Le 23 novembre 2016, notre ami Gabriel Gorre nous a présenté, lors d'une conférence-expérience sur la "Chambre à brouillard".
Selon les mots d'Ernest Rutherford il s'agit du "plus original et plus merveilleux instrument expérimental". Il permet de détecter et de visualiser les émissions radioactives.
Merci à Florence et Gabriel !
Par Gérard Borvon.
Décembre 2016, Jean Michel Jarre célèbre 40 ans d'Oxygène.
1976. En Bretagne débutait la mobilisation contre un projet de centrale nucléaire à Plogoff dans la Pointe de Raz.
Et voilà ce titre qui nous parle d'écologie. Et voilà ces vagues de sons électroniques qui rompent avec tout ce qui a été entendu jusqu'alors. Et voilà cette pochette de Michel Granger, ce crâne encore saignant sortant du bleu de la Planète Terre.
Avec Jean Michel Jarre un mot de la chimie entrait dans le domaine du rêve, de la poésie. Je m'en suis souvenu en écrivant une "Histoire de l'Oxygène, de l'alchimie à la chimie". Le livre s'ouvre sur Empédocle, philosophe grec du 4ème siècle avant notre ère, qui initie la théorie des quatre éléments sous une forme poétique. Il se termine, ci dessous, avec Jean Michel Jarre qui, peut-être sans que j'en sois conscient, m'a servi de fil conducteur dans ce récit.
Le titre n'est pas anodin, pas plus que l'illustration de la pochette du disque : un crâne humain perçant l'épiderme de la planète bleue.
Inutile de s'interroger, un message écologique est contenu dans ce titre. Ce que revendique le compositeur lui-même. Dans un interview publié dans un journal parisien, il confirme que l'écologie est pour lui "une préoccupation quotidienne, qui inspire ses plus grands succès". Une préoccupation qu'il manifeste dans ses œuvres elles-mêmes mais aussi dans les lieux où il les produit : au pied des pyramides, au Mont Saint-Michel ou au Danemark dans un champ de 45 éoliennes. A l'évidence sa musique est faite pour les grands espaces aériens.
Le succès de Jean Michel Jarre nous fait savoir que le mot "oxygène" habite déjà l'inconscient collectif.
De Lavoisier à Jean-Michel Jarre.
"Le mot doit faire naître l'idée" déclarait Lavoisier. Incontestablement, le mot "oxygène" fait naître des idées.
Mais, ajoutait-il, "ce sont les mots qui conservent les idées et qui les transmettent". L'affirmation était hasardeuse, peu de gens se souviennent encore de l'idée, éphémère, à l'origine du mot oxygène.
En choisissant le nom de leur troupe, les acteurs du "Théâtre Oxygène" ne souhaitent certainement pas nous faire savoir qu'ils veulent "générer de l'acidité". Pas plus que les danseurs de la "Compagnie oxygène" qui promettent "de l'Humour, de la Nostalgie, du Rythme…". Ou que les membres de l'association Bulles d'oxygène qui déclarent vouloir rapprocher les cultures et les générations.
Leur oxygène est, comme celui de Jean Michel Jarre, générateur de vie, celle du corps comme celle de l'esprit.
Voyage en Oxygénie.
L'Oxygène, pour nos contemporains, est encore l'air vital des premiers chimistes. On peut vivre plus d'un mois sans nourriture, plus d'une semaine sans boire mais seulement quelques minutes sans oxygène. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'on le gratifie d'une multitude de qualités.
De l'Oxygène on attend qu'il prévienne ou guérisse la plupart des maux de notre civilisation. Il donnera son nom à un centre de santé, un club de gymnastique, un fabricant de cycles, un parc aquatique, un sauna, un club de ski, un club de saut en élastique, un camping…
Ce nouvel élixir fait rêver à l'éternelle jeunesse. Des publicités nous invitent à aller consommer le "carburant indispensable pour faire fonctionner les cellules de votre corps" dans des "bars à oxygène".
L'Oxygène aère les poumons mais aussi l'esprit.
On ne compte plus les romans qui comportent le mot Oxygène dans leur titre.
Oxygène est le nom d'une station radiophonique, d'un atelier de création graphique, d'un organisme spécialisé dans des séminaires, d'une agence de communication.
"Donnez-moi de l'oxygène" est le cri de révolte de la chanteuse québécoise Diane Dufresne contre l'univers oppressant des villes.
Pour la chanteuse islandaise Björk "Chanter, c'est comme honorer l'oxygène".
L'Oxygène inspire les poètes. "Au seuil du millième millénaire nous nous nourrissons d’oxygène pur et de poésie." est le début d'un poème relevé sur internet.
L'oxygène inspire les cinéastes. Kislorod (Кислород, oxygène), est le titre d'un film russe présenté au public en 2008. Il se veut l'expression d'une nouvelle génération qui enfin respire. "L'oxygène pur" y est personnalisé par "une jeune fille rousse, libre et belle", une flamme vivante qui, nous dit le commentateur enthousiaste, "en imprégnant l'air d'amour, fait battre le cœur plus vite, respirer plus profondément et purement".
Oxygène recouvre aussi des fonctions bien plus "matérielles" : une agence de travail intérimaire, une agence immobilière, un salon de coiffure, un cabinet de recrutement en ressources humaines, un cabinet de marketing, un élevage de poissons d'eau douce, une entreprise de transports, une marque de chaussures. Bleu oxygène est une association pour l'insertion professionnelle. Le bleu de l'habit au travail se combinant à l'oxygène d'une deuxième chance.
A Lyon, la "Tour Oxygène" affiche orgueilleusement ses 115 mètres de haut, ses 28 étages, ses 28 794 m2, et sa surface à 80% vitrée.
La marque se vend bien. Des partis politiques prennent oxygène comme signe de ralliement, même s'ils ne sont pas toujours très "verts".
Où est le nouveau Bachelard qui écrira une psychanalyse de l'oxygène ? S'il existe il devra, aussi, s'interroger sur l'exception que ce corps constitue au sein d'une chimie devenue, pour beaucoup, sujet d'inquiétude.
Peur de la chimie ?
"Faut-il avoir peur de la chimie" est le titre du livre publié par la philosophe et historienne de la chimie, Bernadette Bensaude-Vincent (Les empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, 2015).
Le texte en quatrième de couverture est sans ambigüité :
"De toutes les sciences modernes la chimie a le triste privilège d'être celle qui fait le plus peur. C'est sur elle que la crise de confiance du public envers la science semble se cristalliser."
Si l'industrie nucléaire a marqué l'opinion avec les catastrophes de Three Mile Island, de Tchernobyl et récemment de Fukushima, l'industrie chimique n'est pas en reste. Minamata, Bhopal, Seveso, AZF à Toulouse… sont autant de repères présents dans toutes les mémoires.
