possibilité même de soutenir la vie. Malgré de multiples appels de la communauté scientifique, malgré les changements irréversibles d’ores et déjà observés, nos sociétés continuent leur trajectoire vers une catastrophe environnementale et humaine.»
Ensuite la mise au point : « Plus encore, la question écologique ne peut être dissociée de la question sociale. Il paraît inimaginable que la sobriété, qui est nécessaire, soit portée par ceux qui, en France aussi, ont déjà du mal à se loger, se chauffer, se nourrir. On nous a enseigné les théories économiques néo-libérales tout comme la physique du climat [.] On nous a bombardés de présentations de cabinets de conseil tout en nous vantant les services de l’État. Nous rappelons d’abord que non, les règles du jeu ne sont pas immuables. »
Il va falloir innover. « Non pas à la manière des greentech ou autres technologies que le capitalisme et ses startups qualifient de vertes. Mais innover dans notre manière de vivre [.] quitter nos phantasmes sur la technique comme unique et magique source de salut face aux périls écologiques ».
« Nous avons besoin de nouveaux récits ».
Message adressé à leur jeune génération : « Nous avons besoin de nous raconter des histoires qui rendent désirable le futur qu’il nous faut à présent construire. D’avoir des imaginaires qui nous donnent envie de s’y engager non par peur mais avec enthousiasme et avec passion. Partout des gens s’éveillent, partout des gens s’engagent »
« Engageons-nous maintenant car il est déjà si tard. »
Autre discours remarqué : celui des étudiants et étudiantes de l’Agro à l’occasion de la réunion des diplômé.es de 2022. Un message adressé aux nouvelles et nouveaux diplômés : « Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. Nous ne nous considérons pas comme les “Talents d’une planète soutenable”. Nous ne voyons pas les ravages écologiques et sociaux comme des “enjeux” ou des “défis” auxquels nous devrions trouver des “solutions” en tant qu’ingénieur.es. »
Une analyse lucide du « modèle » agricole dominant :
« Nous ne croyons pas que nous avons besoin de “toutes” les agricultures. Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur terre. »
La Technique ne nous sauvera pas : « Nous ne voyons pas les sciences et techniques comme neutres et apolitiques. Nous pensons que l’innovationtechnologique ou les start-up ne sauveront rien d’autre que le capitalisme. Nous ne croyons ni au développement durable, ni à la croissance verte ni à la “transition écologique”, une expression qui sous-entend que la société pourra devenir soutenable sans qu’on se débarrasse de l’ordre social dominant. »
« Ne perdons pas notre temps ! ».
Invitation adressée à leurs amies et amis présents dans la salle. « Désertons avant d’être coincés par des obligations financières.
N’attendons pas que nos mômes nous réclament des sous pour faire du shopping dans le métavers, parce que nous aurons manqué de temps pour les faire rêver à autre chose.
N’attendons pas d’être incapables d’autre chose qu’une pseudo-reconversion dans le même taf, mais repeint en vert.
Remarqué : leur appel à la bifurcation.
« N’attendons pas le 12e rapport du GIEC qui démontrera que les États et les multinationales n’ont jamais fait qu’aggraver les problèmes et qui placera ses derniers espoirs dans les populaires. Vous pouvez bifurquer maintenant. »
dessin dans la "Revue Dessinée"
Juin 2023. Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, rencontrant les étudiants et étudiantes de Sciences Po, ne leur dit pas autre chose. « Certains d’entre vous travaillent déjà et se rendent peut-être compte à quel point il peut être difficile de bouleverser le statu quo. Je vous exhorte à ne jamais abandonner.
N’abandonnez jamais les idéaux de compréhension mutuelle, de coopération et de sens du bien commun.
Permettez-moi une observation personnelle : lorsque vous décidez de votre carrière, résistez aux appels des sirènes des entreprises qui détruisent notre planète ; qui volent notre vie privée ; et font le commerce des mensonges et de la haine. »
Novembre 2023. Message reçu par les étudiantes et étudiants.
Après Total, c’est BNP Paribas qui est dans leur collimateur. « Nous sommes étudiant·es et jeunes diplômé·es d’universités et d’écoles françaises [.] Nous constatons que BNP Paribas tente d’instrumentaliser nos craintes et nos convictions et cible notre génération avec son greenwashing, dans sa publicité et sur nos campus (stands vantant ses offres bancaires et jobs à impact, par exemple). Nous ne sommes pas dupes. »
Ils et elles dénoncent ces banques qui financent les destructeurs de la planète. « Nous prenons ici l’engagement de ne pas travailler pour des banques qui, comme BNP Paribas, refusent de regarder la vérité climatique en face et continuent de financer des entreprises qui prévoient de nouveaux projets d’énergies fossiles. Ces bombes climatiques menacent directement notre futur, et nous affirmons haut et fort que nous ne participerons pas à une telle destruction. »
Résister dans les labos.
Février 2020. Constatant l’inaction des gouvernements face à l’urgence écologique et climatique, plus de 1000 scientifiques de toutes disciplines, parmi lesquels une trentaine de médaillé·es du CNRS ou de l’Académie d’Agriculture et plus de cent anciennes directrices ou directeurs d’unités, appellent les citoyens à la désobéissance civile et au développement d’alternatives.
D’abord le rappel : « Les observations scientifiques sont incontestables et les catastrophes se déroulent sous nos yeux. Nous sommes en train de vivre la 6e extinction de masse [.] les niveaux de pollution sont alarmants à tous points de vue [.] nous avons déjà dépassé le 1°C de température supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle, et [.] un réchauffement global de plus de 5°C ne peut plus être exclu. À ces niveaux de température, l’habitabilité de la France serait remise en question par des niveaux de température et d’humidité provoquant le décès par hyperthermie ».
Ensuite le constat : « depuis des décennies, les gouvernements successifs ont été incapables de mettr e en place des actions fortes et rapides pour faire face à la crise climatique et environnementale dont l’urgence croîttous les jours. Cette inertie ne peut plus être tolérée. [.] Nous refusons que les jeunes d’aujourd’hui et les générations futures aient à payer les conséquences de la catastrophe sans précédent que nous sommes en train de préparer et dont les effets se font déjà ressentir. »
Enfin l’appel : « nous appelons à participer aux actions de désobéissance civile menées par les mouvements écologistes, qu’ils soient historiques (Amis de la Terre, Attac, Confédération paysanne, Greenpeace...) ou formés plus récemment (Action non-violente COP21, Extinction Rebellion, Youth for Climate...).
Nous invitons, à se mobiliser [.] en agissant individuellement, en se rassemblant au niveau professionnel ou citoyen local [.] ou en rejoignant les associations ou mouvements existants (Alternatiba, Villes en transition, Alternatives territoriales...) ».
Les observations scientifiques sont incontestables, nous rappellent ces scientifiques rebelles. Incontestables effectivement sont les connaissances accumulées, rapport après rapport, par les scientifiques du monde entier rassemblés dans le GIEC.
Résister avec les scientifiques du GIEC.
Premiers lanceurs d’alerte, les scientifiques français Claude Lorius et Jean Jouzel, ont publié en 1987 la première étude établissant un lien formel entre concentration de CO2 dans l’atmosphère et réchauffement climatique. A leur suite toute une génération de climatologues a pris le relai. Plusieurs ont tenu un rôle premier dans les travaux du GIEC. Certains et certaines ont décidé de descendre dans l’arène.
15 Novembre 2017. Déclaration d’Emmanuel Macron, à Bonn, lors de la COP23.
La France a décidé « l’interdiction de tout nouveau permis d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures dans notre pays. C’est la première fois qu’un pays développé décide pour son propre territoire d’une telle politique ; nous l’assumons parce que c’est celle qui est indispensable pour être au rendez-vous du climat et de la transition que nous avons actée ».
Et pourtant…
11 février 2024. Christophe Cassou, climatologue auteur principal du 6e rapport du GIEC, était avec Greta Thunberg aux côtés des manifestantes et manifestants qui s’opposaient au projet de forage pétrolier dans le bassin d’Arcachon. « Je quitte ici mon habit de scientifique », leur dit-il. « Je vois ici des gens de tous âges, unis dans un combat non violent pour un futur climatique viable. » Indignation, engagement, résistance, ne sont pas des crimes, leur dit-il.
« 1. L’indignation n’est pas un crime : c’est le signe de la conscience qui fait de nous des êtres humains.
2. L’engagement n’est pas un crime. C’est ce qui fait l’honneur du citoyen.
3. La résistance à l’absurdité d’un projet climaticide et emblématique d’une bifurcation impossible n’est pas un crime.
Au contraire, le GIEC dans son évaluation de la littérature scientifique, montre que les mouvements citoyens aident à la prise de conscience et à faire évoluer le droit,aujourd’hui obsolète par bien des aspects, face aux enjeux du moment. »
Christophe Cassou est l’un de ces scientifiques qui, après avoir fait connaître les différents scénarios possibles d’évolution du climat et leur effet sur la Planète, ont décidé d’agir en citoyens libres. Ses messages didactiques, très suivis sur X (twitter), lui ont valu des tombereaux d’insultes qui l’ont amené, pendant une période, à suspendre ses publications.
Libre et courageuse également Magali Reghezza-Zitt,géographe, auteure de Anthropocène (éditions CNRS). Les insultes et menaces, qu’elle reçoit sur les réseaux sociaux, ne la font pas renoncer à sa volonté d’informer.
Également sur X, Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au CEA et coprésidente du groupe n°1 du GIEC de 2015 à 2023, informe inlassablement. Le 12 avril 2023 elle intervenait à la soirée de soutien aux Soulèvements de la Terre organisée par Reporterre, Blast, Socialter et Terrestres.
« Je veux dire très clairement mon rejet de toute forme de violence. Je ne me reconnais pas dans une société où le dialogue est impossible, et où la violence mène à la violence », tenait-elle à dire en introduction tout en affirmant, tout aussi clairement, que les actions de résistance non violentes sont des catalyseurs de changement.
