« C’est pas la Corse ici. On te tue pas. C’est plus subtil. C’est sournois. La peur… »
Depuis les années 1960, le « système » agro-industriel fait naître des empires transnationaux et des baronnies rurales. Il crée des usines et des emplois. Il entraîne la disparition progressive des paysans, l’asservissement de nombreux salariés de l’agroalimentaire, l’altération des écosystèmes et la généralisation de la nourriture en boîte. Il s’impose au nom de la realpolitik économique et de la foi dans une certaine idée du « progrès ». Il prospère grâce à la bienveillance, l’impuissance ou la lâcheté des autorités. Il engendre ses propres mythes, capables de façonner durablement les mentalités. Il enrichit considérablement une minorité, alors que certains se contentent de survivre grâce aux subventions ou doivent s’estimer heureux parce qu’ils ont un travail. Il fait taire des récalcitrants à coups de menaces, de pressions, d’intimidations, de calomnies ou de sabotages. La violence est son corollaire. Le silence, son assurance-vie. Comment le définir ? « Féodalité », répondent les uns. « Esclavage moderne », disent les autres. « Oligarchie » ou « mafia », jurent certains…
Enquête au long cours jalonnée de témoignages saisissants, Silence dans les champs est une immersion glaçante dans le principal territoire agro-industriel de France : la Bretagne.
Extrait :
“Je me suis entretenu avec des figures historiques du mouvement écologiste en Bretagne ainsi qu’avec des sympathisants anonymes. Certains évoquent des épisodes déjà relayés dans la presse, comme les menaces de mort taguées dans l’espace public, en 2007, à l’encontre de Gérard Borvon, ex porte-parole des Verts de la région, ou le saccage des locaux de Eau et Rivières de Bretagne, à Guingamp et à Brest par des individus qui n’ont jamais été appréhendés.”
Le Bronx, 1945. Par une moite après-midi d'août, un gamin dont la famille a fui le nazisme écoute la radio. Surgit la voix du président Truman : une seule bombe, « atomique », a rasé Hiroshima. « Le plus grand succès de la science organisée de toute l'histoire. » De cet événement, le petit garçon retiendra notamment la photo d'une absence?: un homme retiré de son ombre par la déflagration. Adulte, le gamin deviendra physicien : ancien directeur de laboratoire au CNRS, Harry Bernas est aujourd'hui un scientifique reconnu dans le domaine des nanosciences, et son histoire n'a cessé de croiser celle de la science nucléaire. Jusqu'à Fukushima. Fruit d'un programme nucléaire ayant occulté les risques d'un tsunami pourtant documentés, le drame de 2011 a agi comme un révélateur de la cécité volontaire des hommes sur les conséquences de leurs choix techniques et sociaux.
Dans ce captivant récit qui entremêle souvenirs personnels et réflexions scientifiques, Harry Bernas tente de comprendre d'où vient cet aveuglement délibéré. Lucidement, mais sans aucun fatalisme, il met au jour comment, du projet Manhattan aux réacteurs GEN-IV en passant par la politique « Atomes pour la paix » d'Eisenhower, on en est venu à modifier insensiblement la finalité même de la science, dont l'objet ne consiste plus à connaître le monde, mais à la rendre perméable au pouvoir.
Ou comment Newton et Einstein ont été supplantés par Jeff Bezos et Elon Musk. Nous pensions vivre paisiblement sur l'île au Bonheur. En japonais, « île au Bonheur » se dit Fukushima...
"Si le débat français sur l’énergie nucléaire n’avance guère depuis 30 ans, c’est qu’il a un point aveugle. Le nucléaire est au cœur du lien entre trois stratégies : industrielle, politique, et militaire.
Faire silence sur l’effet de cette dernière, c’est ignorer la réalité et mettre en péril notre adaptation aux changements du monde."
" Comment se manifeste cette cécité volontaire, dans le nucléaire civil en France ?
Il y a d’abord la remise aux générations futures, pendant plus de 40 ans, des enjeux liés aux déchets nucléaires. On a laissé de côté les implications, pour l’avenir même du nucléaire civil, des risques liés à leur accumulation ou retraitement éventuels, de leur stockage.
