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23 septembre 2016 5 23 /09 /septembre /2016 07:30

 

 

1976. En Bretagne débutait la mobilisation contre un projet de centrale nucléaire à Plogoff dans la Pointe de Raz.

 

Et voilà ce titre qui nous parle d'écologie. Et voilà ces vagues de sons électroniques qui rompent avec tout ce qui a été entendu jusqu'alors. Et voilà cette pochette de Michel Granger, ce crâne encore saignant sortant du bleu de la Planète Terre.

 

Avec Jean Michel Jarre un mot de la chimie entrait dans le domaine du rêve, de la poésie. Je m'en suis souvenu en écrivant une "Histoire de l'Oxygène, de l'alchimie à la chimie". Le livre s'ouvre sur Empédocle, philosophe grec du 4ème siècle avant notre ère, qui initie la théorie des quatre éléments sous une forme poétique. Il se termine avec Jean Michel Jarre qui, peut-être sans que j'en sois conscient, m'a servi de fil conducteur dans ce récit.

 

 

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10 septembre 2016 6 10 /09 /septembre /2016 13:39

 

Ecouter l'émission de la Marche des sciences.

 

L'ambition de La Marche des Sciences fut de montrer que le passé éclaire l'avenir, que le scientifique ne vit pas dans sa tour d'ivoire et que le fossé traditionnel entre sciences et lettres, qui perdure encore aujourd'hui, pourrait être aboli.

Après sept ans d’histoire des sciences sur France Culture, et pour clore l’aventure, La Marche des Sciences consacre sa dernière émission à l'importance des sciences et de leur histoire dans la société d'aujourd'hui.

 

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15 août 2016 1 15 /08 /août /2016 10:17

par Gérard Borvon

 

 

 

Carbone et CO2, Elixir ou Poison ?

 

Telle est la question que je pose en introduction du livre que j'ai écrit sous le titre "Histoire du carbone et du CO2" (Vuibert, 2013). Notre époque voit d'abord, et comment s'en étonner, dans le dioxyde de carbone libéré par l'activité humaine, le responsable de ce réchauffement de l'atmosphère qui perturbe l'ensemble de la Planète et met en danger de larges parts de l'Humanité.

 

 

Pourtant sans le dioxyde de carbone aucune vie n'existerait sur Terre et des générations de scientifiques ont été nécessaires avant que nous le comprenions. Transformer ce gaz dont ils ont eu tant de difficultés à faire valoir le rôle essentiel en une menace pour la vie ajoute au scandale de cet "anthopocène" dont on ne mesure pas encore où il conduira l'espèce humaine et les autres espèces vivantes avec lui.

 

Car la diabolisation du carbone n'est qu'un élément d'une question plus générale : faut-il avoir peur de la chimie ? (titre du livre de Bernadette Bensaude-Vincent, Seuil, 2005). Ou plus généralement, faut-il avoir peur des sciences ?

 

Question douloureuse pour qui a la passion des sciences, de leur histoire, de leur part de rêve, de la soif de connaître qu'elles alimentent, de la façon dont elles contribuent à nous libérer des vieilles peurs et des vieilles douleurs. Et pourtant la question est d'une brûlante actualité : les "sciences" font peur.

 

Un débat à la Sorbonne.

 

En mars 2013, s'est tenue à la Sorbonne une table ronde retransmise, par France-Culture, dans le cadre de l'émission "Science publique". Son thème : "La science est-elle le problème ou la solution ? ".

 

En introduction, Michel Alberganti, l'animateur, rappelait le contexte :

 

"Nous n’aurions pas eu l’idée de débattre d’un tel sujet il y a cent ans, ni même, sans doute, 50 ans, ni, peut-être, 30 ans. Mais en 1986, il y a 27 ans, s’est produite la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Et c’est peut-être à ce moment, plus encore qu’après la bombe atomique, que le doute a commencé à s’installer. Pour la première fois, une activité civile fondée sur la science et la technologie engendrait un drame humain de très grande ampleur. Avant même cet événement traumatisant, René Dumont avait plaidé en faveur des thèses qui allaient fonder le mouvement écologiste ".

 

Débattre de la science et de la vie il y a cent ans ?

 

Ayons la curiosité d'y aller voir. C'est justement il y a cent ans, le 1er avril 1913, que paraissait le premier numéro d'une revue promise à un long succès : "La Science et la Vie", devenu "Science et Vie".

 

 

Côté "Vie", on pouvait y lire un article sur "Les grands chirurgiens français d'aujourd'hui" ou encore un article sur les "petits agents de la mort", mouches, puces, moustiques… Et même, déjà, un article sur "La répression des fraudes alimentaire", avec une citation du professeur et académicien Paul Brouardel :

 

"Quand un homme a pris le matin, à son premier déjeuner, du lait conservé par l'aldéhyde formique, quand il a mangé à midi une tranche de jambon contenant du borax, accompagnée d'épinards verdis par du sulfate cuivre, quand il a arrosé cela d'une demi-bouteille de vin fuchsiné ou plâtré à l'excès, et cela pendant vingt ans, comment voulez-vous que cet homme ait encore un estomac ? ". Première alerte, donc, contre la "malbouffe".

 

Mais, dès les premières pages de la revue le lecteur avait été invité à suivre "La naissance, la vie et la mort d'un canon". La couverture de la revue représentait d'ailleurs l'usinage de ce fameux canon, avec, au premier plan, un officier, sabre au côté, surveillant l'opération.

 

Poursuivant leur lecture jusqu'aux dernières pages, un lecteur ou une lectrice, pouvaient également y lire un article de Gabriel Lippmann, prix Nobel de Physique en 1908. Celui-ci, sous le titre "La science et la vie", entendait montrer comment "la science joue dans notre vie un rôle immense" et à quel point "elle fait essentiellement partie de notre avenir comme de notre passé".

 

L'invention de la roue, du bateau, de l'imprimerie, ont, écrivait-il, "créé l'époque moderne". Mais il y ajoutait la poudre :

"Car il n'est pas jusqu'à l'artillerie qui ne soit un instrument de progrès, j'allais dire de paix et de progrès, à condition qu'elle soit de plus en plus savante".

 

Le discours était dans l'esprit du temps : la science devait être au service de la guerre et la guerre au service de l'industrie, du commerce… et de la science ! La démonstration qu'en faisait Lippmann mérite qu'on y jette un coup d'œil.

 

"Le boulet rond et le canon de bois, écrivait-il, ont suffit pour détruire le morcellement féodal et donner l'essor aux grandes nations. Aujourd'hui nous sommes plus avancés : nous avons une technique si perfectionnée que pour en tirer parti et surtout pour les perfectionner davantage, ce qui devient pour chacun une nécessité, il faut à chaque pays une foule de soldats suffisamment intelligents, d'officiers instruits, et par conséquent de corps savants et des écoles de haut enseignement bien organisées.

De plus, tout cela coûte horriblement cher, même en temps de paix. Aussi faut-il, pour porter le fardeau croissant des milliards, des revenus considérables ; c'est-à-dire une forte industrie ; c'est-à-dire un grand nombre d'industriels éclairés, de commerçants qui comprennent leur siècle ; il faut, en un mot, une classe bourgeoise cultivée".

 

A ce texte effarant d'un "savant", mettant la science au service du massacre qui allait, dans peu de temps, engloutir des millions d'hommes, il faut opposer le "discours à la jeunesse" de Jaurès, lu le 10 juillet 1903 devant les élèves du lycée d'Albi et la célèbre phrase :

"L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement".

 

Un texte dont l'actualité ne peut nous échapper :

"? [.] J’ose dire, avec des millions d’hommes, que maintenant la grande paix humaine est possible, et si nous le voulons, elle est prochaine. Des forces neuves y travaillent : la démocratie, la science méthodique, l’universel prolétariat solidaire.

La guerre devient plus difficile, parce qu’avec les gouvernements libres des démocraties modernes, elle devient à la fois le péril de tous par le service universel, le crime de tous par le suffrage universel.

La guerre devient plus difficile parce que la science enveloppe tous les peuples dans un réseau multiplié, dans un tissu plus serré tous les jours de relations, d’échanges, de conventions ; et si le premier effet des découvertes qui abolissent les distances est parfois d’aggraver les froissements, elles créent à la longue une solidarité, une familiarité humaine qui font de la guerre un attentat monstrueux et une sorte de suicide collectif".

Dans le siècle qui allait suivre c'est, hélas, le sombre tableau dressé par Lippmann qui allait s'imposer.

 

Débattre il y a cinquante ans ?

 

En 1960 la première bombe atomique française explosait à Reggane, dans le Sahara algérien. Quinze ans plus tôt, le 18 octobre 1945, le général de Gaulle avait signé le décret de création du Commissariat à l'Energie Atomique, le CEA. C'était trois mois après l'explosion des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. La presse avait alors titré sur une victoire de la science, et de la science française en particulier. "L'Amérique vient de révéler au monde une découverte scientifique qui est bien la plus sensationnelle du siècle", annonçait L'Humanité du 8 août 1945.

 

"La libération de l'énergie atomique, problème sur lequel se penchaient dès avant la guerre les physiciens les plus éminents de tous les pays, vient d'être réalisée. Son emploi dans la guerre contre le Japon, sous la forme d'une bombe dont la puissance est terrifiante, montre bien que cette découverte change la face de la guerre moderne. Elle peut aussi, dans peu d'années, changer la face économique du monde. Il convient aujourd'hui d'expliquer aussi clairement que possible ce qu'est cette énergie, d'où elle provient, et de situer la part qu'ont prise les savants français, et en particulier Frédéric Joliot-Curie, dans les travaux et les recherches qui ont permis cette conquête monumentale de l'homme".

 

Comme Jaurès en 1905, il fallait un Albert Camus pour sauver l'honneur des intellectuels français.

 

 

"Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique", écrivait-il dans l'éditorial du journal Combat de ce même 8 août 1945.

 

"On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.

En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songera à s'en étonner".

 

Oui, c'était bien la science qui s'était consacrée au meurtre organisé. Les promoteurs du projet Manhattan étaient bien des "savants", des "Prix Nobel".

 

Aujourd'hui, tout enseignant qui initie ses élèves aux mystères du noyau atomique, qui explique les phénomènes naturels que sont la radioactivité, la fission et la fusion nucléaire, ne peut chasser de son esprit le fait que la première apparition publique de la science nucléaire a été la mort immédiate et la souffrance prolongée de centaines de milliers de personnes.

 

Pourtant l'aventure de la découverte de la radioactivité mérite d'être enseignée : l'intuition de Becquerel étudiant la phosphorescence de l'uranium, la volonté et l'énergie de Marie Curie découvrant le Polonium puis le Radium, l'enthousiasme de Rutherford, de Bohr et de tous les physiciens qui ont éclairé la structure de l'atome, la pensée révolutionnaire de Einstein établissant le lien entre masse et énergie...

 

C'est encore cette découverte historique qui nous éclaire sur la nature de l'Univers : le big-bang, la formation des galaxies, des étoiles, des atomes… Toute cette science qui nous a appris, suivant une expression devenue célèbre, que nous sommes des "poussières d'étoiles", commence avec la découverte, il y a à peine plus d'un siècle, de la radioactivité et des phénomènes nucléaires.

 

Plus près de nous : le soleil dont la lumière est l'autre source de la vie terrestre. C'est, à nouveau, la physique nucléaire qui nous explique la libération d'énergie provoquée par les phénomènes de "fusion" au cœur de notre étoile. Mais comment en parler sans évoquer la folie humaine qui, en utilisant le même principe, a construit et disséminé les milliers de bombes dont une seule peut, en un instant, déclencher le cataclysme qui anéantira l'essentiel de la vie terrestre ?

 

Peut-on faire oublier le danger en affirmant que le nucléaire c'est aussi une énergie pour la paix.

 

Qui peut être dupe ? Les premières "piles atomiques" ont été construites pour produire les éléments nécessaires aux bombes. Les premiers "réacteurs nucléaires" ont équipé des sous-marins qui n'avaient rien de pacifiques. Les pays qui ont mis en place un programme de centrales électriques nucléaires sont aussi ceux qui avaient pour objectif premier la fabrication de bombes. Ceux qui cherchent à le faire aujourd'hui veulent surtout entrer dans le club fermé des "grands", ceux qui disposent de la menace nucléaire.

 

Atome pour la paix, nous disait-on. Atome sans danger, voulait-on nous faire croire. Et il y a eu Three Mile Island en 1979, Tchernobyl en en 1986, Fukushima en 2011. Alors oui, il est temps après un si long silence, que des amoureux des sciences, que des scientifiques disent stop !

 

A l'évidence les temps ont changé et il faut reconnaître que les scientifiques présents à la tribune du colloque de la Sorbonne le prouvaient en exprimant avec force ces "vérités qui dérangent".

 

Lanceurs d'alerte.

 

On y a parlé organisme génétiquement modifiés.

