Le temps est écoulé : si les Etats accordent encore quelque importance à l'objectif de limiter la hausse moyenne des températures mondiales à 2°C d'ici la fin du siècle, ils doivent agir dès maintenant en déployant des politiques d'une envergure sans commune mesure avec les initiatives prises jusqu'à présent. Tel est l'un des principaux messages du nouveau rapport sur « l'atténuation du changement climatique » du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), dont la synthèse a été publiée, dimanche 13 avril à Berlin.
Ce texte d'une trentaine de pages et qui constitue le « résumé pour les décideurs » est destiné à éclairer les gouvernements dans leurs choix en compilant l'état des connaissances sur les possibles scénarios de décarbonisation de l'économie mondiale. Près de 1200 projections ont été analysées et 235 scientifiques de 57 pays ont participé à sa rédaction.
L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone et celle du CO2.
L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.
Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.
Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.
Dérèglement climatique, fonte des glaces, cyclones, inondations, sécheresses…
Coupable : le dioxyde de carbone.
Pourtant sans ce gaz il n’y aurait aucune trace de vie sur Terre.
L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone et celle du CO2.
L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.
Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.
Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.
Appelé "l’or de la mer" ou "larmes des dieux", l’ambre est un curieux matériau. Il peut se brûler, se charger d’électricité statique et conserver pendant des millions d’années les éléments inclus lors de son processus de fossilisation. Les Anciens lui attribuaient des vertus magiques et le considéraient comme un cadeau royal. Les tombes des souverains d’Égypte, de Syrie ou de Grèce contenaient de nombreux objets précieux travaillés à partir de cette résine fossile.
Mais d’où venait-elle ?
Des recherches récentes révèlent l’empreinte chimique de l’ambre et précisent son origine : la mer Baltique. Une route de l’ambre devait donc relier les deux extrémités du monde connu à cette époque : les bords riants du Nil et les rives tempétueuses du Nord. Mais par où passait cette voie disparue ? De récentes fouilles semblent confirmer qu'elle traversait, entre autres, la Bavière, plus précisément Bernstorf où des archéologues ont mis au jour un sceau fait en ambre de la Baltique et en or des mines d’Égypte. Il représente d'ailleurs un visage gravé qui pourrait être la réplique du fameux masque d’or d’Agamemnon retrouvé à Mycènes.
L’influence de l’homme sur le système climatique est claire.
Cela est manifeste dans la plupart des régions du globe, d’après une nouvelle évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).
Il est extrêmement probable que l’influence de l’homme a été la cause principale du réchauffement observé depuis la moitié du XXe siècle.
Les preuves s’en sont multipliées grâce à l’amélioration et à la prolifération des observations, à une meilleure compréhension des réactions du système climatique et à l’amélioration des modèles du climat.
Dérèglement climatique, fonte des glaces, cyclones, sécheresses…
Coupable : le dioxyde de carbone.
Pourtant sans ce gaz il n’y aurait aucune trace de vie sur Terre.
L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone et celle du CO2.
L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.
Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.
Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.
Dérèglement climatique, fonte des glaces, cyclones, sécheresses…
Coupable : le dioxyde de carbone.
Pourtant sans ce gaz il n’y aurait aucune trace de vie sur Terre.
L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone et celle du CO2.
L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.
Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.
Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.
Qui ne mesure, aujourd’hui, l’importance des ondes électromagnétiques de toutes fréquences, ondes radio, radar, ondes diverses des systèmes de téléphonie mobile… Le premier à les produire et à les voir agir est un jeune chercheur de 30 ans Heinrich Hertz.
Sa découverte résulte de la rencontre d’une pensée théorique majeure, celle de Maxwell, et d’une technique aboutie, celle des fabricants de matériel scientifique et parmi eux, Ruhmkorff.
A la conquête des hautes tensions : la bobine de Ruhmkorff.
Les piles ont un mérite : elles fournissent un courant de façon continue. Elles ont aussi un inconvénient : elles ne permettent pas l’accès à des tensions de plusieurs milliers de volts.
Or la médecine reste fidèle à ces chocs électriques qui, même quand ils ne guérissent pas, sont l’affichage d’une supposée haute technicité. C’est pourquoi les machines électrostatiques ont sans cesse été perfectionnées pendant tout le 19ème siècle. La machine de Wimshurst en est le plus bel aboutissement. Dans les années 1880 elle se répand dans tous les cabinets des médecins aussi bien que dans les laboratoires des universités et des lycées où nous la trouvons encore aujourd’hui.
Machine de Wimshurst, dans son coffret, munie de ses accessoires.
Un nouvel instrument va bientôt lui faire concurrence : la bobine de Ruhmkorff. Celle-ci est le résultat d’efforts dispersés.
On prête généralement à Joseph Henry, professeur à l’Académie d’Albany, la première observation, en 1832, d’étincelles de rupture. Le montage qui l’amène à cette observation est constitué de deux fils longs de plusieurs mètres reliés à quelques éléments de pile. Le circuit est fermé par un godet empli de mercure. Si l’un des fils est brusquement retiré de ce godet, une étincelle éclate entre le mercure et le fil.
Tout se passe comme si le courant faisait preuve d’inertie et tendait à se maintenir après l’ouverture. Henry désigne ce phénomène par le terme "d’extra-courant de rupture". Il constate que celui-ci est encore plus violent quand le fil est enroulé en spires jointes et en particulier quand on introduit un noyau de fer doux dans l’axe de ces spires. Faraday, un an plus tôt, avait découvert l’induction d’un circuit sur un autre circuit proche lors de l’ouverture ou de la fermeture du premier.
Henry venait de découvrir le phénomène "d’auto-induction" d’un circuit sur lui-même.
L’apparition d’étincelles, preuve de l’existence d’une haute tension entre le mercure et le fil lors de la rupture, intéresse les médecins et fabricants de matériels scientifiques. On prête à Charles Grafton Page, médecin et compatriote de Henry, la fabrication d’un "autotransformateur" constitué d’une seule bobine dont une première partie, alimentée par les piles, constitue le primaire et où le secondaire, où se produisent les étincelles, est constitué par le reste de la bobine.
Bientôt les deux circuits seront séparés et la bobine prend sa forme plus élaborée entre les mains de Heinrich Daniel Ruhmkorff (1803-1877).
Né en Allemagne, Ruhmkorff vient à Paris pour y apprendre et y exercer le métier de fabricant d’instruments scientifiques de précision. Son chef d’œuvre est cette fameuse bobine d’induction à laquelle sera bientôt associé son seul nom, faisant oublier du même coup tous ceux, nombreux, qui y ont apporté leur contribution.
" Le corps de la bobine, S, est en carton mince, et les rebords en bois vernis de gomme laque. Sur le cylindre de carton, se trouvent enroulées deux hélices de fil de cuivre, parfaitement isolées. Une de ces hélices est composée de gros fil (d’environ 2 millimètres) ; l’autre, de fil très fin (dans un autre passage Louis Figuier dira qu’il peut atteindre jusqu’à 30 kilomètres de longueur). Les bouts de ces quatre fils sortent des rebords de la bobine par quatre trous a, b, c, d. Les extrémités du fil fin se rendent aux boutons A, B, montés sur des colonnes de verre. Les extrémités du gros fil viennent aboutir à deux petites bornes métalliques, qui communiquent avec les deux pôles de la pile.".
Une pièce importante du montage est le "vibreur" qui établit et supprime le courant au primaire. Celui-ci, mis au point par Foucault, comporte une lame portant deux contacts qui plongent dans deux godets de mercure qui ferme le circuit alimentant un électroaimant. Celui-ci attire la lame et ouvre le circuit. Cette ouverture ramenant la lame à sa position initiale, il s’en suit une vibration entretenue qui peut atteindre plusieurs centaines d’ouvertures et de fermetures par seconde. Un condensateur, évitant les étincelles de rupture au primaire, complète le montage.
La puissance obtenue est extraordinaire. Des étincelles de plus de trente centimètres peuvent être obtenues au secondaire. Les commotions produites sont d’une extrême violence. Des expérimentateurs peu prudents le vérifieront à leurs dépens. Un collaborateur de Ruhmkorff se trouve ainsi renversé par une décharge qui le laisse dans un état d’extrême faiblesse pendant plusieurs jours. Seules des batteries de bouteilles de Leyde avaient, jusqu’à présent produit de tels effets. Mais, avantage de la bobine de Ruhmkorff sur les bouteilles de Leyde, celle-ci ne se décharge pas et produit des hautes tensions permanentes.
Les expériences se multiplient. Des blocs de verre de 10 centimètres d’épaisseur sont percés par l’étincelle. Les métaux et les terres les plus réfractaires y sont fondus.
Application utile autant que spectaculaire : la bobine peut enflammer plusieurs explosifs de façon simultanée rendant ainsi les travaux des mines et des carrières plus efficaces (la dynamite a récemment été brevetée par Alfred Nobel). Cette pratique vient, hélas, enrichir l’arsenal guerrier et la bobine est célébrée pour avoir permis, en octobre 1860, de faire sauter le fort de Peï-ho pendant l’expédition de Chine et la "guerre de l’opium" qui se termina par le sac du Palais d’été.
Plus pacifique est l’utilisation de la bobine par les médecins qui en font la nouvelle thérapie à la mode. Mais la bobine se donne aussi en spectacle. On se souvient de l’abbé Nollet faisant sauter en l’air une compagnie de soldats des gardes françaises au moyen de la bouteille de Leyde. A un siècle de distance les démonstrateurs forains des ponts de Paris renouvellent le spectacle.
Démonstration de choc électrique par la bobine de Ruhmkorff
Juste reconnaissance, Ruhmkorff se voit attribuer, en 1864, le prix Volta. Les 50 000 francs de ce prix, créé par Napoléon après la visite de Volta à Paris pour récompenser la meilleure application de la pile, n’avaient encore jamais été attribués. Rétabli en 1852 par Napoléon III, Ruhmkorff est le premier à le recevoir.
