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10 novembre 2019 7 10 /11 /novembre /2019 11:04

Histoire à suivre…

 

 

 

 

" Qu'est-ce que l'électricité ? " Au bout de ce chemin la question a-t-elle trouvé sa réponse ?

 

L'histoire commence avec éclat quand Gilbert rencontre la propriété "magique" de l'ambre dans des matières aussi banales que le verre ou le soufre. Il franchissait ainsi les premières étapes de la construction d'une nouvelle branche du savoir : l'électricité.

 

Un nouveau pas est franchi quand la "vertu" électrique se concrétise sous la forme d'un "fluide" et quand Stephen Gray puis Dufay et Franklin établissent les notions de conducteur et d'isolant.

 

Un seul fluide comme le pensent Franklin et ses successeurs ? Deux fluides comme proposé par Dufay ? Il faudra plus d'un siècle et demi pour que l'existence de deux espèces d'électricité s'impose et que chacune trouve sa place respective dans l'atome : la négative dans les électrons, la positive dans les protons du noyau. Enfin un résultat stable !

 

Entre temps se sera posée la question de l'action externe de ce fluide. Gilbert avait sut établir la barrière entre magnétisme et électricité et voilà que ces deux propriétés se rejoignent dans les propriétés électromagnétiques des courants électriques.

 

Et à nouveau revient la question des actions à distance qui avait opposé "newtoniens" et "cartésiens" dans le domaine de la mécanique céleste. Les premiers acceptant une action sans contact matériel. Les seconds imaginant d'invisibles engrenages sous forme de "tourbillons" de cet "éther" mystérieux dont on emplira l'espace à chaque fois qu'on voudra en exclure le vide.

 

Newton et ses successeurs avaient su imposer leur schéma d'actions à distance. Coulomb avait appliqué le modèle avec succès dans le domaine de l'électrostatique. Ampère en avait fait de même dans celui des effets électromagnétiques des courants. L'affaire semblait entendue : les actions électromagnétiques sont des actions "a distance".

 

C'est alors que Faraday vient, à nouveau, peupler l'espace d'un "éther" structuré en lignes de "champ". C'est en coupant ces lignes de champ, dit-il, et non par une action à distance qu'un conducteur est le siège d'une force électromotrice.

 

Quand Maxwell aura établi l'équation de propagation, dans ces champs, d'ondes progressant à une vitesse égale à celle de la lumière, faisant du même coup de l'onde lumineuse un cas particulier d'onde électromagnétique, quand Hertz aura produit et étudié ces ondes, il ne sera plus possible de douter de leur existence et de celle des champs. Il existe donc alors deux entités bien définies : les charges électriques portées par les atomes d'un côté, les champs électriques issus de ces charges et portés par l'éther de l'autre.

 

Et pourtant à peine validées les ondes rencontrent un problème : l'éther n'existe pas. Or une onde demande un support. C'est le mouvement successif de chaque point de ce support à partir d'une source qui est le propre d'une onde. Les ondes lumineuses, les ondes hertziennes, n'auraient donc aucun support ? Comment alors parler encore d'ondes électromagnétiques ? Faut-il abandonner ce modèle ? Il décrit si bien la réalité observée qu'il faudra plutôt faire une entorse au "réalisme" et s'accommoder d'ondes sans support matériel même si l'intuition immédiate s'y refuse.

 

Même si les ondes électromagnétiques deviennent ainsi un être sans aucun lien autre que mathématique avec les phénomènes physiques dont elles portent le nom, l'électricité peuple encore deux univers séparés : celui de la matière où se trouvent et circulent les "charges" électriques, celui de l'espace vide qui est le domaine des champs et des ondes électromagnétiques.

 

 

Et voilà que Einstein, étudiant l'effet photoélectrique, revient à un modèle corpusculaire de l'onde lumineuse et que De Broglie imagine un modèle ondulatoire des corpuscules matériels. Voilà que les ondes lumineuses se matérialisent en photons pendant que les électrons se diluent en ondes. Voilà que, avec Heisenberg, naît un être nouveau, le quanta, objet insaisissable enfanté par les concepts d'onde et de matière et doué du don d'ubiquité. Voilà l'électricité réduite à un chiffre dans une matrice.

 

Et comment ne pas imaginer que, au moment où les quanta, à leur tour, sembleront avoir livré tous leurs secrets, d'autres questions apparaîtront qui obligeront à imaginer de nouveaux modèles et à explorer de nouveaux horizons encore plus étranges que les précédents.

 

Qu'en déduire ? Que, aussi spectaculaires que soient les applications de l'électricité, aussi prodigieuse que soit la façon dont elles ont transformé notre univers, l'histoire de la science électrique ne serait donc que celle d'une succession d'erreurs ?