Aussi spectaculaires et dramatiques que soient ces accidents, il ne font pas oublier d'autres nuisances plus diffuses : les pesticides largement répandus et dont on connaît aujourd'hui les effets dévastateurs sur l'environnement et la santé humaine, les sacs plastiques qui s'accumulent en ilots flottants dans les océans et étouffent dauphins ou tortues Luth, les boues toxiques déversées dans les décharges africaines, les composants de l'électronique dont on se débarrasse dans les pays de l'Afrique et de l'Asie et qui empoisonnent les enfants qui les brûlent pour en extraire les métaux. On pourrait encore allonger cette liste.
Mais ce n'est pas la chimie qui en est responsable, répondent les promoteurs de l'industrie chimique, c'est l'usage que l'on fait de ses produits !
Est-il si simple de s'exonérer ? Quand la recherche des profits immédiats prime sur l'intérêt collectif tous les excès sont possibles. La résistance de l'industrie chimique et son activisme auprès des pouvoirs publics pour contrer toute tentative de limiter l'impact de ses produits sur l'environnement et la santé ne peut qu'inquiéter. La récente affaire du Médiator, "médicament" soupçonné d'avoir occasionné la mort de centaines de personnes, est sur ce point exemplaire.
Besoin d'oxygène ?
Devant ce constat l'envie nous vient de rappeler la déclaration de Lavoisier dans son mémoire de 1789 au moment où il établit la place essentielle de l'oxygène dans la vie animale.
Dans le silence de son laboratoire et de son cabinet, le scientifique peut, dit-il, "espérer, par ses travaux, de diminuer la masse des maux qui affligent l’espèce humaine ; d’augmenter ses jouissances et son bonheur, et n’eût-il contribué, par les routes nouvelles qu’il s’est ouvertes, qu’à prolonger de quelques années, de quelques jours même, la vie moyenne des hommes, il pourrait aspirer aussi au titre glorieux de bienfaiteur de l’humanité."
On peut imaginer que nombreux sont les chimistes qui souhaiteraient que cette image de leur discipline soit celle retenue par l'ensemble de leurs contemporains. Encore faudrait-il qu'ils et elles ne se sentent pas agressé(e)s à la moindre remise en cause. Ainsi, nous dit Bernadette Bensaude-Vincent, "les chimistes devraient-ils être les mieux préparés à prendre quelque distance par rapport aux réflexes de défense de leur spécialité pour s'ouvrir au débat politique" la chimie, ajoute-t-elle, "pourrait fournir désormais le modèle d'une science ouverte au politique, qui respecte le public autant que l'environnement".
Et si la chimie, comme notre société, avaient besoin d'oxygène ?
1976. En Bretagne débutait la mobilisation contre un projet de centrale nucléaire à Plogoff dans la Pointe de Raz.
Et voilà ce titre qui nous parle d'écologie. Et voilà ces vagues de sons électroniques qui rompent avec tout ce qui a été entendu jusqu'alors. Et voilà cette pochette de Michel Granger, ce crâne encore saignant sortant du bleu de la Planète Terre.
Avec Jean Michel Jarre un mot de la chimie entrait dans le domaine du rêve, de la poésie. Je m'en suis souvenu en écrivant une "Histoire de l'Oxygène, de l'alchimie à la chimie". Le livre s'ouvre sur Empédocle, philosophe grec du 4ème siècle avant notre ère, qui initie la théorie des quatre éléments sous une forme poétique. Il se termine avec Jean Michel Jarre qui, peut-être sans que j'en sois conscient, m'a servi de fil conducteur dans ce récit.
Ecouter l'émission de la Marche des sciences.
L'ambition de La Marche des Sciences fut de montrer que le passé éclaire l'avenir, que le scientifique ne vit pas dans sa tour d'ivoire et que le fossé traditionnel entre sciences et lettres, qui perdure encore aujourd'hui, pourrait être aboli.
Après sept ans d’histoire des sciences sur France Culture, et pour clore l’aventure, La Marche des Sciences consacre sa dernière émission à l'importance des sciences et de leur histoire dans la société d'aujourd'hui.
par Gérard Borvon
Carbone et CO2, Elixir ou Poison ?
Telle est la question que je pose en introduction du livre que j'ai écrit sous le titre "Histoire du carbone et du CO2" (Vuibert, 2013). Notre époque voit d'abord, et comment s'en étonner, dans le dioxyde de carbone libéré par l'activité humaine, le responsable de ce réchauffement de l'atmosphère qui perturbe l'ensemble de la Planète et met en danger de larges parts de l'Humanité.
Pourtant sans le dioxyde de carbone aucune vie n'existerait sur Terre et des générations de scientifiques ont été nécessaires avant que nous le comprenions. Transformer ce gaz dont ils ont eu tant de difficultés à faire valoir le rôle essentiel en une menace pour la vie ajoute au scandale de cet "anthopocène" dont on ne mesure pas encore où il conduira l'espèce humaine et les autres espèces vivantes avec lui.
Car la diabolisation du carbone n'est qu'un élément d'une question plus générale : faut-il avoir peur de la chimie ? (titre du livre de Bernadette Bensaude-Vincent, Seuil, 2005). Ou plus généralement, faut-il avoir peur des sciences ?
Question douloureuse pour qui a la passion des sciences, de leur histoire, de leur part de rêve, de la soif de connaître qu'elles alimentent, de la façon dont elles contribuent à nous libérer des vieilles peurs et des vieilles douleurs. Et pourtant la question est d'une brûlante actualité : les "sciences" font peur.
Un débat à la Sorbonne.
En mars 2013, s'est tenue à la Sorbonne une table ronde retransmise, par France-Culture, dans le cadre de l'émission "Science publique". Son thème : "La science est-elle le problème ou la solution ? ".
En introduction, Michel Alberganti, l'animateur, rappelait le contexte :
"Nous n’aurions pas eu l’idée de débattre d’un tel sujet il y a cent ans, ni même, sans doute, 50 ans, ni, peut-être, 30 ans. Mais en 1986, il y a 27 ans, s’est produite la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Et c’est peut-être à ce moment, plus encore qu’après la bombe atomique, que le doute a commencé à s’installer. Pour la première fois, une activité civile fondée sur la science et la technologie engendrait un drame humain de très grande ampleur. Avant même cet événement traumatisant, René Dumont avait plaidé en faveur des thèses qui allaient fonder le mouvement écologiste ".
Débattre de la science et de la vie il y a cent ans ?
Ayons la curiosité d'y aller voir. C'est justement il y a cent ans, le 1er avril 1913, que paraissait le premier numéro d'une revue promise à un long succès : "La Science et la Vie", devenu "Science et Vie".