Son intervention était placée sous le signe de la gravité.« La contestation de la légitimité de certains projets est perçue comme une menace à l’ordre public, conduisant à des interdictions de manifestations, mobilisant des milliers de gendarmes, et menant à des affrontements violents et graves. Mais sommes-nous réellement engagés aujourd’hui vers des transformations de fond favorables à l’intérêt général, accélérant la baisse des émissions de gaz à effet de serre, renforçant la résilience face au climat de demain, préservant la biodiversité ? »
Quelle est la menace la plus grave ?
« Est-ce la poursuite de tendances non soutenables ?L’aggravation des impacts du changement climatique qui touche de plein fouet les plus fragiles, la dégradation des écosystèmes, la perte de biodiversité, leurs conséquences pour le bien-être, les droits humains des générations actuelles et futures ? »
Ou est-ce cette contestation qui dérange ? « Face à l’inertie, face à l’inadéquation des réponses institutionnelles et politiques [.] Les mouvements sociaux pour la justice climatique qui prennent, dans les régions rurales comme dans les centres urbains, de nouvelles formes d’actions de résistance non violentes, parfois perturbatrices, font partie des catalyseurs. »
Résister et annoncer le monde à venir.
Résister est une priorité quand il faut mettre en échec les projets destructeurs du climat et du vivant qui se multiplient. Résister, c’est aussi, et peut-être d’abord, mettre en œuvre, sans attendre, ces actions qui « bifurquent ».
La population d’insectes, d’oiseaux s’effondre. Les cancers, les maladies neurodégénératives, les problèmes de développement des jeunes enfants se multiplient. Responsables : les pesticides.
Issus, comme les nitrates, de la chimie de guerre des explosifs et des gaz de combat, l’industrie leur a trouvé un débouché massif dans l’agriculture. Seule une poignée d’agriculteurs ont alors choisi de prendre une autre voie, celle d’une agriculture sans chimie, l’agriculture biologique.
Ces pionniers, au début peu nombreux, ont su aller au devant des autres résistants de la société de consommation, ces protecteurs d’espaces naturels, ces empêcheurs de bétonner en rond, ces semeurs de solidarités locales et planétaires. Des magasins coopératifs se sont montés, des marchés se sont mis à revivre, des échanges équitables ont lié producteurs et consommateurs. Contre l’accaparement des terres, des associations ont créé les liens qui permettent à de jeunes agriculteurs et agricultrices de pouvoir s’installer.
Malgré les pressions du lobby agro-industriel et le manque de soutien des pouvoirs publics, toutes ces initiatives progressent et annoncent l’agriculture et l’alimentation du futur.
Les transports.
C’est une des premières causes de l’émission de gaz à effet de serre. C’est aussi la cause principale de l’émission de particules fines qui causent, en France, de l’ordre de 50 000 décès prématurés par an.
Il a fallu bien des manifestations cyclistes, des « vélorutions », pour que le vélo soit devenu une évidence. Les premières municipalités à rendre gratuits les transports en commun ont, d’abord, été regardées de façon suspicieuse. Elles ont fait la preuve de l’intérêt environnemental et social de leur choix. Ce sont les mobilisations citoyennes qui ont sauvé des voies ferrées secondaires menacées et obtenu la reprise des trains de nuit. Pour suppléer au manque de transports en commun, le covoiturage a d’abord été mis en place de façon « sauvage » avant que les autorités en voient l’intérêt et commencent à l’organiser.
L’habitat.
L’autre cause principale de l’émission de gaz à effet de serre. Les premiers éco-villages, écoquartiers, éco-immeubles, ont été, eux aussi, à l’initiative de pionniers.
L’énergie.
Les premiers panneaux solaires, thermiques ou photovoltaïques, les premières éoliennes, ne sont pas nés en Chine. Si les gouvernants français n’avaient pas fait le choix du tout nucléaire et bridé toutes les initiatives de ces autres pionniers qui, dès les années 70 du siècle passé, les avaient déjà mises en œuvre à leur échelle, nous aurions aujourd’hui, en France, les fabricants et artisans capables de produire localement les énergies de demain.
Pour autant tous ces acteurs et actrices savent que les changements ne viendront pas d’une « transition » écologique, terme derrière lequel les partisans du statu quo s’abritent pour prolonger le plus longtemps possible les énergies fossiles et les polluants chimiques. Il n’est plus le temps de faire uniquement appel à la « conscience individuelle » ou de promouvoir une politique des « petits pas ».
Il y a urgence.
« Gaïa se soulève », nous dit Isabelle Stengers, philosophe des sciences, l’une des « 40 voix pour les soulèvements de la Terre ». Nommer ainsi la Terre, explique-t-elle, c’est, « plutôt que d’en parler d’un phénomène climatique », faire sentir qu’il ne s’agit pas d’une simple crise mais que « quoi qu’il arrive, nous allions désormais devoir apprendre à vivre avec elle en tant que puissance ». Le capitalisme mondialisé a déclenché un bouleversement climatique et biologique qui met en péril la vie même de nombreuses populations.
Seule une mutation qui touche à toutes les dimensions de la vie en société peut y répondre. Malgré la répression, les résistants et résistantes d’aujourd’hui, qui font revivre les valeurs de partage et de solidarité, la préparent.
Pour aller plus loin.
1er juin 2017.
Il fallait une phrase au nouveau président de la République pour marquer le premier mois de son quinquennat. Donald Trump qui venait de décider de quitter l’accord de Paris sur le climat et son « Make America great again », l’a soufflée à Emmanuel Macron :
« Make our planet great again. »
Pour bien marquer la portée du défi, ainsi adressé au président de la première puissance mondiale, la déclaration était assortie d’un appel à la résistance. Après « Ici Londres, 18 juin 1940 » place au « Ici Paris, 1er juin 2017 ».
Moi, Emmanuel Macron, « A tous les scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs, citoyens engagés, que la décision du Président des Etats-Unis a déçus, je veux dire ceci : Vous trouverez dans la France une seconde patrie.
Je vous lance un appel : Venez travailler ici, avec nous, travailler sur des solutions concrètes pour le climat.
Ce soir, les Etats-Unis ont tourné le dos au monde. Mais la France ne tournera pas le dos aux Américains ».
Et pour compléter le message, en guise de Radio-Londres, ce sera un site Internet, « Make Our Planet Great Again », destiné à l’accueil des bataillons de chercheurs, entrepreneurs, O.N.G.... appelés à rejoindre le nouveau chef des « Français libres » dans sa lutte contre les tyrans climatiques.
15 novembre 2017. Bonn. COP23. Sauver les peuples menacés de disparition.
Après cette première déclaration de guerre, la COP23, à Bonn, allait être une nouvelle occasion, pour le nouveau champion du climat, de peaufiner son image. Après l’inévitable introduction sur le seuil de l’irréversible déjà franchi, sur les événements climatiques qui s’intensifient et se multiplient, sur les équilibres de la planète prêts à rompre, sur le réchauffement des océans, la disparition de nombreuses espèces menacées, vient le moment de rappeler l’accord de Paris et les responsabilités que prendraient celles et ceux qui (suivez mon regard) ne s’y tiendraient pas.
Alors que l’objectif de l’accord est de se limiter à 1,5 degré d’augmentation de la température en 2100, les scientifiques du GIEC le disent clairement : les engagements actuels des états amèneraient cette augmentation à plus de 3 degrés. Le constat donne au président français l’occasion d’une nouvelle leçon adressée à la Planète entière :
« cela veut dire que nous acceptons tacitement, collectivement ici la disparition d’un bon nombre des populations ici représentées. Qu’à horizon 2100 nous acceptons aujourd’hui tacitement que nombre de peuples qui sont là représentés disparaîtront. Nous n’y sommes pas prêts. »
Et, à nouveau, Trump appelé comme faire-valoir.
Et voilà que Trump vient donner au « résistant » du climat une nouvelle occasion de monter au créneau. Le GIEC, composante majeure de la lutte contre le dérèglement climatique est menacé, déclare-t-il, « Menacé par la décision des États-Unis de ne pas garantir leur financement. Je souhaite donc que l’Europe se substitue aux Américains et je veux vous dire ici que la France sera au rendez-vous ! ».
Applaudissements nourris dans la salle. Effet réussi.Et enfin, la phrase qui devra, demain, être reprise par tous les médias.
« Au siècle dernier, les pays riches ont imposé au monde leur modèle industriel, aujourd’hui il leur est interdit d’imposer au monde leur propre tragédie. Nous n’avons donc qu’une obsession : l’action ; nous n’avons qu’un horizon : c’est maintenant. ».
L’action, maintenant ?
Tartuffe ? Plus encore que ses prédécesseurs, après ce départ en grandes pompes, étape après étape, l’hyperprésident s’est employé à mériter le César du meilleur Molière dans le rôle. Sans trop allonger la liste, rappelons quelques scènes de ce dernier acte de la pièce jouée au sommet de l’État.
16 mai 2017.
Cerise sur le gâteau, Nicolas Hulot a enfin répondu aux sirènes de ce nouveau président. Nommé ministre d’État chargé de la Transition écologique et solidaire, placé au troisième rang du gouvernement, juste après le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, il est supposé ne pas faire uniquement partie du décor.
Pourtant.
28 août 2018 sur l’antenne de France Inter :
« Est-ce que nous avons commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, la réponse est non.
Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation des pesticides. La réponse est non.
Est-ce que nous avons commencé à enrayer l’érosion de la biodiversité. La réponse est non.
Est-ce que nous avons commencé à nous mettre en situation d’arrêter l’artificialisation des sols. La réponse est non ».
On connaît la suite et sa démission fracassante. Ses propos étaient-ils excessifs, comme ses ex-amis du gouvernement se sont empressés d’affirmer ? Les années passent et le constat est bien là.
Est-ce que nous avons commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?
25 avril 2019. Une diversion : la « Convention citoyenne pour le climat » La proposition aurait été soufflée à l’oreille d’Emmanuel Macron par Cyril Dion et Marion Cotillard, personnes reconnues de l’écologie médiatique.
150 citoyennes et citoyens vont donc être tirés au sort pour proposer des actions qui seront reprises dans des textes législatifs, « sans filtre », promet le Président.