 

Pourtant ces "erreurs" sont encore de solides vérités pour tous ceux dont l'électricité est le quotidien, qu'ils soient professionnels ou simples utilisateurs. On n'a pas trouvé mieux que les électrons pour expliquer ce qui se passe dans un circuit électrique ou électronique. Mieux que les ondes électromagnétiques pour décrire ce qui se transmet entre les multiples émetteurs et récepteurs qui peuplent notre quotidien. Dans les énormes accélérateurs dont se dotent les modernes physiciens, ce sont bien encore des particules qu'ils nous disent vouloir accélérer.

 

L'enseignement de l'électricité lui-même ne serait donc que l'enseignement d'erreurs successives ? A-t-on le droit, à travers les programmes d'enseignement, ou dans les revues de vulgarisation, de continuer à enseigner des modèles dépassés ?

 

D'autant plus que certaines de ces "erreurs" ont laissé des traces durables. Comment, sans faire passer la science électrique pour un bricolage approximatif, expliquer, par exemple, que le sens "conventionnel" du courant dans un conducteur est inverse de celui de déplacement des électrons. Ou encore qu'un ion négatif est une particule portant plus d'électricité que l'atome correspondant.

 

Comment ? En faisant appel à Dufay, à Franklin, à Symmer. En n'oubliant pas l'histoire dans l'enseignement des sciences et la diffusion de la culture scientifique.

 

Pas de science sans son histoire.

 

Seule l'histoire des sciences peut expliquer ces "cicatrices". Seule, aussi, elle est permet de combattre le dogmatisme qui guette tout enseignement scientifique.

Une loi physique n'est pas une vérité "révélée", c'est une création humaine. Connaître les tâtonnements, les réussites, les avancées et les doutes des hommes et des femmes qui s'y sont investis est aussi passionnant que d'apprendre à mettre en œuvre les lois et les méthodes qu'ils nous ont transmises.

Etudier les sciences à travers leur histoire, c'est leur donner une place, au côté de l'art ou de la littérature dans l'aventure culturelle de l'humanité. Rimbaud ne fait pas oublier Ronsard, Einstein ne doit pas faire oublier Newton. Lire un Mémoire de Dufay sur l'électricité, c'est établir une connivence, aussi forte que celle qui passe par l'émotion poétique ou artistique, avec un homme qui nous invite à partager sa passion. Lire une communication de Marie Curie à l'Académie des Sciences c'est, à la fois, vivre au jour le jour l'éclosion d'un nouveau et fantastique domaine scientifique, y compris dans ses moments de doute, mais aussi découvrir une femme qui réussit à imposer son énergie et son intelligence dans le milieu misogyne du monde scientifique de son époque.

 

Les sciences, à condition de ne pas occulter leur histoire, peuvent être le socle d'une culture qui franchisse les frontières. Les savoirs scientifiques, peut-être plus que d'autres, sont le résultat d'échanges permanents entre civilisations. La science "moderne" qui s'est développée dans l'espace européen, à partir du 17ème siècle, est aussi l'héritière des sciences nées en Chine, dans l'Inde ou dans le monde arabe. Le vocabulaire des sciences lui-même a emprunté à de multiples cultures. Aujourd'hui, enseignées et pratiquées dans les mêmes termes dans le monde entier, elles construisent un langage universel. Elles participent aussi, ce faisant, à la "mondialisation" de nos sociétés humaines, y compris dans leurs moments de crise.

 

Ce n'est qu'un début, l'histoire de l'électricité continue.

 

Crise environnementale,  crise économique, crise sociale... Le mot "crise" semble être celui qui devrait marquer les premières années de ce XXIème siècle. Les sciences physiques n'y échappent pas.

 

Crise des concepts : Témoin l'interpellation à la une de la revue Sciences et Vie de février 2009 : "La physique quantique rend elle fou ?".  Titre assorti du commentaire : "Être à Paris et à Marseille en même temps, ou à la fois en voiture et dans le train : impossible, à priori, ces situations ne le sont pas dans le monde quantique ! Face à ce constat, la raison vacille... et d'abord celle des physiciens".  Le propose est volontairement provocateur mais révélateur du trouble qui agite le milieu des chercheurs et celui des "médiateurs" scientifiques.

 

Déjà Heisenberg, un des "pères" de la physique quantique, avouait sa difficulté à comprendre ce que décrivaient ses équations : "La Nature peut-elle vraiment être aussi absurde qu'elle nous semble l'être dans ces expériences atomiques ? ", écrivait-il, il y a un demi siècle. La nouveauté est cependant que, si Heisenberg et ses contemporains raisonnaient sur des expériences "virtuelles" qu'ils illustraient d'images exotiques comme celle du "chat de Schrödinger" à la fois mort et vivant, aujourd'hui des expériences de plus en plus nombreuses, dans la lignée de celle imaginée par l'équipe de Alain Aspect, prouvent que l'impensable est devenu réalité.