Ensuite, il y a ce que je qualifierais de « schizophrénie résurgente à partir des années 70 en France » : la plupart des scientifiques concernés font l’impasse sur les rapports entre nucléaire militaire et civil. Il faut 5 à 6 kilos de plutonium (Pu) pour faire une bombe. Un réacteur civil en produit deux tonnes par an, et à La Hague on effectue un recyclage systématique qui isole et accumule une partie du Pu : le stock actuel est d’une cinquantaine de tonnes. Les risques sont multiples, entre protection du stock, risque terroriste, problèmes de transport… Comment négliger le contexte actuel de tensions au niveau mondial ?"
Lorsque les juges prononcent un non-lieu dans l’affaire du chlordécone en janvier 2023, huit années d’archives manquent au dossier judiciaire. La cellule investigation de Radio France a pu établir que des alertes sur la dangerosité de cette molécule avaient eu lieu dès 1981.
La chlordécone a longtemps été utilisée aux Antilles comme pesticide dans les bananeraies de 1972 à 1993, et ce malgré son caractère hautement toxique et sa persistance dans l’environnement. Aujourd’hui, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire (Anses), on en a été détecté chez environ 90% des adultes en Martinique et en Guadeloupe où le taux de cancer de la prostate est le plus élevé au monde. La population réclame des comptes à la justice, mais cette dernière a prononcé un non-lieu car les faits visés étaient prescrits.
Dans leur ordonnance, les juges précisent par ailleurs que les autorités publiques ne disposaient pas d’informations suffisantes à l’époque pour connaître les conséquences de cette substance sur la santé humaine. Or de nombreuses archives qui couvrent une période huit ans demeurent manquantes. Il n’existe ainsi aucune trace des discussions importantes qui ont eu lieu sur la chlordécone au sein de la commission des toxique, instance où s’exprimaient les scientifiques avant l’homologation d’un produit.
La cellule investigation de Radio France a cependant pu établir qu’en 1981, le professeur René Truhaut avait alerté sur la dangerosité du Curlone, un nouveau produit à base de chlordécone qui a été autorisé après avoir été évoqué dans une réunion de cette commission. Elle a également pu établir que la direction départementale des Affaires sanitaires et sociales de Martinique avait été alertée de la présence dans l’eau de chlordécone dès 1991, soit sept ans avant que des mesures de protection de la population soient prises.
Qui n’a pas entendu parler de la pollution des eaux bretonnes par les nitrates et les pesticides. Qui ne sait, à présent, que le problème est général sur l’ensemble du territoire français où plus des 3/4 des ressources sont contaminées à des degrés divers. Pourtant c’est à des milliers de kilomètres de l’hexagone qu’il faut aller chercher les exemples les plus dramatiques de territoires contaminés : dans les paradis ensoleillés de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane ou de la Réunion.
Une cargaison de patates douces a alerté la métropole en Octobre 2002. A cette date les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont arrêté, sur le port de Dunkerque, une tonne et demie de patates douces en provenance de la Martinique et contenant des quantités importantes de Chlordécone. Cet insecticide extrêmement toxique utilisé sur les exploitations de bananes est pourtant interdit depuis 1993. Le fait que les habitants de la Martinique aient consommé ces tubercules depuis de nombreuses années n’avait alerté personne mais qu’ils arrivent sur le marché de Rungis et voilà le scandale dévoilé !
Pourtant l’information sur cette pollution était connue depuis bien des années. L’année précédente, un rapport particulièrement documenté sur la pollution de l’eau et des sols en Guadeloupe aurait mérité, lui aussi, une mobilisation médiatique.
Etant en 2003 membre du Comité National de l’eau, j’ai eu connaissance de ce rapport resté ignoré. J’en ai immédiatement informé mes amis en Guadeloupe, dont Harry Durimel avocat et les associations de protection de l’environnement locales. Lors d’un voyage en Guadeloupe en 2005 ces associations m’ont invité à tenir des conférences d’information. Interrogé par la presse et la télévision j’ai pu constater l’ignorance de la population et des médias sur le sujet.
C’est d’abord en tant que citoyen écologiste que ce combat a débuté, puis c’est devenu une affaire en justice. Dans un premier temps, j’ai été alerté par Gérard Borvon (militant écologiste, président de l’association S-Eau-S en Bretagne – NDLR), à qui je rends systématiquement hommage, car il a fait savoir aux Guadeloupéens qu’ils étaient empoisonnés.