Le 29 juin 2020, les 150 citoyens de la Convention sont reçus à l’Élysée pour l’entendre annoncer qu’il retient les 149 propositions de la Convention à l’exception de trois :
- rejet de la proposition de réécrire le préambule de la Constitution pour y indiquer que « la conciliation des droits, libertés et principes ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité ».
- rejet de la proposition, bien modeste, de limiter la vitesse sur autoroute à 110 km/h.
- rejet de la taxation à 4 % des dividendes des entreprises supérieurs à 10 millions d’euros pour « participer à l’effort de financement collectif de la transition écologique ».
Le message est clair : l’environnement ne peut pas être un obstacle constitutionnel à la « liberté » de produire des gros pollueurs. Et donc pas touche au lobby de l’automobile. Pas touche aux fortunes des super riches.
Quant au reste des propositions, on pouvait compter sur la majorité de l’Assemblée nationale, d’emblée hostile au procédé, pour les détricoter.
Résultat : Invités à évaluer, sur une échelle de 0 à 10, si les décisions gouvernementales allaient permettre de « s’approcher de l’objectif de diminuer d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ». La majorité des 119 citoyens présents pour le vote leur a adjugé un royal 2,5 sur 10.
« On se retrouve aujourd’hui exactement dans la situation qu’on redoutait : le gouvernement transforme les mesures pour satisfaire certains intérêts économiques [.] La parole présidentielle n’est pas respectée », déclare Cyril Dion, en lançant une pétition pour « sauver la Convention citoyenne pour le climat ».
3 février 2021. Suite à la plainte du monde associatif, le tribunal administratif de Paris constate « la carence de l’État à adopter des mesures publiques contraignantes », dont il résulte « un surplus annuel d’émissions de gaz à effet de serre qui aggrave le préjudice écologique ». Il enjoint donc à l’État de prendre « toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre », et ce « afin de faire cesser pour l’avenir l’aggravation du préjudice écologique constaté ».
28 juin 2023. « Baisse non significative des émissions de gaz à effet de serre, absence d’une réelle politique fiscale pour l’écologie » titre le journal Reporterre. L’État est, en effet, mis à mal dans le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat. », « On constate que l’action publique n’est pas suffisante pour garantir les objectifs de 2030 [.] Le rythme de réduction d’émissions brutes de la France doit presque doubler », résument les auteurs du rapport.
Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation des pesticides et à enrayer l’érosion de la biodiversité ?
3 mai 2023. A nouveau, suite aux plaintes des associations, le Conseil d’État juge illégales les dérogations accordées en 2021 et 2022 en France à des insecticides néonicotinoïdes pour protéger les semences de betteraves sucrières. « Aucune dérogation n’est en effet possible si la Commission européenne a formellement interdit un pesticide », souligne-t-il en se référant à l’arrêt de la Cour de justice européenne du 19 janvier 2023 sanctionnant la France.
29 juin 2023. L’État est à nouveau condamné. Le tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques, du déclin de la biodiversité et de la biomasse et de l’atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement. Il enjoint à l’État de le réparer d’ici le 30 juin 2024.
1er février 2024. La FNSEA a mobilisé ses troupes. A partir d’une mobilisation initiée par des agriculteurs du sud-ouest, pris à la gorge par la baisse de leurs revenus accentuée par les effets du dérèglement climatique, elle a pris le train en marche. Barrages, épandages de lisier, feux de pneus, mises à sac de bâtiments publics… la routine donc.
Comme toujours, il lui faut un bouc émissaire, ce sera au choix, l’écologie, l’Europe, les normes environnementales. Un cadeau pour le nouveau premier ministre Gabriel Attal. Inutile de chercher à répondre à la véritable crise qui traverse le monde agricole. La réponse, pour faire rentrer chacun à la maison avec la bénédiction des cadres de la FNSEA, sera simple et immédiate : suspension du plan Ecophyto qui visait à réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2030. Signal clair en direction de l’agro-industrie et de l’agrochimie : finis les discours. La défense de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique attendront.
L’ennemie : l’écologie.
Emmanuel Macron n’a plus à préparer une future réélection, place au monarque « jupitérien ». Réforme anti-sociale des retraites, durcissement de l’indemnisation chômage… telle est l’image qu’il ne craint pas de laisser de son second mandat. Quant à l’écologie : mobilisation des forces de répression et de la justice contre celles et ceux qui s’opposent aux projets destructeurs du milieu naturel. Ces résistantes et résistants à destination desquels son ministre de l’Intérieur a inventé l’étiquette « d’écoterroristes ».
Terroristes ! Le qualificatif que tous les pouvoirs forts attribuent à celles et ceux qui ont le courage de leur résister. Car, fort heureusement, résistance il y a !
Pour aller plus loin.
Le philosophe, sociologue et anthropologue Bruno Latour, considéré comme l'un des plus grands intellectuels contemporains français, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l'âge de 75 ans."
Tel est le titre de l'article que lui consacre France-info.
Pluie d'éloges après des décennies de silences dans les médias français. En janvier 2022 il nous offrait sa dernière pensée dans un "Mémo sur la nouvelle classe écologique" aux éditions "les empêcheurs de tourner en rond". Il en parlait dans "La Terre au Carré".
Écouter sur la Terre au Carré.
Sur France Inter
Il était aussi interrogé sur France-Inter. Une superbe illustration de l'actualité et de l'avenir possible de l'écologie politique malgré la multiplication des questions pièges du journaliste.
https://www.youtube.com/watch?v=SgUWKUPKm-g&ab_channel=FranceInter
Sa réponse aux attaques du journaliste contre les écologistes : "je ne m'adresse pas aux activistes, eux il font un boulot magnifique".
Effectivement, son livre ne s'adresse pas aux journalistes en attente de "bons mots" propres à alimenter la médiasphère mais aux "Membres des partis écologiques et leurs électeurs présent et à venir".
A l'évidence le journaliste ne fait pas partie de cette catégorie.
Plus d'informations sur le site de La Découverte :
Écouter sur la Terre au Carré.
Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même ? Avec le philosophe Bruno Latour.
Dans son dernier livre "Mémo sur la nouvelle classe écologique. Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même " Bruno Latour appelle les écologistes à tirer toutes les conséquences politiques du Nouveau Régime Climatique.
Écouter les entretiens avec Bruno Latour sur ARTE.TV
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Un bémol cependant ?
Faut-il vraiment imaginer une "lutte des classes" sur le modèle marxiste avec toutes les dérives observées depuis (voir la Chine et la Corée du Nord qui prétendent s'en réclamer encore) ? L'avenir ne serait-il pas plutôt aux démarches "libertaires" qui naissent spontanément ici et là. Et, ceci, sans besoin de théoriser.
Ne pas oublier que, dans cette éventuelle "lutte des classes", l'arbitre ne sera pas un groupe humain quelconque mais la Nature terrestre dans son ensemble.
Voir aussi :
"L'Homme est la Nature prenant conscience d'elle même". Vraiment ?
Autre bémol :
Bruno Latour n'a rien à dire sur la relance du nucléaire !!!
Ce qui donne à son discours un côté "hors sol".
Newton est l'un des mathématiciens les plus illustres au monde. On ne sait pas forcément qu'il est aussi philosophe, alchimiste, ami des "Platoniciens de Cambridge" et qu'il s'intéresse aussi, dans son 18e siècle, à la théologie et à la religion. Autant d'aspects à découvrir dans ce documentaire.
Avec
Michel Blay Philosophe et historien des sciences
Bernard Joly Professeur émérite de philosophie et d'histoire des sciences à l'université de Lille 3
Jean-François Baillon Professeur de civilisation britannique à l’Université Bordeaux Montaigne
Isaac Newton, né en 1642 et mort en 1727, est une figure emblématique des sciences, s'inscrivant dans la lignée de Galilée. Alchimiste, philosophe de la nature, il fait partie de la deuxième génération des physiciens qui vont construire la nouvelle physique, celle qui va remplacer la physique aristotélicienne.
Fondateur de la mécanique classique, de la gravitation universelle, créateur du calcul infinitésimal, de la théorie de la décomposition de la lumière par un prisme, ses travaux sont à la base de bien des piliers de notre monde moderne. Il existe toutefois un Newton plus méconnu : qui lit ses œuvres littéraires ? Sait-on qu'il fut le contemporain et l'ami des "Platoniciens de Cambridge", l'un des courants les plus réactionnaires et les plus audacieux du 17e siècle européen ? Qu'il a développé tout au long de sa vie des réflexions théologiques ? Pour en parler, ce documentaire réunit quatre spécialistes de Newton : Jean-François Baillon, Michel Blay, Jean-Louis Breteau et Bernard Joly.
L’entourage intellectuel de Newton : Les Platoniciens de Cambridge
Jean-Louis Breteau rappelle les caractéristiques de la pensée des Platoniciens de Cambridge : "Ils popularisent en Angleterre les idées de Descartes, en qui ils voient un penseur et un philosophe, qui va permettre de rendre de façon satisfaisante des pensées scientifiques. Ils s'en écartent par la suite, mais leur intérêt pour les sciences les pousse à s'impliquer dans la création de la Royal Society, en 1660, dont Newton sera ensuite le président."
Les principes mathématiques de la philosophie naturelle
En 1687, Newton publie l'un des textes les plus importants de toute l’histoire mondiale de la pensée scientifique, Philosophiae naturalis principia mathematica. Michel Blay résume son contenu : "Le livre se compose de trois parties. La première est consacrée à la théorie des forces centrales ; la deuxième, à ce qu’on appellerait aujourd’hui la mécanique des fluides et la troisième, au système du monde, avec la loi de la gravitation universelle."
Newton alchimiste ?
Comment un pilier de la science moderne a-t-il pu consacrer une partie de sa vie à l'alchimie ? Bernard Joly remet les choses en perspective : "L’alchimie, au 17e siècle, c’est tout simplement la chimie de l’époque. Les chimistes ou alchimistes travaillent dans des laboratoires et se livrent à toutes sortes de recherches sur ce qu’on appelle les acides, sur les alcalis, sur les métaux. Ce sont des "natural philosophers" comme on dit en anglais, des philosophes de la nature, qui veulent comprendre comment marche la matière, trouver comment elle est constituée. C’est pourquoi on parle de la pierre philosophale : ce sont des philosophes tout simplement. Les alchimistes se considèrent eux-mêmes comme appartenant au clan de la "philosophie naturelle" c’est-à-dire la philosophie qui veut comprendre la matière, la nature. Et Newton s’intéresse à la chimie de son temps, parce qu’il s’intéresse à tout."