Son générateur à haute tension, qui figure dans le moindre laboratoire, est aussi une source de recherches nouvelles que les plus habiles et les plus volontaires sauront mettre à profit.
Vers la découverte des ondes "hertziennes".
Né à Hambourg, Heinrich Hertz (1857–1894) est le fils d’un important magistrat de la ville. Jeune homme studieux, il se destine d’abord à la profession d’ingénieur mais son goût pour les mathématiques et les sciences de la nature l’amène à choisir la voie universitaire. D’abord à Munich, à Berlin, à Kiel. En 1884, il intègre l’école supérieure de technique de Karlsruhe dans laquelle il trouve un laboratoire bien équipé.
Après avoir étudié différents sujets au gré de ses nominations successives, il s’intéresse alors aux théories de l’électromagnétisme et se plonge dans l’étude des ouvrages de Helmholtz, son professeur à Berlin, de Weber et de Maxwell.
Le hasard d’une manipulation l’incite à étudier les étincelles qui éclatent dans un montage, dans des circonstances où elles n’étaient pas attendues. Guidé par ses précédentes études de l’électromagnétisme, cette piste l’amène à prouver l’existence des ondes électromagnétiques proposées par Maxwell. Il présente ses résultats en décembre 1888 dans un mémoire adressé à l’Académie des Sciences de Berlin.
Son dispositif comprend un émetteur. Le montage le plus habituellement décrit comprend deux sphères de cuivre, creuses, d’une trentaine de centimètres de rayon. Elles sont reliées par une tige conductrice de 0,5cm de diamètre et de 1,5 mètres de longueur. Cette tige est interrompue en son milieu par un très petit intervalle.
Les deux sphères sont alimentées par les décharges du secondaire d’une bobine de Ruhmkorff, l’une d’électricité positive, l’autre d’électricité négative. Quand la tension devient suffisante une étincelle éclate dans l’espace ménagé entre les deux tiges. Loin de provoquer la neutralité des deux boules, ce courant se prolonge au-delà de l’équilibre comme par une "inertie" liée à "l’inductance" du circuit. Alors, explique Hertz, dans un texte publié en 1889 dans les Archives de Genève, il se créera sur les deux sphères "des charges inverses de celles qu’elles présentaient d’abord : celles-ci provoqueront une nouvelle décharge, et ainsi de suite, il se produira ainsi une série d’oscillations entre les deux sphères… ". C’est une "sorte de diapason électrique" ajoute-t-il. Un diapason dont la théorie permet de calculer la fréquence à partir de la capacité et de l’inductance du circuit. Hertz estime que la fréquence des oscillations provoquées par son montage est de l’ordre de cent millions de périodes par seconde.
Après l’émetteur, le récepteur. C’est un "résonateur" constitué soit par une spire conductrice circulaire de 35cm de rayon ou par un fil disposé en un carré de 60cm de côté. Chacun de ces dispositifs étant interrompu par une ouverture garnie de deux petites boules le laiton dont on peut régler l’écart par une vis micrométrique (ou micromètre à étincelle).
" Lorsque le résonateur est placé dans le champ électrique, il se produit entre les boules du résonateur des étincelles visibles, même à 20 et 25 mètres de la bobine. Le mur, une cloison de briques, etc., n’arrêtent pas la propagation des ondulations électriques révélées non seulement à l’aide du résonateur, mais avec deux morceaux de métal quelconque (clefs, pièces de monnaie, etc.), mis en contact et séparés pendant que la bobine fonctionne. Le résonateur donne cependant des résultats toujours plus nets, lorsqu’il est bien proportionné, parce que les mouvements électriques dont il est le siège sont synchrones avec ceux de la bobine…"
En disposant de grands miroirs en zinc sur le trajet des radiations électriques, on peut les réfléchir, et répéter toutes les expériences classiques d’optique sur les rayons lumineux.
Ces rayons peuvent être polarisés, diffusés, réfléchis régulièrement, exactement, etc., comme les rayons lumineux.
En traversant un prisme de poix ou de bitume, les rayons électriques sont réfractés, l’indice de réfraction électrique ayant sensiblement la même valeur que l’indice de réfraction optique. Toutes ces coïncidences et biens d’autres sur lesquelles nous ne saurions insister ici, rendent très probable la théorie de Maxwell et semblent autoriser M. Hertz à considérer les radiations électriques comme des radiations lumineuses de grande longueur d’onde. Voici en effet, quelles sont les conclusions de son dernier Mémoire présenté à l’Académie des sciences de Berlin.
"Pour moi, les faits observés me paraissent mettre hors de doute l’identité de la lumière, de la chaleur rayonnante, et des mouvements électrodynamiques. Je crois que l’identité conduira à des conséquences aussi profitables pour la théorie de l’optique que pour celle de l’électricité."
Ajoutons que Hertz, par des expériences d’interférences, a pu mesurer la vitesse de propagation de ces ondes et vérifier qu’elle est bien celle de la lumière comme l’avait prévu Maxwell.
Les Ondes se propagent dans toute l’Europe.
Ces expériences, facilement reproductibles, font rapidement le tour des laboratoires européens.
A Genève elles prennent une dimension pharaonique. Pour déterminer avec une précision suffisante la vitesse de propagation des ondes, les physiciens Sarasin et de la Rive veulent réaliser des interférences sur une grande échelle. Un écran de zinc de 8 mètres de hauteur sur 16 de large est placé à 15 mètres de l’émetteur.
Les ondes incidentes et réfléchies se combinent pour donner des ventres et des nœuds d’oscillation. Un détecteur constitué d’un anneau ouvert d’un faible intervalle est déplacé perpendiculairement à l’écran. Dans les nœuds rien ne se passe, dans les ventres des étincelles éclatent entre les boules placées aux extrémités de l’anneau.
La connaissance précise de la longueur d’onde permet ainsi de vérifier l’identité de la vitesse des ondes électromagnétiques et des ondes lumineuses non seulement dans l’air mais aussi dans l’eau ou dans l’alcool.
Les partisans de Maxwell triomphent. Qui pourrait encore douter de la véracité de sa théorie ? Son décès prématuré, dix ans auparavant, ne lui aura pas permis d’être lui-même le témoin de ce succès.
Hertz lui-même meurt d’une maladie foudroyante 7 ans après sa découverte. Il n’a que 36 ans et ne verra pas le début de ces "ondes radiophoniques" qui vont, dans le siècle qui suivra, transformer notre planète en un vaste village.
L’éther existe donc ? L’expérience de Michelson et Morley.
L’éther existe. Après les expériences de Hertz, qui pourrait en douter ? Certainement pas tous ceux qui en étaient déjà convaincus.
Parmi ceux-ci l’Américain Albert Abraham Michelson (1852-1931). En 1878, il réalise une mesure précise de la vitesse de la lumière et imagine d’en déduire la vitesse de la terre sur son orbite, estimée à une valeur de l’ordre de 30km/s (c’est à dire environ 1/10 000ème de celle de la lumière).
Il s’agit de comparer la mesure la vitesse de la lumière dans la direction de la trajectoire de la terre avec sa mesure dans une direction perpendiculaire. L’idée étant que ces deux valeurs doivent nécessairement être différentes dans la mesure où les ondes lumineuses devaient être emportées par le "vent d’éther" balayant la terre dans son mouvement comme le son est emporté par le vent ou un nageur par le courant d’une rivière. De la différence entre les deux mesures de vitesse, il serait possible de déduire la vitesse de la terre.
Commencée en 1881 par Michelson seul, l’expérience était poursuivie avec l’aide de son collègue Edward Morley. Le montage de "Michelson et Morley" est connu. Il s’agit d’un interféromètre qui recombine un rayon issu d’une source unique et dirigé dans les deux directions perpendiculaires au moyen d’un miroir semi-réfléchissant. La différence de vitesse devrait pouvoir se mesurer par l’observation des franges d’interférence obtenues.
Mais le résultat attendu n’est pas là. Aucune différence de vitesse n’est mesurable. Cet éther qui porte la lumière et les ondes hertziennes se dérobe. Existe-t-il vraiment ?
Il faudra Einstein et la théorie de la relativité restreinte pour apporter, à cette contradiction, une réponse acceptée par l’ensemble du monde scientifique et cette réponse sera négative.
Ce nouveau défi lancé aux physiciens n’empêche pas les applications de se développer.
Branly, Marconi et le début de la radiophonie.
Le dispositif imaginé par Hertz manque de sensibilité. Au-delà de quelques dizaines de mètres il n’est plus possible de détecter les ondes électromagnétiques. La recherche de la sensibilité passera, en premier lieu par un élément inventé par le physicien français Edouard Branly vers 1890 en utilisant une observation déjà faite par S.A. Varley en 1866 : le "cohéreur".
Dans une communication du 24 novembre 1890, Branly explique le fonctionnement de ce qu'il désigne comme "radioconducteur" refusant le terme de cohéreur. Il considérait, en effet, que la limaille de fer n'était en rien "cohérée" dans le phénomène. Lequel n'est d'ailleurs toujours pas clairement expliqué. :
"Quand on réuni les deux pôles d'un élément de pile par une limaille métallique comprise dans un tube de verre entre deux tiges conductrices, le courant de la pile est arrêté par la limaille, un galvanomètre disposé dans le circuit reste au zéro. Si une étincelle d'une bouteille de Leyde vient à éclater à quelques mètres, le galvanomètre est fortement dévié et reste dévié. La limaille est devenue conductrice et la conductivité persiste. Un choc sur la limaille ou son support fait ouvrir le circuit : la conductibilité de la limaille disparaît. Une nouvelle étincelle à distance ferme le circuit ou l'ouvre par un nouveau choc, et ainsi de suite" (voir aussi dans la Nature 1898)
Plus précisément son "radioconducteur" est un tube isolant de quelques millimètres de diamètre rempli de limaille de fer et fermé par deux pistons de laiton exerçant une pression réglable. C’est un "cohéreur" à limaille de ce type qui est utilisé par Marconi en 1897 pour réaliser la première transmission radiotélégraphique avant d'être radiophonique quand le système se perfectionnera.