Côté "Vie", on pouvait y lire un article sur "Les grands chirurgiens français d'aujourd'hui" ou encore un article sur les "petits agents de la mort", mouches, puces, moustiques… Et même, déjà, un article sur "La répression des fraudes alimentaire", avec une citation du professeur et académicien Paul Brouardel :
"Quand un homme a pris le matin, à son premier déjeuner, du lait conservé par l'aldéhyde formique, quand il a mangé à midi une tranche de jambon contenant du borax, accompagnée d'épinards verdis par du sulfate cuivre, quand il a arrosé cela d'une demi-bouteille de vin fuchsiné ou plâtré à l'excès, et cela pendant vingt ans, comment voulez-vous que cet homme ait encore un estomac ? ". Première alerte, donc, contre la "malbouffe".
Mais, dès les premières pages de la revue le lecteur avait été invité à suivre "La naissance, la vie et la mort d'un canon". La couverture de la revue représentait d'ailleurs l'usinage de ce fameux canon, avec, au premier plan, un officier, sabre au côté, surveillant l'opération.
Poursuivant leur lecture jusqu'aux dernières pages, un lecteur ou une lectrice, pouvaient également y lire un article de Gabriel Lippmann, prix Nobel de Physique en 1908. Celui-ci, sous le titre "La science et la vie", entendait montrer comment "la science joue dans notre vie un rôle immense" et à quel point "elle fait essentiellement partie de notre avenir comme de notre passé".
L'invention de la roue, du bateau, de l'imprimerie, ont, écrivait-il, "créé l'époque moderne". Mais il y ajoutait la poudre :
"Car il n'est pas jusqu'à l'artillerie qui ne soit un instrument de progrès, j'allais dire de paix et de progrès, à condition qu'elle soit de plus en plus savante".
Le discours était dans l'esprit du temps : la science devait être au service de la guerre et la guerre au service de l'industrie, du commerce… et de la science ! La démonstration qu'en faisait Lippmann mérite qu'on y jette un coup d'œil.
"Le boulet rond et le canon de bois, écrivait-il, ont suffit pour détruire le morcellement féodal et donner l'essor aux grandes nations. Aujourd'hui nous sommes plus avancés : nous avons une technique si perfectionnée que pour en tirer parti et surtout pour les perfectionner davantage, ce qui devient pour chacun une nécessité, il faut à chaque pays une foule de soldats suffisamment intelligents, d'officiers instruits, et par conséquent de corps savants et des écoles de haut enseignement bien organisées.
De plus, tout cela coûte horriblement cher, même en temps de paix. Aussi faut-il, pour porter le fardeau croissant des milliards, des revenus considérables ; c'est-à-dire une forte industrie ; c'est-à-dire un grand nombre d'industriels éclairés, de commerçants qui comprennent leur siècle ; il faut, en un mot, une classe bourgeoise cultivée".
A ce texte effarant d'un "savant", mettant la science au service du massacre qui allait, dans peu de temps, engloutir des millions d'hommes, il faut opposer le "discours à la jeunesse" de Jaurès, lu le 10 juillet 1903 devant les élèves du lycée d'Albi et la célèbre phrase :
"L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement".
Un texte dont l'actualité ne peut nous échapper :
"? [.] J’ose dire, avec des millions d’hommes, que maintenant la grande paix humaine est possible, et si nous le voulons, elle est prochaine. Des forces neuves y travaillent : la démocratie, la science méthodique, l’universel prolétariat solidaire.
La guerre devient plus difficile, parce qu’avec les gouvernements libres des démocraties modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage universel.
La guerre devient plus difficile parce que la science enveloppe tous les peuples dans un réseau multiplié, dans un tissu plus serré tous les jours de relations, d’échanges, de conventions ; et si le premier effet des découvertes qui abolissent les distances est parfois d’aggraver les froissements, elles créent à la longue une solidarité, une familiarité humaine qui font de la guerre un attentat monstrueux et une sorte de suicide collectif".
Dans le siècle qui allait suivre c'est, hélas, le sombre tableau dressé par Lippmann qui allait s'imposer.
Débattre il y a cinquante ans ?
En 1960 la première bombe atomique française explosait à Reggane, dans le Sahara algérien. Quinze ans plus tôt, le 18 octobre 1945, le général de Gaulle avait signé le décret de création du Commissariat à l'Energie Atomique, le CEA. C'était trois mois après l'explosion des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. La presse avait alors titré sur une victoire de la science, et de la science française en particulier. "L'Amérique vient de révéler au monde une découverte scientifique qui est bien la plus sensationnelle du siècle", annonçait L'Humanité du 8 août 1945.
"La libération de l'énergie atomique, problème sur lequel se penchaient dès avant la guerre les physiciens les plus éminents de tous les pays, vient d'être réalisée. Son emploi dans la guerre contre le Japon, sous la forme d'une bombe dont la puissance est terrifiante, montre bien que cette découverte change la face de la guerre moderne. Elle peut aussi, dans peu d'années, changer la face économique du monde. Il convient aujourd'hui d'expliquer aussi clairement que possible ce qu'est cette énergie, d'où elle provient, et de situer la part qu'ont prise les savants français, et en particulier Frédéric Joliot-Curie, dans les travaux et les recherches qui ont permis cette conquête monumentale de l'homme".
Comme Jaurès en 1905, il fallait un Albert Camus pour sauver l'honneur des intellectuels français.
"Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique", écrivait-il dans l'éditorial du journal Combat de ce même 8 août 1945.
"On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songera à s'en étonner".
Oui, c'était bien la science qui s'était consacrée au meurtre organisé. Les promoteurs du projet Manhattan étaient bien des "savants", des "Prix Nobel".
Aujourd'hui, tout enseignant qui initie ses élèves aux mystères du noyau atomique, qui explique les phénomènes naturels que sont la radioactivité, la fission et la fusion nucléaire, ne peut chasser de son esprit le fait que la première apparition publique de la science nucléaire a été la mort immédiate et la souffrance prolongée de centaines de milliers de personnes.
Pourtant l'aventure de la découverte de la radioactivité mérite d'être enseignée : l'intuition de Becquerel étudiant la phosphorescence de l'uranium, la volonté et l'énergie de Marie Curie découvrant le Polonium puis le Radium, l'enthousiasme de Rutherford, de Bohr et de tous les physiciens qui ont éclairé la structure de l'atome, la pensée révolutionnaire de Einstein établissant le lien entre masse et énergie...
C'est encore cette découverte historique qui nous éclaire sur la nature de l'Univers : le big-bang, la formation des galaxies, des étoiles, des atomes… Toute cette science qui nous a appris, suivant une expression devenue célèbre, que nous sommes des "poussières d'étoiles", commence avec la découverte, il y a à peine plus d'un siècle, de la radioactivité et des phénomènes nucléaires.
Plus près de nous : le soleil dont la lumière est l'autre source de la vie terrestre. C'est, à nouveau, la physique nucléaire qui nous explique la libération d'énergie provoquée par les phénomènes de "fusion" au cœur de notre étoile. Mais comment en parler sans évoquer la folie humaine qui, en utilisant le même principe, a construit et disséminé les milliers de bombes dont une seule peut, en un instant, déclencher le cataclysme qui anéantira l'essentiel de la vie terrestre ?