Le 17 novembre 2016 dans la nuit, et dans un hémicycle quasiment vide, une poignée d’élus de l’Assemblée nationale débattent du projet des finances 2017. Au programme : l’écotaxe prévue pour s’appliquer aux poids lourds. Richard Ferrand, député breton, encore alors du parti socialiste, prend la parole pour présenter un amendement rédigé en accord avec le gouvernement. Il affiche la mine réjouie de celui qui se prépare à sortir une bonne blague :
« Cet amendement, dit-il, propose de donner l’extrême onction législative à la défunte écotaxe ». Et pour s’assurer que chacun a bien compris : « Voilà donc l’objet de cet amendement qui doit permettre de solder les comptes législatifs de cette funeste idée qui n’avait d’ailleurs pas prospéré »
Marc Le Fur, député « Les Républicains » dont le parti, depuis Sarkozy, est à l’origine de cette écotaxe, lui-même élu breton, tient à enfoncer le clou : « Il faut y mettre un terme. Ne serait-ce que pour que personne, quelles que soient les sensibilités des uns et des autres, n’ait la funeste idée de la reprendre. Donc pour clôturer cela j’accompagnerai sans difficulté mon excellent collègue et voisin Ferrand. »
Cette scène occupe les premières images du film présenté dans l’émission « Le monde en face », sous le titre « Autopsie d’un scandale politique : l’Écotaxe ». Cette nuit de novembre, en catimini, les quelques députés présents enterraient donc l’écotaxe, une loi votée à l’unanimité huit ans auparavant et que Richard Ferrand lui-même avait défendue en dénonçant les manifestations des bonnets rouges bretons qui s’y opposaient.
Un vieux serpent de mer.
Rappelons l’histoire de l’écotaxe qui débute officiellement en 2007 avec la récente euphorie écologiste pendant la campagne présidentielle. Nicolas Hulot, très courtisé, demande aux principaux candidats de signer son Pacte écologique dont une des propositions est une taxe sur les poids lourds. Une telle éco redevance est déjà en service en Suisse, en Autriche et en Allemagne où elle rapporte à l’état fédéral 4 milliards d’euros par an.
Problème : les routiers de ces états voisins ont tendance à faire un crochet par les voies nationales françaises qui sont exemptes de cette taxe. D’où cette proposition très attendue, en particulier par les régions frontalières dont les routes sont saturées et dont l’air devient irrespirable. Ségolène Royal signe de même que Nicolas Sarkozy qui, dans un meeting à Chamonix, se montre très clair : « Ma proposition est simple. Prélever sur le trafic de fret routier une redevance proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus sur le réseau routier national de France »
Contre-attaque immédiate du lobby des transporteurs et premier recul. Ils obtiennent de Sarkozy, dans le secret et avant même son élection, le principe de la répercussion de l’écotaxe sur le prix facturé au client. Ce qui revient à faire du pollué (le client final) le payeur et ne modifiera en rien la densité du transport routier.
Unanimes pour taxer les poids lourds.
Nicolas Sarkozy est élu, place au « Grenelle de l’Environnement ». Sous la pression des associations, le transport routier s’est installé dans le débat. La France ne peut faire moins que ses voisins. Nicolas Sarkozy, lors de la grande messe finale prend à témoin ses invités de marque, en particulier le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
« Je propose que l’on taxe les camions qui traversent la France et utilisent notre réseau routier. José Manuel, il n’y a aucune raison pour que la France accueille tous les camions qui évitent les routes de nos voisins. Cette taxe servira au financement des transports collectifs.... Mais je dis une chose : ce que je dis ce soir, nous le ferons. » Un vote de principe à l’Assemblée nationale, dans un hémicycle pour une fois plein, recueille une quasiunanimité.
Nous le ferons ? En coulisse le lobby routier se rappelle au bon souvenir du président et lui demande le respect de sa promesse de campagne : l’inscription dans la loi de la répercussion de la taxe sur le client.
La fronde des patrons.
Cette fois ce sont les chefs d’entreprises, les premiers concernés dans la chaîne des clients, qui se mettent en mouvement. La fronde part de Bretagne. Le lobby breton contacte Marc Le Fur et Pierre Méhaignerie, députés de la majorité de droite. Deux semaines après le vote unanime ils présentent un amendement pour exempter la Bretagne, présentée comme périphérique. Toutes les régions sont périphériques à part l’Île de France, fait remarquer Yves Cochet, député et breton lui-même. En plus, ajoute-t-il, en Bretagne les autoroutes sont gratuites. Que demander de plus ? Les députés bretons obtiennent cependant de payer 25 % de moins d’écotaxe que les autres régions. « 25 % c’est une charité, 35 % ça devient raisonnable » marchande encore Marc Le Fur.
Pour le lobby breton, le compte n’y est pas. Un grand rassemblement est organisé, contre la « Taxe Borloo », au péage de la Gravelle, dernier péage avant l’entrée des autoroutes gratuites en Bretagne. L’appel est lancé par leschambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture, les chambres de métiers, l’association « Produit en Bretagne », toutes regroupées dans un « Collectif des acteurs économiques contre la taxe Borloo en Bretagne ». Le ministre recule et propose une exonération à hauteur de 40 % pour la Bretagne. Décote portée ensuite à 50 % par un amendement de députés bretons.
Pendant ce temps l’État est passé à la réalisation. L’appel d’offres pour l’installation de portiques et leur utilisation pendant 13 ans a été remporté par la société italienne « Autostrade per l’Italia » qui crée, pour la France, sa filiale Écomouv. Des boîtiers GPS permettront le contrôle des camions par 173 portiques fixes, sur 15 000 km de routes nationales et départementales. La recette fiscale attendue est de 1,2 milliard d’euros par an. 800 millions pour l’État, 160 millions pour les collectivités, 240 millions pour Écomouv. Le chantier prend du retard et l’élection présidentielle approche. Mieux vaut ne pas prendre de risques : la mise en œuvre est reportée à 2013 après l’élection. Pourtant un décret est signé entre les deux tours par François Fillon qui fixe la façon de reporter l’écotaxe du transporteur au client. Cadeau empoisonné laissé au successeur. Frédéric Cuvillier ministre des Transports, du gouvernement socialiste, en hérite et accepte de majorer les factures de 5,2 %. Les transporteurs expriment leur accord.
Le cadeau laissé à la gauche.
Pendant ce temps, le siège d’Écomouv s’installe à Metz et les portiques apparaissent dans le paysage. C’est alors que les Bretons semblent découvrir les 15 portiques qui balisent leurs routes nationales. Au même moment le secteur agroalimentaire vit une de ses crises cycliques. Crise dans la volaille avec les entreprises Doux et TillySabco. Crise dans la filière porcine. Souvenons-nous de la tirade de Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie et de l’Industrie, au sujet des « femmes illettrées » de l’abattoir GAD. Il n’en fallait pas plus pour faire monter la température. Le député Marc le Fur n’était pas le dernier à s’y employer : « M. Macron qui travaillait avant chez Rothschild, n’a sans doute jamais rencontré une ouvrière de l’agroalimentaire. Comment un ministre peut-il ainsi reprendre des clichés aussi méprisants et méprisables ? N’y a-t-il pas là, finalement la révélation de la façon déplorable dont les bobos parisiens voient la Bretagne, les Bretonnes et les ouvriers ? » (journal Ouest-France)
La crise est inhérente au modèle productiviste breton. Pendant les périodes de vaches grasses, les plus gros, qui sont aussi les plus subventionnés, engrangent des pactoles. Derrière eux, les modestes cherchent à se placer à coup de crédits accordés par les banques qui poussent à l’investissement dans de nouveaux ateliers et de nouvelles serres. Arrivent la surproduction et la chute des cours et avec elle la menace de la faillite pour ceux qui sont coincés entre les banques, les fournisseurs, les coopératives, les industries de la transformation et les grandes surfaces. Vient alors le temps des manifestations.
- Règle numéro un : canaliser la colère vers une cible extérieure : l’Europe, les producteurs hollandais, espagnols, ceux des pays de l’Est, le gouvernement, les écologistes.Cette fois l’écotaxe se présente comme une synthèse idéale.
- Règle numéro deux : ne pas faire dans la dentelle. Il faut des bâtiments saccagés, de préférence des mairies, des centres des impôts, des préfectures. Quand elles sont trop bien gardées on s’attaque aux trains, on barre les routes.Ici les portiques sont des cibles évidentes. Et cette fois, avant même les agriculteurs, ce sont les patrons de l’industrie et du commerce qui donnent le tempo.
Les « gros bonnets » voient rouge.
Le titre d’un article du Monde, « Ces patrons à l’origine de bonnets rouges », signé par le journaliste Philippe Euzen qui connaît sa région, résume bien la situation. Il nous fait connaître le Comité de Convergence des Intérêts bretons (CCIB) et l’appel qu’il lance le 18 juin 2013 sous le nom d’Appel de Pontivy, la ville où la fine fleur du patronat breton s’est réunie pour l’occasion.
« L’heure des méthodes douces est révolue » affirment-ils, « pour obtenir des réponses concrètes et immédiates, il va falloir livrer bataille ».
L’appel est relayé par les dirigeants des grandes surfaces commerciales et un certain nombre d’industriels médiatiques. On y trouve celui du célèbre pâté Hénaff ou celui d’Armor Lux dont Arnaud Montebourg a fait connaître la marque à la France entière en portant l’une de ses marinières. Il n’y manquait plus que le syndicat agricole FNSEA et son leader finistérien, Thierry Merret,bien connu pour les actions musclées de ses troupes.