 

Alors que les sciences se fixaient l'objectif d'élaborer une vision unifiée du monde et qu'un premier pas avait été franchi par Einstein, en réunissant les notions de masse et d'énergie, d'onde et de particule, les expériences récentes introduisent une réalité non descriptible dans le monde "réel". "Mon cerveau reptilien n'est pas câblé pour comprendre la quantique", déclare Jean-Michel Raimond, directeur du département de physique de l’École Normale Supérieure tout en souhaitant que le temps et l'effort finissent par étendre les bizarreries quantiques jusqu"aux "zones d'intuition" des futures générations de physiciens. "Aujourd'hui les physiciens manipulent le formalisme quantique sans même comprendre à quoi ça renvoie", ajoute Miora Mugur-Schâfer, spécialiste de physique quantique qui fut collaboratrice de Louis de Broglie.

 

Pourtant certains commentateurs n'hésitent pas à annoncer une seconde révolution quantique. Dans les laboratoires, des équipes, comme celle de Serge Haroche, lauréat 2009 de la médaille d'or du CNRS, imaginent des applications possibles de "l'intrication" quantique dans les systèmes d'information et de cryptage. Un nouveau chapitre de l'histoire des sciences commence et on imagine assez facilement l'enthousiasme des jeunes chercheurs engagés dans cette aventure qui nous rappelle celui des Rutherford, Wilson, Langevin... regroupés par J.J Thomson au sein du Cavendish Laboratory au moment où ils allaient être les acteurs de la première révolution quantique.

 

Pour en revenir au sujet de ce livre, l'électricité, qui sait ce que ce mot signifiera pour les futures générations et quel sera leur étonnement devant la façon dont, aujourd'hui, nous concevons ce que nous appelons "électricité".

 

Crise de l'énergie. Nous ne pouvons conclure cette histoire sans évoquer une autre révolution à venir : celle de la production de l'énergie électrique. Les vulgarisateurs de la fin du XIXème siècle, tels Louis Figuier, ne s'étaient pas trompés : l'électricité a bien répondu à l'attente des savants, ingénieurs et industriels rassemblés à l'occasion de l'exposition internationale de l'électricité de 1881.Elle éclaire les villes, elle alimente les moteurs industriels et domestiques, après le son elle transmet les images. Par contre, nous devons aussi nous rappeler que s'ils imaginaient une électricité produite par les forces naturelles, les barrages hydraulique, le vent, les courants marins, la réalité a été toute différente.

 

L'essentiel de l'énergie électrique est aujourd'hui produite par des centrales thermiques consommatrices d'énergies fossiles, charbon, pétrole, gaz, dont on connaît l'impact négatif sur le réchauffement de la Planète par l'émission de gaz à effet de serre. La production d'électricité a également été le prétexte au développement d'une industrie nucléaire dont l'objectif principal reste souvent la production d'armes de destruction massive et dont on mesure, à présent, le danger  de la version "civile" à la lumière des accidents de Three Mile Island, de Tchernobyl, de Fukushima, ou les problèmes de la gestion des déchets radioactifs dont l'héritage pèsera pendant des millénaires.

 

Aujourd'hui l'accord se fait pour un changement radical du modèle de consommation de l'énergie. Celui-ci passera par la recherche de la sobriété et le développement des énergies renouvelables. Parmi celles-ci l'énergie solaire. Découverte en 1839 par Edmond Becquerel, retrouvé sous une autre forme en 1887 par Hertz, expliqué en 1905 par Einstein, l'effet photovoltaïque est devenu le thème de recherche d'une multitude de laboratoires qui s'emploient à augmenter les rendements et diminuer les coûts de panneaux photovoltaïques.

 

 

"Solaire, pourquoi on peut enfin y croire" titrait le numéro de Sciences et Vie de mai 2009. Quoi de plus élégant, en effet, que ces cellules capables de transformer de façon immédiate la lumière en courant électrique. Quoi de plus satisfaisant que de produire, localement, l'énergie nécessaire à la plupart de ses activités quotidiennes.

 

L'électricité est une science récente. Elle donnera longtemps encore des raisons de s'émerveiller devant la complexité et la richesse du monde qu'elle nous révèle. La résistance qu'elle offrira à la compréhension des chercheurs sera, pour eux, autant de défis à relever et d'occasions de développer leur intuition, leur intelligence et leur sensibilité. Puissent les quelques repères que nous avons voulu rassembler ici être utiles à nos contemporains pour comprendre le présent et à nos successeurs pour imaginer l'avenir.

 

 

 

 

 

 

 

 

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