Peut-on faire oublier le danger en affirmant que le nucléaire c'est aussi une énergie pour la paix.
Qui peut être dupe ? Les premières "piles atomiques" ont été construites pour produire les éléments nécessaires aux bombes. Les premiers "réacteurs nucléaires" ont équipé des sous-marins qui n'avaient rien de pacifiques. Les pays qui ont mis en place un programme de centrales électriques nucléaires sont aussi ceux qui avaient pour objectif premier la fabrication de bombes. Ceux qui cherchent à le faire aujourd'hui veulent surtout entrer dans le club fermé des "grands", ceux qui disposent de la menace nucléaire.
Atome pour la paix, nous disait-on. Atome sans danger, voulait-on nous faire croire. Et il y a eu Three Mile Island en 1979, Tchernobyl en en 1986, Fukushima en 2011. Alors oui, il est temps après un si long silence, que des amoureux des sciences, que des scientifiques disent stop !
A l'évidence les temps ont changé et il faut reconnaître que les scientifiques présents à la tribune du colloque de la Sorbonne le prouvaient en exprimant avec force ces "vérités qui dérangent".
Lanceurs d'alerte.
On y a parlé organisme génétiquement modifiés.
Le biologiste Jacques Testard y montrait que le problème n'avait rien de "scientifique" et que bien au contraire la démarche était clairement une "usurpation de la science" : "si on avait demandé à Darwin : "qu’est-ce que vous pensez de l’idée de fabriquer une plante qui va fabriquer son insecticide et donc détruire les insectes". Il aurait dit : "mais c’est stupide. En trois ou quatre ans les insectes auront muté et votre plante ne servira plus à rien. Il faudra en faire une autre et comme il vous faut dix à douze ans pour la fabriquer vous aurez toujours du retard sur la réalité". Donc on n’est pas dans la science."
Ailleurs, en Bretagne, des scientifiques lancent d'autres alertes. "OGM et Roundup danger ou pas ?" est le titre d'un article du journal Le Télégramme du 26 février 2013. On y annonce une conférence du professeur Robert Bellé, du laboratoire CNRS de Roscoff. Il avait été, dès 2002, le premier à publier dans la revue Nature, les résultats de son étude sur "la toxicité, à faible dose, des produits à base de Roundup".
Le Roundup est massivement utilisé dans la région depuis l'interdiction, en 2003, de l'atrazine. Il colore les champs en jaune-orangé au début du printemps. Il se concentre dans les eaux des rivières mais surtout il imprègne l'air pendant les périodes d'épandage. Le professeur Bellé et son équipe ont montré que cet herbicide perturbait à très faible dose, le développement des cellules et était donc un facteur potentiel de cancers et de malformations génitales.
Dans la région, on parle également de l'atrazine. Cet herbicide reconnu cancérigène, mutagène et tératogène (provoquant mutations et malformations génétiques), a bien été interdit depuis 2003, mais, faiblement biodégradable, on le trouve encore dans l'air et dans l'eau des rivières. Une équipe de l'INSERM de Rennes (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a commencé à en traquer les effets, en Bretagne, chez les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants. Les premiers résultats sont déjà alarmants.
"Pesticides durant la grossesse, bébé trinque", titrait le journal Ouest-France en décembre 2009. Les premiers résultats de l'étude avaient été publiés. Chez 95 % des 600 femmes testées, on retrouvait des traces d'insecticides organophosphorés ; chez 30 à 40 %, des traces d'herbicides de la famille de l'atrazine, utilisés dans la culture du maïs, interdits mais toujours présents dans l'environnement et l'eau. Quel est l'impact sur la grossesse ? L'étude montrait que, même à des niveaux faibles, leur présence "augmentait les risques d'anomalie de croissance dans l'utérus, avec un faible poids de naissance, qui pouvait être un handicap pour le développement du bébé, et un périmètre crânien plus petit, ce qui n'est pas bon pour le système nerveux central".
Retour à la Sorbonne.
On y a parlé effet de serre.
La recherche et l'exploitation des gaz de schiste est le débat du moment. "Ce que je n’aime pas dans les gaz de schiste c’est l’idée que, si on les exploite, on ne va plus se poser la question de la fin des énergies fossiles puisque le terme annoncé va être reculé non pas de 15 ou 20 ans mais de beaucoup plus" déclarait Etienne Klein, physicien au CEA, "du coup on va envoyer dans l’atmosphère tout le carbone que contient la croûte terrestre. Vous parliez du réchauffement climatique, voilà à mon avis un mauvais exemple de démocratie. Alors que les scientifiques après 40 années de recherches se mettent d’accord, on crée artificiellement une controverse qui permet de justifier un débat et d’entendre sur les ondes et à la télévision toutes sortes de choses qui permettent de ne pas croire ce que nous savons".
"Ne pas croire ce que nous savons" est devenu une des attitudes les plus caractéristiques de notre époque et d'habiles manipulateurs, armés d'un discours d'allure scientifique s'emploient à semer le doute.
On y a parlé nanotechnologie.
Le sujet nous ramène au carbone. La fibre de carbone est la première à avoir révélé ses extraordinaires propriétés. Associée à des résines dans des matériaux composites elle combine légèreté et résistance. Des cannes à pêche jusqu'aux navettes spatiales ses applications se sont multipliées. Plus étranges encore les fullerènes, ces très esthétiques sphères composées d'atomes de carbone. Le premier connu est composé de 20 atomes associés en 12 pentagones et de 20 hexagones. Sa figure ressemblant aux structures géodésiques de l'architecte Fuller, il en a hérité le nom de "fullerène" ou encore celui, plus populaire de "footballène" par analogie avec le ballon de football. Dans la même catégorie on peut ranger les nanotubes et récemment le graphène, couche monoatomique de carbone aux propriétés encore à peine explorées mais qui ajoute à celle des autres matériaux de nouveaux espoirs dans les domaines de l'électronique ou de la photonique. Comment ne pas comprendre l'enthousiasme des physiciennes et physiciens, jeunes pour la plupart, engagés dans ces recherches.
Mais comment également ne pas partager les inquiétudes de celles et ceux qui voient ces produits utilisés dans des applications, au mieux inutiles, au pire dangereuses. Car la particularité des fibres et nanoparticules, l'amiante nous l'a appris, est de se concentrer dans les organes humains et d'y provoquer des dommages que seul le temps révèle.
