Demain l'hydrogène ?
C'est du moins ce que laissent entendre depuis quelques années les médias scientifiques ou autres. Finies les énergies carbonées. L'avenir est l'hydrogène. Heures de gloire pour un élément chimique jusqu'à présent peu mis en lumière. Pourquoi pas un retour aux sources pour retrouver l'histoire de cet élément. Elle commence en Angleterre avec Cavendish.
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Deuxième fils du Duc de Devonshire, Henry Cavendish, reçoit, de son oncle, un riche héritage qui lui permet de constituer un laboratoire bien équipé qu’il utilise avec une rigueur peu commune parmi ses contemporains.
matériel de laboratoire de Cavendish.
En 1766, il présente devant l’Association Royale de Londres une communication sur les airs factices.
"Par air factice, je désigne, en général, toute sorte d'air contenu dans d'autres corps sous forme non-élastique, et qui en est extrait par l'action de l'art".
La découverte de l’air inflammable (notre hydrogène) constitue, par sa nouveauté, la partie la plus remarquable de son travail. Voir : Philosophical Transactions, 1766 page 144.
Le zinc, le fer et l'étain sont donc les trois métaux, à partir desquels Cavendish produit ce qu'il désigne comme "air inflammable" ( et deviendra notre hydrogène). Il l'obtient par leur dissolution dans les acides. Et ceci uniquement dans l'acide vitriolique dilué (notre acide sulfurique), ou dans l'esprit de sel (notre acide chlorhydrique). Le zinc, précise-t-il se dissout avec une grande rapidité. Sans doute le phénomène avait-il déjà été observé dès les premiers temps de l'alchimie. Cavendish sera le premier à l'étudier avec méthode.
C'est ainsi que l'action de l'acide chlorhydrique sur le zinc deviendra, jusque aujourd'hui, la façon de préparer de l'hydrogène dans les laboratoires de nos lycées au moyen de l'appareil de Kipp.
Il note aussi que ces réactions se font avec une grande production de chaleur analogue à celle que produit leur combustion
Quelle explication pour le phénomène ?
Comme lors de leur combustion, quand les métaux sont dissous dans les acides, leur "phlogistique" s'échappe, sans que sa nature soit modifiée par l'acide. Ce phlogistique constitue "l'air inflammable". Ainsi raisonne Cavendish.
Un mot sur le phlogistique.
Georg Ernst Stahl (1659-1734) nomme ainsi un "principe du feu" qui serait présent dans tous les corps combustibles.
Ce phlogistique, Stahl le reconnaîtra dans le soufre mais aussi dans le charbon et les corps combustibles comme les résines, les huiles et graisses végétales ou animales. Car, dit-il, ce principe se trouve dans les trois règnes de la Nature "au point qu’il passe immédiatement sans nulle difficulté et en un instant, du règne végétal et du règne animal dans le règne minéral et dans les substances métalliques".
Que se passe-t-il quand brûle un morceau de charbon ? La combustion libère le "phlogistique" qui ira imprégner l’air ambiant, le transformant en "air phlogistiqué". Mais, d’abord, Stahl le verra en œuvre dans les métaux, eux mêmes combustibles. C'est donc ce phlogistique qui s'échappe de ceux-ci quand ils sont dissous dans les acides. La théorie rencontre le succès parmi tous les chimistes de l'époque et il faudra attendre Lavoisier pour qu'elle soit abandonnée.
Place aux expériences.
La combustion de cet air dans l'air commun est donc la caractéristique majeure de ce nouvel air. Cavendish ne se contente pas d'une rapide observation. Il souhaite en savoir plus sur cette réaction.
De l'air inflammable est mélangé à de l'air commun dans des proportions différentes dans des flacons par les différentes méthodes représentées sur les montages présentés en ce début d'article. Quand une flamme est présentée à l'orifice du flacon, une flamme se produit accompagnée d'un bruit plus ou moins fort. Résultats :
- Avec une part d'air inflammable et neuf parts d'air commun, aucune inflammation quand on approche un papier enflammé de l'orifice du flacon.
- Avec deux parts pour huit, une flamme et un léger bruit/
- Avec trois parts pour sept, un très fort bruit.
- Avec quatre parts pour six, un bruit légèrement plus fort.
- Avec des parts égales, sensiblement le même son.
- Avec 6 parts pour quatre, une flamme et un son faible.
- Avec 7 puis 8 puis 9 parts d'air inflammable, un son de plus en plus faible et une flamme à l'intérieur du flacon.
Proposition d'exercice pour apprenties et apprentis chimistes.
Sachant que la proportion d'oxygène dans l'air est de 21%, quel mélange vous semble le plus favorable à une combustion complète et donc à un fort bruit.
Quelle densité pour l'air inflammable ?
Cavendish s'est fait une spécificité dans la mesure de la densité des gaz. Nous ne décrirons pas ici les méthodes utilisées. La faible densité du gaz inflammable rend la mesure délicate. Notons que l'expérimentateur conserve comme dernière valeur une densité 8760 fois plus faible que celle de l'eau ou 11 fois plus faible que celle de l'air.
Autre proposition d'exercice : comparer ces résultats avec ceux que nous donneraient nos connaissances actuelles.
En conclusion : Cavendish ne se contente pas de découvrir l'existence de cet "air inflammable" qui deviendra notre hydrogène, il nous en apprend déjà beaucoup sur ses propriétés chimiques et physiques. Il mérite, à plus d'un titre, celui de "découvreur" de l'hydrogène.
A suivre :
Joseph Priestley (1733-1804)
Dans son ouvrage "Expériences sur diverses espèces d'air, Paris 1777", Priestley n'apporte pas d'informations nouvelles quant à la nature de "l'air inflammable" décrit par Cavendish. Son intérêt réside dans le nouveau mode de production : il extrait cet air de toutes matières qu'il considère comme inflammables, en chauffant celles-ci, comme sur le modèle de Hales, dans un canon de fusil, c'est à dire de fer. Lavoisier reprenant le montage saura, mieux que lui, interpréter la réaction.
De l'air inflammable (p70) Priestley.