L'explorateur polaire Paul-Emile Victor fut un des pionniers de la protection de l'environnement. Avec Haroun Tazieff et le commandant Cousteau notamment, il créa en 1974 le "Groupe Paul-Emile Victor pour la défense de l'homme et de son environnement", dont les travaux initièrent la notion de développement durable. L’année suivante, il lança la campagne "S-eau-S" pour alerter sur la précarité des ressources en eau douce et préparer, comme ici en octobre 1975 à Metz, les écologistes de demain.
25 ans plus tard en Bretagne : "S-eau-S, l'eau en danger"
La Bretagne est malade, et, comme de nombreux indices le laissent à penser, le mal est contagieux. Avec 50% des captages dépassant les 50mg de nitrates par litre d’eau et le retour des algues vertes sur les plages chaque été, la cote d’alerte est largement dépassée.
Le "modèle" agricole breton se lit d’abord dans les statistiques. La Bretagne produit, aujourd’hui, sur 6% de la surface agricole française, 20% de sa production laitière, 40% de sa production de volaille, 60% de sa production porcine. Une telle explosion ne pouvait se produire sans de profonds bouleversements.
Gérard Borvon, l’auteur du livre, alerte l’opinion publique pour que l’expérience bretonne soit utile à tous ceux qui sont menacés par le même problème. Pour aider aussi à résister à l’emprise des différents lobbies qui imposent leur stratégie de monopole et d’argent.
Dans le même temps, cet ouvrage aide à la prise de conscience d’un problème qui affecte l’ensemble de l’humanité. En effet, selon les experts réunis à l’initiative de l’ONU en février 1999 à Genève, les deux tiers de la planète pourraient rencontrer des problèmes d’approvisionnement et près d’un milliard de personnes pourraient être concernées par une crise majeure de l’eau à l’horizon 2025.
C’est un grand monsieur qui s’en va. Un puits de science qui transmettait avec une infinie douceur et patience son expérience. Claude Lorius avait fait ses études à l’Université de Besançon. Une petite annonce en 1955 sur le mur de la faculté et le voilà parti vers le grand blanc, le grand froid. On recherche des jeunes gens en bonne santé et ne craignant pas la solitude. Claude Lorius réalise son premier hivernage en Terre Adélie en 1957 sur la base scientifique Charcot. Le jeune Comtois qui aime le foot y séjourne un an.
Faisant le constat de l’inaction des gouvernements face à l’urgence écologique et climatique, plus de 1000 scientifiques de toutes disciplines, parmi lesquels une trentaine de médaillé·e·s du CNRS ou de l’Académie d’agriculture et plus de cent (ancien·ne·s) directrices ou directeurs d’unité, appellent dans Le Monde les citoyens à la désobéissance civile et au développement d’alternatives. Ils exhortent les responsables politiques à changer radicalement notre modèle économique et productif et à prendre au sérieux les propositions de la Convention citoyenne sur le climat.
Cet appel s’inspire de tribunes similaires dans The Guardian et Le Temps. Avec plus de 2000 signataires, il a donné lieu à la création du collectif Scientifiques en rébellion.
Le carbone est l'incarnation du mal dans notre société moderne polluée. Pourtant, il est à l'origine de la vie et donne encore lieu à de nouvelles découvertes. Décarboner le monde, oui ! Mais à condition de ne pas oublier les facettes positives de cet élément chimique irremplaçable.
Août 2017, sur le sable de la plage de la baie des trépassés un "mandala" géant. Il a été réalisé à l'initiative de l'association "Plogoff, mémoire d'une lutte" qui, chaque année, organise une marche dans la pointe du Raz en souvenir de l'abandon du projet de centrale nucléaire à Plogoff. Cette année, la cinéaste Dominique Agniel est en cours de tournage de son film "Plogoff mon amour, mémoire d'une lutte". Elle est à l'origine de ce projet de mandala, réalisé sous la direction de Émilie Vincent. Ses images ponctueront son film.
A y regarder de plus près, un message écologique est inscrit dans le sable.
Plogoff, mémoire d'une lutte.
Les quatre éléments dans le mandala de Émilie Vincent dans la baie des trépassés.
En opposition aux centrales nucléaires, le feu, l'air, l'eau, la terre, les quatre éléments de Empédocle, Platon, Aristote, sont mis à contribution. Chacun est associé à une énergie alternative.
- Le feu symbolise l'énergie du soleil qui trône au centre de la composition.