"La recherche scientifique est désormais largement orientée en fonction des intérêts du système oligarchique, tandis que les institutions publiques de contrôle de l'activité technique ont été systématiquement affaiblies", constate Hervé Kempf, journaliste au Monde (Fin de l'Occident, naissance du monde, Seuil, 2013). "C'est ainsi que les applications d'un phénomène nouveau sont mises en œuvre avant même que ses lois soient bien comprises. Les technologies dites nouvelles sont introduites dans l'espace commun sans qu'en aient préalablement été pesés les risques et inconvénients. Et quand les choses tournent mal, ce qui est fréquent, comme dans le cas des organismes génétiquement modifiés ou de l'énergie nucléaire, la responsabilité du désastre est supportée par la collectivité et non par les opérateurs privés".
A la Sorbonne, Etienne Klein rappelait que, concernant les nanoparticules, "il y a eu un débat qui s’est déroulé dans 18 villes de France par des conférences publiques pendant une période assez longue de six mois". Mais il constatait que seulement 3000 personnes s'étaient déplacées et qu'il n'y avait eu que 30 000 clics sur le site web de la CNDP (la Commission nationale de débat public) donc un intérêt faible. "Ce qu’a montré ce débat également c’est que la technologie c’est l’impensé du politique" ajoutait-il, "puisque pendant ces six mois aucun parti politique ne s’est intéressé au débat".
Politique, le mot était lâché.
Un problème de démocratie.
"Nos politiques ne sont pas du tout à la hauteur de la démocratie qu’ils prétendent diriger" confirmait Jacques Testard, "et s’il n’y a pas plus de monde dans les fameux débats démocratiques c’est simplement que les gens savent bien que cela ne mène à rien. C’est à dire que les jeux sont faits avant qu’on lance le débat". Et le biologiste de rappeler le débat sur la centrale nucléaire EPR de Flamanville en 2006. Alors que le débat était à peine lancé, le Premier ministre Dominique de Villepin annonçait : "étant donnée les avancées du débat public en cours, nous allons construire EPR à Flamanville". Cela montre "comment nos politiques prennent au sérieux des débats qu’ils ont eux-mêmes suscités", concluait Jacques Testard.
Un autre problème est souligné par Hervé Kempf : "les élites dirigeantes sont incultes. Formées en économie, en ingénierie, en politique, elles sont souvent ignorantes en science et quasi toujours dépourvues de la moindre notion d'écologie. Le réflexe habituel d'un individu qui manque de connaissances est de négliger voire de mépriser les questions qui relèvent d'une culture qui lui est étrangère, pour privilégier les questions où il est le plus compétent. Les élites agissent de la même manière. D'où, de leur part, une sous-estimation du problème écologique" (Comment les riches détruisent la planète, Seuil, 2007).
Incultes, ignorants en science… si désamour il y a, c'est visiblement vis-à-vis d'un système politique qui a oublié le sens du mot "démocratie".
Mais cette "inculture" est-elle uniquement celle de nos "élites" ? La façon d'enseigner les sciences n'est-elle pas, elle aussi, une des raisons du manque de culture scientifique de notre société en général ?
Cultiver les sciences.
En mars 2002, était publié un rapport sur la "Désaffection des étudiants pour les études scientifiques". Présenté par un ancien président de l'Académie des sciences, il répondait à une demande du ministère de l'Education Nationale et synthétisait les contributions de sommités du monde des sciences et de l'éducation.
Le constat n'était pas nouveau et avait déjà alimenté de nombreux débats : depuis plusieurs années les lycéens et étudiants boudaient les disciplines scientifiques et particulièrement la physique et la chimie. Diagnostic : enseignements qui mériteraient d'être "rendus plus attrayants" car consistant "trop souvent en un "pensum" pour les élèves", fossé culturel entre sciences humaines et sciences "dures". La difficulté des études et la "faible attractivité des carrières scientifiques en terme de salaires" est aussi notée. Mais on n'oublie pas la mauvaise image des sciences répandue dans la population :
"la Science et la Technologie sont présentées dans les médias, et surtout dans la presse, essentiellement comme étant la source de problèmes : on ne parle que rarement de la première pour montrer que son rôle est toujours nécessaire pour révéler et comprendre ces problèmes, ni de la seconde pour dire qu'elle seule peut apporter des solutions, lesquelles sont ensuite mises en œuvre, ou ne le sont pas…"
Les rédacteurs du rapport croyaient-ils vraiment réhabiliter la science et la technologie en affirmant qu'elles ont pour rôle de révéler et corriger les problèmes qu'elles avaient elles-mêmes créés ?
"On oublie, se défendaient-ils, qu'Internet ou le téléphone portable sont des conséquences du travail de physiciens, et les immenses succès de la science finissent par créer une sorte de saturation de l'émerveillement – tout en laissant subsister l'inquiétude, p. ex. devant l'absence d'une preuve absolue (évidemment impossible à obtenir) que le téléphone portable ne donne pas de tumeurs cérébrales…"
Présenter internet et le téléphone portable comme un "immense succès de la science" n'est-ce pas justement la meilleure façon de dénaturer les sciences et particulièrement la physique. Qu'y a-t-il de science dans le téléphone portable et qu'y a-t-il d'anti-science dans les inquiétudes des personnes habitant à proximité des antennes relais qui se multiplient ?
Les rédacteurs du rapport sont plus judicieux quand ils rappellent que, parmi les atouts méritant d'être mieux exploités, il y a le fait que "la pratique de la science est une activité ludique par excellence" même s'ils constatent que "malheureusement, ceci ne se révèle que tard…"
Et justement, là est le problème. Pourquoi faudrait-il accepter que le côté ludique des sciences ne se révèle que tard, c'est-à-dire trop tard ?
Et surtout croit-on vraiment répondre au problème en appliquant la proposition n°7 de la liste des 18 actions envisagées :
"dans le domaine de l'action dans les médias, étudier la possibilité d'une série de courts clips sur le thème du caractère ludique de la science : "La Science, c'est fun", ou "La Science, c'est le pied"…"
Fort heureusement, des émissions de "culture scientifique", attractives tout en étant sérieuses, existent déjà dans les programmes radiophoniques et télévisés. Il existe également de nombreuses collections et revues de culture scientifique de bonne qualité qui ont la faveur des lecteurs. Les musées des sciences sont de plus en plus " didactiques" tout en renforçant leur approche "ludique". Le Palais de la Découverte, à Paris, est un ancêtre qui n'a pas pris de rides. Des figures de "savants" s'illustrent avec éclats et alimentent un discours qui fait encore rêver de suivre leurs traces, du médiatique Hubert Reeves qui nous fait voyager à travers les étoiles jusqu'à Serge Haroche, récent prix Nobel, qui nous invite à découvrir les mystères du plus profond de la matière. Certains médias et "médiateurs" savent faire aimer la science.
Le problème est le fossé qui se creuse de plus en plus entre cette image brillante et l'ennui qui se distille trop souvent dans les cours de sciences, au lycée comme à la faculté.