Son émetteur est de la forme classique proposée par Hertz. Un interrupteur télégraphique utilisé pour la télégraphie par fil en alphabet Morse alimente le primaire de la bobine au rythme voulu pour l’écriture des lettres.
L’originalité du montage tient dans son récepteur. Il est constitué d’un petit tube de verre, d, de 4cm de longueur, dans lequel sont placés deux conducteurs cylindriques en argent. Ils sont séparés par une distance de ½ millimètre. L’intervalle est empli par un mélange de fine limaille de nickel et d’argent amalgamé par une trace de mercure. Un vide poussé à 4 millimètres de mercure est réalisé dans ce tube.
Le tube tient lieu "d’éclateur" dans le circuit secondaire complété par deux volets conducteurs V et V’ dont la capacité variable sert à accorder la fréquence du circuit récepteur sur celui de l’émetteur.
Ainsi, la résistance du tube chute brutalement dès qu’un courant de décharge le traverse. Cette chute de résistance est utilisée dans un circuit parallèle alimentant l’électroaimant du "décohéreur". Cet électroaimant actionne un marteau. Sans entrer dans le détail disons que le choc du marteau sur le tube produit un son qui suit le rythme des signaux morses émis à l’émetteur. Le message peut donc être déchiffré à l’oreille. Le même courant qui actionne le marteau peut aussi permettre l’impression des signaux sur une bande.
Dans un premier essai, ce système permet à Marconi de transmettre des signaux à 15km de distance et chacun imagine déjà que, bientôt, ce seront les paroles elles-mêmes qui pourront être transmises. Ce qui sera rapidement réalisé.
Le succès populaire de cette réussite rend temporairement célèbres les "ondes Marconi" mais, fort heureusement, personne n’a oublié Hertz, le véritable découvreur des ondes électromagnétiques imaginées par Maxwell et aujourd’hui désignées par le terme "d’ondes hertziennes".
Juste reconnaissance : le "hertz" est devenu le nom de l’unité de fréquence des phénomènes électriques.
C.B : L’histoire de l’électricité est très bien racontée par Gérard Borvon. Ce livre n’est pas du tout rigide et formel, il se lit très bien et c’est ce qui fait qu’on retient plus de choses ! Les anecdotes y sont très bien rapportées et on s’amuse à les lire. Ce livre casse la malheureuse idée rigide et complexe que l’on peut avoir des sciences, on apprend en s’amusant et ça réconcilie les gens avec la physique, tant mieux !!!
A.R : Ce livre permet d’appréhender clairement les différents concepts historiques qui ont permis d’élaborer la théorie actuelle de l’électricité. Je le recommande particulièrement à tous ceux qui ont été rebutés au cours de leur scolarité par l’enseignement de cette matière.Vous comprendrez par exemple pourquoi la charge de l’électron est négative et non positive, d’où vient les signes + et -...et beaucoup de choses qui ne sont malheureusement pas enseignées au collège ou au lycée. Merci à l’auteur.
Voici un ouvrage à mettre entre toutes les mains, celles de nos élèves dès les classes de premières S et STI de nos lycées, et entre les mains de tous les futurs enseignants de sciences physiques et de physique appliquée (tant qu’il en reste encore !)
La France se prépare à soutenir la guerre d'indépendance américaine, Brest et sa région sont en pleine effervescence.Sébastien Le Braz, jeune chirurgien de marine, tient sont journal. Deux siècles plus tard, des fragments en sont retrouvés dans le grenier d'un manoir en cours de démolition dans sa ville natale de Landerneau.
Je me nomme Sébastien Le Braz. Je suis né en 1753 dans la ville de Landerneau en Bretagne. Cette journée du 10 juin 1778 restera, j'en suis certain, l'une des plus mémorables de l'année de mes 25 ans. Quelques jours plus tôt le Chevalier de Bouffllers, colonel du premier régiment d'infanterie du Duc de Chartres, cantonné à Landerneau, m'avait proposé de l'accompagner à Poullaouen où il devait assurer la protection du Duc, cousin du Roi, à qui il avait pris la fantaisie de vouloir visiter les mines de plomb argentifères exploitées dans cette localité.
Diplômé depuis deux ans de l'école Royale de Chirurgie Navale de Brest, j'avais rencontré le Chevalier, en mars de l'année précédente, peu de temps après l'arrivée de son régiment à Landerneau. Ses troupes étaient en mauvais état et pour répondre à la requête des édiles de Landerneau qui craignaient que la gale et les maladies «honteuses» ne se répandent dans la population, Mr. De Champeroux, le commissaire des guerres installé à Brest, leur avait délégué le jeune chirurgien de marine, originaire de la ville, que je suis. Sans doute avait-il plaidé ma bonne connaissance de la cité, passage obligé entre le Léon et la Cornouaille, pour faire oublier le soupçon d'inexpérience que mon jeune âge ne manquerait pas de susciter.
Boutons à l'ancre enlacée des serpents d'Epidaure.
Mr Daumesnil, le maire, s'étant refusé à installer des lits chez l'habitant pour les soldats réputés "vénériens" ou "galeux", ceux-ci avaient trouvé un asile provisoire au couvent des Ursulines, un vaste bâtiment qui était loin d'être totalement occupé. J'y avais fait au mieux, avec le peu de moyens dont je disposais, la gale et la gonorrhée n'étant pas les seules maladies dont étaient affectées les troupes souffrant, en particulier, de fluxions de poitrine après le climat humide et froid qui avait été celui de l'hiver passé.
Je crois avoir réussi à convaincre le chevalier, qui me surveillait du coin de l'oeil, de ma capacité à soigner ses soldats. Il a même été jusqu'à flatter mon orgueil en avouant qu'il n'attendait pas autant d'expérience chez un si jeune homme. Le chevalier manifestait, à qui voulait l'entendre, une sainte aversion pour le corps de médecins à qui il reprochait d'en être restés à Hyppocrate, masquant leur ignorance sous le vernis des formules latines. La pratique des armées lui avait fait connaître, disait-il, la valeur des chirurgiens militaires si régulièrement méprisés par les petits maîtres arrogants issus de la faculté.
De tels propos ne pouvaient que trouver écho chez le jeune chirurgien dont le Corps était si souvent en butte aux prétentions de celui des médecins de marine. A les entendre nous ne pouvions être que des exécutants justes capables, sous leur direction, de pratiquer une saignée ou de trancher un membre. Fort heureusement, l'idée se faisait jour d'une école de santé navale qui formerait à la fois médecins et chirurgiens.
De mon côté, j'avais pu constater que le chevalier lui-même manifestait une humanité, inhabituelle chez les officiers, vis-à-vis des hommes de sa troupe. Comment ne pas éprouver de la sympathie pour cet homme, citant Diderot en toute occasion, et dont le court séjour à Fernay auprès de Voltaire avait illuminé les années de jeunesse (voir). A son contact, je revivais les longues discussions qui avaient animé mes années d'études au Collège de Navarre dans un Paris où se concentrait, pensais-je alors, le meilleur de la science et de la philosophie.
Stanilas de Boufflers avait alors quarante ans. Si lui-même n'évoquait que peu son passé, ses soldats et ses officiers ne manquaient pas de broder sur une vie qui offrait matière à légende.
Il tenait son nom de Louis-François, marquis de Boufflers. De sa mère, la belle Marie-Françoise-Catherine de Beauvau Craon, femme d'esprit maniant aussi bien la plume que le pinceau, il tenait son héritage intellectuel. Le jeune Stanislas était né en 1738, quelque part sur la route qui menait sa mère à Nancy. Son prénom, il le devait à l'amant en titre de celle-ci, Stanislas Leszczynski ancien roi de Pologne et beau-père de Louis XV, reconnu en France, jusqu'à sa mort, comme duc de Lorraine.
La ville de Nancy où se passa sa prime enfance était le siège d'une cour brillante qui attirait artistes et gens de lettres. La Bibliothèque Royale de Nancy et la Société Royale des Sciences et Belles-Lettres de la ville bénéficiaient alors d'une audience qui dépassait largement les frontières du duché.
Destiné par sa famille, contre son gré, à l'état ecclésiastique, il réussit, pour des écrits libertins, à se faire renvoyer du séminaire de Saint-Sulpice où il avait été mis en pension. Cette rébellion ayant convaincu ses proches de son inaptitude au sacerdoce, il fut doté, par son royal parrain, du titre de Chevalier de Malte. Ce titre lui assurait un revenu confortable, même s'il devait, pour le conserver, afficher un officiel célibat.
Il choisit alors la carrière militaire. S'illustrant par son courage dans plus d'une bataille, il se trouva rapidement promu colonel. C'est ainsi que je le rencontrai à Landerneau où son régiment attendait d'être embarqué sur un des bâtiments de l'escadre rassemblée à Brest pour la guerre qui se préparait contre l'Angleterre, au côté des insurgents américains.
L'attente lui semblait interminable. "Ce pays-ci est plein d'ennuis, et nous n'en serons payés par aucune gloire. Il n'est pas plus question de se battre en Bretagne qu'au couvent de la Visitation", me confiait-il avoir écrit à la comtesse de Sabran, rencontrée peu de temps auparavant et dont il était aussi follement épris qu'un jeune adolescent à son premier amour.
Il ne se lassait pas de m'entretenir de l'élégance de la silhouette et de l'élévation de l'esprit de celle qu'il n'osait encore désigner que comme sa "soeur". Je fus le confident de ses amours en même temps que le guide chargé de le distraire par des flâneries le long de la rivière Elorn qui traverse la ville ou par des randonnées à cheval dans la campagne environnante. Le Chevalier prisait particulièrement les bois de Brézal, proches de la ville, où le marquis de Kersauzon organisait régulièrement des chasses à courre qui attiraient l'élite de la société bretonne aussi bien que les illustres visiteurs de passage.