Le 2 août 2013, un premier portique est abattu à Guiclan, sur la RN 12 qui relie Brest à Rennes. Aucune réaction de l’État sinon l’annonce d’un report de la mise en service du dispositif au 1er janvier 2014. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Un deuxième rassemblement est annoncé le 12 octobre 2013, à Pont-de-Buis, entre Brest et Quimper. Cette fois la mise en scène est soignée. Christian Troadec, maire de Carhaix, ville célèbre pour son festival des Vieilles Charrues, se souvient que c’est desa ville qu’est partie la célèbre révolte bretonne de 1675 ayant eu pour point de départ les taxes que Louis XIV voulait imposer à la Bretagne. Révolte rapidement transformée en une lutte contre la noblesse locale. Révolte populaire dont les « codes paysans », ont préfiguré, un siècle plus tôt, les cahiers de doléance de la révolution de 1789.
Ces révoltés se reconnaissaient à leur bonnet rouge traditionnel dans cette région du Poher. Le souvenir de la révolte de ces premiers « bonnets rouges » est resté vivace en Bretagne. D’où l’idée d’exploiter cette référence. Thierry Merret explique : « j’ai appelé Jean Guy le Floch d’Armor lux. Écoute j’ai besoin de 900 et quelques bonnets rouges est-ce que tu peux me les faire pour le samedi 26 ». Effectivement, le samedi 26 octobre 2013 un millier de bonnets rouges coiffent les manifestants qui sont au rendez-vous. Les bonnets rouges de 1675 s’attaquaient aux châteaux, faute de mieux on s’attaquera aux portiques.
L’affrontement avec les forces de police est violent. Comme à Malville, comme à Plogoff, comme à Sivens, comme à Sainte-Soline, les grenades offensives entrent en action. Un manifestant veut relancer celle qui est tombée au sol, il a la main arrachée.
Le Drian entre en scène.
Cette fois l’affaire est prise au sérieux et c’est Jean Yves Le Drian qui reçoit une délégation au ministère de la Défense. Elle est menée par Christian Troadec, maire de Carhaix. Celui-ci a choisi de s’afficher politiquement comme le nouveau leader du mouvement breton. Pourquoi une rencontre chez le ministre de la défense, à priori pas concerné par ces problèmes de taxes et de transports ? L’ancien président de la Région Bretagne, qui se flatte d’être le seul a avoir refusé toute alliance avec les écologistes aux élections de 2015, est connu pour être proche des plus grandes fortunes bretonnes organisées dans un des lobbies les mieux structurés d’Europe. La porte de son bureau au ministère leur est grande ouverte.
Cécile Duflot, alors ministre du Logement, a gardé en mémoire un conseil des ministres. Frédéric Cuvillier, ministre des Transports y faisait remarquer à Jean Yves Le Drian que les problèmes de l’agriculture bretonne n’avaient rien à voir avec l’Écotaxe.
« En gros, se souvient-elle, il répondait au ministre, non pas de la Défense, mais de la Bretagne, qui systématiquement se mêle de ce sujet. C’était son sujet de prédilection, la Bretagne, les sujets bretons, sur à peu près toutes les questions. Ça crée une ambiance un peu particulière parce qu’il y a une espèce d’opération de lobbying qui de fait, et on le verra de plus en plus, n’est pas un lobbying pour les entreprises de transport de la Bretagne, mais pour les gros chargeurs dont les entreprises agroalimentaires bretonnes ». C’est le moment, dit-elle, où elle sent que tout bascule concernant l’écotaxe et qu’elle mesure le poids de la Bretagne avec un grand B à travers ses ministres et députés bretons.
Elle ne s’est pas trompée. Le week-end d’échanges chez Le Drian se termine par la décision de report sine die de l’écotaxe. Ce qui sera rendu officiel par Jean Marc Ayrault le 29 octobre 2013. Le député Le Fur s’en amuse : « quand on annonce la suspension d’une réforme on n’ose pas dire qu’on la supprime… à partir de ce moment-là j’ai compris que c’était gagné ».
Le début de la fin.
Tout naturellement, les meneurs patronaux et agricoles, eux aussi, ont compris que la victoire est proche. Pour obtenir la suppression pure et simple de la mesure, les manifestations doivent monter d’un cran. Cette fois c’est à la préfecture qu’il faut se faire entendre. La manifestation est prévue pour le 2 novembre à Quimper. A cette date, dans une ville en état de siège, ils sont plus de 20 000. Les drapeaux « gwen ha du » flottent au dessus d’une marée de bonnets rouges. Qu’on ne parle pas d’un report de l’écotaxe il faut obtenir sa disparition. Naturellement la journée se termine par une guérilla urbaine.
Eric Cuvillier, le ministre des Transports le constate « tout était devenu incontrôlable et irraisonnable ». A l’assemblée la droite attaque en règle la suspension et demande la suppression immédiate. « L’écotaxe c’est vous qui l’avez décidée, alors un peu de courage et de dignité si vous voulez être respectés par les Françaises et les Français », leur répond Jean Marc Ayrault.
Début novembre 2013. Ségolène Royal présidente de Poitou-Charente s’emploie à jeter de l’huile sur le feu : « Tout n’est pas négatif dans cette révolte citoyenne. Moi je préfère toujours des peuples qui sont en mouvement que des peuples apathiques et qui se disent on n’a plus rien à faire ni même à revendiquer. La vue des Bretons, il y a quelque chose qui est quand même assez réconfortant parce qu’il y a une identité régionale forte, parce qu’il y a une mesure totalement absurde ».
Pendant ce temps les derniers portiques bretons sont détruits mais aussi des radars. Résultat ? Les représentants du mouvement sont reçus pour négocier une sortie politique. Un Pacte d’Avenir pour la Bretagne leur allouera 2 milliards d’euros dont la moitié destinée au secteur agroalimentaire. Une façon de nous acheter, diront les plus radicaux, qui ne devraient pourtant pas oublier que c’est ainsi, en espèces sonnantes et trébuchantes, que se terminent généralement les « crises » bretonnes de l’agroalimentaire.
Quant au projet, le ministre Cuvillier n’arrive pas à croire que quelqu’un puisse avoir l’idée de l’arrêter : « est-ce que les Français vont accepter que nous puissions sacrifier 800 millions d’euros pour dénoncer un contrat qui a été signé par un autre gouvernement ». Des députés décident de prendre le relais d’un gouvernement défaillant. Une mission d’information parlementaire est décidée. Au même moment Ségolène Royal est nommée ministre de l’Environnement du gouvernement Vals.
L’écologie punitive version Ségolène Royal.
Dès le lendemain la nouvelle ministre déclare son opposition au principe même de la taxe au nom de son slogan devenu son image de marque : « l’écologie ne doit pas être punitive ». La Fédération Nature Environnement (FNE), qui regroupe l’essentiel des associations environnementales, est consternée : « le message qu’elle apassé à la société est vraiment un message très négatif ». Pour Cécile Duflot « elle a dit n’importe quoi. Ce n’estpas une fiscalité punitive c’est une fiscalité écologique qui vise à faire en sorte qu’on ne gaspille pas du gasoil sur les routes pour des marchandises qui font des trajets inutiles ou qui pourraient le faire sur des trains. Voilà c’est aussi simple que cela ».
Le 23 juin 2014 Ségolène Royal, mesurant la difficulté de la rupture du contrat avec Écomouv, présente une nouvelle mouture qui ne reprend rien des propositions de la commission parlementaire. La taxe change de nom et devient le « péage transit poids lourds ». C’est le même dispositif mais réduit à quelques axes très fréquentés par les poids lourds. Encore une fois les patrons routiers montent au créneau : « cette deuxième mouture de l’écotaxe a concentré, démultiplié, tous les défauts de la première mouture », estiment-ils. Ils annoncent leur intention de manifester à l’automne 2014 si maintien.
Octobre 2014 Ségolène Royal retire son dispositif. Encore une fois : sine die... Les salariés de Écomouv sont sidérés. Pour beaucoup d’entre eux c’était la sortie d’une longue période de chômage. Ils obtiennent d’être reçus au ministère des Transports et c’est dans la salle même de la réunion qu’ils apprennent que la résiliation du contrat qui lie l’État à leur entreprise vient d’être annoncée au Sénat. Bilan : 190 employés licenciés, 150 douaniers réaffectés. L’État doit verser 958 millions d’euros d’indemnités auxquels s’ajoutent 300 millions réclamés par les sous-traitants qui ont fabriqué les boîtiers des camions. Facture totale 1,2 milliard d’euros.
Le puni : l’automobiliste du quotidien.
Le budget de l’AFIS (agence de financement des infrastructures), qui comptait sur les recettes de l’écotaxe, est asséché. 120 projets sont privés du financement partiel de l’écotaxe et sont menacés. Pour y répondre, Alain Vidalis secrétaire d’État aux transports annonce, le 16octobre 2014, une taxe de 2 centimes sur le gasoil. Les payeurs ne sont plus les mêmes, les particuliers seront les premiers taxés mais pas les camions étrangers qui ne font pas le plein en France. Les transports routiers continueront à polluer. Les transports collectifs, alternative à la voiture individuelle, attendront encore leur financement.
Toute cette histoire se terminera donc par une nouvelle taxe qui visera en premier lieu ces automobilistes qui n’ont pas d’autre moyen de transport que leur voiture. Une punition collective.
La réforme n’avait été que reportée sine die. Il fallait l’enterrer définitivement. C’est ainsi que Richard Ferrand, dans la nuit du 17 novembre 2016 se faisait un plaisir de lui faire donner l’extrême onction.
« Un gâchis patrimonial, social et industriel »
Quel est l’écologiste en colère qui parle ainsi de l’affaire de l’écotaxe ? L’appréciation est des très sérieux magistrats de la Cour des comptes dans leur rapport publié en octobre 2017 sous le titre « L’écotaxe poids lourds : un échec stratégique, un abandon coûteux ». Le rapport mérite une lecture totale. Contentons-nous de quelques extraits :
La ministre est personnellement épinglée : « La ministre chargée de l’écologie a réuni, le 9 octobre 2014, les organisations professionnelles de transporteurs routiers pour constater l’échec du péage de transit et pour annoncer sa suspension sine die. Cette nouvelle décision n’a pas été davantage préparée que la précédente, un an plus tôt. »
Voir : Ecotaxe, un fiasco qui nous coute 1 milliard
Et la Cour des comptes de chiffrer les pertes pour l’État : une perte de recettes de 10 milliards d’euros sur la durée du contrat à laquelle il faut ajouter le milliard d’euros de dédommagement pour écomouv et ses partenaires. Quant à l’appréciation plus générale : « Une occasion manquée de mettre en place un instrument pertinent de politique des transports. L’abandon de l’écotaxe poids lourds laisse sans réponse les constats économiques et les objectifs qui avaient présidé à sa conception :
. transférer le financement de charges d’infrastructures du contribuable vers l’usager.