Il ne saurait être question d'analyser ici les multiples causes de cette désaffection. Pour ce qui est de la physique et de la chimie, en classes scientifiques, on peut au moins noter la modification incessante des programmes. Chaque nouvelle génération d'inspecteurs généraux et chaque nouveau ministre de l'éducation, semblant vouloir apporter sa touche de "fun" au programme précédent, il en résulte un édifice incohérent que les enseignants de base ont bien du mal à faire tenir debout. Noter aussi le "bachotage" renforcé par cette mode stupide, lancée par les médias et reprise par les ministères de l'éducation, qui consiste à noter les lycées en fonction de leur pourcentage de reçus au baccalauréat. Au-dessous de 90% l'établissement est cloué au pilori. Pour y parvenir, dans les classes scientifiques, la méthode est simple : éliminer de l'enseignement tout ce qui n'est pas directement lié à la résolution d'exercices. Comment aimer les sciences avec un tel régime ?
Noter aussi, dans une société où chacun reconnaît la place essentielle prise par les sciences et les techniques, la nocivité de la frontière qui sépare l'enseignement "purement littéraire" de l'enseignement "purement scientifique". Pourquoi faut-il absolument priver les littéraires de sciences et les scientifiques de littérature ?
Rapide plaidoyer pour l'histoire des sciences.
La littérature scientifique ne pourrait-elle pas être un moyen d'amener les "littéraires" aux sciences et les "scientifiques" aux lettres ?
En 1926, Paul Langevin, publiait un texte sur "La valeur éducative de l'Histoire des sciences". Critiquant le dogmatisme et le conservatisme des manuels qu'il traitait "d'admirables catéchismes de science expérimentale" il leur opposait le style alerte des mémoires originaux.
Combien la remarque était juste. Se contenter d'un exposé magistral au sujet d'un scientifique des siècles passés, ou sur une expérience ancienne, peut ne servir à rien d'autre qu'à encombrer encore un peu plus un cours qui ne l'est déjà souvent que trop.
Prendre le temps de feuilleter un ouvrage vieux d'un ou deux siècles, lire de la science dans une prose ancienne, reproduire si possible les manipulations décrites, ont une toute autre dimension.
Où trouver ces ouvrages ? On ne sait pas assez que nombre de bibliothèques municipales, y compris de petites villes, ont dans leurs réserves des ouvrages du 18ème siècle arrachés par les révolutionnaires aux châteaux et aux monastères. Moins rares encore sont les revues scientifiques comme La Nature, l'Année scientifique, les Causeries scientifiques… auxquelles étaient abonnées les bibliothèques des municipalités des petites villes industrielles du 19ème siècle. Les rechercher est déjà une première démarche mais aujourd'hui ont les trouve largement numérisées et accessibles sur internet. Mention spéciale pour le site du Conservatoire des Arts et Métiers (http://cnum.cnam.fr/), celui de l'Académie des Sciences (http://www.academie-sciences.fr/) où ceux spécialisés sur Ampère (www.ampere.cnrs.fr) ou Lavoisier (www.cnrs.fr/lavoisier).
Nous ne prétendrons pas ici proposer, avec l'histoire des sciences et la littérature scientifique, "le" remède au désamour dont souffre l'enseignement scientifique, d'autant plus que cette désaffection a essentiellement des causes extérieures à l'enseignement. Mais qui pourrait nous reprocher d'en avoir évoqué l'intérêt en conclusion d'un livre qui a eu pour point de départ une histoire, celle du dioxyde de carbone.
Puisque nous avons évoqué internet, nous pouvons aussi noter à quel point cet outil offre une possibilité de "recyclage", voire même de formation initiale, pour celles et ceux qui, mesurant la force et l'intérêt des sciences, ne veulent pas en laisser l'usage aux seuls technocrates.
Les sciences remède à la technocratie ?
Si les sciences sont une espèce menacée, il semble qu'elles aient trouvé refuge dans la niche écologique constituée par les associations que l'on peut regrouper sous le terme "d'associations de protection de l'environnement" ou "d'associations écologistes". Chaque région en compte plusieurs dont la qualité scientifique ne peut, pour la plupart, être mise en doute. Il est même courant que des services publics leur sous-traite des études scientifiques "de terrain". La pratique s'est à ce point généralisée que le rapport de 2002 sur la "Désaffection des étudiants pour les études scientifiques" souhaite explicitement les enrôler dans le dispositif de revalorisation de l'enseignement scientifique officiel.
"Création sur la Toile d'un portail attrayant réservé aux sites de culture scientifique et technique, aux activités des Musées et des Clubs Scientifiques, Cafés des Sciences et associations de ce domaine, des Cafés des Sciences Juniors traitant pour les lycéens de sujets du type "Sciences et Citoyens", des sites étrangers voisins (notamment des sites francophones), des Expo-Sciences, etc".
Si ces associations occupent un terrain didactique abandonné par l'éducation nationale, beaucoup d'entre elles, et en particulier les plus importantes, se sont créées par la nécessité d'opposer un discours scientifique à une atteinte locale ou généralisée à leur environnement naturel ou humain. Elles peuvent être animées par des scientifiques professionnels, enseignants, chercheurs… mais le plus souvent par des autodidactes dont le bagage scientifique met à mal bien des "experts" officiels. Elles créent leurs "laboratoires indépendants" employant des ingénieurs et techniciens dotés des diplômes délivrés par l'Université. Elles ont leurs propres juristes qui se sont souvent formés au travers de luttes de terrain. Elles savent rechercher sur internet les sources fiables et échanger avec d'autres leurs propres productions.
C'est la Criirad (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité), et non pas un service de l'Etat, qui a informé les populations concernées de la nature et des risques des retombées radioactives après Tchernobyl et qui aide les ONG japonaises à s'équiper après la catastrophe de Fukushima. Le Criigen (Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le Génie génétique) s'est créé sur le même principe.
Ces associations ont une caractéristique commune : elles ne rejettent pas les sciences. Bien au contraire la plupart de leurs animatrices et animateurs affichent leur amour des sciences. C'est par l'enrichissement de leur réflexion scientifique qu'elles entendent combattre les choix technocratiques qu'on leur impose.
Noter aussi que ce sont les associations qui soutiennent ces lanceurs d'alerte qui, issus du monde scientifique, sont trop souvent dénigrés par leur milieu d'origine. Exemple : ce sont essentiellement les associations qui popularisent les conclusions et propositions des scientifiques regroupés dans le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) alors que d'autres "scientifiques" font valoir leurs titres académiques pour les combattre. Supprimer ?
"Une autre science est possible ! " est le titre d'un récent ouvrage de la philosophe des sciences, Isabelle Stengers. Elle y plaide pour une pour "une intelligence publique de la science" qui passerait par la collaboration entre "spécialistes" et "connaisseurs" et pour une culture scientifique "active" :
"une culture active implique la production conjointe de spécialistes et de connaisseurs avertis, capables d'évaluer le genre d'information qu'on leur donne, d'en discuter la pertinence, de faire la différence entre simple propagande et pari risqué.