Le biologiste Jacques Testard y montrait que le problème n'avait rien de "scientifique" et que bien au contraire la démarche était clairement une "usurpation de la science" : "si on avait demandé à Darwin : "qu’est-ce que vous pensez de l’idée de fabriquer une plante qui va fabriquer son insecticide et donc détruire les insectes". Il aurait dit : "mais c’est stupide. En trois ou quatre ans les insectes auront muté et votre plante ne servira plus à rien. Il faudra en faire une autre et comme il vous faut dix à douze ans pour la fabriquer vous aurez toujours du retard sur la réalité". Donc on n’est pas dans la science."

 

Ailleurs, en Bretagne, des scientifiques lancent d'autres alertes. "OGM et Roundup danger ou pas ?" est le titre d'un article du journal Le Télégramme du 26 février 2013. On y annonce une conférence du professeur Robert Bellé, du laboratoire CNRS de Roscoff. Il avait été, dès 2002, le premier à publier dans la revue Nature, les résultats de son étude sur "la toxicité, à faible dose, des produits à base de Roundup".

 

Le Roundup est massivement utilisé dans la région depuis l'interdiction, en 2003, de l'atrazine. Il colore les champs en jaune-orangé au début du printemps. Il se concentre dans les eaux des rivières mais surtout il imprègne l'air pendant les périodes d'épandage. Le professeur Bellé et son équipe ont montré que cet herbicide perturbait à très faible dose, le développement des cellules et était donc un facteur potentiel de cancers et de malformations génitales.

 

Dans la région, on parle également de l'atrazine. Cet herbicide reconnu cancérigène, mutagène et tératogène (provoquant mutations et malformations génétiques), a bien été interdit depuis 2003, mais, faiblement biodégradable, on le trouve encore dans l'air et dans l'eau des rivières. Une équipe de l'INSERM de Rennes (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a commencé à en traquer les effets, en Bretagne, chez les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants. Les premiers résultats sont déjà alarmants.

 

"Pesticides durant la grossesse, bébé trinque", titrait le journal Ouest-France en décembre 2009. Les premiers résultats de l'étude avaient été publiés. Chez 95 % des 600 femmes testées, on retrouvait des traces d'insecticides organophosphorés ; chez 30 à 40 %, des traces d'herbicides de la famille de l'atrazine, utilisés dans la culture du maïs, interdits mais toujours présents dans l'environnement et l'eau. Quel est l'impact sur la grossesse ? L'étude montrait que, même à des niveaux faibles, leur présence "augmentait les risques d'anomalie de croissance dans l'utérus, avec un faible poids de naissance, qui pouvait être un handicap pour le développement du bébé, et un périmètre crânien plus petit, ce qui n'est pas bon pour le système nerveux central".

 

Retour à la Sorbonne.

 

On y a parlé effet de serre.

La recherche et l'exploitation des gaz de schiste est le débat du moment. "Ce que je n’aime pas dans les gaz de schiste c’est l’idée que, si on les exploite, on ne va plus se poser la question de la fin des énergies fossiles puisque le terme annoncé va être reculé non pas de 15 ou 20 ans mais de beaucoup plus" déclarait Etienne Klein, physicien au CEA, "du coup on va envoyer dans l’atmosphère tout le carbone que contient la croûte terrestre. Vous parliez du réchauffement climatique, voilà à mon avis un mauvais exemple de démocratie. Alors que les scientifiques après 40 années de recherches se mettent d’accord, on crée artificiellement une controverse qui permet de justifier un débat et d’entendre sur les ondes et à la télévision toutes sortes de choses qui permettent de ne pas croire ce que nous savons".

 

"Ne pas croire ce que nous savons" est devenu une des attitudes les plus caractéristiques de notre époque et d'habiles manipulateurs, armés d'un discours d'allure scientifique s'emploient à semer le doute.

 

On y a parlé nanotechnologie.

Le sujet nous ramène au carbone. La fibre de carbone est la première à avoir révélé ses extraordinaires propriétés. Associée à des résines dans des matériaux composites elle combine légèreté et résistance. Des cannes à pêche jusqu'aux navettes spatiales ses applications se sont multipliées. Plus étranges encore les fullerènes, ces très esthétiques sphères composées d'atomes de carbone. Le premier connu est composé de 20 atomes associés en 12 pentagones et de 20 hexagones. Sa figure ressemblant aux structures géodésiques de l'architecte Fuller, il en a hérité le nom de "fullerène" ou encore celui, plus populaire de "footballène" par analogie avec le ballon de football. Dans la même catégorie on peut ranger les nanotubes et récemment le graphène, couche monoatomique de carbone aux propriétés encore à peine explorées mais qui ajoute à celle des autres matériaux de nouveaux espoirs dans les domaines de l'électronique ou de la photonique. Comment ne pas comprendre l'enthousiasme des physiciennes et physiciens, jeunes pour la plupart, engagés dans ces recherches.

 

Mais comment également ne pas partager les inquiétudes de celles et ceux qui voient ces produits utilisés dans des applications, au mieux inutiles, au pire dangereuses. Car la particularité des fibres et nanoparticules, l'amiante nous l'a appris, est de se concentrer dans les organes humains et d'y provoquer des dommages que seul le temps révèle.

 

"La recherche scientifique est désormais largement orientée en fonction des intérêts du système oligarchique, tandis que les institutions publiques de contrôle de l'activité technique ont été systématiquement affaiblies", constate Hervé Kempf, journaliste au Monde (Fin de l'Occident, naissance du monde, Seuil, 2013). "C'est ainsi que les applications d'un phénomène nouveau sont mises en œuvre avant même que ses lois soient bien comprises. Les technologies dites nouvelles sont introduites dans l'espace commun sans qu'en aient préalablement été pesés les risques et inconvénients. Et quand les choses tournent mal, ce qui est fréquent, comme dans le cas des organismes génétiquement modifiés ou de l'énergie nucléaire, la responsabilité du désastre est supportée par la collectivité et non par les opérateurs privés".

 

A la Sorbonne, Etienne Klein rappelait que, concernant les nanoparticules, "il y a eu un débat qui s’est déroulé dans 18 villes de France par des conférences publiques pendant une période assez longue de six mois". Mais il constatait que seulement 3000 personnes s'étaient déplacées et qu'il n'y avait eu que 30 000 clics sur le site web de la CNDP (la Commission nationale de débat public) donc un intérêt faible. "Ce qu’a montré ce débat également c’est que la technologie c’est l’impensé du politique" ajoutait-il, "puisque pendant ces six mois aucun parti politique ne s’est intéressé au débat".

Politique, le mot était lâché.

 

Un problème de démocratie.

 

"Nos politiques ne sont pas du tout à la hauteur de la démocratie qu’ils prétendent diriger" confirmait Jacques Testard, "et s’il n’y a pas plus de monde dans les fameux débats démocratiques c’est simplement que les gens savent bien que cela ne mène à rien. C’est à dire que les jeux sont faits avant qu’on lance le débat". Et le biologiste de rappeler le débat sur la centrale nucléaire EPR de Flamanville en 2006. Alors que le débat était à peine lancé, le Premier ministre Dominique de Villepin annonçait : "étant donnée les avancées du débat public en cours, nous allons construire EPR à Flamanville". Cela montre "comment nos politiques prennent au sérieux des débats qu’ils ont eux-mêmes suscités", concluait Jacques Testard.

 

Un autre problème est souligné par Hervé Kempf : "les élites dirigeantes sont incultes. Formées en économie, en ingénierie, en politique, elles sont souvent ignorantes en science et quasi toujours dépourvues de la moindre notion d'écologie. Le réflexe habituel d'un individu qui manque de connaissances est de négliger voire de mépriser les questions qui relèvent d'une culture qui lui est étrangère, pour privilégier les questions où il est le plus compétent. Les élites agissent de la même manière. D'où, de leur part, une sous-estimation du problème écologique" (Comment les riches détruisent la planète, Seuil, 2007).

 

Incultes, ignorants en science… si désamour il y a, c'est visiblement vis-à-vis d'un système politique qui a oublié le sens du mot "démocratie".

Mais cette "inculture" est-elle uniquement celle de nos "élites" ? La façon d'enseigner les sciences n'est-elle pas, elle aussi, une des raisons du manque de culture scientifique de notre société en général ?

 

Cultiver les sciences.

 

En mars 2002, était publié un rapport sur la "Désaffection des étudiants pour les études scientifiques". Présenté par un ancien président de l'Académie des sciences, il répondait à une demande du ministère de l'Education Nationale et synthétisait les contributions de sommités du monde des sciences et de l'éducation.

 

Le constat n'était pas nouveau et avait déjà alimenté de nombreux débats : depuis plusieurs années les lycéens et étudiants boudaient les disciplines scientifiques et particulièrement la physique et la chimie. Diagnostic : enseignements qui mériteraient d'être "rendus plus attrayants" car consistant "trop souvent en un "pensum" pour les élèves", fossé culturel entre sciences humaines et sciences "dures". La difficulté des études et la "faible attractivité des carrières scientifiques en terme de salaires" est aussi notée. Mais on n'oublie pas la mauvaise image des sciences répandue dans la population :

 

"la Science et la Technologie sont présentées dans les médias, et surtout dans la presse, essentiellement comme étant la source de problèmes : on ne parle que rarement de la première pour montrer que son rôle est toujours nécessaire pour révéler et comprendre ces problèmes, ni de la seconde pour dire qu'elle seule peut apporter des solutions, lesquelles sont ensuite mises en œuvre, ou ne le sont pas…"

 

Les rédacteurs du rapport croyaient-ils vraiment réhabiliter la science et la technologie en affirmant qu'elles ont pour rôle de révéler et corriger les problèmes qu'elles avaient elles-mêmes créés ?

 

"On oublie, se défendaient-ils, qu'Internet ou le téléphone portable sont des conséquences du travail de physiciens, et les immenses succès de la science finissent par créer une sorte de saturation de l'émerveillement – tout en laissant subsister l'inquiétude, p. ex. devant l'absence d'une preuve absolue (évidemment impossible à obtenir) que le téléphone portable ne donne pas de tumeurs cérébrales…"

Présenter internet et le téléphone portable comme un "immense succès de la science" n'est-ce pas justement la meilleure façon de dénaturer les sciences et particulièrement la physique. Qu'y a-t-il de science dans le téléphone portable et qu'y a-t-il d'anti-science dans les inquiétudes des personnes habitant à proximité des antennes relais qui se multiplient ?

 

Les rédacteurs du rapport sont plus judicieux quand ils rappellent que, parmi les atouts méritant d'être mieux exploités, il y a le fait que "la pratique de la science est une activité ludique par excellence" même s'ils constatent que "malheureusement, ceci ne se révèle que tard…"

 

Et justement, là est le problème. Pourquoi faudrait-il accepter que le côté ludique des sciences ne se révèle que tard, c'est-à-dire trop tard ?

Et surtout croit-on vraiment répondre au problème en appliquant la proposition n°7 de la liste des 18 actions envisagées :

"dans le domaine de l'action dans les médias, étudier la possibilité d'une série de courts clips sur le thème du caractère ludique de la science : "La Science, c'est fun", ou "La Science, c'est le pied"…"

Fort heureusement, des émissions de "culture scientifique", attractives tout en étant sérieuses, existent déjà dans les programmes radiophoniques et télévisés. Il existe également de nombreuses collections et revues de culture scientifique de bonne qualité qui ont la faveur des lecteurs. Les musées des sciences sont de plus en plus " didactiques" tout en renforçant leur approche "ludique". Le Palais de la Découverte, à Paris, est un ancêtre qui n'a pas pris de rides. Des figures de "savants" s'illustrent avec éclats et alimentent un discours qui fait encore rêver de suivre leurs traces, du médiatique Hubert Reeves qui nous fait voyager à travers les étoiles jusqu'à Serge Haroche, récent prix Nobel, qui nous invite à découvrir les mystères du plus profond de la matière. Certains médias et "médiateurs" savent faire aimer la science.

 

Le problème est le fossé qui se creuse de plus en plus entre cette image brillante et l'ennui qui se distille trop souvent dans les cours de sciences, au lycée comme à la faculté.

 

Il ne saurait être question d'analyser ici les multiples causes de cette désaffection. Pour ce qui est de la physique et de la chimie, en classes scientifiques, on peut au moins noter la modification incessante des programmes. Chaque nouvelle génération d'inspecteurs généraux et chaque nouveau ministre de l'éducation, semblant vouloir apporter sa touche de "fun" au programme précédent, il en résulte un édifice incohérent que les enseignants de base ont bien du mal à faire tenir debout. Noter aussi le "bachotage" renforcé par cette mode stupide, lancée par les médias et reprise par les ministères de l'éducation, qui consiste à noter les lycées en fonction de leur pourcentage de reçus au baccalauréat. Au-dessous de 90% l'établissement est cloué au pilori. Pour y parvenir, dans les classes scientifiques, la méthode est simple : éliminer de l'enseignement tout ce qui n'est pas directement lié à la résolution d'exercices. Comment aimer les sciences avec un tel régime ?

 

Noter aussi, dans une société où chacun reconnaît la place essentielle prise par les sciences et les techniques, la nocivité de la frontière qui sépare l'enseignement "purement littéraire" de l'enseignement "purement scientifique". Pourquoi faut-il absolument priver les littéraires de sciences et les scientifiques de littérature ?