- L'air nous rappelle le vent qui souffle dans les éoliennes dont les premières, en Bretagne, ont été installées dans le Cap Sizun à proximité de Plogoff.
- L'eau, c'est l'énergie des fleuves mais aussi des courants marins si actifs dans la mer d'Iroise.
- La terre fournit la biomasse qui, bien exploitée, peut apporter un complément d'énergie.
Une renaissance des quatre éléments ?
A la fin du 18ème siècle le chimiste Lavoisier et ses collaborateurs ont signé l'acte de mort des quatre éléments en tant que théorie scientifique. Aucun d'entre eux ne résiste :
- Le feu n'est plus la substance matérielle que ses prédécesseurs immédiats ont cru pouvoir caractériser sous le nom de "phlogistique". Les combustions s'expliquent par des réactions entre éléments chimiques.
- L'air est en réalité un mélange de gaz dont les principaux sont l'azote et l'oxygène.
- L'eau peut se décomposer en oxygène et hydrogène.
- La terre a depuis longtemps perdu , avec l'alchimie,son statut d'élément.
Du point de vue scientifique l'affaire est entendue : oublions les quatre éléments.
Et voilà qu'un scientifique et philosophe, Gaston Bachelard (1884-1962), les fait renaître sous une forme poétique dans "La psychanalyse du feu", "L’eau et les rêves", "L’air et les songes", "La terre et les rêveries de la volonté". La psychanalyse se définit comme une exploration de l'inconscient, les quatre éléments y seraient-ils durablement inscrits ?
Leur retour avec l'écologie ?
L'écologie ne rejette pas les enseignements de Lavoisier qui a exclu les quatre éléments de la réflexion scientifique. Elle est une des filles des sciences. Ce sont les scientifiques aujourd'hui regroupés dans le GIEC qui nous alertent, chiffres à l'appui, sur la catastrophe climatique qui s'annonce. D'autres scientifiques font le bilan de la perte de biodiversité qui menace allant même jusqu'à évoquer une sixième extinction en cours. Ce sont des agronomes qui dénoncent les dégâts de l'agriculture productiviste et proposent d'autres alternatives. L'écologie militante se nourrit de leurs recherches.
Pourtant les connaissances scientifiques ne s'opposent pas à la rêverie poétique. Il est remarquable que c'est encore souvent autour des quatre éléments que s'organise la réflexion des écologistes dans le débat public.
Le feu, c'est l'énergie. L'économiser, des énergies renouvelables non polluantes pour remplacer les énergies d'origine fossile ou nucléaire. Tel est le débat.
L'air ? On commence à peine à mesurer les effets de la pollution de l'air sur la santé (50.000 décès prématurés par an en France). Quant à l'augmentation des gaz à effet de serre et leur action sur le climat, tout a été dit.
L'eau. Sa pollution est dénoncée mais aussi son partage inégal sur la planète sans parler des sécheresses qui gagnent ici et des inondations ailleurs.
La terre. Celle qui nous nourrit. On semble seulement découvrir qu'elle est le résultat d'un long processus biologique que la chimie et la mécanique s'emploient à détruire.
Ainsi les quatre éléments de Empédocle, Platon, Aristote, trouvent une nouvelle jeunesse au service de la qualité de la vie sur notre Planète.
La mer a emporté vers d'autres horizons le message des quatre éléments tracé dans le sable de la Baie des Trépassés. La force poétique du feu, de l'air, de l'eau, de la terre, qui a traversé les millénaires, habite encore, et peut-être pour longtemps, nos inconscients.
L'accord sur les unités électriques fut négocié lors du premier Congrès international d'électricité de 1881, à Paris. Ce fut un véritable évènement dans le monde scientifique et technique. On trouvera ci-dessous trois documents sur ce Congrès : tout d'abord la présentation des résultats du Congrès dans la grande revue de vulgarisation scientifique de l'époque, La Nature, puis le récit très personnel de la négociation par le chef de la délégation française au Congrès, Eleuthère Mascart, et enfin le discours de clôture du Congrès par son président, le chimiste français Jean-Baptiste Dumas, qui se termine par une prédiction que l'avenir ne démentira pas :
"Cet effort restera comme une date mémorable dans l'histoire ; au milieu du mouvement de la politique et des agitations de l'esprit humain, il deviendra l'expression caractéristique de notre époque. Le dix-neuvième siècle sera le siècle de l'électricité !"
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Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine.
La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.