L'existence de tels connaisseurs, ou amateurs, constitue pour les spécialistes un milieu exigeant, qui les contraint à entretenir avec ce qu'ils proposent un rapport "cultivé" – ils savent le danger de passer sous silence les points faibles, car ceux et celles à qui ils s'adressent feront attention aussi bien à ce qui est affirmé qu'à ce qui est négligé ou omis".
Les germes de la "science civilisée", pour laquelle plaide Isabelle Stengers, sont peut-être déjà en œuvre dans ces groupes de scientifiques critiques et dans ces associations.
Les germes de la "science civilisée", pour laquelle plaide Isabelle Stengers, sont peut-être déjà en œuvre dans cette convergence entre scientifiques critiques et "connaisseurs" associatifs.
par Gérard Borvon.
Cicatrice de la science : parfois un mot, un nom, une expression, une règle, semblent échapper à toute la logique que l'on attendrait des sciences. De quoi irriter l'apprenti scientifique. Un retour sur l'histoire de la discipline est alors nécessaire et nous rappelle que la science est une activité humaine, une activité vivante, qui porte parfois les cicatrices de son passé.
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L'apprenti chimiste débutant dans l'étude des alcanes se trouve soudain devant l'obstacle que constitue le nom des quatre premiers corps.
Rappelons que la formule d'un alcane est CnH2n+2. A partir de n=5 la nomenclature ne pose aucun problème. La numération grecque est mise à contribution. Le pentane comprend 5 atomes de carbone, puis viennent l'hexane, l'heptane, l'octane, etc.
Formule de l'octane linéaire.
Formule de l'iso-octane (2.2.4-triméthylpentane) qui sert de référence pour l'indice de l'essence pour automobiles.
Reste que les quatre premiers doivent être appris par coeur : méthane, éthane, propane, butane ! Quatre cicatrices qui méritent explication.
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Méthane, CH4 :
Le corps, initialement connu comme "gaz des marais", a été isolé et étudié par Volta. Son nom lui vient d'un alcool naturel connu depuis l'antiquité : l'alcool de bois dont la composition (CH3OH) a été déterminée en 1834 par les chimistes Jean-Baptiste Dumas et Eugène-Melchior Péligot. Ceux-ci ont voulu rappeler l'origine de ce produit, un alcool issu du bois, en le désignant du nom de méthylène à, partir du grec methy (vin) et hylè (bois). Le préfixe méth a été conservé dans alcool méthylique ou méthanol. On le retrouve dans méthane. Le suffixe yl sera conservé pour désigner les radicaux des différents alcanes. Noter que le terme alcane lui même est dérivé de alcool, mot d'origine arabe.
méthanol
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Ethane, C2H6 :
Depuis l'antiquité, l'éther désigne l'imperceptible élément dans lequel se meuvent les étoiles. Le mot sera ensuite utilisé pour désigner tous fluide gazeux peu dense ou des milieux hypothétiques tels que l'éther lumineux. Le premier des éthers a été produit par les alchimistes par action du vitriol (acide sulfurique) sur l'esprit de vin (notre alcool éthylique ou éthanol, C2H5OH, comportant deux carbones) et rapidement sa propriété anesthésiante a été observée. Ainsi Eth est devenu le préfixe du deuxième des alcanes.
éthanol
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Propane, C3H8 :
Son nom provient de l'acide gras correspondant. Un acide gras comporte une longue chaîne carbonée liée à une fonction acide -COOH. L'acide C2H5-COOH a été ainsi considéré comme le premier d'entre eux. Jean-Baptiste Dumas lui avait initialement donné le nom de propionique (du grec protos, premier, et pion, gras). Devenu acide propanoïque, il a donné son nom au propane.
acide propanoïque
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Butane, C4H10 :
C'est encore un acide gras qui lui donne son nom. L'acide butyrique acide butanoïque doit son nom au beurre (bouturos en grec) auquel il donne une ôdeur rance. Sa formule C3H7-COOH correspond à une chaîne comprenant 4 carbones d'où le nom du butane.
acide butanoïque
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Suivre le parcours de l’oxygène depuis les grimoires des alchimistes jusqu’aux laboratoires des chimistes, avant qu’il n’investisse notre environnement quotidien.
Aujourd’hui, les formules chimiques O2, H2O, CO2,… se sont échappées des traités de chimie et des livres scolaires pour se mêler au vocabulaire de notre quotidien. Parmi eux, l’oxygène, à la fois symbole de vie et nouvel élixir de jouvence, a résolument quitté les laboratoires des chimistes pour devenir source d’inspiration poétique, picturale, musicale et objet de nouveaux mythes.
À travers cette histoire de l’oxygène, foisonnante de récits qui se côtoient, s’opposent et se mêlent, l’auteur présente une chimie avant les formules et les équations, et montre qu’elle n’est pas seulement affaire de laboratoires et d’industrie, mais élément à part entière de la culture humaine.
Ainsi l’ouvrage propose de de suivre le parcours de l’oxygène, depuis les grimoires des alchimistes jusqu’aux laboratoires des chimistes, avant qu’il n’investisse notre environnement quotidien.
La chimie n’est pas uniquement affaire de formules et d’équations. Cette histoire, qui nous mènera de l’Extrême-Orient à l’Europe en passant par l’Égypte, est foisonnante de récits qui s’y côtoient, s’y opposent et s’y fusionnent.
Au temps des alchimistes et de leurs hermétiques grimoires, ce savoir sentait le soufre. Il dégageait encore les mêmes effluves associés aux mêmes mystères dans les laboratoires des chimistes des XVIIIe et XIXe siècles, leurs successeurs.
Aujourd’hui, les formules H²O et CO² se sont échappées des laboratoires et des livres scolaires pour se mêler au vocabulaire du quotidien. Frapper « H²O » sur un moteur de recherche internet, c’est se voir proposer trente millions de liens qui vont d’une société de nettoyage à une adresse de discothèque, en passant par un fabricant de parapluies ou un groupe musical américain de punk-hardcore.
Parler de CO² dans notre début de XXIe siècle gaspilleur d’énergies fossiles, c’est désigner l’ennemi n° 1 de notre climat, en oubliant parfois que c’est aussi l’aliment nécessaire aux plantes et à la vie animale.
Ces formules, devenues banales, sont - nous le verrons - l’aboutissement d’une histoire ancienne et mouvementée.
Chacun de la centaine d’éléments chimiques qui composent le tableau périodique pourrait donner lieu à un récit. Nous avons choisi de parler de l’oxygène, le nouvel élixir qui a résolument quitté le laboratoire du chimiste pour devenir le symbole de la vie. Celle du corps, mais aussi celle de l’esprit.
Ce récit sera, dans le même temps, l’occasion de tracer, à grands traits, une histoire de la chimie, à laquelle notre personnage central servira de fil conducteur.
