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8 juillet 2024 1 08 /07 /juillet /2024 18:20


 

Gauche plurielle.

 

 

L’écologie sous surveillance.

 


Après la victoire de la « gauche plurielle » aux législatives de 1997, Lionel Jospin, invite Dominique Voynet à le rencontrer pour lui proposer le ministère de l’Environnement. Il est accompagné de son directeur de cabinet Olivier Schrameck mais aussi de Claude Allègre, adversaire déclaré de tout ce qui peut ressembler à de l’écologie. Lionel Jospin ne pouvait pourtant pas ignorer quel loup il introduisait dans sa bergerie ministérielle. En 1995, l’année du deuxième rapport du GIEC et du traité de Kyoto, celui-ci écrivait, dans Le Point, une chronique intitulée « Fausse alerte ». Pour lui, l’effet de serre était tout simplement un danger imaginaire inventé par des « lobbys d’origine scientifique qui défendent avec acharnement leur source de crédits ».

 


Pourtant le personnage tient une place de choix dans l’entourage de Lionel Jospin qui lui confie un poste clé, celui de ministre de l’Éducation nationale. Inutile donc de trouver une sensibilisation à la défense de l’environnement dans les programmes scolaires sous le ministère Allègre. Impossible, par contre, d’oublier son agressivité vis-à-vis des enseignants avec pour résultat de remobiliser un milieu passablement anesthésié par le retour de la gauche au pouvoir. Une mobilisation qui obligera Lionel Jospin à le remplacer par Jack Lang afin d’appliquer aux enseignants une cure de câlinothérapie.
 

 

La parole libérée de l’ami de trente ans.

 


De son expérience ministérielle, Claude Allègre aura quand même retenu le fait que ses provocations répétées lui attiraient une publicité médiatique dont il éprouvait une évidente jouissance. Sa plus belle réussite aura été son fameux « il faut dégraisser le mammouth », visant le service de l’éducation nationale. Il retiendra la leçon dans sa campagne contre ce qu’il qualifiera « d’imposture climatique ». Quel meilleur moyen de faire la joie des médias que de qualifier Nicolas Hulot « d’imbécile » ou encore de qualifier le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, de « système mafieux ».

 


Ces saillies tournant en boucle dans les médias lui ont valu d’être l’invité régulier des plateaux de télévision. Les journalistes ne manquant pas à chaque occasion de rappeler sa qualité d’ancien ministre de Jospin.

 


Promesses d’écologie version Jospin.

 


Oublions Allègre pour retrouver Lionel Jospin. Accord électoral de « gauche plurielle » oblige, il a choisi  la Verte Dominique Voynet comme ministre de l’Environnement. En novembre 2000, elle devra représenter la France à la conférence de La Haye sur les changements climatiques (la COP6). Le 19 janvier 2000 Lionel Jospin tient donc une conférence de presse pour présenter les grandes lignes de son programme de lutte contre l’effet de serre.

 


En introduction, une figure imposée, faire valoir le « rôle éminent » de la France dans la lutte contre l’effet de serre : « dès 1992, notre pays a joué un rôle décisif qui a toujours été inspiré par la préoccupation des conséquences du réchauffement de la terre ». 1992 ? La date n’est pas anodine. Elle nous ramène à l’ère Mitterrand. La ministre de l’Environnement du gouvernement Bérégovoy était alors Ségolène Royal. En clair : on n’a pas attendu Chirac ni les Verts pour agir.

 


Encore une fois le cocorico national se doit, lui aussi, d’être au rendez-vous. Mon plan, déclare-t-il, est caractérisé « par la réaffirmation d’une forte volonté politique, qui devrait placer pour les prochaines années notre pays parmi les plus “responsables” face aux nouveaux risques qui menacent les grands équilibres écologiques ». Et d’énoncer :


 - Une politique des transports donnant la priorité au rail.


- Un alignement progressif de la taxation du gazole sur
celle de l’essence.


- Une « TGAP énergie ».

 


Cette « TGAP énergie » est une écotaxe qui entrera dans le cadre de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes qui jusqu’à présent ne concerne pas les émissions de gaz à effet de serre : « Nous avons tranché avec les politiques précédentes en rejoignant la plupart des pays de l’Union européenne qui avaient décidé de créer une écotaxe ou de consolider leur fiscalité énergétique. Depuis six mois, nous avons procédé à une consultation des industriels, qui n’est d’ailleurs pas terminée, sur les modalités d’une “TGAP énergie”, c’est à-dire d’une écotaxe dont nous avons adopté le principe dès 1998, et qui s’esaccompagnée  d’ailleurs, selon le principe du double dividende, d’une diminution significative des charges sociales. », tient à préciser Lionel Jospin.

 


L’Écotaxe, une bonne idée.

 


Cette écotaxe faisait partie des engagements signés entre les Verts et le Parti Socialiste. Deux projets : la taxe sur le diesel et la taxe CO2. La première rétablirait une égalité entre diesel et essence. Elle s’appliquerait aux particuliers mais aussi aux poids lourds. Son produit servirait à développer les transports en commun et les modes de transports propres. La deuxième serait proportionnelle à la consommation d’énergie à base de pétrole, de charbon, de gaz, par les entreprises et les particuliers.