 

Rapide plaidoyer pour l'histoire des sciences.

 

La littérature scientifique ne pourrait-elle pas être un moyen d'amener les "littéraires" aux sciences et les "scientifiques" aux lettres ?

 

En 1926, Paul Langevin, publiait un texte sur "La valeur éducative de l'Histoire des sciences". Critiquant le dogmatisme et le conservatisme des manuels qu'il traitait "d'admirables catéchismes de science expérimentale" il leur opposait le style alerte des mémoires originaux.

Combien la remarque était juste. Se contenter d'un exposé magistral au sujet d'un scientifique des siècles passés, ou sur une expérience ancienne, peut ne servir à rien d'autre qu'à encombrer encore un peu plus un cours qui ne l'est déjà souvent que trop.

Prendre le temps de feuilleter un ouvrage vieux d'un ou deux siècles, lire de la science dans une prose ancienne, reproduire si possible les manipulations décrites, ont une toute autre dimension.

 

Où trouver ces ouvrages ? On ne sait pas assez que nombre de bibliothèques municipales, y compris de petites villes, ont dans leurs réserves des ouvrages du 18ème siècle arrachés par les révolutionnaires aux châteaux et aux monastères. Moins rares encore sont les revues scientifiques comme La Nature, l'Année scientifique, les Causeries scientifiques… auxquelles étaient abonnées les bibliothèques des municipalités des petites villes industrielles du 19ème siècle. Les rechercher est déjà une première démarche mais aujourd'hui ont les trouve largement numérisées et accessibles sur internet. Mention spéciale pour le site du Conservatoire des Arts et Métiers (http://cnum.cnam.fr/), celui de l'Académie des Sciences (http://www.academie-sciences.fr/) où ceux spécialisés sur Ampère (www.ampere.cnrs.fr) ou Lavoisier (www.cnrs.fr/lavoisier).

 

Nous ne prétendrons pas ici proposer, avec l'histoire des sciences et la littérature scientifique, "le" remède au désamour dont souffre l'enseignement scientifique, d'autant plus que cette désaffection a essentiellement des causes extérieures à l'enseignement. Mais qui pourrait nous reprocher d'en avoir évoqué l'intérêt en conclusion d'un livre qui a eu pour point de départ une histoire, celle du dioxyde de carbone.

 

Puisque nous avons évoqué internet, nous pouvons aussi noter à quel point cet outil offre une possibilité de "recyclage", voire même de formation initiale, pour celles et ceux qui, mesurant la force et l'intérêt des sciences, ne veulent pas en laisser l'usage aux seuls technocrates.

 

Les sciences remède à la technocratie ?

 

Si les sciences sont une espèce menacée, il semble qu'elles aient trouvé refuge dans la niche écologique constituée par les associations que l'on peut regrouper sous le terme "d'associations de protection de l'environnement" ou "d'associations écologistes". Chaque région en compte plusieurs dont la qualité scientifique ne peut, pour la plupart, être mise en doute. Il est même courant que des services publics leur sous-traite des études scientifiques "de terrain". La pratique s'est à ce point généralisée que le rapport de 2002 sur la "Désaffection des étudiants pour les études scientifiques" souhaite explicitement les enrôler dans le dispositif de revalorisation de l'enseignement scientifique officiel.

 

"Création sur la Toile d'un portail attrayant réservé aux sites de culture scientifique et technique, aux activités des Musées et des Clubs Scientifiques, Cafés des Sciences et associations de ce domaine, des Cafés des Sciences Juniors traitant pour les lycéens de sujets du type "Sciences et Citoyens", des sites étrangers voisins (notamment des sites francophones), des Expo-Sciences, etc".

 

Si ces associations occupent un terrain didactique abandonné par l'éducation nationale, beaucoup d'entre elles, et en particulier les plus importantes, se sont créées par la nécessité d'opposer un discours scientifique à une atteinte locale ou généralisée à leur environnement naturel ou humain. Elles peuvent être animées par des scientifiques professionnels, enseignants, chercheurs… mais le plus souvent par des autodidactes dont le bagage scientifique met à mal bien des "experts" officiels. Elles créent leurs "laboratoires indépendants" employant des ingénieurs et techniciens dotés des diplômes délivrés par l'Université. Elles ont leurs propres juristes qui se sont souvent formés au travers de luttes de terrain. Elles savent rechercher sur internet les sources fiables et échanger avec d'autres leurs propres productions.

 

C'est la Criirad (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité), et non pas un service de l'Etat, qui a informé les populations concernées de la nature et des risques des retombées radioactives après Tchernobyl et qui aide les ONG japonaises à s'équiper après la catastrophe de Fukushima. Le Criigen (Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le Génie génétique) s'est créé sur le même principe.

 

Ces associations ont une caractéristique commune : elles ne rejettent pas les sciences. Bien au contraire la plupart de leurs animatrices et animateurs affichent leur amour des sciences. C'est par l'enrichissement de leur réflexion scientifique qu'elles entendent combattre les choix technocratiques qu'on leur impose.

 

Noter aussi que ce sont les associations qui soutiennent ces lanceurs d'alerte qui, issus du monde scientifique, sont trop souvent dénigrés par leur milieu d'origine. Exemple : ce sont essentiellement les associations qui popularisent les conclusions et propositions des scientifiques regroupés dans le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) alors que d'autres "scientifiques" font valoir leurs titres académiques pour les combattre. Supprimer ?

 

 

"Une autre science est possible ! " est le titre d'un récent ouvrage de la philosophe des sciences, Isabelle Stengers. Elle y plaide pour une pour "une intelligence publique de la science" qui passerait par la collaboration entre "spécialistes" et "connaisseurs" et pour une culture scientifique "active" :

"une culture active implique la production conjointe de spécialistes et de connaisseurs avertis, capables d'évaluer le genre d'information qu'on leur donne, d'en discuter la pertinence, de faire la différence entre simple propagande et pari risqué.

L'existence de tels connaisseurs, ou amateurs, constitue pour les spécialistes un milieu exigeant, qui les contraint à entretenir avec ce qu'ils proposent un rapport "cultivé" – ils savent le danger de passer sous silence les points faibles, car ceux et celles à qui ils s'adressent feront attention aussi bien à ce qui est affirmé qu'à ce qui est négligé ou omis".

 

Les germes de la "science civilisée", pour laquelle plaide Isabelle Stengers, sont peut-être déjà en œuvre dans ces groupes de scientifiques critiques et dans ces associations.

Les germes de la "science civilisée", pour laquelle plaide Isabelle Stengers, sont peut-être déjà en œuvre dans cette convergence entre scientifiques critiques et "connaisseurs" associatifs.

 

 

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7 août 2016 7 07 /08 /août /2016 14:33

par Gérard Borvon.

 

Cicatrice de la science : parfois un mot, un nom, une expression, une règle,  semblent échapper à toute la logique que l'on attendrait des sciences. De quoi irriter l'apprenti scientifique. Un retour sur l'histoire de la discipline est alors nécessaire et nous rappelle que la science est une activité humaine, une activité vivante, qui porte parfois les cicatrices de son passé.

 

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L'apprenti chimiste débutant dans l'étude des alcanes se trouve soudain devant l'obstacle que constitue le nom des quatre premiers corps.

 

Rappelons que la formule d'un alcane est CnH2n+2. A partir de n=5 la nomenclature ne pose aucun problème. La numération grecque est mise à contribution. Le pentane comprend 5 atomes de carbone, puis viennent l'hexane, l'heptane, l'octane, etc.

 

Formule de l'octane linéaire.

Formule de l'iso-octane (2.2.4-triméthylpentane) qui sert de référence pour l'indice de l'essence pour automobiles.

 

Reste que les quatre premiers doivent être appris par coeur : méthane, éthane, propane, butane ! Quatre cicatrices qui méritent explication.

 

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Méthane, CH4 :

 

Le corps, initialement connu comme "gaz des marais", a été isolé et étudié par Volta. Son nom lui vient d'un alcool naturel connu depuis l'antiquité : l'alcool de bois dont la composition (CH3OH) a été déterminée en 1834 par les chimistes Jean-Baptiste Dumas et Eugène-Melchior Péligot. Ceux-ci ont voulu rappeler l'origine de ce produit, un alcool issu du bois, en le désignant du nom de méthylène à, partir du grec methy (vin) et hylè (bois). Le préfixe méth a été conservé dans alcool méthylique ou méthanol. On le retrouve dans méthane. Le suffixe yl sera conservé pour désigner les radicaux des différents alcanes. Noter que le terme alcane lui même est dérivé de alcool, mot d'origine arabe.

 

méthanol

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Ethane, C2H6 :

 

 

Depuis l'antiquité, l'éther désigne l'imperceptible élément dans lequel se meuvent les étoiles. Le mot sera ensuite utilisé pour désigner tous fluide gazeux peu dense ou des milieux hypothétiques tels que l'éther lumineux. Le premier des éthers a été produit par les alchimistes par action du vitriol (acide sulfurique) sur l'esprit de vin (notre alcool éthylique ou éthanol, C2H5OH, comportant deux carbones) et rapidement sa propriété anesthésiante a été observée. Ainsi Eth est devenu le préfixe du deuxième des alcanes.

éthanol

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Propane, C3H8 :

 

 

Son nom provient de l'acide gras correspondant. Un acide gras comporte une longue chaîne carbonée liée à une fonction acide -COOH. L'acide C2H5-COOH a été ainsi considéré comme le premier d'entre eux. Jean-Baptiste Dumas lui avait initialement donné le nom de propionique (du grec protos, premier, et pion, gras). Devenu acide propanoïque, il a donné son nom au propane.

 

acide propanoïque

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Butane, C4H10 :

 

C'est encore un acide gras qui lui donne son nom. L'acide butyrique acide butanoïque doit son nom au beurre (bouturos en grec) auquel il donne une ôdeur rance. Sa formule C3H7-COOH correspond à une chaîne comprenant 4 carbones d'où le nom du butane.

acide butanoïque

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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 15:52

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le site Ampère s'enrichit et fait peau neuve.

La première partie du nouveau site, consacrée à André-Marie Ampère (1775-1836) et encore en phase de finition, donnera bientôt accès à l'ensemble, jusqu'ici dispersé et peu accessible, des écrits d'Ampère. Ses publications, sa correspondance et ses archives personnelles qui traitent de mathématiques, de physique, de sciences naturelles, de philosophie, de poésie, de questions d'enseignement, etc. ont été intégralement numérisées et une grande partie du corpus a été transcrite. Un outil d'annotation permettra au lecteur d'effectuer des annotations sémantiques sur l'ensemble du corpus.


La deuxième partie Histoire de l'électricité et du magnétisme est d'ores et déjà accessible en ligne.

D'où sort la pile électrique ? Ampère a-t-il vraiment inventé le télégraphe et l’électroaimant ? Comment a-t-on pu penser devant les premiers moteurs électriques, dans les années 1840, que ceux-ci n'avaient aucun avenir ?

Pour répondre à ces questions, et à bien d'autres, le Parcours historique De la boussole à la Fée électricité de la nouvelle partie Histoire de l'électricité et du magnétisme propose une cinquantaine de dossiers multimédia. Son objectif n'est pas de fournir une histoire suivie de l'électricité mais plutôt de braquer le projecteur sur une série de moments importants de cette histoire. Partant du travail de William Gilbert sur la boussole en 1600 – un début plus raisonnable que l'antiquité grecque pour l'histoire de l'électricité – le Parcours historique parvient avec l'Exposition universelle de 1900, à un moment où la science et la technique de l'électricité classique ont atteint une certaine maturité et où l'industrie électrique fait rêver à un monde nouveau, de lumière et de puissance.

De nombreuses vidéos comportant des reproductions d'expériences historiques permettent de mieux comprendre la délicate genèse des lois scientifiques et les multiples facettes de l'invention technique. Des vidéos comme celle sur les expériences de Galvani et Volta sont utilisables avec des classes de collège. D'autres, comme Faraday : créer de l'électricité avec le magnétisme ? s'adressent plutôt aux lycéens. Un enseignant peut s'appuyer sur le contenu des pages dans lesquelles les vidéos sont insérées.

La partie Histoire de l'électricité et du magnétisme du site Ampère comporte également un Laboratoire historique où sont discutées des expériences historiques qui posent encore aujourd'hui des questions à la fois aux historiens et à la science contemporaine. C'est le cas notamment de certaines des expériences les plus anciennes et les plus connues d'électrostatique.

Christine Blondel & Bertrand Wolff

Pour une présentation sur l'histoire de l'électricité s'appuyant sur le Parcours historique et ses vidéos – du collège aux classes préparatoires scientifiques en passant par les stages de formation de professeurs de sciences physiques ou les Fêtes de la science – s'adresser à wolffbe[at]wanadoo.fr.