Avec les philosophes grecs du Ve siècle avant notre ère - Empédocle, puis Platon et Aristote -, nous rencontrerons les quatre éléments - l’air, l’eau, le feu et la terre -, qui sont toujours très présents dans notre inconscient collectif. Ce récit nous mènera, ensuite, dans les laboratoires des alchimistes et ce jusqu’au XVIIe siècle, avec les recettes de l’un des derniers d’entre eux, l’Allemand Johann Rudolph Glauber.
Plus tard, nous rencontrerons ceux qui se sont affichés comme étant les premiers véritables chimistes, les Stahl, Macquer, Priestley, Cavendish... avant d’arriver à la « révolution lavoisienne ». Au fil de leurs découvertes, les quatre éléments des philosophes sembleront alors définitivement anéantis, mais, naissant de leurs cendres, sortira un nouveau Phénix : l’Oxygène.
L’Oxygène, conçu par Lavoisier comme le pilier d’une science académique capable, par sa rigueur, de rivaliser avec la physique et les mathématiques. Une science se voulant dépouillée de toute la magie des chimies précédentes.
L’Oxygène qui, cependant, échappera à son créateur et deviendra source d’inspiration poétique, picturale, musicale, et même objet de nouveaux mythes.
La chimie est parfois perçue comme menaçante. Elle peut l’être, elle l’est souvent. Pouvoir et savoir ne font pas toujours bon ménage. Tout au long de cette « histoire de l’oxygène », nous souhaitons évoquer cette chimie qui cherche d’abord à interroger la Nature. Une chimie qui n’est pas seulement affaire de laboratoires et d’industrie, mais élément, à part entière, de la culture humaine.
Voir aussi sur le site Culture Sciences Chimie :
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Empédocle (490-435 av JC)
Platon (428-348 av JC)
Aristote (384-322 av JC)
Un modèle d'une grande puissance évocatrice
Des quatre éléments aux quatre humeurs
Les quatre éléments un modèle durable
Le temps des alchimistes.
Le creuset d'Alexandrie
Le feu et l'Athanor, "fourneau des Philosophes"
De la "manière de distiller"
La chasse aux "esprits" acides
Bains-marie, cornues, retortes, alambics,
pélicans et autres cucurbites
Le soufre, le mercure, le sel des philosophes et la transmutation des métaux.
Le soufre, le mercure et le sel des philosophes
Le soufre
Le mercure
Le sel
Les symboles
Au moment de quitter l'alchimie
Georg Ernst Stahl (1659-1734), de l'élément Feu jusqu'au Phlogistique.
Le sel, le mercure, le soufre, de l'alchimie à la chimie.
Du "principe sulfureux" au "principe inflammable" : le Phlogistique L'importance de l'expérience des métallurgistes
Un modèle diffusé par les chimistes français
Jean-Baptiste Van Helmont (1577-1644) et le Gas sylvestre
Stephen Hales (1677-1761) et l'air "amphibie"
Joseph Black (1728-1799) et l'air fixe.
Henry Cavendish (1731-1810) de l'air fixe à l'air inflammable
Joseph Priestley (1733-1804), air nitreux, air déphlogistiqué et autres airs Karl-Wilhelm Scheele (1742-1786) et l'air du feu
1774-1777 : chasseur d'airs et phlogisticien
L'air est le mélange de deux "fluides élastiques"
1777. Le Phlogistique n'existe pas.
Quand l'air vital devient "air acidifiant" : le principe oxygine
Lavoisier. De l'offensive antiphlogistique aux trois états de la matière.
Le phlogistique n'existe pas mais la chaleur existe. Laplace et Lavoisier l'ont mesurée
La matière dans ses trois états
L'eau n'est pas un élément. Lavoisier le prouve.
L'eau n'est pas un élément. Sa synthèse
L'eau n'est pas un élément. Sa décomposition
Les quatre éléments ont vécu
Perfectionner la langue des chimistes pour perfectionner la chimie. Guyton de Morveau (1737-1816), l'initiateur.
Guyton de Morveau pour une chimie européenne
L'intervention des chimistes français
Le groupe des "chimistes français"
La nomenclature de Guyton de Morveau revisitée par Lavoisier
Lavoisier : du passé faire table rase.
Les cinq premiers principes et la naissance de l'oxygène,
de l'hydrogène et de l'azote.
.Quand l'air déphlogistiqué devient gaz oxygène.
.Quand le gaz inflammable devient hydrogène
.Quand l'air phlogistiqué devient azote
L'oxygène, les acides, les sels et la langue française
.Soufre, sulfurique, sulfureux, sulfate, sulfite, sulfure
.Le Phosphore
.Le Carbone
Les métaux et leur longue histoire
.Quand le nom d'un métal rappelle une vieille légende
.Après 1800 : le temps des métaux en "ium"
Les acides et les oxydes
Les terres
Les alcalis
Derrière la Nomenclature une méthode
Lavoisier, la chimie et les langues
Une réception "nuancée" de la part des académiciens français
Des mots durs, barbares, qui choquent l'oreille
La guerre contre l'oxygène est déclarée
Oubliez ces carbonates, ces carbures…
La nomenclature se défend
La victoire de l'Oxygène
La naissance du courant continu : la pile de Volta.
La pile, l'eau, l'oxygène et l'hydrogène
Davy (1778-1829), la pile, la chimie, l'oxygène et la course
aux nouveaux éléments.
Quand l'oxygène et l'hydrogène mesurent le courant électrique
Oxygène : L'atome, la molécule et l'ion.
L'atome
De l'atome à la molécule. Quand l'eau devient H2O et le gaz oxygène O2 Comme l'oxygène, l'atome doit s'imposer
J.J Thomson et l'électron
La structure de l'atome de Thomson à Rutherford
L' électronégativité absolue de l'oxygène
L'Oxygène base des masses atomiques Nomenclature : le chef-d'œuvre français revu par le "génie" suédois. Symboles et équations chimiques
Le tableau de Mendeleïev
En classe avec Mendeleïev
Au Japon, le tableau de Mendeleïev à l'école maternelle
La chimie est-elle une science française ?
L'oxygène, le mal nommé
L'hydrogène, le vrai générateur d'acides Des oxydations sans oxygène
Dialogue imaginaire
Oxygène, oxydation… les mots se sont émancipés
Oxygène, Hydrogène, Carbone, Azote. Les quatre nouveaux éléments de la vie.
Lavoisier et le début d'une chimie organique
Une "loi" ou un "principe" ?
Lavoisier, Séguin et la chimie de la vie.
Du fonctionnement du corps humain à celui de la société, ou de l'oxygène à la révolution
A la base des être vivants : le carbone
L'Azote, bien ou mal nommé ?
L'Azote générateur de vie
L'apparition des éléments
Naissance de la Planète bleue
Quand s'assemblent les molécules du vivant
De Lavoisier à Jean-Michel Jarre
Voyage en Oxygénie
Peur de la chimie ?
Besoin d'oxygène ?