. faire contribuer les poids lourds étrangers à hauteur de leur usage du réseau routier français.
. réduire l’écart de coûts entre le transport routier de marchandises et les autres modes pour inciter au report modal du trafic de transit notamment vers le fret ferroviaire.
Outre l’effet de report attendu vers des modes de transport alternatifs, l’écotaxe poids lourds pouvait constituer, à terme, un outil efficace de fiscalité environnementale, en incluant progressivement dans son barème le coût des externalités négatives produites par le transport routier de marchandises ».
Et en guise de conclusion :
« Coûteux pour les finances publiques et dommageable pour la cohérence de la politique des transports et son financement, l’abandon de l’écotaxe poids lourds constitue un gâchis ».
Ou encore : « L’abandon de l’écotaxe poids lourds constitue un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables. »
Conséquences très durables ? Ces magistrats annonçaient-ils déjà la révolte des gilets jaunes ?
Dix ans après l'abandon de l'écotaxe, l'Etat a été condamné à verser plusieurs dizaines de millions d'euros d'indemnités à trois sociétés de télépéage ayant subi un préjudice. Le projet de taxe poids lourds avait été retiré face à la fronde des "Bonnets rouges"
L'État a été condamné à verser plusieurs dizaines de millions d'euros d'indemnités à trois sociétés de télépéage ayant subi un préjudice après l'abandon de l'écotaxe poids lourds en 2014, a indiqué le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Ces trois sociétés, Total Marketing Services, Eurotoll et DKV Euro Services étaient censées équiper les véhicules poids lourds sujets à l'écotaxe en boîtiers de télépéage. L'écotaxe avait finalement été abandonnée par le gouvernement en 2014 devant la fronde des "Bonnets rouges" déclenchée en Bretagne.
Pour percevoir cette nouvelle taxe, le gouvernement avait mandaté la société Ecomouv', chargée d'installer et d'exploiter les portiques sur les routes. Cette entreprise avait elle-même conclu des contrats avec plusieurs sociétés de télépéage.
En 2018, "le tribunal a estimé que l'Etat avait commis une faute en résiliant le contrat conclu avec Ecomouv'", a rappelé le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Dans une autre décision, en appel cette fois-ci, la justice a estimé en 2021 que les sociétés de télépéage avaient "subi des préjudices anormaux et spéciaux", notamment en raison de l'achat de matériel pour équiper les camions, finalement jamais utilisé.
Le tribunal administratif a donc condamné l'Etat à indemniser Total Marketing Services à hauteur de 15,8 millions d'euros. DKV Euro Services devra recevoir pour sa part 13,6 millions d'euros. L'indemnité d'Eurotoll n'a elle pas été précisée dans le jugement.
La société Ecomouv' avait elle obtenu de l'Etat une indemnité nette de 403 millions d'euros dès 2015 en conséquence de la résiliation du contrat qui la mandatait pour mettre en place et collecter l'écotaxe.
« Je vais vous dire qui est mon adversaire. Mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu. Et pourtant il gouverne. »
« Cet adversaire, c’est le monde de la finance. »
La phrase allait propulser François Hollande, lors de son meeting du Bourget, vers la victoire aux présidentielles. Chacun pouvait alors imaginer que les lobbies, en particulier ceux de l’énergie, allaient devoir compter avec le nouveau président.
Quatre mois après son élection à l’Élysée, le 14 septembre 2012, il inaugurait la première des conférences environnementales dont il annonçait la reconduction chaque année. Plus fort que Sarkozy ! Il ne s’agissait surtout pas, insistait-il, de refaire un Grenelle où « l’ambition initiale a été perdue au fil du temps et une nouvelle fois l’économie a été opposée à l’écologie ».
On n’allait pas faire dans la demi-mesure !
« L’enjeu, celui qui nous rassemble, c’est de faire de la France la Nation de l’excellence environnementale.
C’est un impératif pour la planète. Comment admettre la dégradation continue des ressources et du patrimoine naturel du monde, comment ne pas voir les effets du réchauffement climatique qui n’est pas une opinion ou une hypothèse, mais un fait scientifique ? Comment ne pas comprendre que le creusement des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres constitue à l’échelle du monde un risque majeur ? Comment rester impassible face aux atteintes irréversibles à la biodiversité ? Comment laisser croître notre dette écologique envers les autres ? La question se résume finalement ainsi : serons-nous solidaires des générations à venir ou trop cupides, trop avides pour laisser à nos enfants un fardeau encore alourdi du poids de nos égoïsmes ? »
L’Europe s’est engagée à réduire à l’horizon 2020 les émissions de gaz à effet de serre de 20 %, à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie et à réduire la même consommation d’énergie de 20 %. Insuffisant ! Je suis prêt, déclare-t-il à aller plus loin : « Une stratégie ambitieuse sur un objectif de réduction de 40 % en 2030 puis de 60 % en 2040, telle est la position que je défendrai dans le cadre des prochaines discussions au sein des instances européennes. » A nouveau, donc, la France et son président allaient donner des leçons au Monde !
L’excellence environnementale, version Hollande/Ayrault.
En mai 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait nommé Nicole Bricq ministre de l’Écologie, une sénatrice connue pour son combat contre le gaz de schiste. Un signe positif vis-à-vis de ses alliés écologistes entrés au gouvernement. Mais la lune de miel n’allait pas durer longtemps. Un mois plus tard elle était débarquée. La raison : elle avait voulu geler les permis de forages pétroliers en Guyane et réformer le code minier.
Immédiatement, les lobbies pétroliers, les élus guyanais et le Medef étaient montés au créneau. Elle était rapidement exfiltrée vers le ministère du Commerce extérieur. Mauvais départ pour le champion de « l’excellence environnementale ».
Place à Delphine Batho.
Nommée à son tour à l’écologie, Delphine Batho était présente au moment de la première conférence environnementale. Inévitablement le problème des gaz de schiste se devait d’être à l’ordre du jour : « Reste le sujet des hydrocarbures non conventionnels : le gaz de schiste, qui soulève bien des passions, bien des questions. J’entends les arguments économiques, ils existent et les considérations, souvent exagérées, sur l’ampleur des gisements. Mais soyons clairs, dans l’état actuel de nos connaissances, personne, je dis bien personne, ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huile de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et pour l’environnement.
C’est pourquoi, j’ai demandé à Delphine Batho, ministre de l’Écologie, de prononcer - sans attendre davantage - le rejet des sept demandes de permis déposées auprès de l’État, et qui ont légitimement suscité l’inquiétude dans plusieurs régions de France. S’agissant de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, telle sera ma position durant le quinquennat. »
Delphine Batho prend bonne note du mandat que lui a donné le chef de l’État.
Munie d’une telle feuille de route, Delphine Batho n’avait pas à hésiter : finis les gaz de schiste. Cependant la presse faisait déjà état d’informations indiquant que le gouvernement pourrait « entrouvrir la porte » à l’exploration expérimentale de gaz de schiste et qu’il pourrait « donner un gage à Total et aux industriels » en créant une commission réunissant toutes les parties prenantes, qui serait chargée de définir les conditions d’une telle exploration expérimentale. « Ce sont des spéculations imaginaires qui sont sans fondement » avait tranché Delphine Batho.
Brefs tours de piste au ministère de l’Écologie.
Les lobbies des énergies fossiles n’avaient pourtant pas renoncé à leur projet et restaient très actifs dans les couloirs ministériels. En juillet 2013 elle était à son tour débarquée. Officiellement pour avoir contesté publiquement le budget de son ministère. Argument peu crédible car bien avant elle d’autres ministres, Arnaud Montebourg, Cécile Duflot, avaient tenu des propos bien plus irrespectueux de la solidarité gouvernementale. En réalité elle dérangeait. Interrogée par le journal en ligne Reporterre elle s’interrogeait sur le rôle qu’avait joué sur son licenciement Philippe Crouzet, patron de l’entreprise Vallourec fortement impliquée dans le gaz de schiste, et dont l’épouse, Sylvie Hubac était directrice du cabinet du Président de la République. Elle faisait état des propos tenus par celui-ci, quinze jours avant son limogeage, devant des patrons américains, qui évoquaient déjà son départ. Rumeur largement commentée dans les milieux parisiens « bien informés ».
Elle est brièvement remplacée par Philippe Martin, député du Gers, qui s’emploiera à détricoter le travail de sa prédécesseure avant d’être remplacé, le 2 avril 2014,par Ségolène Royal qui n’arrive pas au ministère avec l’intention de faire figuration.
L’écologie permissive de Ségolène Royal.
Pour frapper les esprits et se démarquer de ces écologistes antinucléaires, antipesticides, antibagnoles, il lui fallait un slogan et elle l’a trouvé : « non à l’écologie punitive ». AREVA, EDF, Monsanto, Total... ne pouvaient qu’applaudir, ils n’en demandaient pas tant. Place donc à « l’écologie permissive ». Même si officiellement les recherches de gaz de schiste étaient abandonnées, on apprenait qu’en septembre 2015 les ministres de l’Écologie, Ségolène Royal, et de l’Économie, Emmanuel Macron, accordaient trois nouveaux permis de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux en Seine-et-Marne, dans le Bas-Rhin et dans la Marne. Dans le même temps ils prolongeaient deux autres autorisations jusqu’à fin 2018, en Moselle et sur l’île de Juan de Nova, entre Madagascar et le Mozambique.
Mais le moment fort du ministère de Ségolène Royal sera sa gestion calamiteuse de la crise de l’écotaxe. Interrogée pendant la crise des gilets jaunes, elle ne manquait pas de rappeler son refus de cette écologie consistant à augmenter les taxes sur les carburants et en particulier le gasoil.