--
Christine Blondel (CNRS)
Centre Alexandre Koyré
27 rue Damesme
75013 - Paris
christine.blondel2@cnrs.fr
06 5000 7992

Bertrand Wolff
Centre Alexandre Koyré
27 rue Damesme
75013 - Paris
wolffbe@wanadoo.fr

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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 18:27

 

Suivre le parcours de l’oxygène depuis les grimoires des alchimistes jusqu’aux laboratoires des chimistes, avant qu’il n’investisse notre environnement quotidien.

 

Aujourd’hui, les formules chimiques O2, H2O, CO2,… se sont échappées des traités de chimie et des livres scolaires pour se mêler au vocabulaire de notre quotidien. Parmi eux, l’oxygène, à la fois symbole de vie et nouvel élixir de jouvence, a résolument quitté les laboratoires des chimistes pour devenir source d’inspiration poétique, picturale, musicale et objet de nouveaux mythes.

 

À travers cette histoire de l’oxygène, foisonnante de récits qui se côtoient, s’opposent et se mêlent, l’auteur présente une chimie avant les formules et les équations, et montre qu’elle n’est pas seulement affaire de laboratoires et d’industrie, mais élément à part entière de la culture humaine.

 

Ainsi l’ouvrage propose de de suivre le parcours de l’oxygène, depuis les grimoires des alchimistes jusqu’aux laboratoires des chimistes, avant qu’il n’investisse notre environnement quotidien.


L’oxygène, une histoire ?

 

La chimie n’est pas uniquement affaire de formules et d’équations. Cette histoire, qui nous mènera de l’Extrême-Orient à l’Europe en passant par l’Égypte, est foisonnante de récits qui s’y côtoient, s’y opposent et s’y fusionnent.

 

Au temps des alchimistes et de leurs hermétiques grimoires, ce savoir sentait le soufre. Il dégageait encore les mêmes effluves associés aux mêmes mystères dans les laboratoires des chimistes des XVIIIe et XIXe siècles, leurs successeurs.

 

Aujourd’hui, les formules H²O et CO² se sont échappées des laboratoires et des livres scolaires pour se mêler au vocabulaire du quotidien. Frapper « H²O » sur un moteur de recherche internet, c’est se voir proposer trente millions de liens qui vont d’une société de nettoyage à une adresse de discothèque, en passant par un fabricant de parapluies ou un groupe musical américain de punk-hardcore.

 

Parler de CO² dans notre début de XXIe siècle gaspilleur d’énergies fossiles, c’est désigner l’ennemi n° 1 de notre climat, en oubliant parfois que c’est aussi l’aliment nécessaire aux plantes et à la vie animale.

 

Ces formules, devenues banales, sont - nous le verrons - l’aboutissement d’une histoire ancienne et mouvementée.

 

Chacun de la centaine d’éléments chimiques qui composent le tableau périodique pourrait donner lieu à un récit. Nous avons choisi de parler de l’oxygène, le nouvel élixir qui a résolument quitté le laboratoire du chimiste pour devenir le symbole de la vie. Celle du corps, mais aussi celle de l’esprit.

 

Ce récit sera, dans le même temps, l’occasion de tracer, à grands traits, une histoire de la chimie, à laquelle notre personnage central servira de fil conducteur.

 

Avec les philosophes grecs du Ve siècle avant notre ère - Empédocle, puis Platon et Aristote -, nous rencontrerons les quatre éléments - l’air, l’eau, le feu et la terre -, qui sont toujours très présents dans notre inconscient collectif. Ce récit nous mènera, ensuite, dans les laboratoires des alchimistes et ce jusqu’au XVIIe siècle, avec les recettes de l’un des derniers d’entre eux, l’Allemand Johann Rudolph Glauber.

 

Plus tard, nous rencontrerons ceux qui se sont affichés comme étant les premiers véritables chimistes, les Stahl, Macquer, Priestley, Cavendish... avant d’arriver à la « révolution lavoisienne ». Au fil de leurs découvertes, les quatre éléments des philosophes sembleront alors définitivement anéantis, mais, naissant de leurs cendres, sortira un nouveau Phénix : l’Oxygène.

 

L’Oxygène, conçu par Lavoisier comme le pilier d’une science académique capable, par sa rigueur, de rivaliser avec la physique et les mathématiques. Une science se voulant dépouillée de toute la magie des chimies précédentes.

 

L’Oxygène qui, cependant, échappera à son créateur et deviendra source d’inspiration poétique, picturale, musicale, et même objet de nouveaux mythes.

 

La chimie est parfois perçue comme menaçante. Elle peut l’être, elle l’est souvent. Pouvoir et savoir ne font pas toujours bon ménage. Tout au long de cette « histoire de l’oxygène », nous souhaitons évoquer cette chimie qui cherche d’abord à interroger la Nature. Une chimie qui n’est pas seulement affaire de laboratoires et d’industrie, mais élément, à part entière, de la culture humaine.


Histoire de l’oxygène. De l’alchimie à la chimie.

 

JPEG

Feuilleter


 

Voir aussi sur le site Culture Sciences Chimie :

 

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Histoire de l'Oxygène
De l'alchimie à la chimie
Table des matières

 

L'oxygène, une histoire ?

 

Empédocle (490-435 av JC)

Platon (428-348 av JC)

Aristote (384-322 av JC)

Un modèle d'une grande puissance évocatrice

Des quatre éléments aux quatre humeurs

Les quatre éléments un modèle durable

L'alchimie et les quatre éléments

Le temps des alchimistes.

Le creuset d'Alexandrie

Le feu et l'Athanor, "fourneau des Philosophes"

De la "manière de distiller"

La chasse aux "esprits" acides

Recette, selon Glauber, pour obtenir "l'esprit de sel"

Bains-marie, cornues, retortes, alambics,

pélicans et autres cucurbites

 

Le soufre, le mercure, le sel des philosophes et la transmutation des métaux.

Le soufre, le mercure et le sel des philosophes

Le soufre

Le mercure

Le sel

Les symboles

Au moment de quitter l'alchimie

 

Georg Ernst Stahl (1659-1734), de l'élément Feu jusqu'au Phlogistique.

Le sel, le mercure, le soufre, de l'alchimie à la chimie.

Du "principe sulfureux" au "principe inflammable" : le Phlogistique L'importance de l'expérience des métallurgistes

Un modèle diffusé par les chimistes français

 

 

Des chasseurs d'air téméraires

Jean-Baptiste Van Helmont (1577-1644) et le Gas sylvestre

 

Stephen Hales (1677-1761) et l'air "amphibie"

Joseph Black (1728-1799) et l'air fixe.

Henry Cavendish (1731-1810) de l'air fixe à l'air inflammable

Joseph Priestley (1733-1804), air nitreux, air déphlogistiqué et autres airs Karl-Wilhelm Scheele (1742-1786) et l'air du feu

La composition de l'eau : des éclaireurs habiles sur une piste sans issue

1774-1777 : chasseur d'airs et phlogisticien

L'air est le mélange de deux "fluides élastiques"

1777. Le Phlogistique n'existe pas.

Quand l'air vital devient "air acidifiant" : le principe oxygine

 

Lavoisier. De l'offensive antiphlogistique aux trois états de la matière.

Le phlogistique n'existe pas mais la chaleur existe. Laplace et Lavoisier l'ont mesurée

La matière dans ses trois états

 

L'eau n'est pas un élément. Lavoisier le prouve.

L'eau n'est pas un élément. Sa synthèse

L'eau n'est pas un élément. Sa décomposition

Les quatre éléments ont vécu

 

Perfectionner la langue des chimistes pour perfectionner la chimie. Guyton de Morveau (1737-1816), l'initiateur.

Guyton de Morveau pour une chimie européenne

L'intervention des chimistes français

 

Le groupe des "chimistes français"

La nomenclature de Guyton de Morveau revisitée par Lavoisier

Lavoisier : du passé faire table rase.

Les cinq premiers principes et la naissance de l'oxygène,

de l'hydrogène et de l'azote.

.Quand l'air déphlogistiqué devient gaz oxygène.

.Quand le gaz inflammable devient hydrogène

.Quand l'air phlogistiqué devient azote

L'oxygène, les acides, les sels et la langue française

.Soufre, sulfurique, sulfureux, sulfate, sulfite, sulfure

.Le Phosphore

.L'Azote

.Le Carbone

Les métaux et leur longue histoire

.Quand le nom d'un métal rappelle une vieille légende

.Après 1800 : le temps des métaux en "ium"

Les acides et les oxydes

Les terres

Les alcalis

Derrière la Nomenclature une méthode

 

Lavoisier, la chimie et les langues

Une réception "nuancée" de la part des académiciens français

Des mots durs, barbares, qui choquent l'oreille

La guerre contre l'oxygène est déclarée

Oubliez ces carbonates, ces carbures…

La nomenclature se défend

La victoire de l'Oxygène

 

L'oxygène, l'hydrogène, l'eau et l'électricité.

La naissance du courant continu : la pile de Volta.

La pile, l'eau, l'oxygène et l'hydrogène

Davy (1778-1829), la pile, la chimie, l'oxygène et la course

aux nouveaux éléments.

Faraday (1791-1867), l'électrolyse, les ions

Quand l'oxygène et l'hydrogène mesurent le courant électrique

 

Oxygène : L'atome, la molécule et l'ion.

L'atome

De l'atome à la molécule. Quand l'eau devient H2O et le gaz oxygène O2 Comme l'oxygène, l'atome doit s'imposer

J.J Thomson et l'électron

La structure de l'atome de Thomson à Rutherford

 

L' électronégativité absolue de l'oxygène

L'Oxygène base des masses atomiques Nomenclature : le chef-d'œuvre français revu par le "génie" suédois. Symboles et équations chimiques

Le tableau de Mendeleïev

En classe avec Mendeleïev

 

La chimie un esperanto ?

Au Japon, le tableau de Mendeleïev à l'école maternelle

La chimie est-elle une science française ?

 

Oxygène, oxydation. Le mot décrit-il encore l'idée ?

L'oxygène, le mal nommé

L'hydrogène, le vrai générateur d'acides Des oxydations sans oxygène

Dialogue imaginaire

Oxygène, oxydation… les mots se sont émancipés

 

Oxygène, Hydrogène, Carbone, Azote. Les quatre nouveaux éléments de la vie.

Lavoisier et le début d'une chimie organique

Une "loi" ou un "principe" ?

Lavoisier, Séguin et la chimie de la vie.

Du fonctionnement du corps humain à celui de la société, ou de l'oxygène à la révolution

A la base des être vivants : le carbone

L'Azote, bien ou mal nommé ?

L'Azote générateur de vie

L'élément universel : l'hydrogène

 

L'oxygène, entre Big-bang et homo-sapiens.

L'apparition des éléments

Naissance de la Planète bleue

Quand s'assemblent les molécules du vivant

De Lavoisier à Jean-Michel Jarre

Voyage en Oxygénie

Peur de la chimie ?

Besoin d'oxygène ?

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5 juin 2016 7 05 /06 /juin /2016 06:33

Par Gérard Borvon

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Science et magie semblent deux adversaires irréconciliables. A y regarder de près ils peuvent aussi s’alimenter l’un et l’autre.

 

Quoi de plus "magique" que la découverte des "lois" auxquelles semblent répondre les phénomènes "naturels" ?

 

C’est, aussi parfois, l’observation et l’analyse de pratiques "magiques" qui aboutit à des découvertes scientifiques.

 

La magie, à son tour, se colore du vocabulaire et du prestige de la science pour renforcer et étendre son territoire.

 

Ce va-et-vient est particulièrement visible dans le domaine de l’électricité et du magnétisme. Nous essaierons de le mettre en lumière à différents moments du développement de ces sciences.

 

Premier exemple : l’ambre.

 

 

 

Thalès, l’ambre et l’aimant.

 

L’Ambre, matière mythique de la Grèce antique, a été traditionnellement associée à Thalès (625-547 av JC), grec de la ville de Milet. A la fois physicien, astronome et géomètre, il est souvent désigné comme le premier électricien, voire même le premier "magnétiseur". C’est par Aristote et Hippias que nous apprenons qu’il " communiquait la vie" aux choses inanimées au moyen de l’ambre jaune désigné sous le terme grec « ήlectron », êlektron et de la "pierre de magnésie" ( μαγνήτις λιθος), l’aimant naturel.

 

Communiquer la vie aux êtres inanimés…dès sa naissance l’électricité, le magnétisme, s’entourent de mystère. Nous parlerons ici de l’ambre.

L’ambre

 

Un rapide coup d’œil sur un dictionnaire contemporain nous apprend que l’ambre est une " résine dure et cassante, dont la couleur varie du jaune pâle au rouge et dont on fait des colliers, des articles pour fumeurs, etc.… ". La photographie qui accompagne ce texte nous montre un insecte prisonnier d’une pierre blonde à la transparence de cristal.

 

L’ambre nous vient du froid.

 

Depuis des millénaires, les habitants des côtes de la Baltique recueillent ce don précieux de la mer, déposé sur le sable après chaque tempête. Son origine est-elle marine ou terrestre ? Depuis l’antiquité jusqu’à la fin du 18ème siècle, de longues controverses se succèdent avant qu’il soit admis que l’ambre est une résine fossilisée.

 

Il y a 40 à 50 millions d’années, dans une période que les géologues désignent par le nom d’Eocène, un climat tropical régnait sur l’Europe et la Scandinavie. Les pins producteurs de la résine, source de l’ambre, poussaient au milieu de palmiers dattiers, de séquoias, de thuyas, de cyprès, de cèdres et de la plupart des feuillus que nous trouvons encore dans nos contrées : chênes, hêtres, châtaigniers. Des nuées de moustiques, de mouches, de guêpes emplissaient l’air de leurs bourdonnements. Les fourmis, les scarabées, les scorpions grouillaient sous la mousse. Tout ce petit peuple venait s’engluer dans la résine encore fraîche. Au printemps, les magnolias et les rhododendrons fleurissaient au-dessus des tapis de genévriers et, même, de théiers qui poussaient là où le sol n’était pas inondé. L’eau, en effet, était partout présente. C’est elle qui a protégé la résine d’une oxydation qui l’aurait détruite. Cette eau alimentait des fleuves qui concentraient l’ambre à leurs embouchures, créant ainsi de riches dépôts.

 

Puis le climat s’est refroidi. Les glaciers qui ont recouvert l’Europe du Nord, ont transporté et déposé ces terres sédimentaires. L’ambre s’y trouve encore aujourd’hui. Quand, par chance, les gisements bordent les mers actuelles, l’érosion libère les blocs. La densité de l’ambre étant très peu supérieure à celle de l’eau de mer, les courants et les tempêtes l’amènent facilement sur les plages où il est commode de le pêcher.


Une matière attirante

 

Douce, chaude au toucher, écrin mystérieux d’insectes étranges, douée du don extraordinaire d’attraction à distance, cette pierre a certainement provoqué chez nos plus anciens ancêtres, la fascination qui est encore la nôtre.

 

Un morceau d’ambre perforé âgé de 30 000 ans, sans doute un talisman, est considéré comme le premier objet de cette matière associé à l’homme. Des ours, des chevaux sauvages, des sangliers, des élans y ont été façonnés par les hommes qui habitaient le Nord de l’Europe 7000 ans avant notre ère. Les agriculteurs du néolithique qui peuplaient les mêmes régions trois mille ans plus tard, se faisaient enterrer avec des colliers et des amulettes d’ambre. Durant les deux millénaires suivants, l’ambre se répand peu à peu dans toute l’Europe, jusqu’à la Méditerranée. Par les mêmes voies circulent le cuivre et l’étain qui feront s’épanouir les civilisations de l’âge du bronze.

A cette époque, de véritables routes commerciales sillonnent l’Europe. Depuis le Jutland, elles prennent la route de l’Elbe ou celle du Rhin et du Rhône. De la Baltique orientale elles descendent l’Oder et la Vistule pour rejoindre la Méditerranée à travers la mer Noire. Une route maritime existe également qui descend de la Mer du Nord à travers la Manche et contourne l’Espagne pour rejoindre la Méditerranée.

Les tombes sous Tumulus des princes et princesses de l’âge du bronze fouillées dans le sud de l’Angleterre et sur les rivages des côtes armoricaines nous ont transmis de fabuleux trésors. L’ambre s’y associe à l’or pour exalter la puissance de leurs propriétaires.

 

En Grèce, l’ambre de la Baltique arrive vers 1600-1500 avant J-C. Les tombes de cette époque trouvées à Mycènes en contiennent des centaines de perles qui semblent avoir été importées déjà taillées. Peu de temps après, on trouve ce même ambre en Egypte dans les tombeaux royaux. Ce commerce semble avoir été la spécialité des Phéniciens. Il a fallu attendre le 4ème siècle avant J-C pour que Pythéas, grec de la colonie de Marseille, nous donne le récit de son voyage vers les mers de la Baltique où il aurait lesté son navire par des blocs d’ambre.

 

 

 

Les routes de l’ambre. Courrier de l’Unesco. Mars 1966, p 20

_________________________________________________________________

 

L’antique magie de l’ambre.

 

Dans la mythologie grecque, l’ambre est de nature divine. Ce sont les rayons d’Hélios, dieu du soleil, pétrifiés quand l’astre s’enfonce dans les flots. Ce sont les larmes des Héliades, nymphes mortelles, qui pleurent, chaque soir, la mort de leur frère Phaéton.

 

Phaéton, fils d’Hélios, avait obtenu la permission de conduire le char du soleil. Hélas, il ne sut pas maîtriser les chevaux ailés de l’attelage. Celui ci se rapprocha de la terre. Des montagnes commencèrent à brûler, des incendies dévastèrent les forêts, la sécheresse gagna de vastes zones qui devinrent des déserts. Zeus, dans sa colère, lança sa foudre sur Phaéton et le fit s’abîmer dans les flots du fleuve Eridan (souvent associé au Pô, l’une des voies d’entrée de l’ambre mais désignant également les mers bordées par le pays des celtes et des germains). Accourues sur les rives du grand fleuve, les Héliades, sœurs de Phaéton, restèrent inconsolables. Les dieux, par compassion, les transformèrent en peupliers pour qu’elles puissent éternellement accompagner de leurs pleurs, la disparition du soleil couchant. Leurs larmes, figées en perles dorées, deviennent la plus belle parure des femmes grecques.

 

" ήlectron ", êlektron, tel est donc le nom qui nous vient des grecs et qui a donné son nom à une nouvelle science quand le médecin anglais William Gilbert (1540-1603) a désigné par le terme d’électricité la propriété d’une multitude de matières à manifester, comme l’ambre, la propriété d’attraction à distance après avoir été frottées.

 

Mais que nous rapportent les auteurs grecs en dehors du mythe ? Peu de choses en vérité. Ils savent, au mieux, que l’ambre attire mais n’indiquent pas toujours qu’il faut d’abord le frotter.

 

Le phénomène reste donc très superficiellement étudié. Rien n’évoque le début d’une pratique ou d’une réflexion qui s’apparente à un comportement "scientifique".

L’ambre banalisé : la longue histoire du succin.

 

L’amélioration des transports, alliée à la richesse des gisements baltes, fait perdre progressivement à l’ambre sa valeur marchande. Inévitablement, son caractère "magique" s’en trouve amoindri. Il se prolonge cependant sous la forme des propriétés médicinales qui lui sont attribuées sous le nom de succin, terme dérivé de sucus (jus, sève), que les latins nous ont transmis pour désigner ce corps.

 

Présent dans la plupart des remèdes médiévaux, le siècle des lumières le regarde cependant avec un regard plus critique. Un article de l’Encyclopédie ou Dictionnaire Universel raisonné des Connaissances Humaines daté de 1770 indique encore qu’il est conseillé pour les "affections vaporeuses et hystériques", que son sel est "rangé parmi les céphaliques" et son huile "regardée comme un spécifique dans les affections hystériques". Mais, précise l’auteur de l’article, " Les vertus médicinales du succin étaient autrefois très vantées ; on les regarde aujourd’hui comme moins certaines, ou exagérées". L’auteur note cependant un intérêt pratique : "la vapeur de sel de succin fait fuir les rats" !

 

Plus radical encore est John Fothergill (1712 – 1780), du collège des médecins de Londres dans un article publié en 1744 dans les Transactions Philosophiques de la Société Royale de Londres. Considérant la résistance de l’ambre à la plupart des solvants ordinaires, il estime qu’une telle substance "ne peut probablement pas produire de grands effets sur le corps humain" et en effet, ajoute-t-il, "on a peu d’exemples de ses effets". Alors pourquoi cette longue période de succès ?

"Une imagination préoccupée peut d’abord en avoir introduit l’usage ; le préjugé l’a soutenu & a engagé des personnes qui avaient quelque autorité à le recommander à leurs successeurs".

 

Comment mieux décrire la diffusion du mythe ? Et comment le combattre ? John Fothergill plaide pour une entreprise d’assainissement de la science médicale :

" Si des personnes habiles et expérimentées voulaient consacrer leurs loisirs à nous instruire de l’inefficacité des méthodes et des remèdes semblables à celui-ci, la Médecine serait renfermée dans des bornes plus étroites ".

Dans le laboratoire du chimiste. De l’ambre à l’acide succinique.

 

Avec Lavoisier et ses contemporains le succin entre dans le laboratoire du chimiste qui y reconnaît, entre autres composés, un acide auquel il sera donné le nom d’acide succinique. Le chimiste moderne le caractérisera comme acide butane-1,4-dioïque, acide organique de structure simple et de formule développée : HOOC-CH2-CH2-COOH. Cet acide a été trouvé dans la plupart des organismes végétaux et animaux où il intervient dans de nombreux métabolismes cellulaires.

 

Le succin serait donc bien un remède ?

 

En réalité la concentration en acide succinique est bien plus forte dans la laitue vireuse, la grande chélidoine que dans le succin à partir duquel, comme le remarquait John Fothergill, il est par ailleurs difficilement assimilable.

 

Il n’y a pas de continuité médicale entre l’ambre et l’acide succinique. Synthétisé aujourd’hui à partir de produits pétroliers, cet acide est plus utilisé pour des peintures et des vernis que pour des remèdes médicaux. Parmi ces remèdes, aucun n’est d’ailleurs supposé guérir des douleurs céphaliques ou de l’hystérie.

 

Une légende se terminerait donc dans le laboratoire du chimiste ? On n’achève pas aussi facilement un ancien mythe !

Retour du vieux mythe.

 

L’aspect merveilleux de l’ambre réside avant tout dans son action à distance, un phénomène qui a, de façon régulière, alimenté les débats des scientifiques de Descartes et Newton à Einstein et qui continue à le faire. Comment s’étonner qu’il puisse encore inspirer les pratiques des mages et guérisseurs de notre époque désorientée.

 

Les colliers de perles d’ambre gardent particulièrement toute leur faveur. On trouve couramment dans la littérature académique du 18ème siècle, la mention de colliers portés pour guérir des migraines, des maladies des yeux ou de la gorge.

 

Les rives de la Baltique voyaient se prolonger cette tradition jusqu’aux périodes récentes. Un morceau d’ambre y était donné à mâcher aux enfants pour les soulager des maux de dents. On y voyait se maintenir, aussi, la coutume de faire porter des colliers d’ambre protecteurs aux enfants en bas âge au risque de provoquer de dangereux accidents par strangulation.

 

La séparation de l’Europe par le "rideau de fer" de la "guerre froide", en plaçant la Baltique à l’Est, avait tari la circulation de l’ambre. Les habitants de la Pologne se hasardant dans l’Ouest "capitaliste", étaient les premiers à le ramener avec eux comme moyen de troc. Ce temps est oublié et l’ambre de la Baltique se marie à nouveau à l’or et l’argent sur les bijoux du monde entier.

 

Sa qualité esthétique aurait pu suffire à son succès mais comment résister à l’opportunité d’enrôler les vieux mythes dans l’arsenal de la publicité commerciale ?

 

A en croire la publication d’un magasin spécialisé dans le collier d’ambre, l’ambre :

"apporte calme, force et équilibre.

améliore la circulation sanguine et son PH (le rendent plus alcalin).

régule le système nerveux, améliore les réflexes.

active le métabolisme et combat les inflammations.

freine l’oxydation des cellules et favorise leur régénération."

 

PH alcalin, métabolisme, oxydation des cellules… la publicité, qui avait déjà recruté Thalès, n’hésite pas à faire également appel à l’assaisonnement des mots de la science "moderne".

 

Les nouveaux "mages" et les marchands de minéraux qui leur sont associés connaissent le poids du prestige scientifique. On baptisera du terme de "lithothérapie" un amas de recettes, à base de cristaux minéraux, supposées ancestrales et parfois même extraites de vieux grimoires quand elles ne sont pas tout simplement inventées.

 

L’ambre est naturellement l’une des bases de leur "science" et de leur commerce. Exemple de littérature néo-magique :

 

"Des études ont permis d’utiliser l’ambre pour soulager les douleurs des articulations dues aux rhumatismes. Par exemple, l’ambre jaune produit des ions négatifs par frottements, ce qui a pour conséquence d’améliorer la circulation des énergies dans l’organisme.
L’ambre est condensateur de courant : en se chargeant lui-même, il décharge de leurs propres excès ceux qui le portent
."

 

Ions négatifs, circulation des énergies, condensateur de courants… Autant de mots entendus dans les cours de physique suivis par une majorité de celles et ceux qui ont accompli la "scolarité obligatoire" de nos sociétés modernes. Autant de mots, aussi, dont le sens réel a eu le temps de se perdre au grand désespoir du professeur de la discipline qui voit ainsi sa pédagogie mise au service d’une forme de charlatanisme.

 

Celui-ci pourrait rappeler que, dès l’an 1600, l’Anglais William Gilbert avait montré que la propriété "électrique" de l’ambre avait été trouvée, avec une bien plus forte intensité, dans des matières aussi banales que le verre et le soufre.

 

Il pourrait aussi faire constater que les tissus synthétiques, les revêtements de sol et les objets plastiques produits par la chimie moderne sont si sensibles à la production de charges électriques par simple frottement qu’il faut même en protéger les appareils électroniques. Qui n’a pas reçu une décharge électrique le soir en se déshabillant ?

 

Caresser un morceau d’ambre peut incontestablement alimenter un rêve poétique, surtout s’il enferme l’insecte auquel il a fait franchir cinquante millions d’années et qui à peut-être cohabité avec ces dinosaures objets de tous les fantasmes.

 

Le rêve a de nombreuses vertus, acceptons l’idée qu’il puisse même en avoir de thérapeutiques.

 

Par contre, concernant la production "d’ions négatifs par frottement" , le moindre morceau de plastique ferait bien mieux l’affaire à moindre prix. D’ailleurs, à y regarder de près, de prétendus colliers d’ambre sont souvent, en réalité, réalisés à base de perles synthétiques.

 

Que des adultes se laissent convaincre et achètent le bijou ou le morceau d’ambre qui les rassurera, comme le faisait la peluche ou le chiffon de leur enfance, soit ! Mais que penser du produit vedette : le collier d’ambre pour bébé supposé le soulager des douleurs de dents.

 

Le site de vente par internet, déjà cité, publie des témoignages :

 

"Je suis conquise ! Ma fille porte son collier nuit et jour depuis ses 6 mois. Les dents la font un peu souffrir (joues rouges, fesses rouges) mais jamais de pleurs, jamais trop bougon. Je ne lui ai jamais rien donné d’autre et elle a déjà 6 dents. Les deux seules fois ou on a oublié de le lui remettre elle s’est réveillée la nuit en hurlant…"

 

A lire les échanges sur internet on constate pourtant que beaucoup d’entre eux ne portent pas sur l’efficacité de tels colliers. Celle-ci semble être admise sans aucun débat. La preuve : on les vend même en pharmacie !

 

Ce qui alimente la discussion c’est leur danger éventuel : bébé ne risque-t-il pas de s’étrangler ?

 

Etonnant ! Ces parents sont bien conscients du risque qu’il font courir à leur enfant, s’inquiètent et veulent être rassurés. Certains affirment ne jamais laisser le collier pendant la nuit ou la sieste. D’autres garantissent avoir acheté celui "de marque" qui cassera au moindre effort de bébé et dont chaque perle est attachée de façon à ce qu’il ne les avale pas. A les lire il semblerait que le collier-talisman serait l’équivalent d’un vaccin anti-mal-de-dents absolument nécessaire mais non exempt de dangers. L’étranglement possible s’apparenterait alors à ce que les notices pharmaceutiques présentent comme un "effet" secondaire.

 

Argument souvent entendu : si c’était dangereux ils l’interdiraient. Ce "ils" anonyme, qui a si longtemps autorisé l’amiante ou encore récemment le fameux "médiator", médicament, dénoncé par Irène Frachon, fait souvent office de garantie.

 

 

Pas prouvé efficace contre les maux de dents mais à l’évidence dangereux au même titre que tous les colliers pour bébés.

 

Des médecins ont pourtant lancé des alertes, tel le professeur Olivier Reinberg du service de chirurgie pédiatrique de l’université de Lausanne :

 

Extrait :

"Il semble utile de rappeler que le port de collier chez les petits enfants constitue un danger permanent de strangulation. Si le collier ne se rompt pas, l’enfant peut rester accroché à une branche ou à un montant de lit par exemple. Le plus souvent, l’enfant strangulé ne peut pas appeler. S’il n’est pas immédiatement délivré, les conséquences sont très sévères, puisque si l’enfant n’est pas trouvé mort, le pronostic des réanimations
cardio-respiratoires après ce genre d’accident est mauvais, avec un taux important
de séquelles neurologiques liées à l’ischémie cérébral
e."

 

Mais pour certains fabricants pas de problème, les accidents c’est de l’histoire ancienne :

" Le collier d’ambre est régulièrement montré du doigt par ceux qui estiment qu’il comporterait un risque de strangulation, au cas où l’enfant l’accrocherait par mégarde à un objet, à une branche ou à un montant de lit… Les accidents de la sorte restent fort heureusement très rares, et sont principalement survenus il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui les fabricants redoublent de vigilance pour que les produits à destination des bébés soient sans danger".

 

Certains, cependant, veulent se garantir de ce risque de "strangulation" aussi "rare" soit-il : " Par précaution, retirez le collier pendant les siestes et les nuits : vous pouvez alors en profiter pour le laisser se recharger en ions négatifs, en le laissant sur une table. Autre option : le nouer à la cheville de bébé, bien au chaud dans sa turbulette"

 

Un collier qu’on achète mais qu’on ne porte pas autour du cou pendant le sommeil et qu’il vaut mieux nouer à la cheville. Des perles qui, contrairement à la célèbre pile électrique qui " ne s’use que si on s’en sert", se "rechargent en ions négatifs" quand on ne s’en sert pas !

 

Ces invitations aux "précautions" d’usage, dont on mesure le peu de sérieux, sont-elles suffisantes pour blanchir les diffuseurs de tels produits ?

 

On assiste à juste titre à la mise en cause de fabricants de médicaments ou de pesticides qui empoisonnent les humains et leur environnement. A lire la multitude de sites internet consacrés aux colliers d’ambre il ne serait pas étonnant, dans l’avenir, de voir instruire des procès en publicité mensongère voire même en mise en danger de la vie d’autrui à l’encontre de ceux qui font la promotion de cette médecine dont l’efficacité est largement contestable et les dangers loin d’être négligeables.

 

Contrairement à ce qu’imaginent ses utilisatrices et utilisateurs, la "médecine" de l’ambre peut se révéler, elle aussi, une médecine dure.

 

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Pour aller plus loin :

 

 

 

Cet ouvrage retrace l’histoire de l’électricité et des savants qui ont marqué son évolution.

 

L’électricité paraît être une énergie évidente et n’étonne aujourd’hui plus grand monde ; son utilisation est très banale, et pourtant un nombre incalculable de nos actes et modes de vie ne sauraient se passer de son indispensable compagnie. L’électricité est une science récente… mais, des Grecs de l’Antiquité qui, en frottant l’ambre, s’émerveillaient de ses propriétés électrostatiques aux Curie étudiant la radioactivité, de découvertes heureuses en expériences dramatiques, portés par des hommes et des femmes qui ont tout sacrifié à la compréhension des phénomènes électriques, plus de vingt-cinq siècles ont défilé avant que l’on perçoive, peut-être, l’essence de cette force naturelle.

 

Au fil d’un récit imagé - celui d’une succession de phénomènes généralement discrets qui, sous le regard d’observateurs avertis, débouchèrent sur des applications spectaculaires - nous croiserons des dizaines de savants, d’inventeurs et de chercheurs dont les noms nous sont déjà familiers : d’Ampère à Watt et de Thalès de Milet à Pierre et Marie Curie, ce sont aussi Volta et Hertz, Ohm et Joule, Franklin et Bell, Galvani et Siemens ou Edison et Marconi qui, entre autres, viennent peupler cette aventure. On y verra l’ambre conduire au paratonnerre, les contractions d’une cuisse de grenouille déboucher sur la pile électrique, l’action d’un courant sur une boussole annoncer : le téléphone, les ondes hertziennes et les moteurs électriques, ou encore la lumière emplissant un tube à vide produire le rayonnement cathodique. Bien entendu, les rayons X et la radioactivité sont aussi de la partie.

 

De découvertes heureuses en expériences dramatiques, l’électricité reste une force naturelle qui n’a pas fini de susciter des recherches et de soulever des passions.

 

 

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2 juin 2016 4 02 /06 /juin /2016 19:24
"Il y aurait bien des façons de raconter l’histoire de l’humanité ; mais il est certain que depuis le jour où l’un de nos ancêtres inconnu s’est emparé d’une flamme, l’histoire de l’humanité se confond avec celle de la domestication des énergies. Et parmi celles-ci, l’énergie électrique tient une place de premier plan.L’Histoire de l’électricité, c’est une histoire vieille comme le monde - ou presque : tout a commencé au sixième siècle avant Jésus-Christ, lorsque Thalès de Milet a découvert qu’en frottant un morceau d’ambre sur une peau de mouton, l’ambre se chargeait d’électricité statique... L’ambre : elektron en grec - l’électricité était née."

 

 

Une recherche documentaire intéressante. Des images animées attractives.
Parfois, hélas, quelques raccourcis hasardeux (Thalès n’a pas nommé l’électricité Elektron, mot qui est simplement le nom grec de l’ambre - Nollet ne distinguait pas deux sortes d’électricité, la découverte est de Dufay).
Éclairant cependant.
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Pour aller plus loin :

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20 avril 2016 3 20 /04 /avril /2016 12:33
Par Gérard Borvon

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L’arrivée de l’électricité à Plouguenast

Texte signé de Monsieur Joseph Hamon

 

Ayant eu la chance de fréquenter et de bien connaître celui qui fit de Plouguenast l’une des toutes premières agglomérations françaises à s’éclairer à l’électricité, je m’étais toujours promis d’écrire ce que je savais de cette aventure. Car c’est bien d’une aventure qu’il s’agit.

L’histoire amusera les Plouguenastais de moins de 50 ans, quant aux plus de 70 ans, cela leur rappellera quelques bons souvenirs.

Découverte de la dynamo

 

Commençons par le début : nous sommes en 1900 ; cette année-là, Paris avait organisé une grande exposition universelle qui avait attiré des visiteurs du monde entier et parmi ces visiteurs, deux Plouguenastais, deux frères : Pierre et Mathurin MOUNIER.

 

Ces deux hommes curieux et avides d’apprendre, décidèrent de se rendre à Paris afin de voir de leurs yeux ce qui se faisait de mieux dans le monde en ce qui concerne l’industrie, l’aviation naissante, l’automobile, les machines agricoles, etc.

 

Il faut dire que nos deux héros étaient des ouvriers aptes à tout faire : serrurier, forgeron, soudeur, maréchal-ferrant, tôlier et j’en passe. A cette époque, un déplacement à Paris était une expédition qui coûtait cher tant en transport qu’en hébergement et nourriture. C’est pourquoi nos voyageurs partirent avec de nombreuses provisions de bouche dans le but d’économiser le plus possible sur les notes de restaurant. Par contre, impossible de se passer de l’hôtel et il fallut débourser 3 francs pour chaque nuit d’hôtel.

 

C’était beaucoup d’argent. Je sais bien que cette somme fera sourire nos jeunes amis mais pour situer la dépense dans le temps, il faut savoir qu’à l’époque, un ouvrier maçon par exemple gagnait moins de cinq sous de l’heure, soit environ 20 centimes de maintenant. Au diable l’avarice, Pierre et Mathurin sont à Paris et bien décidés à profiter au maximum de leur séjour.

 

Ils se rendent immédiatement à l’exposition. Quel enchantement ! Tout est merveilleux. Ils veulent tout voir.

Des machines extraordinaires sont exposées. Le stand de l’électricité attire particulièrement leur attention.

Un technicien est là qui répond à toutes les questions que lui posent nos amis :

- Qu’est-ce que c’est cette machine ?

- C’est une dynamo, répond le technicien, ça sert à faire de l’électricité.

- Comment ça marche ?

- C’est simple, pour fabriquer de l’électricité, il suffit de faire tourner cette machine avec une source d’énergie quelconque (moteur à pétrole, machine à vapeur, moulin à eau, moulin à vent, etc.…)

- Est-ce que ça peut marcher longtemps sans entretien ?

- Oui, elle peut marcher plusieurs années sans difficulté.

- Combien coûte-telle ?

- Cher, très cher.........

- On verra, dit Mathurin, car déjà une idée a germé dans sa tête.

 

Le retour à Plouguenast se fera sans histoire.

Il est temps maintenant de faire plus ample connaissance avec nos deux personnages. Il s’agit de deux hommes tout à fait remarquables.

Pierre MOUNIER

 

Parlons d’abord de Pierre, l’aîné. Il naquit en 1868. Il fit quelques études à l’école primaire de Plouguenast. D’une santé fragile, il devra toute sa vie, suivre un régime draconien. Il sera toujours très maigre, légèrement voûté, même un peu bossu à la fin de sa vie. Ces lacunes physiques seront largement compensées par une vive intelligence, un enthousiasme sans pareil, une imagination débordante et un ardent désir d’apprendre qui l’amèneront à lire beaucoup. C’est ainsi qu’il s’intéressera à la physique, à l’aviation, à l’électricité bien sûr, mais aussi à la philosophie et à l’histoire.

 

A Plouguenast, Il était surtout connu sous le nom de Pierre Bondé. En effet, il avait l’habitude de dire Bondé à chaque phrase. Combien de fois l’ai-je entendu me dire pendant les longues conversations que j’ai eues avec lui « Ah bondé, si j’avais une bonne santé, je ferais ceci, je ferais cela. Ah bondé, si j’avais été à l’école, j’en aurais fait des choses ! » Nous verrons plus loin que malgré les handicaps signalés plus haut, il fit tout de même beaucoup de choses dans sa vie et en particulier le rôle qu’il tint dans l’installation et le fonctionnement de l’électricité à Plouguenast. Il mourra en 1935 miné par la tuberculose.