Comtesse de Sabran
En ce mois de Juin ensoleillé, le Chevalier s'était donc fait un plaisir de m'inviter, à son tour, à une visite dont il imaginait qu'elle ne manquerait pas d'intérêt pour le jeune homme curieux de sciences et de techniques qu'il avait cru reconnaître en ma personne. La nécessité de prévoir la présence d'un chirurgien pour parer à tout accident était d'ailleurs un bon prétexte à cette proposition.
Le voyage jusqu'à Poullaouen avait été une agréable chevauchée. Nous étions partis la veille avec le projet de trouver refuge pour la nuit dans une auberge de Huelgoat qu'un négociant en toile, habitué des collectes dans les fermes-ateliers de la région, nous avait conseillée. En montant vers les Monts d'Arrée il avait d'abord fallu traverser les régions boisées de la vallée de l'Elorn en longeant la rivière sur laquelle tournaient les roues des multiples moulins qui y traitaient ici le blé et le sarrasin, là le cuir, plus loin le papier ou le lin. J'y reconnaissais certains lieux, de moi seul connus, où je venais braconner la truite et le saumon aux jours de ma jeunesse insouciante. Au printemps, les prés s'y couvraient de jonquilles que je ramenais par brassée sur les quais de Landerneau où je trouvais toujours quelque ménagère indulgente pour me les échanger contre de la menue monnaie. C'est ainsi que, pièce après pièce, j'avais économisé le prix du premier couteau à lame pliante acheté chez Herry, le forgeron de la rue des boucheries. Je conserve précieusement comme une relique ce couteau, au manche poli par l'usage et dont la lame a perdu un bon tiers de sa largeur à force d'être affûtée. Ce jour encore, je le sens qui alourdit la poche droite de mon justaucorps.
La conversation allait bon train. Le chevalier me parla de Voltaire, revenu en France pour assister à la présentation d'Irène, sa dernière pièce jouée à la Comédie Française. Les nouvelles qu'il avait reçues de la Capitale le disaient en mauvaise santé.
- Je crains que son séjour ne soit trop long. Paris est trop jeune pour lui. La première curiosité une fois passée, on le laissera là.
Nous arrivions à Sizun. Une courte halte dans le bourg pour admirer l'enclos paroissial édifié au début du siècle précédent s'mposait. Le chevalier de Bouflers, dessinateur confirmé qui avait fait parvenir à Landerneau un matériel d'aquarelliste, y avait relevé sur les feuillets reliés dont il s'était muni, les éléments d'une architecture dont, à son grand étonnement, il n'avait trouvé, disait-il, les modèles que sur les palais des rives de la Loire ou encore dans les villes des Flandres. Aurait-il pu imaginer de telles savantes et élégantes construction et de si magnifiques vitraux dans ces villages aussi éloignés des cours princières ? Leur splendeur témoignait d'une richesse passée qui, pourtant déjà, semblait oubliée. Les toits moussus sommairement réparés et les peintures délavées des porches et des calvaires portaient la marque du déclin de l'industrie du tissage et du commerce des toiles de lin qui avaient fait la fortune du pays avant que les guerres répétées avec l'adversaire anglais, et l'arrêt du commerce maritime qui en avait résulté, l'aient partiellement ruiné.
Le Chevalier de Boufflers s'était particulièrement attaché à relever les figures de sirènes qui ornaient le pourtours de l'église, souvenir des vieux rites païens de l'eau que la religion chrétienne s'efforçait de mettre à son service à défaut de pouvoir les éradiquer. Il avait d'entrée été attiré par une sculpture sur l'ossuaire, à l'angle de l'arc de triomphe ouvrant l'enceinte de l'enclos paroissial. La Morgane aux seins nus qui y était représentée lui semblait inviter bien plus à une célébration du culte de Vénus qu'à un recueillement chrétien. Il se promettait de faire l'envoi, à la comtesse de Sabran, du dessin qu'il en avait réalisé et qu'il finirait à l'aquarelle de retour à Landerneau. Le message serait-il entendu ?
La Morgane de Sizun
Passé Sizun, les bois s'étaient clairsemés. Les larges coupes effectuées pour la construction des navires de guerre à l'arsenal de Brest avaient laissé la place aux landes et aux genêts dont l'or éclatait dans la campagne. Mais là aussi apparaissait le violet de la bruyère plus rase. Les fours des boulangers de la marine qui cuisaient le biscuit de mer avaient besoin de genêts pour la mise en chauffe. Dans cette période de préparatifs intenses, la campagne brestoise n'y suffisait plus. On venait jusqu'ici pour les récolter. Apportant leur touche à cette palette de couleurs, les champs enclos de hauts talus se couvriraient bientôt du bleu des fleurs du lin, transformant le paysage en une superbe mosaïque.
La dernière étape, après Commana et son église aux figures rustiques, avait fait surgir de ma mémoire l'univers des légendes dont j'avais été nourri dans ma prime enfance par Naïck, ma nourrice originaire du bourg de La Feuillée. Là, passé le col de Trévézel, s'étendait le Yeun Elez.
Le Yeun Elez est une large dépression occupée par une étendue marécageuse au cœur des Monts d'Arrée. En son centre se trouve le Youdic, le puits sans fond, entrée de l'enfer froid des légendes celtiques. Qui s'en approche ne trouvera d'abord qu'une flaque verdâtre mais gare à celui qui la verrait soudain bouillir, s'il ne s'échappe au plus vite il sentira le sol s'effondrer sous ses pieds et nul ne le retrouvera. Les nuits de pleine lune, des cris affreux montent du cœur du marais, tels ceux d'une meute furieuse en quête d'une proie à saisir. Ce sont les esprits des damnés qui maudissent les vivants qui les ont oubliés. Là règne l'Ankou, le serviteur de la mort. Qui a entendu le grincement des roues de sa charrette, à la tombée du jour, sait que le lendemain on sonnera pour les morts au clocher de l'église. Ainsi parlait Naïk, ma nourrice, le soir au coin de l'âtre quand les parents n'entendaient pas. Combien de nuits me suis-je réveillé, persuadé d'entendre le martèlement, sur le pavé du port, du manche de la faux de l'Ankou scandant l'avance grinçante de sa charrette.
L'église avait confié à l'Archange Saint Michel le soin de contenir les forces démoniaques dans le Yeun Elez. Mais les voyageurs pouvaient constater que sa chapelle, au sommet du Menez Mikaël qui dominait le paysage, menaçait ruine. En face, les rocs acérés qui couronnaient le Tuchen Kador rappelaient avec arrogance la puissance des vieux mythes dont la Nature était le seul temple.
Pour moi l'Arrée était d'abord le pays des guérisseurs et rebouteux qu'on venait consulter de très loin. Ma mère ne manquait pas de s'approvisionner en herbes et onguents vendus par les colporteurs et chiffoniers descendus de la "Montagne". Elle avait son préféré, Fanch le Pillaouer, qui savait la distraire des récits qu'il colportait de village en village. Ne négligeant pas l'ancienne science, je venais moi-même régulièrement rechercher ici les herbes qui guérissent et dont le secret m'avait été confié par celles et ceux que l'on désignait trop facilement comme sorcières ou sorciers. Ma bonne connaissance du parlé local, hérité des leçons de Naïck, facilitait le contact. Je trouvais chez Fanch ar Bleiz, de Botmeur, la provision de "Louzaouenn-ar-skevent", l'herbe aux poumons, la pulmonaire des français, que j'avais utilisée abandamment en tisanes associées à un sirop de miel de bruyère pour soulager mes soldats. J'y trouvais aussi la "louzaouenn-ar-goanvennoù", la petite consoude, dont je faisais des pommades contre les engelures. J'ignorais généralement le nom latin ou français de tous ces "louzoù", ces herbes que Fanch ne m'avait désignées qu'en breton, mais l'expérience me prouvait qu'elles n'en guérissaient pas moins.
Il me procurait en particulier un mélange de sa composition, efficace contre les fièvres qui se propageaient avec une affolante rapidité dans les salles où étaient confinés les malades. Il refusait, cependant, de me donner, même seulement, le nom des herbes qui le composaient, me disant simplement les cueillir au plus près du Youdic, là où elles s'étaient montrées capables de résister aux effluves méphytiques du marais comme à l'haleine des damnés qui s'exhalaient du lieu. Je ne lui en demandais pas plus sachant qu'un malheur le menaçait, me disait-il, s'il me confiait un secret qui ne se transmettait que d'ailleul à petit-fils.
Arrivée tardive à l'auberge du Huelgoat où un solide ragoût de mouton, suivi d'une montagne de crêpes arrosées d'un cidre pétillant, nous avait rassasiés après la frugalité du pain et du fromage emportés pour le voyage et grignotés à Sizun. Le détachement du régiment de Chartres, arrivé la veille, avait monté son bivouac près de l'étang qui alimentait les mines. Le Chevalier de Boufflers, qui leur avait confié la malle contenant nos tenues d'apparat, indispensables pour le lendemain, ainsi que mes précieux instruments de chirurgie, avait souhaité les visiter. Les quelques mots échangés autour du feu valaient mieux, disait-il, que l'ennui de certaines soirées mondaines auxquelles on l'invitait trop souvent. On y partageait la pomme de terre sortie brûlante des cendres qui était devenue le régal de ces feux de camp depuis que Monseigneur de la Marche, l'évèque du Léon, qui en avait gagné le surnom de Eskob ar patatez, en avait encouragé la culture quelques années plus tôt.
Levés tôt, suivis d'un contingent de l'infanterie de Chartres, uniforme blanc à parements et revers écarlates, nous fûmes reçu par l'un des propriétaires, le Comte Patrick d'Arcy. De Boufflers abordait avec un plaisir non dissimulé ce brillant militaire, alors âgé de 53 ans qu'il avait eu l'occasion de fréquenter sur les champs de bataille. Comment ne pas être admiratif pour un homme qui, bien qu'étant d'origine étrangère, avait été promu jusqu'au grade de maréchal de camp pour son action au service du Royaume.
