Alors que le chantage à la bombe revient dans la réthorique russe dans un contexte de guerre en Ukraine, une réunion réunissant les signataires du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires se tiendra à Vienne le 22 mars 2022. Quel rapport entretient l'Europe avec la dissuasion nucléaire ?
Face à la menace nucléaire brandie par la Russie, les Etats européens sont renvoyés à leurs propres questionnements quant au principe de dissuasion. Que les Etats soient personnellement dotés de la bombe comme la France ou placés sous le parapluie atomique des Etats-Unis, la dissuasion demeure une pièce maîtresse du dispositif de défense continental. Au niveau de son efficacité stratégique comme de sa légitimité démocratique, elle est néanmoins de plus en plus discutée, notamment dans le cadre de la prochaine réunion des signataires du traité sur l’interdiction des armes nucléaires de Vienne, qui aura lieu le 22 mars prochain.
Sur quels présupposés la dissuasion nucléaire repose-t-elle ? Comment les Etats du Vieux Continent peuvent-ils concilier ce principe avec l’impératif démocratique ? Et enfin, qu’est-ce que les histoires atomiques françaises et britanniques nous disent du rapport des deux pays dotés de la bombe à la question ?
Florian Delorme reçoit Benoît Pelopidas, professeur associé au CERI Sciences Po, fondateur du programme d’études du savoir nucléaire.
"Le système absolu [des trois unités mécaniques] pouvait être considéré comme incontournable tant que l'on pouvait espérer déduire l'électricité de la mécanique. Ce temps est révolu." Arnold Sommerfeld (1935)
Le système CGS (centimètre, gramme, seconde) adopté par la British Association en 1873, puis par les premiers congrès internationaux d'électricité, repose sur le choix de trois grandeurs dites fondamentales : longueur, masse et temps. Ces trois grandeurs permettent en effet d'exprimer toutes les grandeurs de la mécanique.
Il est possible d'exprimer également les grandeurs électriques en fonction des grandeurs de la mécanique, et donc dans les unités du système CGS. Mais suivant la relation choisie pour relier l'électricité à la mécanique (loi de Coulomb, loi d'Ampère ou autre loi), on obtient des systèmes différents. Deux systèmes CGS distincts ont été utilisés pour l'électricité depuis les années 1860.
Formateur en Histoire des Sciences à l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM) de Bretagne, j'illustrais mes cours sur l'histoire de l'électricité par les expériences de Gray sur la conduction électrique et de Dufay sur les deux espèces d'électricité.
Expérience de Gray sur la conduction (gravure de Yan D"Argent)
Particulièrement spectaculaire : l'expérience d'attraction-contact-répulsion de Dufay. Un fragment de feuille d'or (sinon d'aluminium) est suspendu à un long fil fin de soie (ou de nylon isolant) au plafond. Un long tube de verre (du pyrex de préférence) de quelques centimètres de diamètre est frotté par un chiffon de coton bien sec (ou par un film de plastique synthétique). Quand le tube est approché à quelques décimètres de la feuille l'attraction puis la répulsion sont spectaculaires.
L'enseignant qui a pratiqué ces expériences dans une classe embuée par la respiration d'une trentaine d'élèves sait qu'il faut les préparer avec soin. En particulier le tube doit être rigoureusement sec. Pour ma part j'avais bricolé une longue boîte dont la partie supérieure était munie d'ampoules électriques qui faisaient office de chauffage. Chaud et sec, le tube répondait généralement à notre attente.
Le climat breton est réputé pour être modéré mais cet hiver là un froid particulièrement vif avait gelé tout le pays. Au plus fort de la période j'étais amené à faire un cours à Rennes. Jamais attractions et répulsions n'avaient été aussi spectaculaires. A plus de un mètre de distance la feuille d'or était attirée puis violemment repoussée. Et l'expérience pouvait se poursuivre pendant une heure sans autre préparation. Explication : la sécheresse de l'air. Nous n'en faisons pas souvent l'expérience en Bretagne mais il est connu que c'est en effet dans les périodes de grand froid que l'air est le plus sec.
Et voilà qu'une hypothèse nous vient à l'esprit. William Gilbert considéré comme le "père de l'électricité" remarquait dans les années 1600 que "les apparences électriques étaient plus fortes lorsque l'air était sec et que le vent soufflait du Nord ou de l'Est [.] mais qu'un air humide ou un vent du Sud anéantit presque la vertu électrique".
Franklin à son tour notait qu'il arrêtait ses expériences quand on entrait " dans la saison des grandes chaleurs". C'est donc le froid hiver nord américain qui pourrait expliquer les nombreuses et inédites observations relatées par Franklin et ses amis et que nous peinons souvent à reproduire dans nos classes.
Les expériences de Franklin rencontrent un tel succès en France que Louis XV demande à les voir réaliser. C'est ainsi qu'en mai 1752 l'expérience du paratonnerre est, pour la première fois, réalisée à Marly-le-Ville. Le physicien Guillaume Mazéas, qui y a assisté, fait connaître ces démonstrations à son correspondant britannique Stephen Hales. Sa dernière lettre date du 29 août. Il y fait savoir que "Comme l’année commence à tendre vers sa fin, je crois que ces observations seront les dernières pour 1752, époque qui sera toujours bien célèbre pour les amateurs de l’électricité". Sans doute cette "fin" est celle de la période de l'année où les expériences d'électrostatiques sont peu démonstratives. A noter : l'hiver 1752 a été particulièrement sec en France et l'été suivant particulièrement humide.
Quant aux Hauksbee, Gray, Dufay, Nollet... les spectaculaires démonstrations qu'ils donnaient dans les salons de la noblesse de leur temps n'étaient peut-être pas étrangères à ce "petit âge glaciaire" qui a régné sur l'Europe au cours des 17ème et 18ème siècle.
Hypothèse aventureuse ? Elle pourrait cependant rassurer les professeurs de physique, nos contemporains, qui doivent multiplier les précautions pour réussir leurs expériences d'électrostatique dans une époque où les hivers rigoureux et secs se font de plus en plus rares.
Un article, dont l'actualité est brûlante, publié par le Courrier de l'Unesco en 1958, à l'occasion de la remise, à Bertrand Russell, du Prix Kalinga de vulgarisation scientifique.
Il fut un temps où les savants considéraient avec dédain ceux qui tentaient de rendre leurs travaux accessibles à un large public. Mais, dans le monde actuel, une telle attitude n'est plus possible. Les découvertes de la science moderne ont mis entre les mains des gouvernements une puissance sans précédent dont ils peuvent user pour le bien ou pour le mal. Si les hommes d'Etat qui détiennent cette puissance n'ont pas au moins une notion élémentaire de sa nature, il n'est guère probable qu'ils sauront l'utiliser avec sagesse. Et, dans les pays démocratiques, une certaine formation scientifique est nécessaire, non seulement aux hommes d'Etat, mais aussi au grand public.
Faire acquérir cette formation au plus grand nombre n'est pas chose facile. Ceux qui savent effectivement servir de trait d'union entre les techniciens et le public accomplissent une tâche qui est nécessaire non seulement pour le bien-être de l'homme, mais simplement pour sa survie. Je crois que l'on devrait faire beaucoup plus dans ce sens, pour assurer l'éducation de ceux qui ne se destinent pas à devenir des spécialistes scientifiques. Le Prix Kalinga rend un immense service à la société, en encourageant ceux qui s'attaquent à cette entreprise difficile.
Dans mon pays, et, à un moindre degré, dans d'autres pays de l'Occident, on considère en général par suite d'un regrettable appauvrissement de la tradition de la Renaissance que la « culture » est essentiellement littéraire, historique et artistique. Un homme n'est pas considéré comme inculte s'il ignore tout de l’œuvre de Galilée, de Descartes et de leurs successeurs. Je suis convaincu que tout le programme d'enseignement général devrait comprendre un cour d'histoire de la science du XVII° siècle à nos jours, et donner un aperçu des connaissances scientifiques modernes, dans la mesure où celles-ci peuvent être exposées sans faire appel à des notions techniques. Tant que ces connaissances sont réservées aux spécialistes, il n'est guère possible aux nations de diriger leurs affaires avec sagesse.
Il existe deux façons très différentes .d'évaluer les réalisations humaines : on peut les évaluer d'après ce que l'on considère comme leur excellence intrinsèque ; on peut aussi les évaluer en fonction de leur efficacité en tant que facteurs d'une transformation de la vie et des institutions humaines. Je ne prétends pas que l'un de ces procédés d'évaluation soit préférable à l'autre.
Je veux seulement faire remarquer qu'ils donnent des échelles de valeur très différentes. Si Homère et Eschyle n'avaient pas existé, si Dante et Shakespeare n'avaient pas écrit un seul vers, si Bach et Beethoven étaient restés silencieux, la vie quotidienne de la plupart de nos contemporains serait à peu près ce qu'elle est. Mais, si Pythagore, Galilée et James Watt n'avaient pas existé, la vie quotidienne, non seulement des Américains et des Européens de l'Ouest, mais aussi des paysans indiens, russes et chinois serait profondément différente. Or, ces transformations profondes ne font que commencer. Elles affecteront certainement l'avenir encore plus qu'elles n'affectent le présent.
Actuellement, la technique scientifique progresse à la façon d'une vague de chars d'assaut qui auraient perdu leurs conducteurs : aveuglément, impitoyablement, sans idée, ni objectif. La principale raison en est que les hommes qui se préoccupent des valeurs humaines, qui cherchent à rendre la vie digne d'être vécue, vivent encore en imagination dans le vieux monde pré-industriel, ce monde qui nous a été rendu familier et aimable par la littérature de la Grèce et par les chefs-d’œuvre que nous admirons à juste titre des poètes, des artistes et des compositeurs, de l'ère pré-industrielle.
Ce divorce entre la science et la « culture », est un phénomène moderne. Platon et Aristote avaient un profond respect pour ce que de leurs temps on connaissait de la science. Le Renaissance s'est autant préoccupée de rénover la science que l'art et la littérature. Léonard de Vinci a consacré plus d'énergie à la science qu'à la peinture. C'est aux architectes de la Renaissance que l'on doit la théorie géométrique de la perspective. Pendant tout le XVIII° siècle, de grands efforts ont été entrepris pour faire connaître au public les travaux de Newton et de ses contemporains. Mais à partir du début du XIX° siècle, les concepts et les méthodes scientifiques deviennent de plus en plus abstrus, et toute tentative pour les rendre intelligibles au plus grand nombre apparaît de plus en plus illusoire. La théorie et la pratique de la physique nucléaire moderne ont révélé brutalement qu'une ignorance totale du monde de la science n'est plus compatible avec la survie de l'humanité.
50 ans plus tard : Un phénomène toujours de notre temps.
2007: "Les élites dirigeantes sont incultes. Formées en économie, en ingénierie, en politique, elles sont souvent ignorantes en sciences et quasi toujours dépourvues de la moindre notion d'écologie." (Hervé Kempf, Comment les riches détruisent: la Planète, Seuil, 2007.)
"Il y a quelques années, après avoir écrit les dernières lignes d’un long ouvrage, la Nouvelle Géographie universelle, j’exprimais le vœu de pouvoir un jour étudier l’Homme dans la succession des âges comme je l’avais observé dans les diverses contrées du globe et d’établir les conclusions sociologiques auxquelles j’avais été conduit. Je dressai le plan d’un nouveau livre où seraient exposées les conditions du sol, du climat, de toute l’ambiance dans lesquelles les événements de l’histoire se sont accomplis, où se montrerait l’accord des Hommes et de la Terre, où les agissements des peuples s’expliqueraient, de cause à effet, par leur harmonie avec l’évolution de la planète.
Ce livre est celui que je présente actuellement au lecteur."
"accord des Hommes et de la Terre... harmonie avec l'évolution de la Planète...". On peut comprendre que la mouvance écologiste considère, à juste titre, Élisée Reclus comme l'un des leurs.
La phrase cependant interroge. La place de l'homme dans la nature est-elle si positive ?
Au moment où apparaît la notion d'Anthropocène, liée à la responsabilité de l'espèce humaine dans le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité, comment encore retenir l'idée, que l'espèce "Homo Sapiens" serait l'unique détentrice d'une "conscience" qui serait celle de la Nature dans son ensemble ? Élisée Reclus prononcerait-il cette même phrase s'il pouvait constater, comme nous le faisons à présent, le rôle destructeur de l'activité humaine.
De Engels à Reclus.
Déjà avant Reclus, l'anarchiste, la même phrase avait été écrite, presque mot pour mot, par Friedrich Engels, le communiste, en introduction de sa "Dialectique de la Nature" rédigée vers 1875 (mais publiée après sa mort en 1925).
Citant la publication de Copernic comme "l'acte révolutionnaire" par lequel la science de la Nature proclamait son indépendance vis à vis des religions, il constatait que le développement des sciences avait avancé dès lors à "pas de géant". Et il ajoutait : "Il fallait, semble-t-il, démontrer au monde que, désormais, le produit le plus élevé de la matière organique, l'esprit humain, obéissait à une loi du mouvement inverse de celle de la matière organique".
Et pour être plus précis :
"A partir des premiers animaux se sont développés essentiellement par différenciation continue, les innombrables classes, ordres, familles, genres et espèce d'animaux, pour aboutir à la forme où le système nerveux atteint son développement le plus complet, celle des vertébrés, et à son tour, en fin de compte, au vertébré dans lequel la nature arrive à la conscience d'elle même : l'homme".
De tels propos, aujourd'hui, vaudraient à son auteur d'être taxé d'adepte de la théorie du "dessein intelligent" diffusée par les cercles conservateurs chrétiens américains. Surtout quand Engels va jusqu'à affirmer l'immortalité de la conscience humaine. Après avoir évoqué l'inévitable fin du Soleil et de la Terre, si la Nature, écrivait-il"doit sur terre exterminer un jour, avec une nécessité d'airain, sa floraison suprême, l'esprit pensant, il faut avec la même nécessité que quelque part ailleurs et à une autre heure elle le reproduise". Sacraliser ainsi "l'esprit" humain est plutôt déroutant chez un théoricien du matérialisme dialectique.
Revenons à Élisée reclus : "L’Homme vraiment civilisé aide la terre au lieu de s’acharner brutalement contre elle ; il apprend aussi comme artiste, à donner aux paysages qui l’entourent plus de grâce, de charme ou de majesté. Devenu la conscience de la terre, l’homme digne de sa mission assume par cela même une part de responsabilité dans l’harmonie et la beauté de la nature environnante."
"L'Homme, conscience de la Terre et acteur de son harmonie et de sa beauté"? On ne peut que la souhaiter cette humanité devenue "civilisée" que le courant écologiste s'emploie à faire naître. Élisée Reclus, qui a ouvert la voie, voudrait-il, cependant, encore honorer "L'Homme" du titre de "conscience de la Nature" devant l'étendue des dégâts que "l'inconscience" de humains des pays industrialisés provoque dans l'ensemble du monde vivant depuis le début du 19ème siècle?
Une proposition de lecture : de l'homme et du microbe.
Quelle est la place de l'humain dans la Nature ? Marc André-Sélosse nous répond : il n'y est jamais seul.
"Au fil d’un récit foisonnant d’exemples et plein d’esprit, Marc-André Selosse nous conte cette véritable révolution scientifique. Détaillant d’abord de nombreuses symbioses qui associent microbes et plantes, il explore les propriétés nouvelles qui en émergent et modifient le fonctionnement de chaque partenaire. Il décrypte ensuite les extraordinaires adaptations symbiotiques des animaux, qu’ils soient terrestres ou sous-marins. Il décrit nos propres compagnons microbiens – le microbiote humain – et leurs contributions, omniprésentes et parfois inattendues.
Enfin, il démontre le rôle des symbioses microbiennes au niveau des écosystèmes, de l’évolution de la vie, et des pratiques culturelles et alimentaires qui ont forgé les civilisations."
"Nous avons cru que nous étions différents des autres, nous avons cru que nos divinités étaient plus fortes, nos bras plus solides, nos esprits imbattables.
Nous avons cru, péché mortel, que nous étions l'espèce élue. Pas le peuple élu, pas la race élue, non, bien mieux que ça : l'espèce élue !
C'est l'homme qui créa dieu à son image, et non l'inverse. C'est un homme qui créa l'arche où il amena tous les animaux pour les sauver du déluge. Plus fort que les lions,plus malin que les renards, plus organisé que les fourmis, plus bâtisseur que les castors, il était, tout au bout de la chaîne du vivant, l'objectif ultime de l'évolution. Juste avant l'ange. Il avait ainsi fini par oublier qu'il était mortel, en tant qu'individu, et en tant que civilisation.
Darwin n'a pas suffi. Même assis au bord du cimetière, nous croyons toujours en l'exception humaine. Comprendre d'une part que les espèces sont d'une façon ou d'une autre interreliées et que d'autre part l'homme n'est pas la finalité de la vie sur Terre est un immense cheminement de la conscience qu'il est difficile, même aux plus éclairés, d'entreprendre."
Et en épilogue, après cette phrase d'Edgard Morin : "Le probable est la désintégration, l'improbable mais possible est la métamorphose...", ce dialogue entre Claude Lorius et Laurent Carpentier :
- J'ai monté du whisky. Pur malt. Pas le meilleur mais il me reste encore dans ma carrée des glaçons du glacier, spécial 100 000 ans d'âge...
- Mieux vaut en profiter tant qu'il en reste !
- A quoi buvons-nous ?
- A la santé du vieux monde. Qu'il en naisse un meilleur... Parce que si j'accepte d'être une virgule sur le fil du temps, crois bien que je refuse d'en être le point final."
En l'année 1920, la commémoration des cent ans de la découverte par Ampère de l'électro-dynamique avait été reportée à 1921 pour cause de grippe espagnole.
En l'année 2020, le bicentenaire du même évènement a été reporté en 2021 pour cause de coronavirus.
Voir le discours tenu en 1921 à Poleymieux par M. Teissier, directeur d'un important établissement électrique de Lyon.
« Nous laissons à nos descendants un lourd héritage climatique et, en supplément, en France, des centrales vieillissantes qu’il faudra démanteler et des déchets hautement radioactifs. »
Le nucléaire, une double peine pour les générations futures en France.
La proximité de l’élection présidentielle donne lieu à une surenchère de candidat(e)s qui entendent faire de la relance des centrales nucléaires un point fort de leur programme.
Emmanuel Macron les prend de vitesse en annonçant qu’il décide de « relancer la construction de réacteurs nucléaires ». Prise encore une fois sans aucun débat, cette décision engagerait, si elle devait se confirmer, plusieurs générations de nos descendants.
Le principal argument, la lutte contre le dérèglement climatique, est injustifiable. Sous la pression de nos lobbies nationaux des combustibles fossiles et du nucléaire, la France a pris un retard en matière de développement des énergies renouvelables.
Alors que tout devrait être mis en œuvre pour rejoindre les pays les plus avancés dans ce domaine, comment accepter de consacrer 46 milliards d’euros dans un nouveau programme pharaonique de centrales nucléaires pour un fonctionnement prévu, au mieux, à l’horizon de 2040 ? C’est-à-dire bien après les mesures immédiates que réclame la lutte contre le dérèglement climatique. Or, pour le climat, il y a urgence.
Selon les derniers rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), un réchauffement planétaire de plus de 1,5 °C provoquerait des dérèglements climatiques sans précédent : désertification, intensité des précipitations, incendies, inondations… Déjà avec 1,1 °C d’augmentation de la température planétaire depuis 1900, nous constatons dans notre pays les effets du réchauffement et nous sommes contraints à mettre en place les mesures d’adaptation qui s’imposent.
Il est facile d’imaginer ce que pourraient provoquer des températures mondiales encore plus élevées. Nous ne pouvons donc pas ignorer que nous laissons à nos descendants, chez nous comme ailleurs dans le monde, un lourd héritage climatique.
Surtout, nous ne devons pas oublier que nous leur laissons en supplément, en France, le pays le plus nucléarisé, des centrales vieillissantes qu’il faudra démanteler, des déchets hautement radioactifs à gérer, sans compter les accidents prévisibles.
L’industrie nucléaire inflige déjà, en France, une double peine à nos descendants. Comment accepter qu’on leur alourdisse encore le fardeau en leur léguant l’héritage empoisonné d’un nouveau programme de construction de centrales ?
Cette histoire commence en France avec le physicien Henri Becquerel alors qu’il étudie la phosphorescence à partirde composés particulièrement actifs : des sels d'uranium. L'Uranium est connu depuis 1789 quand le chimiste prussien Martin Heinrich Klaporth découvre dans la pechblende, un minerai présent dans certaines mines d'argent, un corps auquel il donne le nom d'Urane en référence à la planète Uranus découverte quelques années plus tôt. Son intérêt pratique est limité. On l'utilise essentiellement pour donner au verre une légère fluorescence verte. C'est pourtant cette modeste propriété qui le fera entrer, avec Henri Becquerel, dans la grande Histoire.
En décembre 1895, Wilhelm Röntgen fait connaître au monde l'existence des rayons X dont la propriété est de traverser les corps opaques et de pouvoir impressionner une plaque photographique. L’année suivante Henri Becquerel annonce qu’il a lui même observé que des sels d'uranium enfermés dans une enceinte de plomb peuvent impressionner une plaque photographique placée à proximité. Vient le temps de Marie Sklodowska, jeune Polonaise récemment mariée à Pierre Curie.
Elle a décidé de consacrer sa thèse universitaire à la découverte de Becquerel en cherchant à savoir si des corps autres que les composés de l'uranium présentaient la même propriété. C'est ainsi qu'en juillet 1898 elle annonce la découverte d'une nouvelle substance "radio-active" (le terme est d'elle) à laquelle elle donne le nom de polonium en hommage à son pays d'origine. Puis vient la découverte du radium, un composé dont l'activité est alors estimée à 100 000 fois celle de l'uranium.
Le Radium apparaît comme un produit miracle. Les rayons X ont déjà été utilisés dans le traitement du cancer, le rayonnement du radium est encore plus efficace. Une nouvelle branche de la médecine va se développer : la médecine nucléaire. En 1909 sera créé en France l'Institut du Radium. Devenu par la suite Institut Curie, il se consacre aux recherches sur l'application de la radioactivité au diagnostic et à la guérison des maladies, en particulier celle du cancer.
De la radioactivité à la structure de l'atome.
Au moment où se découvre la radioactivité, les atomes ne sont encore considérés que comme des sphères pleines d'une matière qu'on ne puisse plus diviser. Ce sont les expériences menées à partir des corps radioactifs qui amènent rapidement au modèle actuel, celui d'un noyau constitué de particules massives : les protons portant de l'électricité positive, et les neutrons électriquement neutres. Autour de ce noyau, un "nuage" de légères particules négatives, de nombre égal à celui des protons : les électrons.
L'ensemble de la science moderne, physique, chimie, biologie, découle de ce modèle. Évènement rare, Marie Curie se verra honorée, pour ses découvertes, de deux prix Nobel l’un en physique, l’autre en chimie. Si la connaissance de la structure de la matière s'était arrêtée à ce stade l'humanité n'aurait pu que s'en réjouir. La légitime curiosité des scientifiques allait cependant ouvrir de dangereux horizons qu'eux mêmes ne pouvaient prévoir.
Quand naît la physique nucléaire.
Parallèlement à ces découvertes une nouvelle branche de la science se développe : la physique nucléaire. Chaque élément chimique est d'abord caractérisé par le nombre des protons qui constituent le noyau de ses atomes. Cependant certains atomes d'un même élément chimique peuvent se distinguer par un nombre différent de neutrons. Deux corps de cette nature sont appelés isotopes. Ils ont les mêmes propriétés chimiques mais certaines propriétés physiques différentes. C'est le cas de l'Uranium qui comporte deux isotopes principaux : l'uranium 238 (92 protons et 146 neutrons), le plus courant (99,28%) et l'uranium 235 (0,72%) (seulement 143 neutrons). Les deux sont radioactifs.
Rapidement les physiciens se sont souvenus du vieux rêve des alchimistes : transformer le plomb en or. Ne serait-il pas possible d'obtenir cette transmutation en modifiant la composition du noyau des atomes. Par exemple en bombardant les noyaux d'atomes massifs, comme l'uranium, par des neutrons. Ils ne savent pas encore qu'ils se préparent à ouvrir une boîte de Pandore.
Tout commence en Allemagne quand deux chimistes, Otto Hahn et Fritz Strassmann, observent que des noyaux d'uranium 235 ayant capturé des neutrons se scindent en deux parties en émettant de l'énergie. C'est la découverte de la fission nucléaire. Lise Meitner et son neveu Otto Frisch calculent le dégagement d’énergie accompagnant la réaction. Elle est énorme ! L'aventure ne s'arrête pas là. A Paris, Frédéric Joliot et Irène Curie constatent que lors de cette fission plusieurs neutrons sont émis qui produiront à nouveau la fission de noyaux voisins, d'où une réaction en chaîne qui peut être explosive. Chacun parmi les physiciens a compris que le monde va entrer dans une nouvelle ère.
L'entrée dans l'ère de la violence nucléaire.
Une course aux publications et aux brevets est lancée. Frédéric Joliot et ses collaborateurs, Hans Alban, Lew Kowarski, Francis Perrin, déposent trois brevets le 4 mai 1939. L'un d'entre eux expose le détail de la réaction en chaîne et annonce clairement son usage militaire. "On a cherché, conformément à la présente invention, à rendre pratiquement utilisable cette réaction explosive, non seulement pour des travaux publics ou des travaux de mine, mais encore pour la constitution d'engins de guerre (souligné par nous), et d'une manière très générale dans tous les cas où une force explosive est nécessaire".
Quatre mois après ce dépôt, l'Allemagne envahit la Pologne, la France et l'Angleterre lui déclarent la guerre. La demande de brevet est mise en sommeil mais une large publicité lui a déjà été faite. Dès le deuxième semestre de 1939 la revue de vulgarisation scientifique française "La Nature" publiait un texte allant même jusqu'à donner des indications quant à la masse critique nécessaire pour déclencher une explosion : une sphère de rayon 0,65m correspondant à 10 tonnes d'oxyde d'uranium. L'article décrivait l'apocalypse qui s'en suivrait (voir) : "On s'imagine aisément quelle catastrophe représenterait une pareille déflagration portant sur 10 tonnes d'uranium ; et équivalant au dégagement instantané de l'énergie de combustion de 25 millions de tonnes de charbon ; l'effet serait sans doute celui d'un violent tremblement de terre ou d'une grande éruption volcanique : tout serait détruit dans un grand rayon autour du foyer de l'explosion". Le scénario de l'entrée dans l'ère de la violence nucléaire était écrit.
Hiroshima.
On connaît la suite. La fuite des chercheurs européens vers l'Angleterre et les USA. La lettre de plusieurs d'entre eux signée par Einstein et adressée au président Roosevelt. Le projet Manhattan et sa conclusion avec les bombardements de Hiroshima et Nagasaki. "Succès" que le parti communiste s'empresse de revendiquer pour les scientifiques français dans un article du journal l'Humanité en soulignant "la part qu'ont prise les savants français, et en particulier Frédéric Joliot-Curie, dans les travaux et les recherches qui ont permis cette conquête monumentale de l'homme". Conquête monumentale ? Seul Albert Camus sauvait l'honneur des intellectuels français dans un article resté célèbre du journal Combat. Après avoir constaté que "la civilisation mécanique" venait de parvenir "à son dernier degré de sauvagerie", il affirmait qu'il y avait "quelque indécence à célébrer ainsi une découverte qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles".
Hiroshima bombardée.
Le nucléaire : une obsession française.
Qui pouvait alors entendre son message ? A la sortie de la guerre, le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire, n'a qu'une obsession : rétablir la "grandeur" de la France. Le nucléaire qui dispose encore des meilleurs spécialistes du domaine devient, dans son esprit, le principal moyen d'effacer la honte de la défaite et de rejoindre le clan des "grands". Deux mois après Hiroshima était créé le C.E.A (Commissariat à l'énergie atomique) avec pour mission de poursuivre les recherches sur l'utilisation de l'énergie atomique dans les domaines "de la science, de l'industrie" et aussi "de la défense nationale". Sous la direction de Joliot le nouvel organisme s'attachait en priorité aux applications civiles mais en coulisse le lobby militaire s'y préparait à la fabrication de la bombe et obtenait finalement l'éviction de Joliot hostile à cette orientation. Le retour de De Gaulle au pouvoir accélère le processus et amène à l'explosion de la première bombe nucléaire française dans le Sahara.
Du nucléaire militaire au nucléaire "civil".
Il est indispensable de souligner l'imbrication totale des programmes "civils" et "militaires" de l'industrie nucléaire. Une phrase n'est pas passée inaperçue dans le discours de Emmanuel Macron en décembre 2020 au Creuzot : "Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil". L'aveu est de taille !
La première pile, Zoe, qui entre en fonctionnement en décembre 1948 en France n'a qu'une faible puissance électrique mais elle permet de produire les premiers milligrammes de Plutonium, l'élément nécessaire à la fabrication de bombes nucléaires. Ici un mot sur le plutonium. L'uranium utilisé dans les réacteurs est constitué essentiellement d'uranium 238 non fissile et d'une proportion plus ou moins grande d'uranium 235 fissile. Lors de la réaction de fission de ce dernier, des neutrons viennent frapper les noyaux de l'uranium 238 et produisent un nouvel élément, absolument absent sur terre avant le début de l'industrie nucléaire : le plutonium 239. Celui-ci est lui même susceptible de réaction en chaîne avec une masse critique bien plus faible que celle de l'uranium. (8kg, la taille d'un gros pamplemousse). C'est une bombe au plutonium qui sera larguée sur Nagasaki. Obtenir du plutonium deviendra alors la principale finalité des premières centrales nucléaires construites en France.
Le choix par de Gaulle de l'armement nucléaire n'a pas laissé inactifs les adversaires de la force de frappe. Parmi ceux-ci, Joliot investi dans le Mouvement de la Paix, lié au parti communiste alors opposé à la bombe avant de s'y convertir en 1977. En 1963 se crée le Mouvement contre l'armement atomique (MCAA) qui deviendra par la suite le Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (MDPL). Le "cri d'indignation et d'espoir" du biologiste Jean Rostand, son président d'honneur, massivement diffusé sous forme d'un disque 33 tours, a largement popularisé le mouvement de résistance. Dans ce contexte de contestation de la bombe nucléaire, la construction de centrales électriques nucléaires a largement été présentée par ses promoteurs comme "un atome pour la paix", version civile opposée à la version militaire. Publicité efficace qui convaincra même, dans un premier temps, les plus attachés à la défense de l'environnement. Ce sera en particulier le cas en Bretagne lors de la construction de la petite centrale de Brennilis en 1962.
EDF commence alors la construction d'une série de réacteurs utilisant l'uranium naturel comme combustible, le graphite comme modérateur et le gaz carbonique sous pression comme fluide caloporteur : la filière graphite-gaz. Ainsi se succèdent, à partir de 1957, sur le site de Chinon trois prototypes (EDF1, EDF2 et EDF3) puis deux autres à Saint-Laurent-des-Eaux (EDF4 et EDF5) suivis d'un autre à Bugey qui sera le dernier de la série.
Avant Tchernobyl et Fukushima, quand la France a frôlé le pire.
L'accident nucléaire de Tree Mile Island, en 1979 aux USA, avait largement fait la une des médias internationaux. Il avait donné lieu à une forte mobilisation en France, et en particulier en Bretagne engagée contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff. (voir)
Qui aurait pu alors imaginer l'accident survenu le 17 octobre 1969 au premier réacteur de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. Gardé secret pendant quarante-deux ans, il ne sera connu qu'en 2011 après une enquête du journal Le Point publiée sous le titre "Le jour où la France a frôlé le pire". Une mauvaise manipulation lors du chargement du cœur entraîne la fusion de 50 kilos d'uranium. "Je suis allé ramasser l'uranium fondu sous le réacteur avec une raclette. La radioactivité était tellement forte qu'on ne pouvait pas rester plus de deux minutes. En ressortant, on avait pris la dose autorisée pour un an." rapporte un des nettoyeurs parmi les centaines envoyés sur le site. Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Le 13 mars 1980, au moment même où à Plogoff se termine l'enquête publique, une deuxième fusion se produit sur le réacteur n°2. Des centaines de liquidateurs sont à nouveau contaminés, des effluents radioactifs sont évacués dans la Loire. Parmi ceux-ci du plutonium dont on sait que la dose mortelle par contamination se mesure en millionièmes de gramme. Qui alors aurait pu imaginer les accidents de Tchernobyl puis de Fukushima ?
centrale de Fukushima après l'explosion.
Et qui pourrait imaginer les catastrophes futures, avec des installations nucléaires vieillissantes et mal protégées dans un monde de plus en plus instable ? Pourtant rien ne réussit à faire douter la nucléocratie française qui entend poursuivre son programme.
La démocratie bafouée.
Ni la population, ni les parlementaires n'ont été consultés quand la décision a été prise d'abandonner la filière française pour celle américaine des PWR de Westinghouse. Pierre Messmer, éphémère premier ministre après le décès de Pompidou, a profité de ce moment d'inter-règne pour lancer le fameux programme qui fera de la France le pays proportionnellement le plus nucléarisé du monde avec ses 58 réacteurs produisant les trois quart de l'électricité consommée.
Le 5 octobre 1977, un rapport de la commission des finances de l’assemblée nationale s’attaquait clairement aux choix nucléaires. Le rapporteur général en état M. Edouard Schloesing. Il mettait l'éclairage sur le poids des "grands corps" d’État dans le choix de ce programme : "On sait, disait le rapport, que toute la politique nucléaire française est élaborée et proposée par la commission de production d’électricité d’origine nucléaire (commission dite PEON). Or cette commission est constituée pour une large part par les représentants d’EDF et du CEA ainsi que par les représentants des industriels intéressés à la réalisation du programme. Cette composition en elle-même fait problème. On n’imagine pas que la politique des constructions scolaires soit pour l’essentiel élaborée par les entreprises du bâtiment." On ne pouvait être plus clair.
Au même moment, Philippe Simonot dans "Les Nucléocrates" montrait l’emprise des ingénieurs de ces "grands corps", qu’ils noyautent la fonction publique ou qu’ils dirigent le secteur privé. Sur 15 fonctionnaires de la commission PEON, 11 étaient des polytechniciens du corps des mines ou de celui des Ponts. Sur 13 personnalités du secteur privé (Thomson, Péchiney, Alsthom, CGE, Framatome, Creuzot-Loire...) 9 étaient encore polytechniciens. "Les nucléocrates échappent à tout contrôle" soulignait-il "Leur existence et leur pouvoir ouvrent une faille gigantesque dans la démocratie française. Les choix qu’ils ont faits et qui engagent la France au moins jusqu’en 1985, ils n’en répondront devant aucune Assemblée...".
Ce sont leurs successeurs qui monopolisent encore les hauts postes dans les ministères et à la tête des grandes entreprises. Ce sont eux qui dictent leur choix au pouvoir politique et qui ont obtenu le lancement du programme EPR qui s'illustre avec le fiasco de la première centrale construite à Flamanville. Ce sont eux qui se mobilisent à nouveau, en cette fin d'année 2021, pour une relance du nucléaire en France.
A nouveau le temps du mépris.
Mardi 8 décembre 2020. Illustration de son mépris pour la population comme pour les institutions parlementaires, Emmanuel Macron a choisi le site de la forge de Framatome pour "dire à la filière nucléaire tout le bien qu’il pensait de cette énergie (Le Monde)" et annoncer son projet de relance d'un nouveau programme de construction de centrales nucléaires EPR.
En préalable à sa visite au Creuzot il avait donné un interview, destiné à un jeune public, dans le média internet Brut. Comment leur faire parvenir un message pro-nucléaire ? L'argument de l'indépendance énergétique ne tient plus. Les importations de pétrole et de gaz naturel n'ont jamais été aussi importantes. Quant à l'uranium, faut-il rappeler que la sécurisation de ses sources en Afrique, implique la France dans des conflits armés dont personne ne peut prévoir l'issue. Oubliée donc l'indépendance énergétique.
Pour influencer une jeunesse sensibilisée par la lutte contre le réchauffement climatique Emmanuel Macron n'hésitait pas à tirer sur la dernière des grosses ficelles imaginées par le lobby nucléaire : "La France produit une électricité qui est parmi les plus décarbonée au monde. Grâce à quoi ? Grâce au nucléaire", osait-il. Message auquel il était très facile d'en opposer un autre par cette jeunesse, mieux informée que le président ne l'imaginait : "La France est en retard dans le développement des énergies renouvelables. La faute à quoi ? La faute au nucléaire !". Car oui, la France peut se passer du nucléaire pour répondre au défi climatique.
Les énergies renouvelables, nous en avions rêvé.
Le moment est venu de rappeler qu’en décembre 1979 était publié le "Projet Alter Breton" pour une Bretagne sans pétrole et sans nucléaire. L’équipe de rédacteurs était composée de scientifiques de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Institut d’études marines (IEM), du Centre national pour l’exploitation des océans (CNEXO), de l’Université de Bretagne occidentale (UBO). Ce plan s’appuyait sur un triptyque qui est toujours d’actualité : économies d’énergie, efficacité énergétique et recours aux énergies renouvelables (vent, soleil, biomasse et marées) dans un cadre décentralisé. "Il est temps décidément de tuer des mythes qui ont la vie dure", celui d’un "modèle de développement industriel" sensé apporter le bonheur à l’humanité. Un modèle de société qui "transforme l’ensemble des secteurs de l’économie pour réaliser un objectif : la croissance par la production massive de biens industriels. On produit et on vend n’importe quoi pourvu que ça rapporte. Qu’importe si les matières s’épuisent, si certaines régions sont véritablement laminées par ce rouleau compresseur...". A la place était proposée une société capable de satisfaire ses besoins tout en stabilisant sa consommation. Une société qui ne fasse pas de la croissance un critère de réussite économique et sociale. Une société qui s’affirme solidaire de tous les peuples du monde.
Plusieurs projets n'attendaient que d'être mis en œuvre après l'abandon de Plogoff, comme celui de l’association "Plogoff-alternatives" porteuse d’un projet de "maison autonome". On avait des raisons d'y croire après l’élection de François Mitterrand, peu avare de promesses en ce sens dans une lettre datée du 24 avril 1981 adressée au comité de défense de Plogoff.
"La politique de l’énergie que je mettrai en place reposera sur la recherche d’une croissance d’économie en énergie et sur la diversification de nos sources d’approvisionnement. Les crédits économisés par la réduction du programme nucléaire permettront d’augmenter fortement les moyens accordés aux économies d’énergie et aux énergies nouvelles. Ces investissements, à la différence du programme nucléaire, sont décentralisés, fortement créateurs d’emploi et réduisent tout de suite nos importations."
On connaît la suite. Plogoff c'est fini annonce Louis Le Pensec, ministre de la mer, à l’issue du premier conseil des ministres du gouvernement Mauroy, le 28 mai 1981. Mais hélas, hormis Plogoff, le programme nucléaire entamé par Giscard sera mené jusqu'au bout par le nouveau pouvoir socialiste. Oubliées les promesses de loi-cadre et de référendum sur la politique énergétique. Les travaux reprendront à Golfech, à Chooz, à Flamanville, à la Hague. Nous y étions pour protester aux côtés des militantes et militants locaux. Nous nous sommes encore mobilisés jusqu’à la victoire quand reviendront sur le tapis des projets de centrales nucléaires en Bretagne, à Saint-Jean-du-Doigt (29), à Plouézec (22), au Carnet (44) près de Saint-Nazaire et les projets d’enfouissement de déchets nucléaires à Quintin (22) et Fougères (35).
Et les énergies nouvelles ? Oubliées elles aussi. Rien pour le financement du projet de maison autonome de Plogoff. Rien pour aider les centres de recherches associatifs nés pendant la lutte. Rien pour aider les pionniers tentés par l’énergie éolienne. Les nucléocrates au sommet de l’Etat et leurs relais dans les partis majoritaires ne laisseront aucun espoir aux partisans des alternatives.
Quarante ans après, la France peine à combler son retard sur les pays voisins. Il a fallu attendre 2015 pour que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l'Ademe) et la Direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’écologie publient un rapport qui prouve qu’il est possible en France de sortir du nucléaire et d’arriver, à moyen terme, à un mix électrique 100 % renouvelables. Lueur d’espoir tout de même, la conscience d'une nécessaire alternative aux énergies fossiles et nucléaire progresse enfin dans la population.
Ce n'est qu'un début, le combat continue.
Malgré les forces de répression déployées à chaque manifestation, malgré la collusion de l'ensemble des partis institutionnels favorables au programme nucléaire, droite et gauche confondus, la mobilisation s’est développée. La répression violente de la manifestation de Malville n'a pas arrêté la contestation sans laquelle la fermeture du surrégénérateur Super-phénix n'aurait pas été obtenue en 1997. La poursuite des Travaux à Flamanville n'a pas découragé les militants du CRILAN qui ont empêché que les déboires de la construction de l'EPR ne soient restés occultés. Sans les incursions de Greenpeace sur les sites nucléaires que saurions nous de leur fragilité et des risques qu'ils font courir en cas de malveillance. Comment sans le CRIRAD aurait été dénoncée la fable du nuage de Tchernobyl s'arrêtant à nos frontières. Sans la mobilisation transfrontalière, la centrale de Fessenheim serait-elle arrêtée aujourd'hui. Sans la pression de l'opinion publique les gouvernements successifs se seraient-ils engagés à la réduction de 75 % à 50 % du poids du nucléaire d’ici 2025. La mesure est insuffisante, bien éloignée de l'engagement de nos voisins allemands de sortir définitivement du nucléaire. On peut douter de sa sincérité après l'annonce de la relance des EPR.
Mais la fin de l'histoire n'est pas encore écrite. La sortie du nucléaire reste l'objectif. Avec l'espoir qu'un accident majeur ne viendra pas, auparavant, confirmer nos craintes.
La vie affiche sa singularité : sur la centaine de corps inscrits dans le tableau périodique des éléments chimiques, quatre seulement lui servent de support et un seul est indispensable : le carbone ! Qui aurait pu imaginer, au temps des alchimistes, que le résidu noir qui restait au fond de leur cornue quand toutes les matières utiles en avaient été dégagées, était, en réalité, le principe organisateur du vivant, le "mercure" de la véritable "pierre philosophale" capable de transformer la matière inerte en organisme vivant.
Le programme du chimiste, après Lavoisier, semblait tout tracé : étudier les corps en séparant les éléments qui les constituent, c'est-à-dire les analyser.
Une nouvelle question se posait alors. Le chimiste allait-il pouvoir reproduire l'œuvre de la nature et faire renaître, à partir du carbone, de l'oxygène, de l'azote et de l'hydrogène les corps organiques dont ils étaient issus ?
La chimie devient "organique".
Dans "la chimie organique fondée sur le synthèse" (1860) Marcellin Berthelot (1827-1907) consacre un chapitre à "la synthèse des matières organiques". Il y pose clairement le problème : "A partir du jour où Lavoisier fonda la chimie sur la base définitive des corps simples, le domaine minéral de cette science ne tarda pas à être parcouru dans tous les sens, ses limites furent tracées, ses lois générales découvertes. Bientôt on put à volonté décomposer toute substance minérale, la résoudre par l'analyse des éléments qui la constituent ; puis, à l'inverse, on réussit presque toujours à reconstituer le composé primitif par l'union des corps simples que l'analyse avait mis en évidence ; il devint en général facile d'expliquer et de reproduire les conditions naturelles dans lesquelles ce composé pouvait avoir pris naissance.
Lorsqu'on essaya d'aborder par les mêmes méthodes l'étude des matières organiques, on reconnut aussitôt une différence radicale. A la vérité, on parvint aisément à décomposer ces matières et à les ramener à leurs éléments. Ceux-ci se trouvèrent même bien moins nombreux que les éléments des minéraux ; car ils se réduisent presque exclusivement à quatre corps, savoir : le carbone, l'hydrogène, l'oxygène et l'azote. Mais, dès qu'il s'agit de recomposer les matières organiques à l'aide des éléments mis en évidence par l'analyse, dès que l'on tenta de reproduire, par l'art, la variété infinie de leurs états et de leurs métamorphoses naturelles, tous les efforts demeurèrent infructueux. Une barrière, en apparence insurmontable s'éleva dès lors entre la chimie organique et la chimie minérale".
Pour la plupart des contemporains de Berthelot la cause était, en effet, entendue : la Nature agissait par un moyen qui échappait au chimiste : une "force vitale" dirigeait la matière vivante.
"Il n'y a que les tissus végétaux vivants, il n'y a que leurs organes végétants, qui puissent former les matières qu'on en extrait, et aucun instrument de l'art ne peut imiter les compositions qui se font dans les machines organisées des plantes", déclarait Fourcroy, collaborateur de Lavoisier. L'opinion du très respecté Berzelius n'était pas différente. Plus radical encore le chimiste Charles Gerhardt déclarait : "le chimiste fait tout le contraire de la nature vivante ; il brûle, détruit, opère par analyse ; la force vitale opère par synthèse, elle reconstitue l'édifice abattu par les forces chimiques" (Précis de chimie organique, 1844). Le terme "d'organique" utilisé pour décrire cette nouvelle chimie illustrait d'ailleurs le fait qu'elle était supposée n'être mise en œuvre que par les seuls "organismes" vivants.
De la synthèse organique à la génétique.
Berthelot est de ceux qui refusent cette distinction. "La synthèse, dit-il, nous conduit à la démonstration de cette vérité capitale, que les forces chimiques qui régissent la matière organique sont réellement et sans réserve les mêmes que celles qui régissent la matière minérale" (La Chimie organique fondée sur la synthèse, 1860).
Preuve à l'appui, son expérience de "l'œuf électrique", présentée en 1862 devant l'Académie des sciences, est restée célèbre. Un ballon équipé de deux électrodes de carbone est rempli d'hydrogène. Des décharges électriques y étant répétées, le carbone et l'hydrogène se combinent pour former de l'acétylène C2H2. L'addition d'hydrogène puis d'eau sur la triple liaison liant les deux atomes de carbone de l'acétylène conduira ensuite à l'éthylène, C2H4, puis à l'alcool éthylique, C2H5OH, corps "organique" produit naturellement par la fermentation du glucose contenu, entre autre, dans le jus du raisin ou le malt des brasseries.
De la petite molécule d'alcool éthylique à la complexité de l'ensemble des corps organiques il y aura bien des étapes à franchir mais, devant une assemblée d'industriels de la chimie, Berthelot osait quand même une prophétie pour l'an 2000, date symbolique qui alimentait déjà nombre de fictions de l'époque.
"Un jour viendra où chacun emportera pour se nourrir sa petite tablette azotée, sa petite motte de matière grasse, son petit morceau de fécule ou de sucre, son petit flacon d'épices aromatiques, accommodés à son goût personnel ; tout cela fabriqué économiquement et en quantités inépuisables par nos usines ; tout cela indépendant des saisons irrégulières, de la pluie ou de la sécheresse, de la chaleur qui dessèche les plantes, ou de la gelée qui détruit l'espoir de fructification ; tout cela exempt de ces microbes pathogènes origine des épidémies et ennemis de la vie humaine". Rêve d'hier pour une "malbouffe" d'aujourd'hui, ainsi vivent les prophéties.
Plus conférencier que chercheur, Berthelot laissera à d'autres le soin de franchir les étapes de cette voie royale qu'il annonçait. Son obstination à refuser les atomes, et à imposer ce refus dans l'enseignement de la chimie en France, laissera le champ libre à la chimie allemande qui deviendra la première en Europe, en particulier sous l'impulsion de Friedrich August Kekulé (1829-1896). C'est ce dernier qui établira les différents modes de liaison des atomes de carbone, en particulier dans la molécule de benzène. La légende, véhiculée par le savant lui-même, est trop belle pour ne pas être rapportée : ce serait en rêvant une nuit à l'Ouroboros, le serpent se mordant la queue, symbole des alchimistes, qu'il aurait eu la vision de la structure cyclique du benzène.
Les élèves et successeurs de Kekulé, les Körner, Van't Hoff, Fischer, Baeyer, Friedel, Crafts… engagent alors la chimie dans l'extraordinaire aventure de la synthèse organique "acte de création qui mobilise toutes les facultés – raisonnement, intuition, goût esthétique" (Bernadette Bensaude-Vincent, Isabelle Stengers, Histoire de la chimie, La découverte, 1993).
La synthèse organique, nous l'avons déjà évoquée avec la houille et le pétrole. Elle a alimenté une industrie productrice de plastiques, de biocides et autres produits dont on peut discuter de l'intérêt et de la nocivité. Mais qui peut refuser de voir que, dans le même temps, la chimie organique, associée à la biologie, a fait faire un bond extraordinaire à la connaissance des mécanismes de la vie.
Depuis Lamarck et Darwin l'évolution du monde vivant alimente les débats des scientifiques et agite "l'opinion publique". En 1970, Jacques Monod (1910-1976) publie "Le hasard et la nécessité, essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne". L'ouvrage était, pour beaucoup de lectrices et lecteurs, l'occasion d'une prise de conscience des avancées de la connaissance dans le domaine de la biologie depuis près d'un siècle.
Jacques Monod devait alors sa notoriété au Prix Nobel de physiologie ou médecine qu'il avait partagé en 1965 avec François Jacob et André Lwoffpour leurs découvertes concernant le "contrôle génétique des synthèses enzymatiques et virales".
Faut-il décrypter ? Il y était question d'ADN, acide désoxyribonucléïque et de son messager l'ARN, acide ribo nucléique. Difficile de résumer en quelques lignes une histoire qui nous mène jusqu'au gène, ce groupe de molécules dont on sait aujourd'hui qu'il commande la mécanique du vivant. Elle commence en l'année 1869, quand le biologiste suisse, Friedrich Miescher, isole une substance riche en phosphore dans le noyau des cellules à laquelle il donne le nom de nucléine. Plus tard, l'allemand Richard Altmann montre que ce corps est la combinaison d'un acide, qu'il nomme acide nucléique et de protéines, un acide aminé.
Les trois lettres, ADN, devenues aussi banales dans le langage courant que peut l'être la formule CO2, représentent cet acide : l'acide désoxyribonucléïque. En 1896, Albrecht Kossel montre que l'acide se compose de quatre éléments, adénine, cytosine, thymine, guanine, désignées par les lettres A, C, T et G. Nous retiendrons seulement que ces quatre lettres, et les quatre molécules qu'elles désignent, constituent, associées sous formes de gènes, l'alphabet du code qui régit les mécanismes de la vie.
La génétique, associant les outils et les concepts de la biologie, de la chimie, de la physique, est certainement la plus grande aventure scientifique du 20ème siècle. De l'archéologue à qui elles apprennent le nom des parents de Toutânkhamon jusqu'au médecin qui cherche le remède à une maladie génétique, ses applications sont trop popularisées pour que nous en fassions ici la liste.
Posant la question "que sommes-nous", la génétique amène l'autre question : "d'où venons-nous".
Le carbone, du Big-bang à l'homo-sapiens.
Fred Hoyles (1915-2001), cosmologiste Britannique, n'imaginait pas le succès de son "big-bang" quand il utilisait cette expression ironique en 1950 pour désigner la théorie qui supposait une expansion de l'univers dont l'origine se situerait à 13,7 milliards d'années de notre ère.
Tout aurait donc commencé par un "Big-bang". C'est-à-dire une évolution de l'univers qui débute par un état dans lequel l'espace, le temps, l'énergie seraient une seule et même chose. Même si notre imagination est incapable de nous en donner une représentation, c'est du moins ce que décrivent les équations issues des théories actuelles.
A partir de cet indicible, l'univers se dilate à une vitesse prodigieuse. Arrive l'instant où se forment les premières particules : des quarks, des électrons, des neutrinos. Elles se combinent bientôt en protons et neutrons cohabitant avec leurs jumeaux d'antimatière qui peu à peu disparaîtront dans un scénario que les chercheurs modernes n'ont pas encore fini d'écrire.
Nous sommes alors à quelques milliers d'années de l'origine, la température est "descendue" jusqu'à 10.000 degrés. Apparaît l'atome le plus simple dont le noyau ne comporte qu'un seul proton : l'hydrogène. Vient ensuite l'hélium dont le noyau contient deux protons et deux neutrons. Chaque noyau étant associé à son cortège d'électrons. Les nuages d’hydrogène et d’hélium se refroidissent et se contractent sous l'effet de la gravité en une multitude de grumeaux : les galaxies.