Mathurin MOUNIER

 

De Mathurin, je ne dirai pas grand chose car je ne l’ai pas connu. Je sais seulement qu’il était instruit car il avait envisagé d’entrer au séminaire, ce qui l’avait amené à faire des études secondaires. De 2 ans le cadet de Pierre, il mourra à 37 ans également de la tuberculose, la terrible maladie que l’on ne savait pas guérir à cette époque. Sur la fin de sa vie, Il s’adonnera au spiritisme, à la magie et aux sciences occultes.

 

Pierre disait de son frère « Mathurin, c’était un génie, il comprenait tout, je n’arrivais pas à suivre ses raisonnements ». Il semble en effet que c’est Mathurin qui prendra les initiatives qui amèneront l’installation de l’usine électrique de Plouguenast. Cet homme tout à fait exceptionnel avait une idée nouvelle chaque matin d’après ce que m’en a dit son frère. Il avait fait un nombre important d’inventions qui restèrent sans suite, faute de moyen de réalisation.

 

La principale de ces trouvailles fut sans conteste la conception et le début de réalisation d’une machine à coudre avec laquelle il n’était pas nécessaire de refaire la navette qui a toujours été le cauchemar des couturières. Aujourd’hui encore, des grands constructeurs de machines cherchent en vain une solution à ce problème.

 

Cette machine, je l’ai vue en 1931 dans le grenier de la maison où habite actuellement Lucien Serinet. Elle était très grossière et devait peser au moins 40 kgs. La maladie de Mathurin et sa mort mirent fin à la réalisation de l’engin. Pierre me dit un jour qu’il connaissait bien le principe que son frère voulait mettre en œuvre et donc qu’il aurait pu terminer la machine mais que ce travail lui abrègerait sa vie de 10 ans, ce qui ne l’intéressait évidemment pas.

 

Maintenant que nous connaissons bien les deux frères Mounier, revenons en 1905 ! Quatre ans s’étaient écoulés depuis la visite à l’exposition de Paris. Pierre et Mathurin avaient travaillé dur et amassé un peu d’argent. Mathurin n’avait pas oublié la dynamo de Paris.

Le moulin de Pontgamp

 

Il se trouva qu’un moulin fut à louer au Pontgamp, là où habite actuellement Albert Voyer. Ce moulin était alimenté en eau par une dérivation du Lié passant dans le parking actuel du Multiservice. La vanne d’alimentation était située sur le coté droit de la route allant vers Loudéac. Un canal souterrain traversait la route pour permettre l’écoulement de l’autre côté. Je dis ceci pour les plus jeunes de nos compatriotes car ce canal n’a été obstrué que depuis quelques années.

 

Mathurin vit tout de suite l’intérêt de ce moulin qui était placé au milieu du bourg et du Pontgamp. Il décida de le louer mais auparavant il s’informa des expériences déjà réalisées dans certaines grandes villes de France. Il faut savoir qu’à cette époque, on s’éclairait encore au gaz dans la plupart des villes françaises. Pensant avoir suffisamment d’arguments, Mathurin reprit le chemin de Paris, emportant toutes ses économies et un peu d’argent prêté par des amis. Il revenait quelques jours plus tard, ayant fait l’emplette de la fameuse dynamo.

 

Deux mois plus tard, Alexis Presse, le voiturier de Plouguenast attelait deux de ses solides percherons et allait prendre la livraison de la machine à la gare de Lamballe. A ce moment, les frères Mounier pensent qu’un grand pas a été fait. En effet, les hommes, le moulin, la machine sont à pied d’œuvre. Pourtant, c’est maintenant que les vrais problèmes vont se poser !

 

Tout d’abord, le vieux moulin va s’avérer inadapté à l’usage qu’on voulait en faire. La vieille roue à Aubes dut être refaite entièrement. Le bief d’arrivée d’eau dut être élargi et approfondi. Tout cela demanda du temps et de l’argent. Mais que dire du courage et de la persévérance dont firent preuve les deux frères pour résister aux critiques et aux moqueries des badauds qui assistaient aux travaux. Pensez-donc, voilà deux farfelus qui prétendaient éclairer les maisons sans chandelles.

 

Premiers essais

 

Malgré les difficultés, les travaux avançaient. Bientôt la dynamo fut installée dans l’ancien moulin qui devint pour les frères Mounier, "L’USINE". C’est ainsi que s’appellera désormais le bâtiment. Quelques essais furent effectués en cachette mais les résultats s’avérèrent médiocres pour ne pas dire décevants. La dynamo tournait trop lentement, si bien que le filament des ampoules rougissait à peine, ce qui ne donnait guère de lumière. On obtenait à peine 60 volts au lieu des 110 espérés. On changea la démultiplication des roues de transmission, on chercha toutes les combines possibles pour augmenter la vitesse de rotation de la dynamo. Après bien des tâtonnements, on obtint enfin une centaine de volts, ce qui donnait une lumière très convenable.

 

C’est alors que Mathurin décida de frapper un grand coup. D’abord, pour confondre ses détracteurs, ensuite pour montrer à la population de Plouguenast qu’il n’était pas aussi fou qu’on le disait, enfin pour faire en vraie grandeur un essai des possibilités de transport du courant électrique.

 

Pour ce faire, on tira deux fils qui partaient de l’usine pour aboutir à la maison de Mathurin qui se trouvait située au-dessus de la maison actuelle de Fernand Salmon. La distance était d’environ 350 mètres. Une lampe témoin fut fixée sur le mur extérieur de la maison et une équipe d’une dizaine d’hommes se posta, à distance respectueuse de l’ampoule, avec pour mission de contrôler l’allumage éventuel. Cette équipe pouvait être vue d’une deuxième équipe qui, elle, était postée sur la route près du moulin. Quand tout le monde fut en place, l’équipe du haut donna le signal de mise en route à l’aide de signaux à bras convenus à l’avance. On leva la bonde et le moulin se mit en route lentement, entraînant la fameuse dynamo. Au début, il ne se passa rien puis petit à petit, au fur et à mesure de l’augmentation de la vitesse du moulin, le filament de l’ampoule prit une petite teinte rosée et enfin une véritable luminosité.

 

Le pari était gagné !

 

Les deux équipes furent bientôt réunies chez Paul Georgelin, le cafetier d’en face où l’événement fut arrosé copieusement. Mon beau-père, Joseph Ruello qui faisait partie de l’équipe du haut m’a raconté cet événement.

 

Et la lumière fut...

 

Devant une telle réussite, on pourrait penser que tous les habitants de Plouguenast allaient se précipiter chez les frères Mounier pour demander l’installation d’une lampe chez eux ! Et bien, pas du tout. Au contraire, on regarde avec méfiance cette lumière qui passait dans des fils de fer. D’autant plus qu’un voyageur venant de Nantes affirmait qu’un homme qui avait touché un fil électrique était tombé raide mort. Il fallut attendre plusieurs mois avant qu’un courageux autorise l’installation d’une lampe dans sa maison. Chaque soir, les voisins venaient admirer le magnifique éclairage qui remplaçait avantageusement plusieurs lampes à « oriflamme ».

 

Aucun incident n’étant survenu, d’autres personnes demandèrent l’installation d’une lampe chez eux. C’est ainsi que petit à petit, tous les habitants du bourg et du Pontgamp eurent bientôt au moins une lampe dans leur habitation.

 

Tous ces travaux avaient coûté cher et les finances des frères MOUNIER étaient au plus bas, aussi décidèrent-ils de monnayer leur travail et leur matériel. Le problème n’était pas simple à résoudre. En effet, vendre de l’électricité n’est pas aussi aisé que de vendre du blé ou des pommes de terre. De nos jours, les employés de l’E.D.F passent dans nos maisons et lisent sur le compteur les quantités d’électricité dépensée depuis leur dernier passage. C’est très simple. A Plouguenast, en 1906, il n’était pas question d’installer un compteur dans chaque maison. Il fallut trouver autre chose. Les frères Mounier optèrent pour un abonnement annuel qui serait payé en fin d’année en fonction du nombre de lampes installées chez chaque abonné. Exemple : pour une lampe, 15 francs (en 1913), pour trois lampes, 45 francs.

Développement et résolution des problèmes

 

Le système semblait simple et fonctionna quelques années jusqu’à ce que certains abonnés, trouvant la note trop élevée, demandèrent une diminution du tarif, arguant du fait qu’ils n’utilisaient qu’épisodiquement certaines lampes. Pierre Mounier trouva la solution en installant des "va et vient" dans chaque maison. C’est ainsi que quand on éteignait une lampe dans une pièce, une autre lampe s’allumait dans une autre pièce. Je me souviens très bien que chez moi, la cuisine et la chambre de ma mère étaient couplées. Chaque soir, en allant se coucher, ma mère tournait un bouton qui bifurquait le courant de la cuisine vers sa chambre. Il n’y avait donc qu’une lampe à fonctionner en permanence, ce qui ne justifiait qu’une seule redevance annuelle. J’ai même vu 3 lampes alimentées par le même circuit.

 

Ce système permettait de ne payer qu’une fois plusieurs utilisations. Ce procédé astucieux avait tout de même un gros inconvénient. En effet, si l’on avait besoin d’éclairer deux pièces à la fois, il fallait en sacrifier une. C’est pourquoi les lampes à huile et les bougies restèrent toujours à portée de main. Les problèmes internes étant résolus, il restait à assurer le fonctionnement général de l’installation. Le Lié n’étant pas le Mississipi, il apparut rapidement aux frères Mounier qu’on risquait de manquer d’eau si le moulin marchait trop longtemps sans interruption. Il fallut régler les heures de marche en fonction des saisons et des disponibilités en eau.

 

Voici comment les choses se passaient. L’usine était mise en route le matin entre 5 heures et 5 heures 1 /2 suivant les saisons et arrêtée dès qu’il faisait jour. Le soir, on remettait en marche à la tombée de la nuit avec arrêt impératif à 22 heures jusqu’au lendemain matin. En fait, on ne se servait pratiquement pas des interrupteurs. Les lampes s’allumaient avec la mise en route de l’usine et s’éteignaient avec son arrêt. Ce qui explique que le pays vivait à l’heure de l’usine. On se levait quand la "chandelle" s’allumait et le soir, tout le monde était au lit à 22 heures.

 

La petite anecdote suivante montrera à quel point le pays était conditionné par l’usine. Un jour, Guillaume Serandour, qui était mitron chez Victor Presse à la Côterette, eut un travail de nuit à effectuer dans son pétrin. Comme il était très copain avec Pierre Bondé, il lui demanda l’autorisation de mettre lui-même l’usine en route afin d’avoir de la lumière pour faire son travail. Comme c’était en saison hivernale, l’eau ne manquait pas ; aussi, Pierre donna son accord. Serandour, qui habitait au Pontgamp, passait obligatoirement devant la bonde pour venir à la Côterette, aussi il n’eut aucun effort à faire pour lever la vanne d’alimentation du moulin, ce qui eut pour conséquence d’éclairer toutes les maisons du bourg et du Pontgamp.

 

Or, il n’était que 3 heures 1/2 du matin. Pierre Martin, le bedeau, réveillé en sursaut et encore à moitié endormi jeta un coup d’oeil sur son réveil, se trompa d’aiguille, lut 6 heures 1/4 au lieu de 3 heures 1/2, enfila son pantalon en vitesse et monta quatre à quatre l’escalier de la tour de l’église pour sonner une Angélus d’autant plus vigoureuse qu’il la croyait en retard d’une demi-heure. Ce carillonnement intempestif réveilla le curé, qui à peine habillé, se précipita à la sacristie et se mit en devoir de revêtir les ornements sacerdotaux.

 

Quelques pieuses paroissiennes mal réveillées, arrivaient à l’église quand quelqu’un vint dire qu’il devait y avoir une erreur quelque part puisque les deux horloges de sa maison, qui n’avaient pas fait la moindre erreur depuis 25 ans, annonçaient toutes les deux quatre heures. Ceux qui s’étaient levés se recouchèrent, les réveillés se rendormirent et cela donna un bon sujet de conversation pour le lendemain.

 

Cette petite parenthèse étant close, revenons à notre affaire. Le système, tel que nous l’avons vu plus haut, fonctionna pendant 30 ans, mais ce ne fut pas sans difficultés pour Pierre Bondé. Il eut à faire face à trois problèmes.

 

  1. Difficulté d’approvisionnement en eau surtout en été.
  2. Nécessité d’avoir quelqu’un tout au long de l’année pour assurer la mise en route et l’arrêt de l’usine.
  3. Assurer l’entretien des installations intérieures et extérieures.

 

Voici comment Pierre réussira à faire face à ces difficultés au prix de beaucoup de travail, d’astuce et d’imagination.

 

Pour l’approvisionnement en eau, nous savons que les réserves étaient très limitées. L’hiver, le Lié a un débit important, ce qui assurait la marche du moulin sans trop de problème malgré les besoins en électricité forcément plus grands en cette période de l’année. L’été, il en était tout autrement et il était fréquent de voir la luminosité des ampoules diminuer à la même fréquence que le débit du Lié. Les vieux Plouguenastais se souviennent certainement des baisses de tension en fin de soirée et que les 25 "bougies" annoncées sur l’ampoule étaient loin d’être atteintes.