Sur le trajet entre Huelgoat et Poullaouen, de Boufflers avait eu le temps de me tracer un portrait du personnage. Irlandais, né dans le canton de Galway en 1725, Patrick d'Arcy, dont le prénom avait été francisé en Patrice, est de ces familles jacobites qui poursuivent leur combat pour le rétablissement de la dynastie des Stuart sur le trône d'Angleterre. Emigré en France, c'est comme militaire des armées françaises qu'il avait espéré parvenir à ce but. Engagé comme capitaine dans le régiment de Condé, il s'était fait remarquer à Fontenoy en 1745, puis à la bataille de Rosbach pendant la guerre de Sept Ans. Promu brigadier, il devait assister avec douleur, à la montée en puissance de l'Angleterre et au déclin de la France. De Bouflers était persuadé que les nouvelles de la reprise de la guerre avec l'Anglais ne pourraient manquer de réveiller chez lui d'anciens espoirs et lui rappeler les projets élaborés avec ses amis jacobites pour une reconquête de l'Irlande et de l'Angleterre. Le Chevalier se promettait de s'en entretenir avec lui si l'occasion se présentait pendant la journée.
Mais là n'était pas pour le moment la première préoccupation du comte d'Arcy. Si de Bouflers écrivait des vers, d'Arcy résolvait des équations. Les sciences l'avaient consolé des revers de la guerre. Recueilli dans sa jeunesse par un oncle banquier à Paris, il avait appris les mathématiques auprès de Jean-Baptiste Clairaut, l'un des plus célèbres professeurs du moment. Il se passionna alors pour les mathématiques, la physique et la mécanique. Seulement âgé de 17 ans, il présentait des mémoires de mécanique à l'Académie Royale des Sciences dont il devenait sociétaire alors qu'il n'avait que 24 ans et qu'il poursuivait dans le même temps sa carrière militaire. La mécanique et la dynamique l'intéressaient particulièrement. Son Mémoire sur les machines hydrauliques publié par l'Académie des Sciences en 1755 était encore une référence trente ans plus tard. Les machines et ouvrages hydrauliques équipant la mine de plomb argentifère de Poullaouen, qui était alors l'une des plus importante d'Europe, pouvaient témoigner de cette science.
Près du comte d'Arcy se tenait un homme, dégageant une autorité naturelle malgré une tenue modeste. Il se montrait attentif aux explications que le comte semblait lui donner de l'aménagement du lieu, avec force gestes à l'appui. Remarquant notre présence, le comte s'approcha pour nous accueillir et, se dirigeant vers de Bouflers :
Bienvenue sur ces terres bretonnes Chevalier. Je crois me souvenir que la dernière fois que nous nous sommes rencontrés cela sentait fortement la poudre. La bataille que nous menons ici peut sembler moins riche de gloire mais je suis persuadé que vous saurez voir que le courage des mineurs et des fondeurs peut souffrir la comparaison avec celui des soldats.
Permettez-moi de vous présenter mon ami et confrère de l'Académie des Sciences Antoine de Lavoisier qui est de passage dans la région et nous a fait l'honneur de répondre à l'invitation que je lui ai faite de nous accompagner.
Monsieur de Lavoisier, je vous présente le Chevalier de Bouflers, militaire et homme de lettres, aussi brillant dans les salons qu'il est intrépide sur les champs de bataille.
Rencontrer deux Académiciens, et pas des moindres, au même moment dans la commune de Poullaouen, jamais une telle chance ne m'avait été donnée pendant mes années parisiennes au Collège de Navarre ! Depuis trois ans, Lavoisier était titulaire de la Régie Royale des Poudres, sa présence à la pointe de Bretagne au moment où une guerre se préparait ne pouvait être fortuite. Nous apprendrons par la suite que quatre ans plus tôt il avait eu à analyser le minerai issu de la mine de Poullaouen dont le comte d'Arcy lui avait apporté un échantillon à l'Académie des sciences. Répondre à l'invitation du comte à l'occasion de son passage à Brest était donc bien plus qu'une marque de courtoisie. L'intérêt scientifique en était tout aussi primordial.
Antoine de Lavoisier.
Le Chevalier de Boufflers ne chercha pas à masquer l'étonnement et le plaisir que lui procurait cette annonce. Lavoisier, chimiste et fermier général, était l'une des personnalités les plus en vue de la capitale. La fréquentation régulière, à son laboratoire de l'arsenal, de Benjamen Franklin que chacun s'arrachait à Paris, ajoutait encore au prestige du jeune académicien qui, à trente cinq ans, avait commencé à bousculer les doctrines héritées des chimistes britanniques, les Black, Priestley, Cavendish, qui dominaient alors en Europe.
Permettez-moi de vous saluer Monsieur l'Académicien, j'étais loin d'imaginer la présence de deux éminents membres de votre Assemblée en ces lieux. J'imagine que nous n'aurons pas la mémoire assez vive pour retenir tout ce que nous y apprendrons. Je voudrais vous présenter à mon tour le jeune Sébastien Le Braz, chirurgien de marine de brillant avenir, qui a accepté d'être mon compagnon de route et sur qui nous pourrons nous appuyer si, par malheur, un fâcheux accident survenait à l'un d'entre-nous.
Quelle attitude adopter face à de tels personnages ? La main sur la poitrine, je me contentai de m'incliner.
Votre serviteur, Messieurs. En vous souhaitant, cependant, de ne pas avoir recours à mes services.
A en juger par le sourire des deux académiciens, la remarque, dont je me reprochais la plate banalité , semblait avoir été bien reçue.
Bientôt, de la route arrivant à la mine, une rumeur se mit a enfler. La foule massée sur chacun de ses côtés avait été bien chapitrée. Les cris de "Vive le Roi, Vive le Duc de Chartres", lancés par des meneurs bien répartis, étaient repris avec des sonorités dans lesquelles dominait la rudesse de l'accent breton. Un détachement de quatre cavaliers du régiment de Chartres apparut, bientôt suivi de la diligence du Duc près de laquelle chevauchait le comte de Genlis, capitaine de ses gardes.
C'est lui qui, le premier, avait attiré mon regard. Boufflers m'avait tant parlé de Félicité de Genlis, épouse du comte et brillante femme de lettres fréquentant Voltaire et Rousseau. Elle était surtout la maîtresse en titre du duc de Chartres depuis bientôt six ans et celui-ci l'avait désignée comme gouvernante de ses enfants. Cette fonction lui avait donné l'occasion de développer ses talents reconnus de pédagogue. Le comte, son époux, y avait gagné sa charge de capitaine, un logement au Palais-Royal et des gages de 6000 livres par an. Ainsi vont les mœurs à la Cour des Grands.
La visite commença rapidement après les présentations et compliments d'usage entre tous les éminents personnages accompagnant la visite. Il était connu que le comte d'Arcy considérait les mines de Poullaouen et de Huelgoat comme son chef d'oeuvre, la mise en application de tout ce qu'il avait pu exposer dans ses écrits théoriques en matière d'hydraulique. C'est donc par une description de l'équipement des mines qu'il voulut commencer la journée.
Celles-ci avaient chacune environ 500 pieds de profondeur et l'eau y ruisselait de toutes parts. Les puits seraient rapidement noyés s'il n'y avait eu des pompes assez puissantes pour les assécher. Ces machines devaient elles-mêmes être actionnées par un courant d'eau. Celle-ci n'existant pas sur place, il avait fallu la faire venir à grands frais par des aqueducs et des canaux.
Le comte d'Arcy nous en présenta rapidement le détail. Le principal des canaux d'Huelgoat a 3000 toises de longueur. L'eau coule d'abord dans une galerie percée dans une montagne de granit. Elle est ensuite conduite jusqu'à la mine par un canal creusé à travers des rochers, des précipices et des obstacles de toute espèce. Les différents canaux qui conduisent l'eau à Poullaouen ont ensemble une étendue de 9000 toises. On a construit en outre à la tête des canaux, tant à Poullaouen qu'à Huelgoat, de vastes étangs où l'excédent de l'eau qui coule pendant l'hiver est mis en réserve pour suppléer à ce qui manquerait pendant les temps de sécheresse.
Le duc de Chartres ayant voulut reconnaître le tracé du canal principal, nous l'avons suivi à pied depuis la mine en direction de Huelgoat. L'effort fut récompensé. Le chemin était un véritable enchantement. On rencontrait d'abord une rivière qui ne portait d'autre nom que "Rivière des mines". Sur sa berge s'ouvrait un petit canal d'une largeur d'environ trois pieds, qui allait jusqu'à la mine afin d'y faire parvenir l'eau nécessaire pour faire fonctionner la machine hydraulique. Le chemin traversait un bois assez épais dans lequel s'ouvraient des clairières offrant de merveilleux points de vue sur la vallée en contre-bas. Le soin avec lequel le chemin est entretenu ainsi que les sièges de pierre qui y sont disposés donnent un air de jardin à la française à ce superbe paysage. Le comte d'Arcy nous explique qu'il organisait parfois des fêtes dans ces bois pour les visiteurs qu'il recevait de Paris. On y jouait de la musique, on y dansait. Les belles dames qui accompagnaient ces messieurs ne se seraient pas risquées sur un terrain boueux.
Au bout du chemin se trouvaient les machines hydrauliques qui servent à élever les eaux du fond des travaux jusqu'à la surface de la terre, c'est à dire jusqu'à une hauteur d'environ 500 pieds.Si j'ai bien retenu les explications du comte, elles sont au nombre de deux à Huelgoat et de trois à Poullaouen. Les roues à augets sont d'une taille peu ordinaire. Elles ont 30 à 35 pieds de diamètre. M. Darcy, sous les ordres duquel elles ont été construites, nous a dit avoir profité, pour obtenir le plus grand effet possible, de toutes les connaissances dont la mécanique et l'hydraulique se sont enrichies jusqu'à ce jour. Affichant une modestie qui lui faisait négliger de signaler ses propres travaux, il nous a cependant appris, avec une évidente satisfaction, que les mines de Huelgoat et Poullaouen étaient régulièrement visitées par des ingénieurs étrangers et largement copiées.
Le minerai de Poullaouen et d'Huelgoat est un minerai de plomb, connu sous le nom de galène, contenant un peu d'argent. C'est d'abord pour l'argent qu'elles sont exploitées. Cette mine, ainsi que presque toutes celles de cette nature, se trouve composée de filons ou espèces de tranches contenues entre deux rochers, et qui pénètrent dans la terre à une très grande profondeur. On attaque ces filons par des galeries horizontales et par des puits perpendiculaires. C'est le long de ces puits que sont placées les échelles. Malgré les prières instantes que faisaient pour l'en détourner tous ceux qui l'environnaient, c'est par cette route dangereuse que le duc de Chartres, accompagné du comte de Genlis et du chevalier de Boufflers a décidé de descendre jusqu'aux travaux les plus profonds. Un futur commandant d'escadre aspirant au grade de Grand Amiral de France pouvait-il reculer devant un tel défi ?
Malgré ma crainte du vide et les souvenirs d'histoires de korrigans farceurs hôtes de ces mines, dont m'abreuvait ma brave Naïck, il m'a bien fallu suivre cette équipée. Ne devais-je pas être au plus près d'un éventuel accident ?
La dureté du rocher qui enveloppe le minerai est telle, que les pics maniés à main d'homme ne peuvent parvenir à l'entamer. Il faut donc s'aider du secours de la poudre. Le prince affirma vouloir partager tous les dangers auxquels les ouvriers sont exposés. Il exigea qu'on fit la démonstration de l'explosion d'une mine en sa présence, et que l'exploitation se fit exactement comme à l'ordinaire.
Monsieur de Lavoisier qui nous accompagnait s'inquiéta de la façon dont étaient évacuées les vapeurs méphitiques issues de ces explosions. Il soupçonnait depuis peu, disait-il, que l'air contenait une partie vitale qui était absorbée et corrompue tant par les combustions que par la respiration des hommes. Il suggérait que, pour la santé des mineurs, une ventilation efficace soit réalisée. Mon émotion fut à son comble quand, se tournant vers moi, il suggéra qu'on y réfléchisse aussi pour les hôpitaux et les entreponts où vivaient et dormaient les équipages.
Ce voyage souterrain dura trois interminables heures. La remontée vers la lumière sur des échelles aux barreaux humides ne se fit pas sans difficultés et la solide collation qui nous attendait à la sortie fut accueillie avec un plaisir non dissimulé. Profitant de ce moment de complicité, le Chevalierde Boufflers voulut interroger Lavoisier sur les impressions qu'il avait retenues de son passage à Brest quelques jours plus tôt.
"J'ai eu sous les yeux le spectacle de la plus grande partie des forces maritimes de la France", lui répondit-il.
"Vingt cinq vaisseaux de ligne étaient en rade, deux étaient prêts à sortir du port, cinq ou six autres seront prêts à la fin de la campagne, m'a-t-on dit. Chaque jour la flotte fait des évolutions dans la rade et on fait détonner force salpêtre.
Je ne suis pas dans le secret mais il se dit que, outre cette flotte, il y aurait une chaîne de frégates depuis le port de Brest juqu'aux côtes d'Angleterre. Elles y seraient en observation afin que par une communication de signaux on sache tout ce qui se passe en Angleterre.
On saurait ainsi que l'amiral Keppel n'est pas sorti, que l'amiral Biron qui était sorti de Porsmouth est rentré à Plymouth peu de jours après."
Le Chevalier me confia, plus tard, que ces propos confirmaient ses craintes :
" on donnait à Brest le spectacle de la guerre mais on ne s'y préparait pas".
Après le froid humide de la mine, la chaleur irradiante des fours était au programme du lendemain. Cette deuxième visite donna lieu à des échanges très techniques entre le comte d'Arcy et Monsieur de Lavoisier. Il y était question de phlogistique. Le mot ne m'était pas inconnu. Il était évoqué dans les démonstrations de chimie auxquelles j'avais assisté au Jardin des Plantes pendant mon séjour parisien. Il désignait un «feu matériel» qui s'échapperait des corps en combustion.
Suivant la théorie alors admise, les minerais ne seraient que des métaux ayant perdu leur phlogistique. L'opérations métallurgique consistait alors à le leur restituer pour retrouver le métal. Cette fonction était dévolue au charbon de bois, riche en phlogistique, que l'on devait disposer avec art dans les fours pour parvenir au résultat souhaité.
Un court débat s'engagea à cette occasion entre d'Arcy et Lavoisier, ce dernier soupçonnant une autre mécanisme faisant intervenir cette partie vitale de l'air, nécessaire aux respirations et aux combustions, dont il nous avait déjà entretenus. On sentait, sous le débat courtois, un sujet brûlant entre initiés.
Peu attiré par ces échanges scientifiques et souhaitant se montrer à l'écoute de l'agitation sociale qui se développait dans le royaume, et dont il était soupçonné vouloir tirer bénéfice, le duc de Chartres avait voulu être instruit de tout ce qui concernait la police et l'administration des mines, les lois particulières qui y étaient appliquées et les dispositions faites pour maintenir l'ordre parmi les douze ou quinze cents hommes qu'elles occupaient. Il interrogea également les propriétaires sur les dispositions prises pour assurer aux ouvriers et à leurs veuves une subsistance honnête dans les cas de vieillesse, d'infirmité ou d'accident. Les réponses faites par ceux-ci ne pouvaient pas manquer de répondre au souhait "d'humanité éclairée" affiché par le Duc.
Ecoutant ce discours à distance je ne pouvais oublier le spectacle que j'avais observé lors de précédentes visites dans quelques hameaux du voisinage. J'y avais trouvé des habitants au teint blême, affectés de coliques provoquées par le plomb dissout dans l'eau des puits et des ruisseaux, souffrant de la faim après avoir abandonné leurs cultures pour le maigre salaire de la mine. Les anciens, me disaient-ils dans leur breton des montagnes, se souviennent du temps où les rivières du pays étaient poissonneuses.
Le plus hardi s'adressait avec une véhémence contenue à l'homme des villes responsables de son malheur, et que j'étais supposé représenter :
- Les brochets, les saumons, les dards, les brèmes, les perches foisonnaient dans les ruisseaux et les étangs. Les écoulements des mines ont tout détruit. Tout meurt, même les arbres jusqu'à cinquante pieds des rives. Ils ont perdu leur feuilles et sont brûlés jusqu'au cœur. Les troupeaux meurent de l'herbe empoisonnée !
J'avais entendu les mêmes plaintes de la part des riverains de l'Elorn dans les périodes du rouissage de lin pendant lesquelles la riviére et ses affluents devenaient de véritables cloaques. Fort heureusement, pour ces derniers, les pluies d'hiver ramenaient la vie dans la rivière. Il n'en va pas de même autour des mines et tout laisse à penser que l'eau y véhiculera du plomb pendant des dizaines d'années et peut-être même des siècles.
Le Duc de Chartres quitterait le pays en ignorant tout de cette réalité. Pour témoigner de sa satisfaction il avait fait présent de deux tabatières d'or, l'une au sieur Grévin inspecteur général des mines, l'autre au sieur Gérard, inspecteur des fontes. Seuls quelques ouvriers, choisis par les dirigeants de l'exploitation, reçurent de sa part les preuves de sa libéralité. Le peuple, quant à lui, fut invité à de plus générales réjouissances.
Le comte d'Arcy, familier de nos habitudes bretonnes avait fait publier dans toute la région qu'à l'occasion de la venue du Prince des jeux seraient organisés et avait fait annoncer des prix qui consistaient en moutons, en veaux, en jeunes bœufs et en différents autres objets relatifs au goût et aux besoins des habitants de la campagne. Ces jeux qui consistent principalement dans des luttes, où se développent à la fois la force et l'adresse, furent célébrés en présence du Prince, et les prix décernés le furent à son jugement, sur les conseils éclairés du comte, bon connaisseur des règles de la lutte telle qu'elle est pratiquée chez nous. Plus de trois mille personnes s'étaient rassemblées pour la fête. On reconnaissait à leurs costumes les différentes guises du pays. De Saint Thégonnec à Pleyben, de Chateaulin à Carhaix, et même depuis Quimper, on avait cheminé toute une journée pour ne pas manquer l'évènement. Comme l'enceinte de l'arène où se tenaient les luttes était trop resserrée pour les contenir, une partie du public s'était répandue dans la prairie voisine où s'exécutaient, au son des cornemuses et des bombardes, des danses à la manière des différents pays, celles de la montagne d'Arrée étant les plus applaudies.
Monsieur de Lavoisier semblait fasciné par le spectacle. M'ayant vu intéressé par ses propos sur la ventilation des mines et ses idées concernant les combustions, il s'était rapproché de moi. Il me confia que ce spectacle retraçait pour lui le tableau des mœurs antiques tels que ceux que nous décrit Homère. Craignant qu'il ne m'attribue une naïve crédulité, je n'ai pas osé lui parler de la légende transmise de génération en génération selon laquelle le peuple breton du roi Arthur et de l'enchanteur Merlin serait l'héritier direct de celui des Troyens arrivés jusqu'à nos rives en suivant Enée dans son exil.
Luttes bretonnes; "moeurs antiques tels ceux que nous décrit Homère".
Le retour a Landerneau nous sembla se faire avec une extraordinaire rapidité tant les commentaires sur les journées passées à Poullaouen et Huelgoat allaient bon train. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions de Landerneau, la guerre retrouvait sa place dans l'esprit de de Boufflers. L'amertume était sensible dans ses propos.
