Le Lancet a tenu parole. L’an passé, à l’orée de la COP 22 de Marrakech, la revue médicale de référence avait lancé une initiative originale : le Lancet Countdown. En se basant sur les travaux de 24 établissements universitaires internationaux et organisations intergouvernementales (OMS), le journal a quantifié les effets sanitaires des principales conséquences du changement climatique (sécheresses, événements climatiques extrêmes, perturbations des moussons, etc.). Des chiffres que le journal britannique entend mettre à jour tous les ans. C’est chose faite.
Sous sa houlette, climatologues, écologistes, économistes, ingénieurs, experts de l’énergie, de l’agroalimentaire et du transport, géographes, mathématiciens, chercheurs en sciences sociales, politologues, spécialistes de santé publique et médecins ont élaboré une quarantaine d’indicateurs dans 5 domaines : exposition et vulnérabilité au changement climatique ; plans d’adaptation pour la santé ; mesures d’atténuation ; finances et engagement public.

En filigrane, le message adressé aux politiques est clair : si vous n’agissez pas, les changements climatiques à venir ruineront les avancées en termes de santé publique obtenues ces 50 dernières années. A contrario, lutter efficacement contre le réchauffement et ses effets pourrait être « la plus grande opportunité du XXIe siècle en matière de santé à l’échelle mondiale ».
Sans surprise, de très nombreux indicateurs sont au rouge : depuis 2000, ce sont plus de 125 millions de personnes qui subissent des canicules de plus en plus intenses chaque année ; durant la même période, les agriculteurs du monde entier ont vu baisser leur productivité de 5% du fait de la dégradation des conditions climatiques ; à cause du réchauffement, le moustique Aedes aegypti peut transmettre la dengue dans un plus grande nombre de régions.

Des phénomènes anthropiques, comme la pollution de l’air urbain, sont aggravés par le réchauffement. Un réchauffement qui, en réduisant les précipitations dans certaines régions, diminue la capacité de l’agriculture à nourrir et à fixer les populations locales. Estimé à plusieurs dizaines de millions aujourd’hui, le nombre de réfugiés climatiques pourrait flirter avec le milliard d’ici la fin du siècle, pronostique The Lancet. De quoi faire trembler sur leurs fondations bien des Etats fragiles, incapables d’accueillir ces vagues annoncées de migrants.
Les effets du réchauffement sur notre santé ne sont pas une découverte. La question a été posée dès 1990 par les auteurs du premier rapport d’évaluation du Giec[1]. En moyenne, la littérature scientifique s’enrichit d’un article par jour sur le sujet depuis des années. Mais les politiques de santé publique ne suivent pas au même rythme. « Le retard de la réponse au changement climatique ces 25 dernières années a mis en péril la vie humaine et les moyens de subsistance », s’alarment les contributeurs au ‘compte à rebours’ du Lancet.
La revue compte actualiser les données jusqu’en 2030. En attendant, ses experts distillent déjà quelques idées pour améliorer la situation : supprimer les centrales au charbon, encourager l’économie bas carbone, développer les énergies renouvelables, investir dans la recherche, accroître les financements dans les systèmes de santé résilients.
[1] Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat