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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 14:50

 

Combien de ces "jeunes ingénieurs, chimistes, biologistes, médecins, appartenant à cette élite intellectuelle qu'ont formée nos grandes écoles et nos facultés" seront tués ou mutilés  par les armes élaborées par les "savants" des deux camps.

 

 

http://cnum.cnam.fr/CGI/fpage.cgi?4KY28.87/180/120/329/5/313

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 08:08

Par Gérard Borvon

6 Juillet 2017. Nicolas Hulot, ministre de l'écologie annonce la fin des véhicules thermiques pour 2040. L'occasion se présente de rappeler ce siècle qui s'est voué à la voiture et au pétrole.

L'article ci-dessous est extrait de l'ouvrage "Histoire du carbone et du CO2" (Gérard Borvon, Vuibert 2013)

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Dès sa naissance, la machine à vapeur a nourri l’imaginaire des ingénieurs. Fixe, elle pouvait actionner les marteaux pilons, les laminoirs, les presses, les scies… dans les ateliers. Montée sur un châssis muni de roues elle devenait locomotive et tirait de lourds wagons le long des voies ferrées construites pour l’occasion. L’idée d’en équiper des véhicules, capables de circuler sur n’importe quelle route ou rue, ne pouvait tarder.

L’automobile et la vapeur.

Pendant l’été de 1884, les Parisiennes et Parisiens qui se promenaient sur l’Avenue de la Grande-Armée à Paris, découvraient un étrange spectacle. Montée sur quatre roues semblables à celles équipant les vélocipèdes, ces nouveaux objets de mode, une machine à vapeur entraînait en crachotant deux vénérables personnages.

 

Nouvelle voiture à vapeur de Dion-Bouton-Trépardoux. (La Nature, 1884). cliquer sur les images pour agrandir.

Par un article de Gaston Tissandier, célèbre chroniqueur scientifique, nous apprenions que cette "voiture automobile" était l’œuvre de Messieurs le comte A. de Dion, G. Bouton et C. Trépardoux.

Une astucieuse chaudière alimentée par du coke, délivrait de la vapeur dans deux cylindres. L’ensemble se déplaçait jusqu’à 40km/h sans bruit excessif ni échappement notable de vapeur ou de fumée.

L’année suivante, c’est un "phaéton" qui est livré par les mêmes constructeurs à la curiosité des parisiens.

"Phaéton" à vapeur de Dion-Bouton-Trépardoux. (La Nature, 1885)

Jusqu’à la fin du siècle d’autres véhicules légers à vapeur seront expérimentés, parfois chauffés au pétrole au lieu du coke. Vite concurrencés, ils resteront des curiosités et la vapeur, dans le siècle à venir n’actionnera que les locomotives.

De cette période se maintiendra cependant le terme de "chauffeur", encore employé aujourd’hui, pour désigner le conducteur d’une automobile, ou celui de "chauffard" dont un dictionnaire nous rappelle qu’il désigne "un mauvais conducteur ou un conducteur imprudent".

En ces années 1880, la vapeur doit affronter une concurrente dynamique : l’électricité.

Quand la fée électricité animait les tramways, les fiacres et les automobiles.

En 1881 s’était tenue à Paris la première exposition internationale de l’électricité. Evènement considérable ! Edison y présentait ses premières lampes à filament de carbone, le téléphone se donnait en spectacle sous forme d’un théâtrophone qui permettait d’écouter, à distance, les chœurs et orchestres de l’Opéra voisin. Surtout, les Parisiens faisaient de longues queues pour monter dans l’attraction du moment : le premier tramway électrique. Il circulait entre la Place de la Concorde et le Palais de l’Industrie à une vitesse de 30km/h qui procurait des émotions aux plus téméraires. Une dizaine d’années plus tard, les tramways électriques seront devenus une banalité à Paris.

Tramway électrique à l’Exposition Internationale d’Electricité de 1881.(La Nature, 1881)

Le tramway n’y était d’ailleurs pas une invention nouvelle : des voitures sur rail transportant de nombreux voyageurs et tractées par des chevaux circulaient déjà sur des lignes exploitées par plusieurs compagnies privées. Cependant, à partir de 1892, la préfecture de Paris autorisait les compagnies exploitantes à adopter des véhicules pourvus d’une traction autonome.

La "Compagnie générale des omnibus" qui exploitait les lignes Cours-de-Vincennes-saint-Augustin, Louvre-Versailles et Louvre-Saint-Cloud, choisissait alors des moteurs à air comprimé qui fonctionnaient déjà sur les tramways nogentais. Une méthode non polluante dont on parle à nouveau aujourd’hui.

La "Compagnie des tramways de Paris et du département de la Seine" adoptait, pour sa part, la traction électrique sur les lignes qui lui étaient concédées à savoir : Madeleine-Saint-Denis, Neuilly-Saint-Denis, Saint-Denis-Châtelet. Ses élégantes voitures de 56 places disposaient d’une impériale couverte. Elles étaient autorisées à rouler à une vitesse de 12 km/h à Paris et de 16 km/h au-delà des fortifications.

Les voitures fonctionnaient sur batteries d’accumulateurs. La station centrale pour la charge des accumulateurs était établie à Saint Denis, au dépôt des tramways route de Gonesse. Un frein électrique puissant permettait d’arrêter le véhicule sur une distance de 3 mètres. Sécurité et respect de la qualité de l’air faisaient partie des impératifs du moment.

En 1898 la Compagnie exploitait une nouvelle ligne joignant République à Aubervilliers et à Pantin. L’alimentation se faisait par accumulateurs en ville et par trolleys aériens extra muros. L’usine d’alimentation électrique se trouvant à Aubervilliers.

Tramway entre paris et Aubervilliers. (La Nature 1898)

Les accumulateurs électriques alimentant les rames ne pourraient-ils pas également alimenter des fiacres sans chevaux ?

En 1898 l’Automobile-Club de France, qui avait été créé trois ans plus tôt par le comte de Dion et le baron de Zuylen, organisait un concours de "voitures de place automobiles". Sur les douze inscrites, onze sont électriques, une seule utilise le pétrole. Ce véhicule, présenté par la maison Peugeot, était d’emblée rejeté. Même s’il circule plus vite que ses concurrents, sa consommation d’essence, denrée rare à l’époque, est jugée excessive : 16,5 litres pour 60 kilomètres soit 25 litres pour un service journalier. "A défaut d’autre cause, et sans parler des inconvénients propres au moteur à essence de pétrole", ce chiffre seul semblait justifier le refus des organisateurs.

Le jugement est sévère : "Il semble désormais acquis par l’expérience que le fiacre à moteur à essence de pétrole ne saurait constituer un système d’exploitation de voitures publiques dans une grande ville". Une opinion que beaucoup de citadins partageraient volontiers aujourd’hui.

Par contre, côté électricité, on déroule le tapis rouge : "Nous ne saurions entrer ici dans tous les détails de ce concours qui a été pour tous, constructeurs, initiés et profanes, une révélation et un enseignement des plus précieux, une expérience de longue haleine dont profitera l’industrie des voitures électro-mobiles".

Véhicules de place électriques au concours de l’Automobile-Club de France. (La Nature 1898).

L’idée de fiacres électriques est mise en œuvre par la Compagnie Générale des Voitures qui avait elle-même participé au concours. Une usine est construite à Aubervilliers pour la construction des véhicules mais aussi pour la confection et la charge des batteries qui les alimentent. Le système est ingénieux. Régulièrement les fiacres retournent à l’usine où ils échangent les batteries vides contre des batteries chargées.

Le changement de batteries à la Compagnie Générale des Voitures. La Nature 1899.

Bientôt se tiendra à Paris l’exposition universelle de 1900. L’entreprise espère pourvoir y faire circuler 1000 fiacres. Dans le même temps apparaissent les premières voitures électriques individuelles.

L’exposition de 1899 de l’Automobile-Club de France témoigne des progrès réalisés en dix ans. Les petites voitures électriques attirent le public. En particulier celle présentée par les constructeurs Vedovelli et Priestley.

Voiture électrique Vedovelli-Priestley. La Nature, 1899.

Conçue pour deux personnes, confortablement installées, elle peut en accueillir deux autres en déployant le tablier avant qui se transforme en siège. Mais c’est surtout sa locomotion qui innove. Les accumulateurs permettent de faire de 70 à 80 kilomètres et les constructeurs ont prévu la possibilité d’un trajet plus long. Ils ont installé dans le coffre "une usine de charge portative". Il s’agit d’un petit moteur à pétrole de Dion-Bouton actionnant une dynamo fournissant un courant de 10A sous 110V. On peut donc recharger les batteries à l’étape.

Plus innovante encore, la voiture de l’entreprise Pieper, de Liège qui fonctionne, à la fois, au pétrole et à l’électricité. Empruntons sa description au chroniqueur de La Nature :

"A l’avant de la voiture se trouve placé un faible moteur à pétrole à refroidissement par ailettes.

Entre ce moteur et la commande de mouvement aux roues arrière, une dynamo, pouvant jouer le rôle de moteur électrique, et reliée à une petite batterie d’accumulateurs. Au départ, par l’intermédiaire de la dynamo-moteur, et en empruntant une faible quantité d’énergie à la batterie d’accumulateurs, ont met en marche le moteur à pétrole.

Sommes-nous sur une pente ou à l’arrêt ; en un mot, n’avons-nous pas besoin de toute l’énergie disponible au moteur à pétrole, immédiatement ce dernier actionne la dynamo qui charge les accumulateurs.

Si, au contraire, nous sommes en montée, immédiatement et automatiquement la dynamo fonctionne comme moteur en empruntant de l’énergie à la batterie d’accumulateurs, et son action s’ajoutera à celle du moteur à pétrole. On peut de la sorte n’employer que deux moteurs de faible puissance, une batterie d’accumulateurs très réduite puisque leurs effets respectifs peuvent s’ajouter.

D’autre part, en cas d’avarie au moteur à pétrole, on peut facilement rentrer au logis en n’utilisant que la dynamo-moteur.

Il serait prématuré d’émettre une opinion sur l’avenir que peut avoir cette nouvelle combinaison ; attendons encore que l’expérience nous renseigne sur la véritable valeur de cette disposition. On peut penser cependant que l’adjonction de l’électricité au pétrole pourra être féconde dans beaucoup de circonstances".

Quel avenir pour cette combinaison ? Elle sera régulièrement sortie de l’oubli. Elle est encore d’actualité aujourd’hui avec les moteurs hybrides, considérés comme une solution possible à la pollution des villes. Comme les voitures totalement électriques, elle nous apparaît pourtant comme une nouveauté dans un monde où les moteurs à pétrole ont, depuis longtemps, fait oublier la traction électrique.

L’autre moteur.

En 1891 est présentée à Paris la "voiture à pétrole de MM. Peugeot". La nouveauté de ce véhicule est son moteur à essence de pétrole. Ce liquide, facilement vaporisable, a déjà été utilisé dans des cylindres où il remplaçait la vapeur d’eau. Ici, le principe est différent, il s’agit d’un moteur à combustion interne : c’est l’explosion du mélange de l’essence vaporisée et de l’air qui repousse le piston. Nous ne ferons pas ici l’historique ni la description de ces moteurs à deux ou quatre "temps". Celui qui équipe le véhicule Peugeot a été fabriqué par les ingénieurs Panhard et Levassor exploitant la licence du moteur inventé par l’ingénieur allemand Daimler.

Voiture à pétrole Peugeot. La Nature, 1891.

Testée sur un voyage aller et retour entre Valentigney, dans le Doubs, commune voisine de la ville de Audincourt où est installée la première usine Peugeot, et Brest, la voiture a effectué le voyage de 2047 kilomètres en 139 heures de marche effective, soit une vitesse moyenne proche de 15km/h. L’exploit résidait en particulier dans le fait qu’elle avait réalisé cette "diagonale", sur les routes empierrées empruntées par les charrettes et les diligences, et ceci sans aucun dommage mécanique. L’opération publicitaire avait parfaitement fonctionné et la carrière de ce nouveau véhicule semblait bien partie.

 

La victoire du pétrole.

Pour échapper à son ennui ou exhiber sa prospérité, la bourgeoisie de cette fin du 19ème siècle a inventé deux activités : le sport et le tourisme. Premier objet symbolique de cette double activité : le vélocipède.

Devenu d’un usage commode avec l’invention du pneumatique, le "vélo" permet les excursions dans le voisinage des villes aussi bien que les courses cyclistes dans lesquelles s’affrontent les premiers "forçats de la route". C’est ainsi que, en 1891, le populaire Petit Journal, organise la première course cycliste Paris-Brest, suivie la même année par celle Paris-Belfort. Son objectif étant de "pousser au développement des exercices en plein air par le cyclisme et par la marche ; pousser au développement du bien-être social par la locomotion, individuelle ou collective, facilitée sur les grandes routes au gré de chacun".

Fort du succès de ces premières manifestations, le journal décide d’organiser en 1894, un concours de voitures sans chevaux.

première course automobile 1894

Les voitures engagées doivent être "sans danger, aisément maniables pour les voyageurs et ne pas coûter trop cher sur la route". Elles auront à parcourir 126 kilomètres sur la route Paris-Rouen. Des 102 véhicules inscrits en avril, il ne s’en présente plus que 47 en juillet pour subir les épreuves préliminaires. Quinze concurrents prennent finalement le départ : treize ont un moteur à pétrole, deux marchent à la vapeur avec un chauffage au coke.

Les voitures électriques qui s’étaient inscrites ont été éliminées d’emblée. La raison ? Il n’existe pas encore, le long des routes, d’usines de rechargement des batteries alors que le pétrole ou le coke peuvent s’y trouver ou être emportés sur le véhicule. La conclusion des organisateurs est sans appel : "La voiture à accumulateurs électriques est bien le fiacre de l’avenir, mais de longtemps encore elle ne saurait prétendre au rôle de voiture d’excursions".

Les rôles sont donc bien partagés : l’électricité c’est pour la ville, la vapeur ou le pétrole pour la campagne !

Parmi les quinze véhicules engagés se trouvent des constructeurs dont le nom traversera le siècle à venir : une voiture de Dion, cinq Peugeot, quatre Panhard et Levassor. La première arrivée est une "de Dion" à la vapeur. Elle fait le trajet en 5h40mn, soit une vitesse moyenne de 22,3 km/h bien au-delà des 12,5km/h imposés par les organisateurs. La première Peugeot à pétrole suit de près à 5h45mn. La dernière arrivée est l’autre machine à vapeur avec une moyenne de 14,3 km/h. Mais il ne s’agit pas d’une simple course de vitesse, la vapeur n’a pas convaincu et ce sont quatre véhicules à pétrole qui se voient attribuer les quatre premiers prix ex aequo.

Première course automobile, un 1er prix à la Panhard-Levassor à pétrole. La Nature, 1894.

 

En 1895, l’idée d’une course est reprise par le comte de Dion et le baron de Zuylen, futurs créateurs de l’Automobile-Club de France. Elle sera internationale et se fera entre Paris et Bordeaux aller et retour d’une seule traite (environ 1200 kilomètres). 21 véhicules quittent donc Versailles le 11 juin : 12 voitures à gazoline, 6 voitures à vapeur, deux bicyclettes à gazoline et même 1 voiture électrique qui ose encore affronter ses concurrentes à pétrole.

De leur côté les partisans de la vapeur espèrent bien prendre leur revanche. Espoir déçu, la première d’entre elles n’arrive qu’en neuvième position après un parcours qui aura duré 90h4mn. La première est une Panhard Levassor à pétrole qui termine la boucle en 48h48mn soit près de deux fois moins de temps. Pour Edouard Hospitalier qui commente la course, "C’est le triomphe incontestable et incontesté du moteur à gazoline dans une rude épreuve qui laissait bien des doutes sur l’endurance des conducteurs et des organes si complexes et si délicats réunis sur une voiture automobile".

L’année suivante, c’est l’Automobile-Club de France, nouvellement créé, qui organise une course Paris-Marseille-Paris. Encore une fois, le premier prix est attribué à une Panhard-Levassor. Un record de vitesse a même été battu entre Avignon et Marseille. Grâce à un mistral favorable la Delahaye n°6 a fait le trajet à la vitesse moyenne de 32,4km/h !

Cette vitesse commence pourtant à inquiéter les commentateurs qui s’interrogent sur la nécessité de poursuivre ces courses :

"Est-il nécessaire, après Paris-Rouen, Paris-Bordeaux-Paris et Paris-Marseille-Paris, de recommencer de nouvelles épreuves en augmentant encore, si possible, les vitesses ? Nous ne le pensons pas, et croyons utile d’exposer, comme épilogue de cette troisième course, les raisons qui nous semblent plus que suffisantes pour modifier du tout au tout le programme des futurs concours d’automobiles.

En premier lieu, les vitesses atteintes sont déjà excessives, et si on veut les augmenter encore, il est à craindre que l’administration, préoccupée des graves dangers qui pourraient survenir, ne viennent y mettre obstacle en imposant, comme on en a déjà prêté l’intention à M. Michel Lévy, l’éminent ingénieur en chef des mines chargé de la surveillance administrative des voitures automobiles, un dispositif limitant la vitesse à 30 kilomètres par heure en palier.

Il faut bien penser que les routes appartiennent à tout le monde, et que les automobiles ne sauraient émettre la prétention de les monopoliser à leur profit, en les remplissant de véhicules dont la vitesse serait dangereuse pour les piétons et les véhicules non automobiles.

Si ces grandes vitesses ne sont réservées qu’aux courses seules, on ne peut pas s’en occuper, la mode n’en durera qu’un temps. Mais ces vitesses ont des inconvénients bien plus graves encore pour l’avenir des automobiles que le danger, car on finit par se familiariser avec ce danger, et, le temps aidant on accepte ce qu’on ne peut empêcher. En vue de la vitesse, on a sacrifié tout le reste : confortable, commodité, sécurité, agrément, et jusqu’aux dispositions les plus élémentaires, les plus indispensables d’un véhicule qui, par destination, n’est pas destiné à concurrencer la locomotive". (E. Hospitalier)

"Le temps aidant on accepte ce qu’on ne peut empêcher". Une phrase à méditer dans notre présent où, malgré les résistances, tout plaide pour la limitation de la vitesse des automobiles : blessures graves et mortalité par accident, pollution de l’air, réchauffement climatique, épuisement des énergies fossiles, nécessité de limiter l’usage des voitures au transport de proximité et de privilégier le transport ferroviaire…

Des maires commencent à imposer des vitesses limitées à 30km/h dans leurs villes, la raison commencerait-elle à regagner le chemin perdu depuis les années 1900 ?

1900 : le big-bang automobile.

"Croyez-moi Messieurs, le monde est avec nous aujourd’hui et le mouvement à la tête duquel nous sommes sera irrésistible. Dans trois ans, nous serons deux mille membres, et il nous faudra un palais pour les recevoir".

Le propos est du comte de Dion au moment où il créé l’Automobile-Club de France en 1895. Le pari n’était pas hasardeux. Cinq ans plus tard, l’Exposition Universelle de Paris qui inaugure le 20ème siècle est l’occasion de l’affichage de cette montée en puissance. Pendant l’exposition, dans l’annexe de Vincennes, l’Automobile-Club organise un concours automobile international dont les critères sont les consommations (l’essence de pétrole est encore rare et chère), la régularité de fonctionnement, la facilité de direction et le confort. La liste des catégories en compétition donne une idée du développement atteint par l’automobile à cette date. On a déjà bien dépassé le stade du sport et du tourisme : motocycles, voitures familiales, fiacres et voitures de livraison, voiturettes, poids légers pour livraison, poids lourds…

Une dernière catégorie aurait pu être exposée : celle des automobiles de guerre. Elles ont donné lieu, cette même année, à des manœuvres dans la Beauce. Dans cette première étape il s’agissait d’alimenter un front éventuel au moyen de trains routiers tirés par de volumineux tracteurs. Il ne faudra pas longtemps pour imaginer les véhicules blindés équipés de canons et montés sur chenille qui contribueront au prochain cataclysme guerrier.

Convoi automobile militaire. La Nature 1900.

Les "salons de l’automobile" sont devenus des rituels auxquels se pressent les curieux. Le siècle de la vapeur a formé d’habiles mécaniciens, équipés d’outils perfectionnés, les progrès des moteurs sont rapides et dès le salon de 1905 ils ont pris des allures comparables à celles de nos moteurs contemporains.

Détail d’un moteur. Salon de 1905. La Nature, 1905.

Ces salons sont les vitrines d’une nouvelle branche de l’industrie dont la croissance explosive peut se comparer à celle de l’informatique à notre époque. Sa prospérité intéresse déjà le ministère des finances qui y voit matière à impôts. En 1905 il établit des statistiques révélatrices. De 1458 véhicules en 1899, il en a été fabriqué 19 886 en 1903. Une croissance de près de 300% par an ! Les voitures à deux places, affichage d’une prospérité bourgeoise, sont en pointe, elles représentent 72% de cette production.

C’est aussi une industrie qui exporte : le quart de sa production est achetée en Angleterre, en Italie, en Belgique, en Allemagne.

On commence à peine à envisager les bouleversements qui vont accompagner cette mutation. Il faudra de l’essence de pétrole pour alimenter ces moteurs, il faudra aussi de nouvelles routes adaptées à ces nouveaux véhicules qui annoncent leur venue par un nuage de la poussière arrachée par le caoutchouc des pneumatiques.

En Floride on avait trouvé le moyen d’y remédier en arrosant les routes d’un composé lourd issu des distillations du pétrole. Mais ce qui était possible dans ce pays d’abondance pétrolière ne pouvait être que trop onéreux en France, d’où l’idée d’utiliser, à la place, le goudron de houille issu des usines distribuant le gaz d’éclairage. En 1902 une expérience de goudronnage des routes était menée sur la route départementale de Champigny à Paris avec le concours du Touring Club de France (créé en 1890 à Neuilly-sur-Seine), de la Ville de Paris et de la Société Parisienne du Gaz. Essai concluant. Le goudron de houille, cette merveilleuse source de colorants et de parfums célébrée par Wurtz dans sa conférence de 1876, allait retrouver le rôle subalterne de déchet juste bon à recouvrir les routes. Rien de perdu, cependant, pour l’industrie chimique qui, se reconvertissant au pétrole, y trouvera tous les composés dont elle a besoin. Quant aux travaux publics, ils s’enrichissent d’une nouvelle activité : le goudronnage routier.

Pour l’Exposition Internationale de 1900, les organisateurs du salon de l’automobile se plaignaient d’avoir été relégués dans des hangars à Vincennes. En 1907 ils s’estimaient enfin reconnus : le Salon International de l’Automobile se tenait sous la coupole d’un Grand Palais abondamment éclairé dans un Paris illuminé pour l’occasion.

Un événement donnait du piment à la manifestation. La course Pékin-Paris, organisée par le journal Le Matin, avait quitté Paris le 10 juin 1907. Le 10 août après 44 jours de route, le prince Scipion Borghèse arrivait à Paris.

 

 

L’automobile devenait objet de rêve : "La promesse d’une vie nouvelle est dans son capot ; chacun de ses cylindres vaut le don d’une partie du monde. Les couleurs de ses cuivres, de son bronze ou de son acier sont celles de la terre conquise et des races traversées… c’est la roulotte idéale rêvée depuis des siècles par tout ce qu’il reste d’instinct migrateur dans nos cœurs sédentaires" (La Revue des deux mondes, décembre 1907, cité par Pierre Juhel, Histoire du Pétrole, Vuibert).

Trajet de la course Pekin-Paris. 1907.

Pendant qu’en France se développait cette industrie du rêve et du luxe automobile pour bourgeoisie raffinée, aux USA une autre voie était choisie. Henri Ford (1863-1947) créait, à Détroit, la "Ford Motor Company". Il y pratiquait le travail à la chaîne, inspiré des théories de Frederik Taylor (1856-1915). Le modèle unique qu’il produisait, la Ford T, d’un prix très inférieur aux voitures produites en France rencontrait un succès tel que la production américaine, balbutiante en 1900, dépassait la production française en 1907.

Publicité pour la Ford T.

Dès lors voitures de luxe et voitures populaires vont cohabiter pour occuper tous les créneaux d’un marché en expansion accélérée. Le 20ème siècle sera voué à la voiture et au pétrole.

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Histoire du carbone et du CO2.

 

Un livre chez Vuibert.

 

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Dérèglement climatique, fonte des glaces, cyclones, sécheresses…


Coupable : le dioxyde de carbone.

 

Pourtant sans ce gaz il n’y aurait aucune trace de vie sur Terre.

 

L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone et celle du CO2.

 

L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.

 

Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.

 

Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.
 

Seront-ils entendus ?

 

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4 décembre 2017 1 04 /12 /décembre /2017 09:42

En ce début d'année 1896, les rayons X sont au centre des débats des sociétés savantes de toute l'Europe. En France, l'Académie des Sciences s'intéresse de plus près aux corps "phosphorescents", c'est-à-dire ayant la propriété, qui est celle du phosphore blanc, d'émettre de la lumière après y avoir eux-mêmes été exposés.

 

Il a déjà été remarqué que certains corps phosphorescents émettaient une lumière capable d'impressionner une plaque photographique à travers son enveloppe de papier. La phosphorescence serait-elle liée à une émission des mêmes rayons X que ceux découverts par Röntgen ? Telle est la question que se posent plusieurs académiciens. Parmi eux Henri Becquerel.

 

Henri Becquerel : la découverte.

 

Henri Becquerel (1852-1908) est issu d'une lignée de physiciens. Son grand-père, Antoine Becquerel, est considéré comme le découvreur, en 1839, de l'effet photovoltaïque dont le principe est utilisé dans les capteurs solaires qui devraient produire une part de plus en plus importante de l'énergie électrique "renouvelable" de notre futur. Son père, Alexandre Edmond, s'est attaché à l'étude du magnétisme et de la phosphorescence. Tous deux académiciens, ils occupèrent le poste de professeur au muséum national d'histoire naturelle. Henry Becquerel prendra leur succession dans ces postes et fonctions.

 

Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, il y est professeur lui-même depuis 1895. Dans cette période de son activité de recherche, il s'intéresse à la phosphorescence, reprenant ainsi l'un des sujets d'étude de son père, et en particulier à celle des sels d'uranium.

 

L'Uranium a été découvert dans la pechblende en 1789 par le chimiste allemand Martin Heinrich Klaproth et isolé en 1841 par Eugène Peligot. Difficile à obtenir en tant que métal il est essentiellement utilisé pour les propriétés colorantes de ses sels, en particulier pour colorer le verre. Il est aussi remarquable pour la phosphorescence de certains de ses composés.

 

Lors de la séance de l'Académie des Sciences du 2 mars 1896, qui suit de très près l'annonce de la découverte des rayons de Röntgen, plusieurs intervenants font état de rayons pénétrants émis par certains verres fluorescents.

 

Henri Becquerel qui utilise un sel phosphorescent de sulfate double d'uranium et de potasse affirme avoir observé des radiations qui, non seulement sont susceptibles de traverser certains métaux, tels que l'aluminium et le cuivre, mais sont encore actives 150 heures après que le sel ait été exposé à la lumière.

 

Il imagine que le sel d'uranium agit comme condensateur d'un rayonnement présent dans la lumière incidente et qui serait ensuite lentement restitué. En cette fin de 19ème siècle le principe de la conservation de l'énergie est solidement établi. L'énergie radiante qui provient des sels d'uranium doit nécessairement provenir d'une source externe.

 

Lors de la séance du 9 mars Becquerel démontre que ces radiations déchargent les corps électrisés et aussi qu'elles peuvent être réfléchies. A la séance du 23 mars il rend compte de l'efficacité du nitrate d'urane, autre sel d'uranium, comme "condensateur de lumière".

 

A la séance du 30 mars 1896 il fait connaître les différences qu'il a observées entre les "radiations de phosphorescence" et les radiations Röntgen. Pour évaluer leurs activités respectives il utilise un électromètre et des plaques photographiques. Il constate que les "radiations phosphorescentes" traversent aisément le cuivre et le platine qui arrêtent les rayons X. De même le quartz totalement opaque aux rayons X se laisse facilement traverser par les radiations issues des sels d'uranium. Pour résumer : les radiations issues des sels d'uranium sont bien plus pénétrantes que les rayons X !

 

Séance du 18 mai : Becquerel annonce que tous les sels d'uranium, et le métal pur lui-même, ont la propriété de rayonner qu'ils soient phosphorescents ou non.

 

Autre annonce spectaculaire : des sels d'uranium contenus dans des enveloppes de plomb épaisses de plusieurs millimètres, hermétiquement closes et enfermées depuis plus de trois mois dans des boîtes de carton noir placées elles mêmes dans une chambre noire, agissent sur des plaques photographiques disposées sur les enveloppes de plomb. Ni la fluorescence, ni l'exposition à la lumière ne sont donc nécessaires pour observer le rayonnement de l'uranium et de ses sels.

 

Séance du 23 novembre 1896. Becquerel n'a pas fait d'autre communication depuis la réunion du 18 mai. Il s'est occupé à vérifier ses premières observations. La relation qu'en donne la revue La Nature témoigne de la rigueur de sa démarche :

 

"M. Becquerel confirme aujourd'hui ses premières expériences en faisant connaître les résultats fournis par des sels d'urane enfermés depuis le mois de mars dans une double enveloppe de plomb, placée elle-même dans la chambre noire. La boîte intérieure est divisée en deux compartiments par un papier noir tendu parallèlement au fond de la boîte. Une disposition convenable permet de glisser, au-dessous de cette feuille de papier, un châssis muni d'une plaque photographique. Enfin les substances étaient posées sur une plaque de verre, au-dessus du papier noir ; elles étaient de plus enfermées dans des petits tubes, en forme de cloche, scellés à la paraffine sur la lame de verre, de façon à éviter l'action possible des vapeurs. Il a développé la plaque le 7 novembre, après huit mois. L'épreuve montre très nettement l'effet des radiations".

 

Ce luxe de précautions contraste avec la légende, si souvent répétée, d'un Becquerel découvrant la radioactivité par hasard en développant une plaque photographique oubliée dans un tiroir à proximité d'un minerai d'uranium.

 

Cette année 1896 mérite d'être marquée d'une pierre blanche. Les rayons X sont à peine découverts qu'un nouveau rayonnement, celui de l'uranium, révèle à la fois son existence et son originalité.

 

Le phénomène attend, à présent, d'être expliqué.

 

Marie Curie : premières hypothèses.

 

Marie Sklodowska, jeune polonaise récemment mariée à Pierre Curie, a choisi de prendre, pour sujet de thèse, la découverte de Becquerel. Elle dispose pour cela d'un précieux instrument : l'électromètre à quartz piézoélectrique mis au point par Pierre Curie.

 

La piézo-électricité a été découverte en 1880 par Pierre Curie et son frère Jacques qui constataient que certains cristaux produisaient un courant électrique lorsqu'ils étaient soumis à une action mécanique, pression ou étirement. Le quartz, qui est aujourd'hui l'élément essentiel des montres et horloges électroniques, en était le meilleur exemple.

 

Nous ne décrirons pas le fonctionnement de l'électromètre à quartz ( Voir à ce sujet : L'expérience de Marie Curie reconstituée à Rennes.). Disons simplement qu'il permet de mesurer, avec une extrême précision, les effets électriques du rayonnement, déjà décrits par Becquerel. Sa possession était un élément essentiel pour qui s'attaquait à l'étude du nouveau rayonnement.

A partir d'avril 1898 Marie Curie fait connaître ses premiers résultats. Une note sur les "Rayons émis par les composés de l'uranium et du Thorium" est présentée par Lippmann à la séance du 12 avril 1898 de l'Académie des sciences.

 

" J'ai étudié, écrit-elle, la conductibilité de l'air sous l'influence des rayons de l'uranium, découverts par M. Becquerel, et j'ai cherché si des corps autres que les composés de l'uranium étaient susceptibles de rendre l'air conducteur de l'électricité." Recherche logique, de même que "l'électricité" a pris son essor quand Gilbert a pu montrer qu'elle n'était pas uniquement la propriété de l'ambre, il importait de savoir, avant toute étude complémentaire, si la "radioactivité" (l'expression est de Marie Curie) ne se limitait pas à l'uranium.

 

Dans le laboratoire de l'Ecole municipale de Physique et de Chimie de Paris où elle mène ses recherches, elle avait pu rassembler une collection de sels et d'oxydes prêtés par différents laboratoires de recherche parisiens. Ses mesures confirment d'abord la propriété de l'uranium : "Tous les composés de l'uranium étudiés sont actifs et le sont, en général, d'autant plus qu'ils contiennent plus d'uranium".

 

Elles montrent surtout que l'uranium n'est pas un cas isolé : "Les composés du Thorium sont très actifs. L'oxyde de Thorium dépasse même en activité l'uranium métallique". Et même : " les rayons émis par le thorium sont plus pénétrants que ceux émis par l'uranium". Il existe donc dans la nature une nouvelle classe de corps, les corps "radioactifs", qui méritent d'être recherchés et étudiés.

 

Une observation annonce d'ailleurs de nouvelles découvertes : "Deux minéraux d'uranium : la pechblende (oxyde d'urane) et la chalcolite (phosphate de cuivre et d'uranyle) sont beaucoup plus actifs que l'uranium lui-même. Ce fait est très remarquable et porte à croire que ces minéraux peuvent contenir un élément beaucoup plus actif que l'uranium."

 

Sans attendre les résultats de cette recherche, Marie Curie émet aussi une première hypothèse concernant le mécanisme de la radioactivité qui s'inspire encore de la phosphorescence : "on pourrait imaginer que tout l'espace est constamment traversé par des rayons analogues aux rayons de Röntgen mais beaucoup plus pénétrants et ne pouvant être absorbés que par certains éléments à gros poids atomique, tels que l'uranium et le thorium." Franchir le pas et imaginer un rayonnement tout simplement issu du minéral est encore trop difficile.

 

Le Polonium.

 

Le 18 juillet 1898 une nouvelle communication "Sur une substance nouvelle radio-active", contenue dans la pechblende" signée de Pierre et de Marie Curie est lue par Becquerel à la séance de l'Académie des Sciences. Pour la première fois l'expression "substance radio-active" apparaît dans le langage scientifique. Le concept de "radioactivité" est né.

 

Si les auteurs n'hésitent pas à baptiser ainsi une propriété qui ouvrira une nouvelle branche de la physique c'est que leurs récentes études les ont mis en face d'une réalité nouvelle.

 

Ils rappellent d'abord l'observation de Marie Curie sur l'activité des certains minerais d'Uranium plus élevée que celle du métal lui-même et sur l'hypothèse d'y trouver un nouveau corps. : "Nous avons cherché à isoler cette substance dans la pechblende, et l'expérience est venue confirmer les prévisions qui précèdent" annoncent-ils.

 

Leur méthode consiste à faire subir au minerai une laborieuse série de réactions classiques de purification. La liste détaillée de ces opérations prouve, à la fois, l'obstination et la compétence des deux auteurs et de leur équipe. La série de manipulations aboutit à un mélange ne contenant plus que du Bismuth associé à un nouveau corps radioactif dont les propriétés chimiques, voisines de celles du Bismuth, ne permettent plus l'extraction par les procédés chimiques classiques.

 

Par un procédé physique pratiqué sur les sulfures du mélange, ils obtiennent finalement la séparation des deux corps : " On chauffe les sulfures dans le vide dans un tube de verre de Bohême vers 700°. Le sulfure actif se dépose sous forme d'enduit noir dans les régions du tube qui sont à 200°-300°, tandis que le sulfure de bismuth reste dans les parties chaudes." Dès ces premières manipulations les procédés d'enrichissement en matières radioactives sous forme chimique ou sous forme physique annoncent les méthodes qui seront développées à l'avenir.

 

Le résultat est probant : "En effectuant ces diverses opérations, on obtient des produits de plus en plus actifs. Finalement nous avons obtenu une substance dont l'activité est environ 400 fois plus grande que celle de l'uranium.

Nous avons recherché, parmi les corps actuellement connus, s'il en est d'actifs. Nous avons examiné des composés de presque tous les corps simples ; grâce à la grande obligeance de plusieurs chimistes, nous avons eu des échantillons des substances les plus rares. L'uranium et le thorium sont seuls, franchement actifs, le tantale l'est peut-être très faiblement.

Nous croyons donc que la substance que nous avons retirée de la pechblende contient un métal non encore signalé, voisin du Bismuth par ses propriétés analytiques. Si l'existence de ce nouveau métal se confirme, nous proposons de l'appeler polonium, du nom du pays d'origine de l'un de nous."

 

A n'en pas douter, les auteurs ont déjà l'assurance qu'un nouveau corps, fortement radioactif, viendra s'inscrire dans le tableau des éléments, proposé par le Russe Mendeleïev trente ans plus tôt. La découverte de la pile électrique par Volta puis de l'électrolyse par Nicholson, Carlisle et Davy avaient permis la découverte d'une importante quantité de nouveaux corps. Celle de la radioactivité annonce-t-elle une moisson aussi riche ? Si tel devait être le cas, Pierre et Marie Curie tiennent à en partager le mérite avec celui qui, le premier, avait découvert la propriété de l'Uranium : "Qu'il nous soit permis de remarquer que si l'existence d'un nouveau corps simple se confirme, cette découverte sera uniquement due au nouveau procédé d'investigation que nous fournissent les rayons de Becquerel."

 

Le Radium.

 

Après la découverte du polonium un travail encore plus exténuant attend le couple qui soupçonne l'existence d'un autre corps radioactif dans la pechblende. Nous ne décrirons pas cette aventure qui aboutit à la découverte du corps que les Curie désigneront du nom de radium. Un métal dont l'activité est d'abord estimée à 100 000 fois celle de l'uranium avant que le chiffre de 1 million de fois soit même proposé.

 

La découverte de nouveaux corps se poursuit donc mais la nature du rayonnement reste quant à elle un mystère. Le Radium, très radioactif, offre sur ce plan de nombreuses possibilités. Pierre et Marie Curie découvrent qu'il émet deux rayonnements. L'un est dévié par un champ magnétique, l'autre ne l'est pas.

 

Le rayonnement non dévié (en fait, il l'est, mais très faiblement) est rapidement absorbé par un obstacle matériel. Dans une communication présentée par Becquerel à la séance de l'Académie des sciences du 8 janvier 1900 "sur la pénétration des rayons de Becquerel non déviables par le champ magnétique", Marie Curie montre que ce rayonnement a une loi d'absorption singulière qui "rappelle plutôt la manière de se comporter d'un projectile, qui perd une partie de sa force vive en traversant des obstacles." Rutherford étudiera les propriétés de ces particules massives, chargées d'électricité positive, et désignera leur rayonnement sous le nom de "rayonnement α (alpha)". Plus tard sera découvert le "rayonnement γ (gamma)", analogue au rayonnement X mais encore plus pénétrant.

 

Le 5 mars 1900, Pierre et Marie Curie font lire par Becquerel à la séance hebdomadaire de l'Académie des Sciences un mémoire "Sur la charge électrique des rayons déviables du radium". Ayant constaté que "les rayons déviables du radium sont chargés d'électricité négative", ils établissent une analogie avec les rayonnements cathodiques dont le physicien français Jean Baptiste Perrin a montré, en 1895, qu'ils étaient constitués de particules négatives :

 

"Ainsi, écrivent-ils, dans le cas des rayons déviables du radium, comme dans le cas des rayons cathodiques, les rayons transportent de l'électricité. Or jusqu'ici, on n'a jamais reconnu l'existence de charges électriques non liées à la matière pondérale. On est donc amené, à considérer comme vraisemblable que le radium est le siège d'une émission constante de particules de matière électrisée négativement, capables de traverser sans se décharger des écrans conducteurs ou diélectriques.".

 

Ce rayonnement de particules négatives sera ultérieurement désigné sous le nom de "rayonnement β (bêta)".

 

Au moment même où Pierre et Marie Curie établissent l'analogie entre le rayonnement β du radium et les rayons cathodiques, on découvre en France les travaux du britannique Joseph John Thomson sur le rayonnement cathodique qui mettent en évidence l'existence de cette particule, commune aux deux rayonnements, et ses propriétés.

 

Ceux-ci lui vaudront de se voir attribuer la paternité de la découverte de la particule d'électricité négative qui sera plus tard désignée par le terme d'électron.

 

 

 

 

 

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3 décembre 2017 7 03 /12 /décembre /2017 17:35

Bernard Thomas est passionné par l'histoire de l'électricité au 18ème siècle. Il collectionne de précieux appareils et reproduit certains de ceux qui étaient utilisés pour les "spectacles électriques" donnés alors à la Cour ou devant le peuple. Mieux : il présente lui-même ces spectacles en costume d'époque.

 

 

Tout l'appareillage digne d'un Abbé Nollet compose sa collection.

 

On peut retrouver ces appareils sur son site : http://electricity.pagesperso-orange.fr/elecric/french.html

 

 

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 13:29

Conférence de Fressoz Jean-Baptiste.

Si tout le monde a en tête la courbe croissante des émissions de CO2 depuis deux siècles, on en a curieusement pas d’histoire. Quels sont les grands processus historiques qu’il faut prioritairement mettre en relation avec cette courbe ? Quels sont les institutions, les pouvoirs, les imaginaires et les intérêts qui nous ont véritablement placés sur le chemin de l’abîme climatique ? Cette conférence visera à redonner au CO2 une histoire et donc une politique.

cliquer sur l’image.

Voir aussi :

cliquer sur l’image.

 

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24 novembre 2017 5 24 /11 /novembre /2017 21:24

Cet article est reposté depuis Plogoff. Chronique d'une lutte contre le nucléaire..

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21 novembre 2017 2 21 /11 /novembre /2017 09:29

Monsieur le Président de la République,

Dans votre discours devant la COP23 qui s’est tenue à Bonn, en Allemagne, vous avez déclaré que la France a décidé "l’absence de toute construction de nouvelles centrales thermiques".

Vous ne pouvez ignorer que l’Etat français envisage toujours de subventionner, à raison de plus de 40 millions d’euros par an, un projet de construction d’une centrale électrique à gaz de 450Mw par le groupe "Direct Energie-Siemens" à Landivisiau.

La résistance de la population locale a obtenu que ce projet ne soit toujours pas en chantier.

Monsieur le Président, nous vous demandons de confirmer vos propos tenus à la COP23 et d’annoncer la fin du projet de centrale à gaz, subventionnée par l’Etat français, à Landivisiau.

Association S-eau-S

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19 novembre 2017 7 19 /11 /novembre /2017 09:28

Science et magie semblent deux adversaires irréconciliables. A y regarder de près ils peuvent aussi s’alimenter l’un et l’autre.

Quoi de plus "magique" que la découverte des "lois" auxquelles semblent répondre les phénomènes "naturels" ?

C’est, aussi parfois, l’observation et l’analyse de pratiques "magiques" qui aboutit à des découvertes scientifiques.

La magie, à son tour, se colore du vocabulaire et du prestige de la science pour renforcer et étendre son territoire.

Ce va-et-vient est particulièrement visible dans le domaine de l’électricité et du magnétisme. Nous essaierons de le mettre en lumière à différents moments du développement de ces sciences.

Premier exemple : l’ambre.


Thalès, l’ambre et l’aimant.

L’Ambre, matière mythique de la Grèce antique, a été traditionnellement associée à Thalès (625-547 av JC), grec de la ville de Milet. A la fois physicien, astronome et géomètre, il est souvent désigné comme le premier électricien, voire même le premier "magnétiseur". C’est par Aristote et Hippias que nous apprenons qu’il " communiquait la vie" aux choses inanimées au moyen de l’ambre jaune désigné sous le terme grec « ήlectron », êlektron et de la "pierre de magnésie" ( μαγνήτις λιθος), l’aimant naturel.

Communiquer la vie aux êtres inanimés…dès sa naissance l’électricité, le magnétisme, s’entourent de mystère. Nous parlerons ici de l’ambre.

L’ambre

Un rapide coup d’œil sur un dictionnaire contemporain nous apprend que l’ambre est une " résine dure et cassante, dont la couleur varie du jaune pâle au rouge et dont on fait des colliers, des articles pour fumeurs, etc.… ". La photographie qui accompagne ce texte nous montre un insecte prisonnier d’une pierre blonde à la transparence de cristal.

L’ambre nous vient du froid.

Depuis des millénaires, les habitants des côtes de la Baltique recueillent ce don précieux de la mer, déposé sur le sable après chaque tempête. Son origine est-elle marine ou terrestre ? Depuis l’antiquité jusqu’à la fin du 18ème siècle, de longues controverses se succèdent avant qu’il soit admis que l’ambre est une résine fossilisée.

Il y a 40 à 50 millions d’années, dans une période que les géologues désignent par le nom d’Eocène, un climat tropical régnait sur l’Europe et la Scandinavie. Les pins producteurs de la résine, source de l’ambre, poussaient au milieu de palmiers dattiers, de séquoias, de thuyas, de cyprès, de cèdres et de la plupart des feuillus que nous trouvons encore dans nos contrées : chênes, hêtres, châtaigniers. Des nuées de moustiques, de mouches, de guêpes emplissaient l’air de leurs bourdonnements. Les fourmis, les scarabées, les scorpions grouillaient sous la mousse. Tout ce petit peuple venait s’engluer dans la résine encore fraîche. Au printemps, les magnolias et les rhododendrons fleurissaient au-dessus des tapis de genévriers et, même, de théiers qui poussaient là où le sol n’était pas inondé. L’eau, en effet, était partout présente. C’est elle qui a protégé la résine d’une oxydation qui l’aurait détruite. Cette eau alimentait des fleuves qui concentraient l’ambre à leurs embouchures, créant ainsi de riches dépôts.

Puis le climat s’est refroidi. Les glaciers qui ont recouvert l’Europe du Nord, ont transporté et déposé ces terres sédimentaires. L’ambre s’y trouve encore aujourd’hui. Quand, par chance, les gisements bordent les mers actuelles, l’érosion libère les blocs. La densité de l’ambre étant très peu supérieure à celle de l’eau de mer, les courants et les tempêtes l’amènent facilement sur les plages où il est commode de le pêcher.

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Une matière attirante

Douce, chaude au toucher, écrin mystérieux d’insectes étranges, douée du don extraordinaire d’attraction à distance, cette pierre a certainement provoqué chez nos plus anciens ancêtres, la fascination qui est encore la nôtre.

Un morceau d’ambre perforé âgé de 30 000 ans, sans doute un talisman, est considéré comme le premier objet de cette matière associé à l’homme. Des ours, des chevaux sauvages, des sangliers, des élans y ont été façonnés par les hommes qui habitaient le Nord de l’Europe 7000 ans avant notre ère. Les agriculteurs du néolithique qui peuplaient les mêmes régions trois mille ans plus tard, se faisaient enterrer avec des colliers et des amulettes d’ambre. Durant les deux millénaires suivants, l’ambre se répand peu à peu dans toute l’Europe, jusqu’à la Méditerranée. Par les mêmes voies circulent le cuivre et l’étain qui feront s’épanouir les civilisations de l’âge du bronze.

A cette époque, de véritables routes commerciales sillonnent l’Europe. Depuis le Jutland, elles prennent la route de l’Elbe ou celle du Rhin et du Rhône. De la Baltique orientale elles descendent l’Oder et la Vistule pour rejoindre la Méditerranée à travers la mer Noire. Une route maritime existe également qui descend de la Mer du Nord à travers la Manche et contourne l’Espagne pour rejoindre la Méditerranée.

Les tombes sous Tumulus des princes et princesses de l’âge du bronze fouillées dans le sud de l’Angleterre et sur les rivages des côtes armoricaines nous ont transmis de fabuleux trésors. L’ambre s’y associe à l’or pour exalter la puissance de leurs propriétaires.

En Grèce, l’ambre de la Baltique arrive vers 1600-1500 avant J-C. Les tombes de cette époque trouvées à Mycènes en contiennent des centaines de perles qui semblent avoir été importées déjà taillées. Peu de temps après, on trouve ce même ambre en Egypte dans les tombeaux royaux. Ce commerce semble avoir été la spécialité des Phéniciens. Il a fallu attendre le 4ème siècle avant J-C pour que Pythéas, grec de la colonie de Marseille, nous donne le récit de son voyage vers les mers de la Baltique où il aurait lesté son navire par des blocs d’ambre.


Les routes de l’ambreCourrier de l’Unesco. Mars 1966, p 20


L’antique magie de l’ambre.

Dans la mythologie grecque, l’ambre est de nature divine. Ce sont les rayons d’Hélios, dieu du soleil, pétrifiés quand l’astre s’enfonce dans les flots. Ce sont les larmes des Héliades, nymphes mortelles, qui pleurent, chaque soir, la mort de leur frère Phaéton.

Phaéton, fils d’Hélios, avait obtenu la permission de conduire le char du soleil. Hélas, il ne sut pas maîtriser les chevaux ailés de l’attelage. Celui ci se rapprocha de la terre. Des montagnes commencèrent à brûler, des incendies dévastèrent les forêts, la sécheresse gagna de vastes zones qui devinrent des déserts. Zeus, dans sa colère, lança sa foudre sur Phaéton et le fit s’abîmer dans les flots du fleuve Eridan (souvent associé au Pô, l’une des voies d’entrée de l’ambre mais désignant également les mers bordées par le pays des celtes et des germains). Accourues sur les rives du grand fleuve, les Héliades, sœurs de Phaéton, restèrent inconsolables. Les dieux, par compassion, les transformèrent en peupliers pour qu’elles puissent éternellement accompagner de leurs pleurs, la disparition du soleil couchant. Leurs larmes, figées en perles dorées, deviennent la plus belle parure des femmes grecques.

" ήlectron ", êlektron, tel est donc le nom qui nous vient des grecs et qui a donné son nom à une nouvelle science quand le médecin anglais William Gilbert (1540-1603) a désigné par le terme d’électricité la propriété d’une multitude de matières à manifester, comme l’ambre, la propriété d’attraction à distance après avoir été frottées.

Mais que nous rapportent les auteurs grecs en dehors du mythe ? Peu de choses en vérité. Ils savent, au mieux, que l’ambre attire mais n’indiquent pas toujours qu’il faut d’abord le frotter.

Le phénomène reste donc très superficiellement étudié. Rien n’évoque le début d’une pratique ou d’une réflexion qui s’apparente à un comportement "scientifique".

L’ambre banalisé : la longue histoire du succin.

L’amélioration des transports, alliée à la richesse des gisements baltes, fait perdre progressivement à l’ambre sa valeur marchande. Inévitablement, son caractère "magique" s’en trouve amoindri. Il se prolonge cependant sous la forme des propriétés médicinales qui lui sont attribuées sous le nom de succin, terme dérivé de sucus (jus, sève), que les latins nous ont transmis pour désigner ce corps.

Présent dans la plupart des remèdes médiévaux, le siècle des lumières le regarde cependant avec un regard plus critique. Un article de l’Encyclopédie ou Dictionnaire Universel raisonné des Connaissances Humaines daté de 1770 indique encore qu’il est conseillé pour les "affections vaporeuses et hystériques", que son sel est "rangé parmi les céphaliques" et son huile "regardée comme un spécifique dans les affections hystériques". Mais, précise l’auteur de l’article, " Les vertus médicinales du succin étaient autrefois très vantées ; on les regarde aujourd’hui comme moins certaines, ou exagérées". L’auteur note cependant un intérêt pratique : "la vapeur de sel de succin fait fuir les rats" !

Plus radical encore est John Fothergill (1712 – 1780), du collège des médecins de Londres dans un article publié en 1744 dans les Transactions Philosophiques de la Société Royale de Londres. Considérant la résistance de l’ambre à la plupart des solvants ordinaires, il estime qu’une telle substance "ne peut probablement pas produire de grands effets sur le corps humain" et en effet, ajoute-t-il, "on a peu d’exemples de ses effets". Alors pourquoi cette longue période de succès ?

"Une imagination préoccupée peut d’abord en avoir introduit l’usage ; le préjugé l’a soutenu & a engagé des personnes qui avaient quelque autorité à le recommander à leurs successeurs".

Comment mieux décrire la diffusion du mythe ? Et comment le combattre ? John Fothergill plaide pour une entreprise d’assainissement de la science médicale :

" Si des personnes habiles et expérimentées voulaient consacrer leurs loisirs à nous instruire de l’inefficacité des méthodes et des remèdes semblables à celui-ci, la Médecine serait renfermée dans des bornes plus étroites ".

dans le laboratoire du chimiste. De l’ambre à l’acide succinique.

Avec Lavoisier et ses contemporains le succin entre dans le laboratoire du chimiste qui y reconnaît, entre autres composés, un acide auquel il sera donné le nom d’acide succinique. Le chimiste moderne le caractérisera comme acide butane-1,4-dioïque, acide organique de structure simple et de formule développée : HOOC-CH2-CH2-COOH. Cet acide a été trouvé dans la plupart des organismes végétaux et animaux où il intervient dans de nombreux métabolismes cellulaires.

Le succin serait donc bien un remède ?

En réalité la concentration en acide succinique est bien plus forte dans la laitue vireuse, la grande chélidoine que dans le succin à partir duquel, comme le remarquait John Fothergill, il est par ailleurs difficilement assimilable.

Il n’y a pas de continuité médicale entre l’ambre et l’acide succinique. Synthétisé aujourd’hui à partir de produits pétroliers, cet acide est plus utilisé pour des peintures et des vernis que pour des remèdes médicaux. Parmi ces remèdes, aucun n’est d’ailleurs supposé guérir des douleurs céphaliques ou de l’hystérie.

Une légende se terminerait donc dans le laboratoire du chimiste ? On n’achève pas aussi facilement un ancien mythe !

 

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Retour du vieux mythe.

 

L’aspect merveilleux de l’ambre réside avant tout dans son action à distance, un phénomène qui a, de façon régulière, alimenté les débats des scientifiques de Descartes et Newton à Einstein et qui continue à le faire. Comment s’étonner qu’il puisse encore inspirer les pratiques des mages et guérisseurs de notre époque désorientée.

Les colliers de perles d’ambre gardent particulièrement toute leur faveur. On trouve couramment dans la littérature académique du 18ème siècle, la mention de colliers portés pour guérir des migraines, des maladies des yeux ou de la gorge.

Les rives de la Baltique voyaient se prolonger cette tradition jusqu’aux périodes récentes. Un morceau d’ambre y était donné à mâcher aux enfants pour les soulager des maux de dents. On y voyait se maintenir, aussi, la coutume de faire porter des colliers d’ambre protecteurs aux enfants en bas âge au risque de provoquer de dangereux accidents par strangulation.

La séparation de l’Europe par le "rideau de fer" de la "guerre froide", en plaçant la Baltique à l’Est, avait tari la circulation de l’ambre. Les habitants de la Pologne se hasardant dans l’Ouest "capitaliste", étaient les premiers à le ramener avec eux comme moyen de troc. Ce temps est oublié et l’ambre de la Baltique se marie à nouveau à l’or et l’argent sur les bijoux du monde entier.

Sa qualité esthétique aurait pu suffire à son succès mais comment résister à l’opportunité d’enrôler les vieux mythes dans l’arsenal de la publicité commerciale ?

A en croire la publication d’un magasin spécialisé dans le collier d’ambre, l’ambre :

- "apporte calme, force et équilibre.

- améliore la circulation sanguine et son PH (le rendent plus alcalin).

- régule le système nerveux, améliore les réflexes.

- active le métabolisme et combat les inflammations.

- freine l’oxydation des cellules et favorise leur régénération."

PH alcalin, métabolisme, oxydation des cellules… la publicité, qui avait déjà recruté Thalès, n’hésite pas à faire également appel à l’assaisonnement des mots de la science "moderne".

Les nouveaux "mages" et les marchands de minéraux qui leur sont associés connaissent le poids du prestige scientifique. On baptisera du terme de "lithothérapie" un amas de recettes, à base de cristaux minéraux, supposées ancestrales et parfois même extraites de vieux grimoires quand elles ne sont pas tout simplement inventées.

L’ambre est naturellement l’une des bases de leur "science" et de leur commerce. Exemple de littérature néo-magique :

"Des études ont permis d’utiliser l’ambre pour soulager les douleurs des articulations dues aux rhumatismes. Par exemple, l’ambre jaune produit des ions négatifs par frottements, ce qui a pour conséquence d’améliorer la circulation des énergies dans l’organisme.Retour ligne automatique
L’ambre est condensateur de courant : en se chargeant lui-même, il décharge de leurs propres excès ceux qui le portent.
"

Ions négatifs, circulation des énergies, condensateur de courants… Autant de mots entendus dans les cours de physique suivis par une majorité de celles et ceux qui ont accompli la "scolarité obligatoire" de nos sociétés modernes. Autant de mots, aussi, dont le sens réel a eu le temps de se perdre au grand désespoir du professeur de la discipline qui voit ainsi sa pédagogie mise au service d’une forme de charlatanisme.

Celui-ci pourrait rappeler que, dès l’an 1600, l’Anglais William Gilbert avait montré que la propriété "électrique" de l’ambre avait été trouvée, avec une bien plus forte intensité, dans des matières aussi banales que le verre et le soufre.

Il pourrait aussi faire constater que les tissus synthétiques, les revêtements de sol et les objets plastiques produits par la chimie moderne sont si sensibles à la production de charges électriques par simple frottement qu’il faut même en protéger les appareils électroniques. Qui n’a pas reçu une décharge électrique le soir en se déshabillant ?

Caresser un morceau d’ambre peut incontestablement alimenter un rêve poétique, surtout s’il enferme l’insecte auquel il a fait franchir cinquante millions d’années et qui à peut-être cohabité avec ces dinosaures objets de tous les fantasmes.

Le rêve a de nombreuses vertus, acceptons l’idée qu’il puisse même en avoir de thérapeutiques.

Par contre, concernant la production "d’ions négatifs par frottement" , le moindre morceau de plastique ferait bien mieux l’affaire à moindre prix. D’ailleurs, à y regarder de près, de prétendus colliers d’ambre sont souvent, en réalité, réalisés à base de perles synthétiques.

Que des adultes se laissent convaincre et achètent le bijou ou le morceau d’ambre qui les rassurera, comme le faisait la peluche ou le chiffon de leur enfance, soit ! Mais que penser du produit vedette : le collier d’ambre pour bébé supposé le soulager des douleurs de dents.

Le site de vente par internet, déjà cité, publie des témoignages :

"Je suis conquise ! Ma fille porte son collier nuit et jour depuis ses 6 mois. Les dents la font un peu souffrir (joues rouges, fesses rouges) mais jamais de pleurs, jamais trop bougon. Je ne lui ai jamais rien donné d’autre et elle a déjà 6 dents. Les deux seules fois ou on a oublié de le lui remettre elle s’est réveillée la nuit en hurlant…"

A lire les échanges sur internet on constate pourtant que beaucoup d’entre eux ne portent pas sur l’efficacité de tels colliers. Celle-ci semble être admise sans aucun débat. La preuve : on les vend même en pharmacie !

Ce qui alimente la discussion c’est leur danger éventuel : bébé ne risque-t-il pas de s’étrangler ?

Etonnant ! Ces parents sont bien conscients du risque qu’il font courir à leur enfant, s’inquiètent et veulent être rassurés. Certains affirment ne jamais laisser le collier pendant la nuit ou la sieste. D’autres garantissent avoir acheté celui "de marque" qui cassera au moindre effort de bébé et dont chaque perle est attachée de façon à ce qu’il ne les avale pas. A les lire il semblerait que le collier-talisman serait l’équivalent d’un vaccin anti-mal-de-dents absolument nécessaire mais non exempt de dangers. L’étranglement possible s’apparenterait alors à ce que les notices pharmaceutiques présentent comme un "effet" secondaire.

Argument souvent entendu : si c’était dangereux ils l’interdiraient. Ce "ils" anonyme, qui a si longtemps autorisé l’amiante ou encore récemment le fameux "médiator", médicament, dénoncé par Irène Frachon, fait souvent office de garantie.


Pas prouvé efficace contre les maux de dents mais à l’évidence dangereux au même titre que tous les colliers pour bébés.


Des médecins ont pourtant lancé des alertes, tel le professeur Olivier Reinberg du service de chirurgie pédiatrique de l’université de Lausanne :

Extrait :

"Il semble utile de rappeler que le port de collier chez les petits enfants constitue un danger permanent de strangulation. Si le collier ne se rompt pas, l’enfant peut rester accroché à une branche ou à un montant de lit par exemple. Le plus souvent, l’enfant strangulé ne peut pas appeler. S’il n’est pas immédiatement délivré, les conséquences sont très sévères, puisque si l’enfant n’est pas trouvé mort, le pronostic des réanimationsRetour ligne automatique
cardio-respiratoires après ce genre d’accident est mauvais, avec un taux importantRetour ligne automatique
de séquelles neurologiques liées à l’ischémie cérébrale.
"

Mais pour certains fabricants pas de problème, les accidents c’est de l’histoire ancienne :

Le collier d’ambre est régulièrement montré du doigt par ceux qui estiment qu’il comporterait un risque de strangulation, au cas où l’enfant l’accrocherait par mégarde à un objet, à une branche ou à un montant de lit… Les accidents de la sorte restent fort heureusement très rares, et sont principalement survenus il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui les fabricants redoublent de vigilance pour que les produits à destination des bébés soient sans danger".

Certains, cependant, veulent se garantir de ce risque de "strangulation" aussi "rare" soit-il : " Par précaution, retirez le collier pendant les siestes et les nuits : vous pouvez alors en profiter pour le laisser se recharger en ions négatifs, en le laissant sur une table. Autre option : le nouer à la cheville de bébé, bien au chaud dans sa turbulette"

Un collier qu’on achète mais qu’on ne porte pas autour du cou pendant le sommeil et qu’il vaut mieux nouer à la cheville. Des perles qui, contrairement à la célèbre pile électrique qui " ne s’use que si on s’en sert", se "rechargent en ions négatifs" quand on ne s’en sert pas !

Ces invitations aux "précautions" d’usage, dont on mesure le peu de sérieux, sont-elles suffisantes pour blanchir les diffuseurs de tels produits ?

On assiste à juste titre à la mise en cause de fabricants de médicaments ou de pesticides qui empoisonnent les humains et leur environnement. A lire la multitude de sites internet consacrés aux colliers d’ambre il ne serait pas étonnant, dans l’avenir, de voir instruire des procès en publicité mensongère voire même en mise en danger de la vie d’autrui à l’encontre de ceux qui font la promotion de cette médecine dont l’efficacité est largement contestable et les dangers loin d’être négligeables.

Contrairement à ce qu’imaginent ses utilisatrices et utilisateurs, la "médecine" de l’ambre peut se révéler, elle aussi, une médecine dure.


Pour aller plus loin :

 

 

Cet ouvrage retrace l’histoire de l’électricité et des savants qui ont marqué son évolution.

L’électricité paraît être une énergie évidente et n’étonne aujourd’hui plus grand monde ; son utilisation est très banale, et pourtant un nombre incalculable de nos actes et modes de vie ne sauraient se passer de son indispensable compagnie. L’électricité est une science récente… mais, des Grecs de l’Antiquité qui, en frottant l’ambre, s’émerveillaient de ses propriétés électrostatiques aux Curie étudiant la radioactivité, de découvertes heureuses en expériences dramatiques, portés par des hommes et des femmes qui ont tout sacrifié à la compréhension des phénomènes électriques, plus de vingt-cinq siècles ont défilé avant que l’on perçoive, peut-être, l’essence de cette force naturelle.

Au fil d’un récit imagé - celui d’une succession de phénomènes généralement discrets qui, sous le regard d’observateurs avertis, débouchèrent sur des applications spectaculaires - nous croiserons des dizaines de savants, d’inventeurs et de chercheurs dont les noms nous sont déjà familiers : d’Ampère à Watt et de Thalès de Milet à Pierre et Marie Curie, ce sont aussi Volta et Hertz, Ohm et Joule, Franklin et Bell, Galvani et Siemens ou Edison et Marconi qui, entre autres, viennent peupler cette aventure. On y verra l’ambre conduire au paratonnerre, les contractions d’une cuisse de grenouille déboucher sur la pile électrique, l’action d’un courant sur une boussole annoncer : le téléphone, les ondes hertziennes et les moteurs électriques, ou encore la lumière emplissant un tube à vide produire le rayonnement cathodique. Bien entendu, les rayons X et la radioactivité sont aussi de la partie.

De découvertes heureuses en expériences dramatiques, l’électricité reste une force naturelle qui n’a pas fini de susciter des recherches et de soulever des passions.

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17 novembre 2017 5 17 /11 /novembre /2017 12:44
Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, lors de la COP23 à Bonn

 

Alors que le projet de "Direct Energie-Siemens" d'une centrale électrique à gaz à Landivisiau n'est toujours pas annulé, le Président de la République annonce qu'aucune centrale thermique ne sera plus mise en chantier en France.

 

Voir le texte du discours.

 

 

Extrait :

"Ainsi la France a-t-elle décidé la fermeture de toutes les centrales à charbon d’ici la fin de l’année 2021, l'absence de toute construction de nouvelles centrales thermiques, et surtout à travers un projet de loi hydrocarbure voté à l'Assemblée nationale et qui sera parachevé dans les prochaines semaines, l'interdiction de tout nouveau permis d'exploration et d'exploitation d'hydrocarbures dans notre pays. C’est la première fois qu'un pays développé décide pour son propre territoire d'une telle politique ; nous l'assumons parce que c'est celle qui est indispensable pour être au rendez-vous du climat et de la transition que nous avons actée.

Cette transformation, elle implique aussi d’accélérer la montée en puissance des énergies renouvelables. Et donc pour se faire, de pouvoir accélérer les mutations technologiques que je viens d’évoquer et ce partenariat européen. Et que personne ne se trompe ici, prétendre que nous devrions accélérer les fermetures de centrales nucléaires sans avoir répondu préalablement à cela, c'est nous condamner dans les prochaines années à rouvrir des centrales à charbon ou des centrales thermiques. Et donc faire l’inverse de ce que nous sommes en train de nous engager à faire.

La priorité, c'est la baisse des émissions, la priorité c'est de baisser les émissions de gaz à effet de serre et donc la politique CO2, c'est celle-ci dans laquelle le gouvernement est pleinement engagé et aura des résultats dans les prochaines années."

Monsieur le président, n’attendez pas le Sommet organisé par la France à Paris le 12 décembre prochain pour le deuxième anniversaire de l'accord sur le climat. C’est maintenant qu’il faut annoncer la fin du projet de centrale à gaz à Landivisiau.

La déclaration que devra faire Emmanuel Macron au " Sommet International sur la lutte contre le réchauffement climatique", le 12 décembre 2017 à Paris.

 

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 20:32

"Le seuil de l’irréversible a été franchi" déclare Emmanuel Macron à Bonn à la COP23.

La phrase de Emmanuel Macron a été reprise par les médias.

cliquer sur l’image.

"Le seuil de l’irréversible a été franchi.

Les équilibres de la Planète sont prêts à rompre comme le traduisent le réchauffement des océans où la disparition des nombreuses espèces menacées. C’est l’ensemble de l’humanité qui est ainsi touchée. Si nous continuons tel que nous le faisons aujourd’hui, quels que soient les efforts déjà faits ces dernières années, cela veut dire que nous acceptons tacitement, collectivement ici, la disparition d’un bon nombre de populations ici représentées.

Nous n’avons donc qu’une obsession, l’action. Qu’un horizon, c’est maintenant."

Monsieur le Président, n’attendez pas le "Sommet" du 12 décembre, organisé à Paris pour le deuxième anniversaire de l'accord sur le climat.

C’est maintenant qu’il faut annoncer la fin du projet de centrale à gaz à Landivisiau.

La déclaration que devra faire Emmanuel Macron avant le "Sommet International sur la lutte contre le réchauffement climatique", le 12 décembre 2017 à Paris.

 

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