 

Là où la situation devenait dramatique, c’est quand un événement important nécessitait la prolongation de l’électricité après 10 heures du soir ! Ce cas se produisait au moins une fois l’an à l’occasion des courses de Plouguenast qui avaient lieu sur deux journées fin août ou début septembre dans une période où le Lié était pratiquement à sec. Pendant ces deux soirées, la demande en électricité était grande. Pensez-donc, chaque bistro (il y en avait une quinzaine entre le bourg et le Pontgamp) organisait un bal public sur la route en face chez lui. Cela nécessitait l’installation d’au moins une lampe accrochée à un coin de mur dans le but de moraliser autant que faire se pouvait un bal pas mal décrié du fait qu’il avait lieu la nuit.

 

D’autre part, le comité des fêtes organisait lui aussi son bal annuel payant sur la place de l’église. Cette place, caillouteuse et mal nivelée, avait été recouverte au préalable d’une épaisse couche de "Frou", ce qui rendait les évolutions plus aisées mais nécessitait un sérieux brossage des costumes et des robes le lendemain. Ce grand bal absorbait à lui seul six lampes supplémentaires, deux pour l’orchestre et une aux quatre coins du bal. C’était la grande fête et toutes les jeunes filles étaient autorisées à aller danser car l’éclairage permettait aux parents parqués derrière les barrières, de garder un œil vigilant sur leur progéniture tout en devisant avec les autres parents.

 

Pierre Mounier ne voyait pas sans angoisse arriver ces deux fournées ! Il y avait deux moyens de faire face au problème posé. D’abord, faire des réserves d’eau et ensuite rechercher des appuis au moment de l’utilisation de cette eau. C’est ainsi que dans les huit jours précédant les courses, Pierre et quelques bénévoles mettaient des poteaux et des arbres en travers des "Errusses" dans le but de surélever la retenue d’eau et d’augmenter ainsi la capacité de stockage. L’ennui, c’est que ce procédé avait pour effet d’arrêter complètement le cours du Lié, ce qui n’arrangeait pas du tout les meuniers situés en aval du barrage. Par contre, il fallait composer avec ceux situés en amont pour leur demander de moudre à une heure bien déterminée le jour des courses de telle sorte que l’eau arrive au Pontgamp au meilleur moment, soit vers 10 ou 11 heures du soir.

 

C’est ainsi que grâce à une bonne entente entre tous, les choses s’arrangeaient au mieux. D’autant plus que les courses de Plouguenast étaient à cette époque un événement qui intéressait tout le canton. Le dimanche avait lieu les courses de chevaux qui étaient classées avec pari mutuel, tribunes, etc... Le lundi, les courses de bicyclettes étaient réputées parmi les plus importantes de Bretagne. Les prix nombreux et substantiels attiraient la crème du cyclisme breton, ce qui faisait dire qu’il s’agissait là d’un vrai championnat de Bretagne sans en avoir l’appellation officielle.

 

Nous nous sommes un peu éloignés de notre sujet, mais je pense qu’il n’est pas sans intérêt de faire un peu d’histoire du pays à l’occasion de ce récit. Revenons à notre moulin qu’il fallait mettre en route de bonne heure le matin et arrêter le soir comme nous l’avons vu plus loin. C’était une servitude énorme pour Pierre Bondé qui habitait à une certaine distance de l’usine. Pendant quelques années, le service fut assuré par Paul Alanet qui logeait dans une petite maison, maintenant détruite, située juste en face de l’usine.

 

A la mort de Paul, il ne se trouva personne pour le remplacer. "Bondé de Bondé" se dit Pierre, c’est moi qui vais être obligé de faire ce travail. Effectivement, c’est lui qui, été comme hiver régula la marche de l’usine. Le plus pénible pour Pierre était l’obligation d’attendre 10 heures du soir pour arrêter le moulin alors que, surtout l’hiver, il aurait aimé se coucher tôt. Cette servitude l’amena à rechercher un moyen mécanique qui le délivrerait de cette besogne. Il trouva la solution grâce à une installation complexe mais combien astucieuse. En gros, le principe était le suivant. Une horloge à poids génialement bricolée fut installée dans l’usine et réglée de telle sorte qu’à 10 heures pile, un poids de 2 kilos tombait sur un levier qui par son abaissement embrayait une poulie reliée elle-même à l’aide d’une courroie de transmission à la vanne d’arrivée d’eau au moulin. Cela semble simple à raconter mais ceux qui ont vu comme moi cette installation, ont envie de crier au génie. Ce procédé fonctionna parfaitement jusqu’à la fermeture de l’usine. Le problème de l’arrêt étant résolu, il restait à trouver un moyen de mise en route le matin. La solution était pratiquement trouvée quand l’E.D.F officielle vint kidnapper littéralement toute l’œuvre des Frères Mounier et réduire à néant 30 années de travail.

 

Ce véritable vol eut lieu en 1935, il y a un peu plus de 50 ans. C’est la Compagnie LEBON qui avait l’exclusivité de l’électricité dans cette partie de la Bretagne qui s’appropria le plus légalement du monde d’ailleurs, toutes les installations qu’elle s’empressa de démolir pour y mettre les siennes qui étaient évidemment beaucoup plus modernes.

 

Avant ce temps, Pierre assura seul tous les travaux d’installations intérieures et extérieures. C’est toujours la nuit qu’il venait faire les réparations et les installations nouvelles. Pourquoi la nuit ? Parce que ne disposant d’aucun appareil de mesure, c’est au toucher des fils qu’il pouvait différencier les fils conducteurs des neutres. Il prenait souvent de bonnes châtaignes mais cela ne semblait pas le gêner outre mesure. Les lignes extérieures étaient supportées par des poteaux en bois composés le plus souvent de jeunes arbres mal équarris et plantés un peu n’importe où.

 

Cette organisation avec ses défauts et ses lacunes fonctionna pendant 30 ans à la satisfaction générale. On pourrait penser qu’une telle infrastructure qui avait une valeur commerciale certaine, donnerait lieu à une indemnité compensatrice ou à un rachat, comme cela s’était produit dans certaines villes. Il n’en fut rien. La Compagnie LEBON, comme elle en avait légalement le droit, refusa toute indemnité prétextant qu’aucune licence d’exploitation n’ayant jamais été demandée, elle arrivait dans un pays où il n’y avait rien avant son arrivée. Pierre Mounier essaya bien de protester mais juridiquement, sa position était indéfendable et il dut s’incliner. Bien entendu, sa peine fut immense et pour manifester son amertume, il ne voulut jamais prendre un branchement à la Compagnie LEBON, si bien que jusqu’à sa mort il s’éclaira à la bougie. Quel paradoxe !!!

L’arrivée de l’électricité officielle

 

Bien évidemment, l’arrivée de l’électricité officielle était un progrès pour le pays puisqu’elle permettait l’électrification de toute la commune, ce qui n’était pas le cas avant. Je ne voudrais pas terminer cette histoire sans dire quelques mots de la vie de Pierre Mounier. Comme je l’ai dit plus haut, c’était un homme d’une santé fragile. Héréditairement tuberculeux semble-t-il (rappelons que Mathurin son frère était mort tuberculeux à l’âge de 36 ans en 1906), il réussira à vivre 30 ans de plus que son frère grâce à une hygiène de vie monastique. Pas d’alcool, pas de tabac, pas de femme (il ne se mariera jamais), une alimentation qui sans être particulière était tout de même rigoureuse, grâce à la surveillance constante de Mademoiselle Marie-Louise Mounier, sa cousine dont nous dirons un mot plus loin. Car c’était un personnage pittoresque et en quelque sorte une figure du vieux Plouguenast. Un élément important de la vie de Pierre Mounier était sa sieste journalière qu’il n’aurait manquée pour rien au monde. On le voyait été comme hiver, et quel que soit le temps, partir sur le chemin du Val après son déjeuner avec sous un bras L’OUEST ÉCLAIR et sur l’autre son imperméable couleur mastic. L’hiver il portait un pardessus et parfois il ajoutait une couverture sur ses épaules. Les passants pouvaient le voir allongé tranquillement sur le bord du chemin lisant son journal ou dormant tout simplement. Par temps de pluie, il trouvait une excavation sous un rocher ce qui ne manquait pas sur ce chemin qui n’était qu’une suite de carrière de pierres.

 

Comme je m’étonnais un jour devant lui de cette constance pour sa sieste, il me répondit que dans les sanatoriums, l’essentiel des soins consiste à exposer les malades le plus possible à l’air libre ! Après sa sieste qui durait parfois 2 heures, il rentrait dans son atelier et vaquait à son travail qui consistait surtout en réparation de petits appareils ménagers que personne d’autre que lui ne savait ou ne pouvait faire dans le pays. On lui recommandait aussi parfois des travaux de ferronnerie d’art pour des portes d’entrée ou des clôtures. Là où il était à son affaire c’est quand un cultivateur venait lui demander la confection d’une pièce introuvable dans le commerce pour une vieille machine agricole.

 

Comme promis, nous allons dire un petit mot de Marie-Louise, la cousine qui dégagea Pierre de toutes les contingences matérielles (ménage, cuisine, habillement, etc...). Ils vécurent l’un à côté de l’autre pendant de nombreuses années. Pourtant il est rare de rencontrer deux êtres aussi différents :

 

Elle : grande, élancée, distinguée, toujours tirée à quatre épingles, légèrement dominatrice, esprit critique s’il en fut, bonne chrétienne ; elle avait été au couvent quelque temps dans le but de devenir religieuse.

Lui : petit, courbé, bon enfant, pas coquet pour deux sous et un tantinet mécréant par-dessus le marché.

 

Avec deux tempéraments aussi opposés, les frictions étaient nombreuses. C’est ainsi qu’on pouvait entendre Marie-Louise reprocher à son cousin son manque de foi et lui prédire une damnation certaine. Pas si sûr, répondait Pierre. Dieu qui me connaît bien me choisira avant toi, ne serait-ce que pour ne pas t’entendre médire de ton prochain. Ah les hommes ! reprenait Marie-Louise, le meilleur ne vaut rien. Quoi ! rétorquait Pierre. Comment oses-tu dire des choses pareilles ! Toi qui avais choisi le meilleur d’entre eux, tu n’as pas pu le supporter plus de quelques mois. Comme on le voit, Pierre Mounier avait aussi de l’humour. Voilà brièvement racontée, l’histoire d’une vie mais aussi celle d’un homme qui fait honneur à notre commune. Je ne sais ce qu’est devenue la fameuse dynamo qui changea la vie des Plouguenastais. Je crois qu’elle fut achetée par Jean Hamon du Petit Moulin. Il serait peut-être intéressant de la rechercher et si on la retrouve, de l’exposer dans une sorte de petit musée avec une biographie de Pierre et Mathurin Mounier. Cela ne serait certainement pas sans intérêt pour les jeunes Plouguenastais d’aujourd’hui et ceux des générations à venir.

 

Plouguenast, août 1986

Joseph HAMON

 

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8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 15:02

Par Gérard Borvon.

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Une friche à l’oubli à l'entrée de la ville de Besançon (Doubs). Abandonnée depuis plus de 30 ans, elle attire graffeurs et historiens. Autrefois lieu de travail, aujourd'hui lieu d'expression, l'ancienne filature Rhône-Poulenc continue à fasciner les hommes.

  • Par Sophie Courageot
  • Publié le 29/03/2016 | 15:09 , mis à jour le 05/04/2016 | 12:05

 

© Marc Perroud - Vie des Hauts production L'intérieur de la friche de la Rhodiaceta à Besançon

 

Rhodiacéta 1967 : une filature en plein essor. Des grèves, une occupation de l’usine. Le cinéma ouvrier des groupes Medvedkine est né. Les ouvriers militent, et prennent la parole, racontent leur histoire, leur époque, leurs rêves. Une guérilla culturelle s’organise.

La démolition de ce qui fut une usine est proche, avec elle s'éloignent les mots, les souvenirs, les émotions des hommes et des femmes qui y ont travaillé quelques années parfois, toute une vie souvent. La fierté et la révolte s'y sont côtoyés: fierté du travail bien fait, de l'argent durement gagné, la révolte, le combat, les luttes pour un monde à réinventer.

 

 

Tant que les murs tiennent

 

Lundi 4 avril à 23h25

 

  • Documentaire 52 min
  • Réalisé par Marc Perroud
  • Une coproduction Vie des Hauts Production - France Télévisions

 

 

 

Extrait de "Tant que les murs tiennent"

La friche de la Rhodiaceta est interdite au public. Les graffeurs s'y risquent pourtant pour excercer leur art. Ils sont régulièrement délogés par la police. Un documentaire de Marc Perroud et une coproduction Vie des Hauts Production - France Télévisions

Un grand format numérique pour aller plus loin

 

 

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Voir aussi

 

Le militant ouvrier et l'aristocrate. Quand Charles Tillon rendait hommage à Hilaire de Chardonnet.

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