 


Dominique Voynet, dès le début de son mandat, en avait annoncé le contenu. Il s’agissait « de mettre en place un ensemble de taxes qui soient des signaux dissuasifs pour les pollueurs et qui orientent les choix des consommateurs et des industriels vers des comportements moins nocifs pour l’environnement. En même temps, cette taxation doit permettre de baisser les charges qui pèsent sur le travail et freinent l’embauche. Ce n’est pas un impôt supplémentaire, c’est une modernisation du système fiscal. On prépare ainsi les grands débats européens ». Le projet est ambitieux et devrait dynamiser l’ensemble de la gauche réunie. La nouvelle ministre de l’Environnement ignore encore le long combat qui l’attend et les  chaussetrappes qui seront placées sur son chemin, en particulier par certains de ses « partenaires » de la majorité.

 


Décembre 2000. « La nouvelle écotaxe retoquée »

 


Ce titre est celui d’un article du journal Libération. L’écotaxe ne sera pas étendue aux entreprises. Ainsi en a décidé le Conseil constitutionnel. Il a estimé que « l’objectif de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) appliquée aux entreprises ne correspondait pas aux objectifs recherchés par le gouvernement, à savoir inciter ces dernières à maîtriser leur consommation de produits énergétiques afin de lutter contre l’effet de serre ».
 

 

Le journal rappelle surtout que « Pour faire admettre cette nouvelle écotaxe, les députés verts avaient dû batailler fort contre leurs alliés socialistes, souvent sensibles aux pressions des lobbies industriels et agricoles ». Et de noter qu’en privé « Laurent Fabius, ministre de l’Économie et des Finances, taxait la TGAP d’impôt « imbécile ». « Les parlementaires PS l’avaient vue d’un très mauvais œil », note encore l’auteur de l’article. « Il avait fallu de nombreuses réunions, des conciliabules sans fin, des négociations au cordeau avec les écologistes pour qu’elle voie le jour. De concessions en compromis, ces derniers ont eu du mal à retrouver leur bébé. »

 


Juillet 2001. Yves Cochet. Écotaxe le retour ?

 


Dominique Voynet quitte le gouvernement. Elle est remplacée par Yves Cochet qui compte bien reprendre le chantier de l’écotaxe. « Tenir des discours sur la lutte contre l’effet de serre c’est bien, l’action c’est mieux. Le plus urgent, chronologiquement, pour moi est d’obtenir un accord gouvernemental sur l’extension de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) aux consommations d’énergie. Si l’on  souhaite que cette mesure puisse être inscrite dans le projet de budget de 2002, la décision doit être prise dans les jours qui viennent », déclare-t-il lors de sa première conférence de presse (journal Les Échos).

 


C’était compter sans Fabius.

 


Le ministre des Finances de Lionel Jospin, le même qui se fera gloire de sceller, par son coup de marteau, la COP21 à Paris, ne veut pas entendre parler de fiscalité écologique. Pas question de s’attaquer au diesel, pas touche au charbon ou au gaz qui pour le moment ne sont pas taxés. Pas question de nuire aux entreprises grosses consommatrices d’énergie. Toujours dans Les Échos on peut lire que le projet du ministre de l’Environnement a peu de chances de voir le jour avant les élections de 2002. « Soucieux du moral des ménages et des entreprises, le ministre des Finances ne veut pas entendre parler d’un tel projet, qui risquerait de faire repartir l’inflation et, surtout, ruinerait le message de baisse des impôts dont il a fait son cheval de bataille. L’écotaxe est donc pour Laurent Fabius un casus belli politique majeur. » Protestation des écologistes mais le temps presse et les élections présidentielles approchent.

 


Septembre 2001. L’Écotaxe enterrée.

 


« Lionel Jospin enterre la fiscalité écologique », titre le journal Le Monde du 1er septembre 2001. Le journal rapporte son intervention télévisée du mardi 28 août dans laquelle il explique que : « Au moment  où les Français ont vu clairement que la baisse des impôts va être effective, je pense qu’il serait contre-productif et inintelligent que de donner un message d’augmentation de la fiscalité par ailleurs ».

 


Placer « notre pays parmi les plus responsables face aux nouveaux risques » avait annoncé Lionel Jospin. Oublions. L’idée de l’écotaxe resurgira pourtant avec éclat, quelques années plus tard. Mais ceci est une histoire à suivre dans les chapitres suivants.

 


Avant de quitter Jospin faut-il rappeler que c’est sous son gouvernement qu’a été réactivé le projet oublié  depuis 1963 de « réaliser un nouvel aéroport, en remplacement de Nantes-Atlantique, sur le site de Notre-Dame-desLandes afin de valoriser la dimension internationale et européenne des échanges de l’Ouest-atlantique ».

 

Un livre chez L'harmattan.

Premières pages.

 

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