Fort heureusement, les médias lui rappelaient le temps où elle se félicitait d’avoir été la ministre à l’origine de l’augmentation de ces mêmes taxes, en particulier celles sur le gasoil.
Quand Ségolène Royal taxait le gasoil.
« Diesel et “écologie punitive” : les amnésies de Ségolène Royal », titrait le journal Le Monde du 24 octobre 2018. Celui-ci se souvenait que, en janvier 2016, interrogée à l’Assemblée nationale sur sa politique énergétique, elle avait rappelé que, en 2015, étant ministre de l’Écologie, elle avait étendu la taxe carbone à l’ensemble des produits pétroliers avec une augmentation plus importante pour le gazole que pour l’essence et une hausse supplémentaire, spécifique au gazole, de 2 centimes d’euros par litre afin de financer les investissements dans les transports propres. Au total, concluait-elle, « la hausse s’élève, pour le gasoil, à 4 centimes par litre ». Cette évolution, ajoutait-elle,« amorce une convergence entre la fiscalité du gasoil et celle de l’essence ».
Ces gilets jaunes que, trois ans plus tard, elle s’emploie à flatter, se souviennent-ils qu’elle est la responsable de la taxe sur l’essence et le gasoil contre laquelle ils manifestent. Cette taxe qu’elle avait instaurée pour remplacer la fameuse « taxe poids lourds » qu’elle avait supprimée. C’est ce que nous allons leur rappeler dans les pages suivantes.
Les Tartuffes et le climat. Des bonnets rouges aux gilets jaunes.
Un scandale politique et environnemental : l’affaire de l’Écotaxe.
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Pour aller plus loin voir :
De Chirac à Macron. Les Tartuffes et le Climat.
Celui qui a suggéré à Nicolas Sarkozy cette idée d’un Grenelle de l’Environnement a senti le bon coup à jouer. Le mythe semblait pouvoir encore marcher même si on commençait à en savoir un peu plus de la réalité de ce soidisant moment de « concorde nationale ». L’histoire de la rencontre clandestine entre Jacques Chirac et Henri Krasucky, numéro 2 de la CGT, a maintenant été rendue publique. « Dans une chambre de bonne et avec un revolver dans ma poche » prétendra même Jacques Chirac. Le grand vent de liberté de mai 1968, si inattendu dans cette France que certains croyaient endormie, avait soulevé un vent de panique dans les rangs du patronat et du gouvernement gaulliste mais tout autant aux sommets des partis de gauche et à celui du syndicat alors dominant. L’ennemi, soudain, c’était ce « gauchiste » qui refusait le « boulot, métro, dodo » de la société productiviste et revendiquait une liberté qui secouait les vieux dogmes. Ces gauchistes qui avaient entraîné 10 millions de salariés dans la plus massive des grèves. Le « Grenelle » avait permis un retour inespéré à l’ordre. La même méthode ne pourrait-elle pas calmer ces écologistes dont l’agitation commence à devenir trop visible. Dans l’opinion publique, le Grenelle apparaît encore comme une victoire populaire, alors pourquoi ne pas récupérer ce mythe dans un «Grenelle de l’Environnement » qui ferait une excellente publicité pour un début de mandat.
De Hulot à Sarkozy. Du Pacte écologique au Grenelle.
L’idée ne sortait pas du néant. En novembre 2006, Nicolas Hulot avait présenté son « Pacte écologique » qui réclamait, entre autres, un poste de « vice-premier ministre chargé du développement durable ». Présenté aux candidates et candidats aux présidentielles de 2007 il était signé par cinq d’entre eux dont les deux finalistes, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Le 16 mai Nicolas Sarkozy succède à Jacques Chirac. Nicolas Hulot refuse le poste de ministre de l’Environnement qui lui est proposé, ce sera donc Alain Juppé, rapidement démissionné pour cause de défaite aux législatives, puis Jean-Louis Borloo. En septembre 2007 débutait donc ce « Grenelle Environnement » qui affichait, lui aussi, la prétention de vouloir nous faire entrer « dans le monde d’après ».
On n’avait pas lésiné sur le spectacle. Deux prix Nobel de la Paix distingués pour leur engagement en faveur de l’environnement viendraient apporter leur caution. En tête d’affiche, Al Gore, vice-président des USA, après sa fameuse mise en scène dans le film « Une vérité qui dérange ». A ses côtés Wangari Maathai biologiste à l’initiative du « Mouvement de la ceinture verte » en Afrique.
Paroles, paroles...
En clôture de l’événement, le discours de Nicolas Sarkozy mérite la relecture. Il s’adresse d’abord à José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, présent dans la salle : « La France n’est pas en retard. Mais la France veut maintenant être en avance. Et c’est tout le changement, José Manuel, que nous voulons proposer aujourd’hui en France »
https://www.dailymotion.com/video/x9qbej
Puis vient la plus extravagante des déclarations : « Notre ambition n’est pas d’être aussi médiocre que les autres sur les objectifs, ce n’est pas d’être dans la moyenne. Notre ambition c’est d’être en avance, d’être exemplaires. »
Et, afin que ces autres médiocres qui écoutent retiennent bien la leçon : « Je veux que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe, dans le Monde ».
Le plus alarmiste des climatologues du GIEC n’oserait pas prononcer la moitié du discours apocalyptique qui va suivre cette introduction : « Les changements climatiques, nos concitoyens ne doivent pas les réduire à la fonte des neiges sur les pistes de ski. Les changements climatiques, ce sont des centaines de millions de réfugiés climatiques. Les changements climatiques, c’est une accélération des grandes catastrophes, des sécheresses, des inondations, des cyclones, d’une certaine façon, c’est le Darfour où des millions de pauvres gens sont poussés par la faim et la soif vers d’autres régions où ils entrent en conflit avec des populations qui étaient installées de façon séculaire. Les changements climatiques, ce sont des épidémies nouvelles. Ce sont des conflits exacerbés pour accéder à l’eau et à la nourriture. Il faut donc avoir le courage de dire que la hausse des prix des hydrocarbures sera permanente. Il faut avoir le courage de dire qu’il n’y aura plus de pétrole avant la fin du siècle. Il faut avoir le courage de reconnaître que nous ne connaissons pas tous les effets à long terme des 100 000 substances chimiques commercialisées. Il faut avoir le courage de reconnaître que nous n’avons pas toujours été exemplaires. »
Alors cette fois, ça y est ? On y va ? Fini le soutien à nos champions des énergies fossiles, à Total, à Engie. Finis les copinages avec les potentats du pétrole ?
De Al Gore à Kadhafi.
Deux mois ne se sont pas écoulés que la France sidérée découvre que le Président de la République a invité le Libyen Mouammar Kadhafi en visite officielle. Oubliés les prix Nobel de la Paix, place au plus sanguinaire des dictateurs. Chacun se souvient qu’il est le responsable de l’attentat contre le vol UTA-722 qui a fait 170 victimes dont 54 Français en 1989. Mais que refuser à celui qui règne sur un champ de pétrole parmi les plus riches de la Planète…
Kadhafi arrive en France en terrain conquis, exigeant de planter sa tente dans les jardins de l’hôtel Marigny, résidence des chefs d’État étrangers en visite en France. Stupeur, y compris parmi les proches de Nicolas Sarkozy : « Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort » déclare Rama Yade, secrétaire d’État chargée des Droits de l’homme, au journal Le Parisien, avant de se faire recadrer par l’Élysée.
Mais pourquoi cette visite ? Simplement pour le business ? L’argent du pétrole libyen devrait alimenter les industries de l’armement et du nucléaire en France. On annonce des commandes d’avions Rafale, d’hélicoptères Tigre, de navires de guerre et même des réacteurs nucléaires. L’Élysée se plaît à afficher des contrats représentant une dizaine de milliards d’euros. Contrats qui ne seront jamais honorés par Kadhafi car trois ans plus tard l’ami de la France est devenu son ennemi numéro un. Les Rafales français iront anéantir le régime du « guide » libyen dans une guerre éclair qui aboutira à sa mort, en octobre 2011, suite à une attaque du convoi de véhicules par lequel il tentait de s’échapper.
Cette histoire de visite du dictateur libyen en France aurait pu être oubliée si les médias français n’avaient pas révélé l’affaire dont nous suivons encore les rebondissements : celle du « financement occulte » de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy et des valises de billets ayant circulé entre Tripoli et Paris. Le tapis rouge déployé pour Kadhafi semblait apparaître alors comme la contrepartie d’une aide providentielle pour l’élection du président français. (voir : « Cash Investigation ». Affaire Sarkozy-Kadhafi : soupçons sur des millions). Procès annoncé pour janvier 2025 « dans le cadre des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007 » (Le Monde). Affaire à suivre.
Guerre humanitaire et pétrole
Où on apprend que le pétrole n’était pas étranger à la guerre « humanitaire » menée par la France et ses alliés en Libye. En septembre 2011, le journal Libération faisait état d’une lettre écrite 17 jours après l’adoption de la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU prenant parti pour les insurgés. Un membre important du « Conseil National de Transition » (CNT) libyen y évoquait un « accord attribuant 35 % du total du pétrole brut aux Français en échange du soutien total et permanent à [leur] Conseil. ». Fables ! diront les autorités françaises.
Fables ? En mai 2019, suite à une fâcherie avec le pouvoir français liée à la guérilla interne en Libye pour la mainmise sur les réserves de pétrole, le Gouvernement d’Union Nationale (GNA), qui a succédé au CNT, menaçait de suspendre les activités de Total dans le pays. A cette occasion nous apprenions que Total, dont la production était minoritaire avant la guerre, représentait déjà près du tiers de l’activité pétrolière dans le pays et ambitionnait de doubler sa production d’ici 2023.
En complément.
Les volte-face de Nicolas Sarkozy sur le changement climatique
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/09/15/les-volte-face-de-nicolas-sarkozy-sur-le-changement-climatique_4998385_4355770.html
Invité à parler devant des chefs d’entreprise à l’Institut de l’entreprise, à Paris, mercredi 14 septembre, Nicolas Sarkozy a nié l’influence de l’homme sur le climat. Une véritable pirouette climatosceptique, qui n’avait jamais été son positionnement auparavant.