La guerre paraît s'allumer de tous les côtés mais j'ai encore bien de la peine à y croire. Il me semble que personne n'est assez fort pour l'entreprendre, ni assez faible pour y être forcé. Si elle a lieu, mon régiment devrait être embarqué avec le duc de Chartres pour une descente en Angleterre. Mais il me semble qu'on ne songe guère à une expédition de cette nature. On verrait beaucoup plus de mouvements de troupes, on rappellerait les soldats et officiers absents, on ferait des préparatifs de toute espèce…Mais, je le crains bien, nous n'irons point en Angleterre, et l'Angleterre ne viendra point ici. Nous passerons des années dans l'attente de ce qui n'arrivera pas, et plutôt avec l'air de craindre la guerre que de la préparer. Au lieu d'avoir la fièvre, nous aurons le frisson, ce qui n'est point du tout héroïque. Il n'y a rien de pis que le prélude de guerre que nous faisons. Mon régiment souffrirait moins en campagne. Il est fatigué, morcelé, ruiné, infecté de scorbut, de gale... Il ne nous manque plus que la peste que j'attends. La guerre en personne serait bien moins fâcheuse que tout cela. Elle offrirait au moins quelque dédommagement.
Pendant qu'il se morfondait à Landerneau, loin de le dame de ses pensées, les officiers des autres régiments goûtaient, me confiait-il, aux plaisirs de la capitale.
Les tristes colonels de l'armée de Bretagne se flattent de revenir au mois de juin, mais je n'en crois rien. Il trouvent bien plus de raisons pour rester à Paris que pour revenir à Brest.
La guerre. Il fallait que j'y pense à mon tour. Plusieurs de ces hommes que je soignais au couvent des Ursulines m'avaient pris en amitié et m'avaient offert de ces figurines sculptées et autres objets que confectionnent les soldats en campagne. Je m'obligeais alors à oublier qu'en rétablissant leur santé je les préparais à affronter la mort ou les terribles mutilations des combats à revenir.
Il me fallait regarder la réalité en face. J'étais un chirurgien de la Marine Royale et la santé que je dispensais n'avait pour objet final que la souffrance et la mort. Celle de nos soldats ou celle de leurs ennemis. Fort heureusement, le pessimisme du Chevalier de Boufflers, redoutant que la guerre n'ait pas lieu, me donnait l'espoir de ne pas avoir trop rapidement à utiliser la scie et les tourniquets de ma trousse d'amputation.
Un superbe soleil couchant nous attendait à l'arrivée à Landerneau. Mieux valait, pour le moment, jouir des beautés de la Nature et garder en mémoire les rares moments vécus à Poullaouen, en particulier les quelques mots échangés avec Monsieur de Lavoisier qui, je le sentais, m'ouvraient de nouveaux horizons.
Nombreux sont les chimistes du XVIIIème qui ont valorisé leur discipline en l'opposant à la vieille alchimie. On se souvient de Macquer (1718-1784) qui allait même jusqu'à regretter que la chimie ait conservé un nom qui rappelle l'ancienne discipline. C'est un mal, écrit-il "pour une fille pleine d'esprit et de raison, mais fort peu connue, de porter le nom d'une mère fameuse pour ses inepties et ses extravagances".
Même s'il est moins sévère, Lavoisier (1743-1794), l'auteur principal de la nouvelle nomenclature chimique publiée en 1787, n'échappe cependant pas à la règle. Nous citerons ici quelques textes qui en attestent et qui marquent l'esprit de la nouvelle chimie dont nos chimistes "modernes" sont les héritiers.
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Le premier texte, daté de 1772, est issu d'une communication à l'Académie des sciences "sur la destruction du diamant par le feu". Lavoisier et plusieurs de ses confrères ont montré que le diamant porté à haute température dans l'air brûle comme un banal morceau de charbon. Le propos fait scandale dans certains milieux, tant la pierre mythique est réputée indestructible. Il faut donc se défendre et dans ces cas rien de mieux que l'attaque. Les alchimistes en font les frais.
" De tout temps les hommes ont attaché l'idée de perfection à tout ce qui était rare et précieux, et ils se sont persuadé que ce qui était cher, hors de leur portée et difficile à obtenir, devait réunir les plus rares propriétés ; de là sans doute les prodiges attribués à la pierre philosophale et à l'or potable, de là les merveilles et le fables des alchimistes sur la médecine universelle.
Les pierres précieuses ont également partagé cet enthousiasme, et il n'y a pas encore cent ans qu'on leur attribuait aussi leurs prodiges. Parmiles médecins, les uns les administraient intérieurement dans certaines maladies et les faisaient entrer dans les formules de leurs dispensaires ; d'autres se persuadaient qu'il suffisait de les porter en bagues, en amulettes, etc. et ils s'en promettaient des effets singuliers dans l'économie animale".
Revenant parmi nous, plus de dieux siècles plus tard, Lavoisier serait étonné de constater que la croyance en le vertu des pierres n'a pas disparu y compris, et même souvent, parmi les "élites" intellectuelles des sociétés dites "développées".
Grande lentille utilisée par Lavoisier pour obtenir de hautes températures.
Parmi les expériences choisies pour le prouver : la combustion de l'alcool (l'esprit de vin). Une lampe à alcool brûle sous une cloche de verre. Le dégagement volatil qui en résulte est refroidi dans un serpentin et analysé : c'est de l'eau !
"Dans des temps moins éclairés, on aurait présenté cette opération comme une transmutation d'esprit de vin en eau, et les alchimistes en auraient tiré des inductions favorables à leurs idées sur les transmutations métalliques. Aujourd'hui que l'esprit d'expérience et d'observation nous apprend à tout apprécier à sa juste valeur, nous ne verrons autre chose, dans cette expérience, que la preuve qu'il s'ajoute quelque chose à l'esprit-de-vin dans sa combustion, et que ce quelque chose est de l'air."
L'idée que l'eau est un élément fondamental de la matière a encore la faveur de nombreux chimistes. Lavoisier s'emploie à ruiner cette survivance.
L'eau, prouve-t-il par ses expériences, "est un composé du principe oxygine (qui deviendra l'oxygène) uni à un principe inflammable (futur hydrogène)".
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Le troisième extrait illustre le retour en force de l'ésotérisme en plein siècle des lumières. Mesmer est à Paris où sa pratique du "magnétisme animal" lui attire une riche clientèle aristocratique. Les autorités royales s'inquiètent et demandent une enquête de l'Académie des Sciences. Lavoisier fait partie de la commission qui en est chargée. Un rapport est publié en 1784 "sur le magnétisme animal".
Lavoisier et ses collègues assistent à une séance dirigée par M. Deslon, disciple de Mesmer.
" Les moyens qu'emploie Deslon se réduisent principalement à deux : l'attouchement et la prétendue émission d'un fluide que l'on conduit et que l'on condense, soit avec le doigt, soit avec une petite verge de fer.
Nous n'avons vu produire par ces deux moyens qu'un seul effet : il consiste à faire tomber quelques personnes dans des états convulsifs, mais sans qu'il résulte d'altération dans le pouls, ni de dérangement dans la santé.
Mais on sait que la seule imagination, frappée ou prévenue à un certain point, suffit pour produire ces effets, qu'il existe une foule d'exemples de convulsions imitatives ; à plus forte raison, l'attouchement peut-il agir quand ses effets sont réunis à ceux de l'imagination.
L'art de conclure d'après des expériences et des observations consiste à évaluer des probabilités, et à estimer si elles sont assez grandes ou assez multipliées pour constituer des preuves. Ce genre de calcul est plus compliqué et plus difficile qu'on ne pense ; il demande une grande sagacité et il est en général au-dessus des forces du commun des hommes.
C'est sur leurs erreurs dans cette espace de calcul qu'est fondé le succès des charlatans, des sorciers, des alchimistes ; que l'ont été autrefois ceux des magiciens, des enchanteurs et de tous ceux en général qui s'abusent eux-mêmes ou qui cherchent à abuser la crédulité publique."
Les alchimistes ramenés au rang des charlatans, sorciers, magiciens, enchanteurs et accusés d'abuser de la crédulité du plic : jamais Lavoisier n'avait été aussi sévère. Des personnages, adeptes du magnétiseur, comme le futur révolutionnaire Marat, s'en souviendront !
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C'est naturellement dans le "Mémoire sur la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de la chimie", publié en 1787, que nous allons trouver une autre allusion à l'alchimie. L'objectif des chimistes français engagés dans cette opération est clair. Ils est temps, disent-ils, "de débarrasser la chimie des obstacles de toute espèce qui retardent ses progrès, d'y introduire un véritable esprit d'analyse". Tout ceci commençant par le "perfectionnement du langage".
Premier obstacle : l'alchimie :
"Une partie des expressions dont on se sert en chimie y a été introduite par les alchimistes ; il leur aurait été difficile de transmettre à leurs lecteurs ce qu'ils n'avaient pas eux-mêmes, des idées justes et vraies.
De plus, leur objet n'était pas toujours de se faire entendre. Ils se servaient d'un langage énigmatique qui leur était particulier, qui, le plus souvent, présentait un sens pour les adeptes, un autre sens pour le vulgaire, et qui n'avait rien d'exact et de clair, ni pour les uns, ni pour les autres.
C'est ainsi que l'huile, le mercure, l'eau elle-même des philosophes n'étaient ni l'huile, ni le mercure, ni l'eau dans le sens que nous y attachons"
Débarrasser la chimie des vieux mots de l'alchimie est donc un des objectifs de Lavoisier et de ses collaborateurs. A l'évidence les auteurs de la nouvelle Nomenclature y sont parvenus.
Pourtant le diable ne se cacherait-il pas encore dans le détail ?
Azote ou Azoth ?
Dans son traité élémentaire de chimie oublié en 1789, Lavoisier traite des "noms génériques et particuliers des fluides aériformes"
"On a vu que l’air de l'atmosphère était principalement composé de deux fluides aériformes ou gaz, l'un respirable, susceptible d'entretenir la vie des animaux, dans lequel les métaux se calcinent et les corps combustibles peuvent brûler ; l'autre, qui a des propriétés absolument opposées, que les animaux ne peuvent respirer, qui ne peut entretenir la combustion, etc. Nous avons donné à la base de la portion respirable de l'air le nom d'oxygène, en le dérivant de deux mots grecs όξύς, acide, γείνομαι, j'engendre, parce qu'en effet une des propriétés les plus générales de cette base est de former des acides en se combinant avec la plupart des substances.