Deux milliards d'années se sont passées. Les galaxies elles-mêmes se sont fractionnées en nuages d'hydrogène et d'hélium qui se concentrent à leur tour sous l'action de la gravitation. Leur densité augmente, leur température atteint des millions de degrés. Bientôt les chocs disloquent les atomes d'hydrogène dont les protons se regroupent quatre par quatre pour donner des noyaux d'hélium, libérant au passage d'énormes quantités d'énergie sous la forme d'un flux de particules de lumière : les photons. Ainsi naissent et brillent les premières étoiles.
La réserve d'hydrogène s'épuise. Faute de réactifs, le rayonnement de l'étoile fléchit et la gravitation reprend le dessus. Le cœur d'hélium atteint la centaine de millions de degrés. Dans ce formidable "Athanor" commence le rêve des alchimistes. Les noyaux d'hélium se combinent trois par trois pour former du carbone et quatre par quatre pour donner de l'oxygène. Puis se forme l'azote et ainsi naissent les quatre éléments primordiaux, ceux qui seront à l'origine de la vie : H, C, O, N.
Nous ne décrirons pas ici la vie mouvementée des étoiles. L'extinction des plus petites sous forme de "naine noire", l'explosion des plus grosses dans l'éclair d'une "supernova" visible même en plein jour. De ces vies naissent tous les éléments qui s'affichent dans les cases du tableau périodique et qui, expulsés lors des feux d'artifice des explosions finales, constituent la poussière interstellaire qui engendrera les planètes.
Naissance de la Planète bleue.
Un nuage d'hydrogène et d'hélium a pris la forme d'une élégante galaxie spirale, notre voie lactée. Parmi les étoiles qui y naissent l'une, de taille raisonnable, est située aux 2/3 de son centre, notre Soleil. Un anneau de poussières stellaires l'entoure. Celles-ci s'agrègent autour des plus gros grains. Ainsi se forment les planètes solaires elles-mêmes entourées d'anneaux et de satellites.
Une ségrégation s'établit. Plus proches du soleil sont les planètes telluriques : Mercure, Vénus, Terre, mars. Peu massives, elles ont un sol solide dont les roches sont composées des éléments les plus lourds. Plus loin se trouvent Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, les géantes gazeuses, essentiellement formées d'hydrogène et d'hélium.
La Terre, nous dit Stephen Hawking, est une suite de hasards heureux.
- Sa distance au soleil lui donne une température compatible avec la présence d'eau liquide.
- Son orbite est un cercle presque parfait, ce qui lui procure une température sensiblement constante et uniquement modulée par les saisons résultant de l'inclinaison de son axe de rotation par rapport à son plan orbital. Une orbite plus aplatie provoquerait l'ébullition des océans au moment où la Terre serait la plus proche du soleil et les ferait geler quand la Terre en serait la plus éloignée. Difficile de s'adapter !
- Sa masse est juste suffisante pour que la force de gravité lui conserve une atmosphère. Trop faible, elle perdrait ses gaz et aurait un ciel aussi noir que celui de la lune.
On sait aujourd'hui que ce hasard n'est pas unique. La traque des planètes orbitant autour de soleils étrangers a été lancée et la liste de celles tout aussi miraculeusement situées devrait s'allonger rapidement. L'hypothèse d'une vie qui pourrait s'y développer, peut-être même suivant le mode terrestre, prend corps. Et pourquoi ne pas rêver : des êtres intelligents, peut-être un jour, capteront les signaux que nous avons commencé à leur adresser.
Quand s'assemblent les molécules du vivant.
Revenons à la Terre. Vers les années 1950 on estimait son atmosphère initiale, constituée quatre milliards d'années plus tôt, comme étant composée de vapeur d'eau, d'hydrogène, de méthane et d'ammoniac. L'eau apporte l'oxygène. Le méthane apporte le carbone, l'ammoniac l'azote. L'hydrogène se présente aussi bien à l'état de simple molécule qu'associé à chacun des trois autres. Les quatre éléments constitutifs des acides aminés sont donc présents dans cette atmosphère. Est-ce suffisant pour produire ces molécules support du vivant?
En 1953, Le jeune chimiste Stanley Miller, encore étudiant en thèse, imaginait une expérience rappelant l'œuf de Berthelot. Dans un simple ballon de verre, un dispositif simulant le système "eau-atmosphère primitive" était soumis à l'action d'étincelles électriques reproduisant les éclairs qu'une atmosphère si chargée ne pouvait manquer de provoquer.
Après plusieurs jours d'exposition, les parois du ballon présentaient des traces huileuses et l'eau qu'il contenait était devenue brune. Dans cette "soupe primitive" l'étudiant trouvait trois acides aminés. La découverte faisait l'effet d'un coup de tonnerre et l'idée s'imposait : l'origine de la vie est terrestre !
Mais bientôt la terre quitte son statut privilégié. Les astronomes ont détecté dans le gaz interstellaire une multitude de molécules composées des quatre éléments du vivant, C, H, O, N. On y trouve essentiellement des molécules de dihydrogène H2, d'eau H2O. On y trouve aussi des molécules construites sur un squelette de carbone : du monoxyde de carbone CO, du méthane CH4, de l'ammoniac NH3, toutes molécules que l'on retrouve dans l'atmosphère initiale de la terre. On y détecte surtout une bonne centaine de molécules particulièrement complexes dont des acides aminés qui se concentrent sur les météorites. Une nouvelle proposition rencontre la faveur des scientifiques : la vie est née de l'espace, la Terre n'ayant été qu'un support fertile !
Mais faut-il exclure totalement une origine terrestre ? La Terre, avec ses volcans ou ses sources hydrothermales enfouies dans les fonds océaniques est riche en milieux où pressions et températures peuvent provoquer des synthèses proches de celles naissant dans l'univers stellaire. Il est admis que les acides aminés, produits aussi bien sur terre que dans l'espace, ont trouvé sur notre planète, et en particulier dans ses océans, les conditions des réactions chimiques propices à la naissance de la vie. L'eau est en effet essentielle. Elle concentre les molécules qu'elle reçoit et favorise les occasions de rencontres. Elle protège les nouvelles combinaisons des rayons ultraviolets issus d'un soleil encore particulièrement actif.
En quelques centaines de millions d'années les molécules se complexifient, les acides aminés s'assemblent en protéines de plus en plus longues jusqu'à atteindre les millions d'atomes de l'ADN. La vie s'installe dans une atmosphère sans oxygène jusqu'à ce qu'apparaissent les premiers organismes utilisant le rayonnement solaire pour puiser leur carbone dans le gaz carbonique de l'atmosphère en y rejetant un déchet, l'oxygène, qui rend l'atmosphère toxique pour la plupart des organismes vivant alors sur terre.
Une autre forme de vie va naître et une longue évolution mènera à l'être humain. Un être humain qui s'interroge encore sur la nature de cette vie qui anime la matière carbonée et sur la suite de hasards qui a fait s'allumer, chez lui, cette conscience qui lui a permis d'imaginer toute cette histoire. Ailleurs, peut-être, sur d'autres planètes tournant autour d'autres soleils, d'autres êtres vivent.
Des êtres qui pourraient nous être proches ? Comme Jacques Monod il est difficile de l'imaginer. "L'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard", écrivait-il en conclusion de son essai sur le "hasard et la nécessité".
Chacune des espèces vivant sur terre est elle-même seule dans "l'immensité indifférente de l'Univers" mais on sait, à présent, que toutes sont interdépendantes. Le hasard les a fait naître mais le hasard n'est plus nécessairement la première cause de leur disparition. Un espèce, l'espèce humaine, est devenue, en moins de deux siècles, le premier des animaux terrestres capable de modifier, profondément, les conditions de la vie sur la planète. Au point d'y menacer l'existence des autres espèces, y compris de la sienne.
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Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine.
La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.