L’ancien chef d’État a déclaré à cette occasion qu’« il faut être arrogant comme l’homme pour penser que c’est nous qui avons changé le climat ». « On a fait une conférence sur le climat. On parle beaucoup de dérèglement climatique, c’est très intéressant, mais ça fait 4,5 milliards d’années que le climat change. L’homme n’est pas le seul responsable de ce changement », a-t-il ensuite affirmé.
L’écologie sous surveillance.
Après la victoire de la « gauche plurielle » aux législatives de 1997, Lionel Jospin, invite Dominique Voynet à le rencontrer pour lui proposer le ministère de l’Environnement. Il est accompagné de son directeur de cabinet Olivier Schrameck mais aussi de Claude Allègre, adversaire déclaré de tout ce qui peut ressembler à de l’écologie. Lionel Jospin ne pouvait pourtant pas ignorer quel loup il introduisait dans sa bergerie ministérielle. En 1995, l’année du deuxième rapport du GIEC et du traité de Kyoto, celui-ci écrivait, dans Le Point, une chronique intitulée « Fausse alerte ». Pour lui, l’effet de serre était tout simplement un danger imaginaire inventé par des « lobbys d’origine scientifique qui défendent avec acharnement leur source de crédits ».
Pourtant le personnage tient une place de choix dans l’entourage de Lionel Jospin qui lui confie un poste clé, celui de ministre de l’Éducation nationale. Inutile donc de trouver une sensibilisation à la défense de l’environnement dans les programmes scolaires sous le ministère Allègre. Impossible, par contre, d’oublier son agressivité vis-à-vis des enseignants avec pour résultat de remobiliser un milieu passablement anesthésié par le retour de la gauche au pouvoir. Une mobilisation qui obligera Lionel Jospin à le remplacer par Jack Lang afin d’appliquer aux enseignants une cure de câlinothérapie.
La parole libérée de l’ami de trente ans.
De son expérience ministérielle, Claude Allègre aura quand même retenu le fait que ses provocations répétées lui attiraient une publicité médiatique dont il éprouvait une évidente jouissance. Sa plus belle réussite aura été son fameux « il faut dégraisser le mammouth », visant le service de l’éducation nationale. Il retiendra la leçon dans sa campagne contre ce qu’il qualifiera « d’imposture climatique ». Quel meilleur moyen de faire la joie des médias que de qualifier Nicolas Hulot « d’imbécile » ou encore de qualifier le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, de « système mafieux ».
Ces saillies tournant en boucle dans les médias lui ont valu d’être l’invité régulier des plateaux de télévision. Les journalistes ne manquant pas à chaque occasion de rappeler sa qualité d’ancien ministre de Jospin.
Promesses d’écologie version Jospin.
Oublions Allègre pour retrouver Lionel Jospin. Accord électoral de « gauche plurielle » oblige, il a choisi la Verte Dominique Voynet comme ministre de l’Environnement. En novembre 2000, elle devra représenter la France à la conférence de La Haye sur les changements climatiques (la COP6). Le 19 janvier 2000 Lionel Jospin tient donc une conférence de presse pour présenter les grandes lignes de son programme de lutte contre l’effet de serre.
En introduction, une figure imposée, faire valoir le « rôle éminent » de la France dans la lutte contre l’effet de serre : « dès 1992, notre pays a joué un rôle décisif qui a toujours été inspiré par la préoccupation des conséquences du réchauffement de la terre ». 1992 ? La date n’est pas anodine. Elle nous ramène à l’ère Mitterrand. La ministre de l’Environnement du gouvernement Bérégovoy était alors Ségolène Royal. En clair : on n’a pas attendu Chirac ni les Verts pour agir.
Encore une fois le cocorico national se doit, lui aussi, d’être au rendez-vous. Mon plan, déclare-t-il, est caractérisé « par la réaffirmation d’une forte volonté politique, qui devrait placer pour les prochaines années notre pays parmi les plus “responsables” face aux nouveaux risques qui menacent les grands équilibres écologiques ». Et d’énoncer :
- Une politique des transports donnant la priorité au rail.
- Un alignement progressif de la taxation du gazole sur
celle de l’essence.
- Une « TGAP énergie ».
Cette « TGAP énergie » est une écotaxe qui entrera dans le cadre de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes qui jusqu’à présent ne concerne pas les émissions de gaz à effet de serre : « Nous avons tranché avec les politiques précédentes en rejoignant la plupart des pays de l’Union européenne qui avaient décidé de créer une écotaxe ou de consolider leur fiscalité énergétique. Depuis six mois, nous avons procédé à une consultation des industriels, qui n’est d’ailleurs pas terminée, sur les modalités d’une “TGAP énergie”, c’est à-dire d’une écotaxe dont nous avons adopté le principe dès 1998, et qui s’esaccompagnée d’ailleurs, selon le principe du double dividende, d’une diminution significative des charges sociales. », tient à préciser Lionel Jospin.
L’Écotaxe, une bonne idée.
Cette écotaxe faisait partie des engagements signés entre les Verts et le Parti Socialiste. Deux projets : la taxe sur le diesel et la taxe CO2. La première rétablirait une égalité entre diesel et essence. Elle s’appliquerait aux particuliers mais aussi aux poids lourds. Son produit servirait à développer les transports en commun et les modes de transports propres. La deuxième serait proportionnelle à la consommation d’énergie à base de pétrole, de charbon, de gaz, par les entreprises et les particuliers.
Dominique Voynet, dès le début de son mandat, en avait annoncé le contenu. Il s’agissait « de mettre en place un ensemble de taxes qui soient des signaux dissuasifs pour les pollueurs et qui orientent les choix des consommateurs et des industriels vers des comportements moins nocifs pour l’environnement. En même temps, cette taxation doit permettre de baisser les charges qui pèsent sur le travail et freinent l’embauche. Ce n’est pas un impôt supplémentaire, c’est une modernisation du système fiscal. On prépare ainsi les grands débats européens ». Le projet est ambitieux et devrait dynamiser l’ensemble de la gauche réunie. La nouvelle ministre de l’Environnement ignore encore le long combat qui l’attend et les chaussetrappes qui seront placées sur son chemin, en particulier par certains de ses « partenaires » de la majorité.
Décembre 2000. « La nouvelle écotaxe retoquée »
Ce titre est celui d’un article du journal Libération. L’écotaxe ne sera pas étendue aux entreprises. Ainsi en a décidé le Conseil constitutionnel. Il a estimé que « l’objectif de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) appliquée aux entreprises ne correspondait pas aux objectifs recherchés par le gouvernement, à savoir inciter ces dernières à maîtriser leur consommation de produits énergétiques afin de lutter contre l’effet de serre ».
Le journal rappelle surtout que « Pour faire admettre cette nouvelle écotaxe, les députés verts avaient dû batailler fort contre leurs alliés socialistes, souvent sensibles aux pressions des lobbies industriels et agricoles ». Et de noter qu’en privé « Laurent Fabius, ministre de l’Économie et des Finances, taxait la TGAP d’impôt « imbécile ». « Les parlementaires PS l’avaient vue d’un très mauvais œil », note encore l’auteur de l’article. « Il avait fallu de nombreuses réunions, des conciliabules sans fin, des négociations au cordeau avec les écologistes pour qu’elle voie le jour. De concessions en compromis, ces derniers ont eu du mal à retrouver leur bébé. »
Juillet 2001. Yves Cochet. Écotaxe le retour ?
Dominique Voynet quitte le gouvernement. Elle est remplacée par Yves Cochet qui compte bien reprendre le chantier de l’écotaxe. « Tenir des discours sur la lutte contre l’effet de serre c’est bien, l’action c’est mieux. Le plus urgent, chronologiquement, pour moi est d’obtenir un accord gouvernemental sur l’extension de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) aux consommations d’énergie. Si l’on souhaite que cette mesure puisse être inscrite dans le projet de budget de 2002, la décision doit être prise dans les jours qui viennent », déclare-t-il lors de sa première conférence de presse (journal Les Échos).
C’était compter sans Fabius.
Le ministre des Finances de Lionel Jospin, le même qui se fera gloire de sceller, par son coup de marteau, la COP21 à Paris, ne veut pas entendre parler de fiscalité écologique. Pas question de s’attaquer au diesel, pas touche au charbon ou au gaz qui pour le moment ne sont pas taxés. Pas question de nuire aux entreprises grosses consommatrices d’énergie. Toujours dans Les Échos on peut lire que le projet du ministre de l’Environnement a peu de chances de voir le jour avant les élections de 2002. « Soucieux du moral des ménages et des entreprises, le ministre des Finances ne veut pas entendre parler d’un tel projet, qui risquerait de faire repartir l’inflation et, surtout, ruinerait le message de baisse des impôts dont il a fait son cheval de bataille. L’écotaxe est donc pour Laurent Fabius un casus belli politique majeur. » Protestation des écologistes mais le temps presse et les élections présidentielles approchent.
Septembre 2001. L’Écotaxe enterrée.
« Lionel Jospin enterre la fiscalité écologique », titre le journal Le Monde du 1er septembre 2001. Le journal rapporte son intervention télévisée du mardi 28 août dans laquelle il explique que : « Au moment où les Français ont vu clairement que la baisse des impôts va être effective, je pense qu’il serait contre-productif et inintelligent que de donner un message d’augmentation de la fiscalité par ailleurs ».
Placer « notre pays parmi les plus responsables face aux nouveaux risques » avait annoncé Lionel Jospin. Oublions. L’idée de l’écotaxe resurgira pourtant avec éclat, quelques années plus tard. Mais ceci est une histoire à suivre dans les chapitres suivants.
Avant de quitter Jospin faut-il rappeler que c’est sous son gouvernement qu’a été réactivé le projet oublié depuis 1963 de « réaliser un nouvel aéroport, en remplacement de Nantes-Atlantique, sur le site de Notre-Dame-desLandes afin de valoriser la dimension internationale et européenne des échanges de l’Ouest-atlantique ».