Nous appellerons donc gaz oxygène la réunion de cette base avec le calorique. Sa pesanteur dans cet état est assez exactement d'un demi-grain poids de marc par pouce cube, ou d'une once et demie par pied cube, le tout à 10 degrés de température et à 28 pouces du baromètre.
Les propriétés chimiques de la partie non respirable de l’air de l'atmosphère n'étant pas encore très-bien connues, nous nous sommes contentés de déduire le nom de sa base de la propriété qu'a ce gaz de priver de la vie les animaux qui le respirent, nous l'avons donc nommé azote, de l'α privatif des Grecs, et de ζωή, vie ; ainsi la partie non respirable de l'air sera le gaz azotique. Sa pesanteur est de 1 once 2 gros 48 grains le pied cube, ou de 0 grain, 4444 le pouce cube."
Ce faisant, Lavoisier pouvait-il oublier que le mot Azoth était l'un des plus forts du vovabulaire des alchimistes ?Que c'était pour certains d'entre eux la pierre philosophale ou "L'or caché des pilosophes".
Mais le problème n'est plus actuellement que franco-français. La nomenclature internationale ayant abandonné Azote au profit de Nitrogen (ou Nitrogène).
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Pour aller plus loin
Histoire de la chimie. L’oxygène, de l’alchimie à la chimie. Un livre chez Vuibert.
Suivre le parcours de l’oxygène depuis les grimoires des alchimistes jusqu’aux laboratoires des chimistes, avant qu’il n’investisse notre environnement quotidien.
Aujourd’hui, les formules chimiques O2, H2O, CO2,… se sont échappées des traités de chimie et des livres scolaires pour se mêler au vocabulaire de notre quotidien. Parmi eux, l’oxygène, à la fois symbole de vie et nouvel élixir de jouvence, a résolument quitté les laboratoires des chimistes pour devenir source d’inspiration poétique, picturale, musicale et objet de nouveaux mythes.
À travers cette histoire de l’oxygène, foisonnante de récits qui se côtoient, s’opposent et se mêlent, l’auteur présente une chimie avant les formules et les équations, et montre qu’elle n’est pas seulement affaire de laboratoires et d’industrie, mais élément à part entière de la culture humaine.
Jean-Mathurin et Guillaume Mazéas sont fils d’un notaire de Landerneau montés à Paris pour y poursuivre de brillantes études qui en feront des scientifiques de valeur. Le premier mathématicien, le second chimiste et physicien.
Une rue porte le nom des frères Mazéas à Landerneau.
Jean-Mathurin Mazéas (1713- 1801)
L’aîné, Jean-Mathurin naît en 1713. Il fait ses études supérieures à Paris, au Collège de Navarre.
Il faut dire ici un mot du Collège de Navarre. Il a été fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel dans son hôtel de la rue Saint-André-des-Arts, afin d’y recevoir des étudiants de sa Province. On y accueillait aussi tout enfant de famille modeste ou pauvre issu des autres régions de France.
Au siècle des Lumières ce collège est devenu l’un des meilleurs établissements de l’Université de Paris. C’est là que Louis XV crée en 1752 la première chaire de physique qu’il confie à l’abbé Nollet. Entre autres élèves célèbres de cet établissement on peut citer Condorcet qui parle de ses professeurs avec la plus grande reconnaissance, et parmi ceux-ci Jean-Mathurin Mazéas, et cite leur enseignement comme un modèle à suivre.
Quand Jean-Mathurin Mazéas y termine ses études il se fait abbé et est nommé enseignant du collège.
Ce sera un excellent enseignant, se fixant pour objectif d’armer ses élèves pour la suite de leurs études ou de leur activité professionnelle. Il veut, dit-il, enseigner "l’esprit géométrique" plutôt que la "géométrie". Dans ce but il écrit l’un des premiers cours de mathématiques, ce qui est une pratique récente dans le monde enseignant.
Nous avons donc, en Jean-Mathurin Mazéas, le prototype d’un enseignant d’une "Grande Ecole" parisienne, préfiguration de ce que sera l’enseignement à l’Ecole Polytechnique qui, d’ailleurs, après la révolution, aura pour premiers locaux le Collège de Navarre.
extrait : "à treize ans, les Éléments de mathématiques de Rivard et de Mazéas étant tombés sous sa main, toute autre étude fut oubliée (2). Il s'en occupa uniquement et la lecture de ces deux livres fut suivie de celle de l'algèbre de Clairaut et des traités des sections coniques de La Chapelle et du Marquis de L'Hôpital"
En 1789 Jean-Mathurin Mazéas a 76 ans, largement l’âge de la retraite. Du jour au lendemain il se trouve sans ressources. Les écoles royales ont été fermées et en tant qu’ecclésiastique il ne peut occuper d’autre emploi. Pour subvenir à ses besoins il vend ses livres et ses meubles. Il est alors recueilli à Pontoise par un ancien domestique et vit sur les économies de ce dernier jusqu’au moment où la bourse est à sec.
Le vieux serviteur a alors le courage de se rendre au ministère de l’intérieur dont le titulaire est Nicolas François de Neufchâteau pour plaider la cause de son ancien maître. Il y rencontre d’anciens élèves de Jean-Mathurin Mazéas qui lui font obtenir une pension qu’il touche jusqu’à la fin de sa vie.
On trouve dans les archives de la ville de Landerneau un certificat de résidence délivré au citoyen Mazéas par la section des Sans Culotte de Paris. On y apprend qu’il mesurait 1m74, avait des yeux gris et un menton large. Un bon breton en somme !
Il meurt à Paris en 1801, il a 88 ans.
Décrivant le district de Landerneau dans son "Voyage dans le Finistère", Cambry signale que "le fameux professeur Mazéas" est de Landerneau.
Certificat de résidence de Jean-Mathurin Mazéas, délivré par la section des "Sans Culottes" de Paris.
Guillaume Mazéas, le cadet, naît en 1720, toujours dans la paroisse de Saint-Houardon à Landerneau. Il rejoint également le Collège de Navarre et devient lui-même abbé.
Il est d’abord employé comme secrétaire, à Rome, à l’ambassade française auprès du Vatican. A cette occasion il s’intéresse aux antiquités romaines et rencontre des savants étrangers ayant les mêmes curiosités que lui. En particulier il devient le correspondant de Stephen Hales, scientifique anglais de grand renom.
En 1751 il est de retour à Paris où il occupe la fonction de bibliothécaire du Duc de Noailles qui est un amateur averti de tout ce qui touche aux sciences. C’est à ce moment qu’il vit la période la plus riche de sa vie scientifique et qu’il est associé à la première expérimentation du paratonnerre imaginé par Franklin.
Ici, disons un mot de Franklin.
C’est le dernier enfant d’une famille de 13 enfants qui doit quitter l’école à 10 ans pour aider son père modeste fabricant de chandelles. Il apprend ensuite le métier d’imprimeur avec son frère et peut ainsi assouvir sa passion pour la lecture.
A 40 ans c’est un autodidacte accompli qui anime une société philosophique à Philadelphie. C’est à ce moment qu’il rencontre l’électricité. Un voyageur venu d’Angleterre apporte quelques livres et surtout du matériel de démonstrations électriques. La mode est alors de produire en public les expériences spectaculaires que permet l’électricité. Franklin, qui est d’une extrême habileté, améliore ces expériences et fait de nouvelles observations. Parmi celles-ci, celle du pouvoir des pointes pour décharger un corps électrisé, ce qui l’amène rapidement à imaginer la paratonnerre.
Franklin a un correspondant anglais, Peter Collinson, à qui il fait part de ses expériences. Celui-ci cherche à les faire publier par la "Royal Society" qui est l’Académie des Sciences anglaise. C’est un refus. Les scientifiques anglais ne veulent pas reconnaître comme l’un des leurs cet amateur, qui plus est des colonies d’Amérique.
Peter Collinson persiste et publie les lettres de Franklin à son compte. C’est un succès ! Le livre arrive même en France où il est traduit et tombe entre les mains du naturaliste Buffon. Celui-ci a l’idée de faire réaliser en public les expériences de franklin par son ami Dalibard qui s’est spécialisé dans ce domaine. Nouveau succès ! A tel point que le roi désire assister à ces expériences. Une séance spéciale est donc organisée pour Louis XV chez le Duc de Noailles à laquelle Guillaume Mazéas est impliqué en tant que bibliothécaire.
Enhardi, Dalibard décide de tenter l’expérience du paratonnerre que personne n’a réalisé jusqu’à présent. Elle est faire à Marly le 13 mai 1752. Une perche conductrice est dressée au passage d’un nuage d’orage et reçoit le premier éclair.
L’expérience de Marly
C’est alors la frénésie, chacun veut tenter l’expérience. Mazéas dresse lui-même une tige à son domicile et fait arriver un film conducteur dans sa chambre pour pouvoir continuer ses observations, même la nuit sans quitter son lit, si un nuage arrive.
d’abord de faire connaître à Franklin et à ses compatriotes le succès de l’expérience sur le tonnerre. Sa lettre est d’ailleurs en bonne place dans les œuvres complètes de Franklin.
Ensuite de le faire admettre comme membre à part entière de la Royal Society, ce qui est une promotion inespérée pour un jeune homme de 30 ans.
Plus tard, Franklin qui attendait la construction d’un clocher à Philadelphie pour tenter l’expérience, aura l’idée du cerf-volant, idée également mise en œuvre par de Romas en France.
L’expérience de Franklin
Cette période aura été la plus active de la vie de Mazéas. Il revient en Bretagne en 1759 à 39 ans comme chanoine de la cathédrale de Vannes. Il continue à s’intéresser aux sciences et en particulier aux sujets concernant sa province. Il fait par exemple une étude sur les cendres de goëmons et montre qu’elles peuvent être utilisée pour produire la soude dont on a besoin dans l’industrie du verre et du savon. Il offre ainsi un déboucher intéressant au travail des goëmoniers dont l’activité est déjà importante sur les côtes normandes et bretonnes.
Il ne connaîtra pas la révolution. Il meurt en 1776, il n’a que 55 ans.
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Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine.
La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.