Jérôme Fournier a passé trois mois en Antarctique entre décembre 2019 et février 2020 à l’occasion de sa vingt-troisième mission polaire. « J’ai la chance de faire un métier de passion en travaillant au contact de la nature d’êtres vivants. » | CNRS/IPEV (article Ouest France)
Il se définit lui-même comme un « chercheur citoyen ». Un biologiste du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), « passionné »mais parfois désabusé à force« d’alerter » sans « être écouté ». Préoccupé par les sujets environnementaux, au premier rang desquels le dérèglement climatique.
À travers son travail et ses nombreuses missions dans les régions polaires, enArctique ou en Antarctique, Jérôme Fournier, 52 ans, apporte, régulièrement, des preuves des changements en cours. « Mais à quoi bon ? s’interroge-t-il. Je ne fais que confirmer des choses que l’on sait depuis tellement longtemps… »
Depuis quand exactement ? « La première partie du XIXe siècle, répond-il. Depuis plus de vingt-cinq ans, j’effectue des recherches sur la philosophie des sciences et les rapports entre l’Homme et la nature. J’ai retrouvé un livre de 1825, signé George Perkins Marsh. Un monsieur qui a vu la révolution industrielle se mettre en place. Il reconnaissait qu’elle était source de progrès, mais disait qu’elle ne pourrait pas durer, faute de ressources. »
« La croissance durable n’a aucun sens »
L’ouvrage n’est pas le seul que Jérôme Fournier est parvenu à dénicher. Si certains pressentiments ont pu se révéler farfelus, d’autres trouvent un écho particulier aujourd’hui.« Dès le XIXe siècle, des gens prédisaient les changements en cours. En assurant que l’action de l’Homme ne pourrait pas être infinie. Que la croissance durable n’avait aucun sens. Que d’exploiter les ressources aurait une limite. Qu’à un moment donné, cela poserait des problèmes liés à notre environnement. »
Et le chercheur de citer George Perkins Marsh, John Muir, Jean-Jacques Audubon et Élisée Reclus, « l’un des plus grands géographes français, un anarchiste ayant posé les premières bases de l’écologie militante ». Ou d’autres scientifiques, philosophes ou auteurs du XXe siècle comme le Norvégien Arne Naess, l’Américain Aldo Leopold, l’Anglais James Lovelock, le Suisse Robert Hainard ou encore les Français Roger Heim et Jean Dorst, tous deux directeurs du Muséum national d’histoire naturelle.
La réduction des algues vertes prônée dès 1976
Une liste, non exhaustive, sur laquelle Jérôme Fournier s’appuie pour dénoncer l’inertie collective. « On a le sentiment que l’on a découvert récemment la plupart des problèmes environnementaux. Ce qui permet de dire que l’on ne pouvait pas agir puisque l’on ne savait pas. Tout cela est faux. »
Pour le scientifique, hébergé à la Station marine de Concarneau (Finistère), les exemples ne manquent pas. « En 1962, Rachel Carson publie Printemps silencieux, un best-seller qui fait interdire le DDT, un pesticide très puissant. Depuis plus de cinquante ans, on sait donc que certains pesticides sont dangereux. »
Les algues vertes ? « En 2009, François Fillon, alors Premier ministre, annonce qu’il faut lancer un plan d’actions visant à réduire les algues vertes en Bretagne. Dès 1976, le premier colloque sur le bocage, organisé à Rennes par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), apporte déjà les réponses à la problématique. »
« On a perdu le rapport à la nature »
Le Covid-19 ? Des politiques à travers le monde ont affirmé « qu’on ne pouvait pas prévoir une épidémie comme celle-là. Des dizaines d’articles ont pourtant été publiées, depuis des années, sur le risque épidémique à l’échelle mondiale ».
« On a perdu le rapport à la nature. Ce goût du simple, ce goût du temps. » Une prise de conscience collective pourrait-elle permettre de stopper ou de ralentir le dérèglement climatique ? Jérôme Fournier en doute.
« Dans notre monde de l’immédiateté, le sujet ne préoccupe pas grand monde, surtout pas les décideurs. Sur le terrain, on voit les changements s’accélérer à une vitesse inimaginable. La situation est pire que le pire des scénarios envisagés il y a vingt ou trente ans. » Glaçant.
Alors que le climat continue de s’emballer, la France n’est toujours pas à la hauteur des enjeux et des objectifs qu’elle s’est fixée. L’inaction de l’exécutif est épinglée dans un rapport publié, ce mercredi 8 juillet, par le Haut Conseil pour le climat, dans un contexte de remaniement ministériel censé « accélérer sur les priorités environnementales » selon l’Élysée.
« Le réchauffement climatique induit par les activités humaines continue de s’aggraver, alors que les actions climatiques de la France ne sont pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs qu’elle s’est donnés » : c’est le constat implacable dressé par leHaut Conseil pour le climat(HCC), une instance consultative indépendante chargée d’évaluer la compatibilité de la politique du gouvernement avec l’accord de Paris sur le climat.
Mercredi 8 juillet 2020, le Haut Conseil pour le climat a publiéson deuxième rapport annuelNeutralité carbone, dans un contexte deremaniement ministérielcensé« accélérer sur les priorités environnementales »selon l’Élysée. Le nouveau gouvernement, dont la composition a été dévoilée lundi,« hérite de la responsabilité de gérer et sortir des crises successives, sanitaire, économique et sociale, vers une société et une économie moins vulnérables, mieux adaptées et plus résilientes aux chocs externes », estiment les membres du Haut Conseil, experts en climat et en transition énergétique.
Dans une visio-conférence de presse, lundi, la présidente du Haut Conseil Corinne Le Quéré a rappelé que 2019 a été« l’année la plus chaude jamais enregistrée en Europe et a été marquée par deux vagues de chaleur et une sécheresse exceptionnelles en France ».« La situation s’aggrave, nous devons redresser le cap et relancer la transition », a-t-elle déclaré. Pour ce faire,« si une seule recommandation devait être conservée de ce rapport, elle serait de bannir tout soutien aux secteurs carbonés du plan de reprise et de l’orienter le plus possible sur des mesures efficaces pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre », disent les experts dans le rapport.
« Aucune transformation structurelle n’a été engagée dans les secteurs les plus émetteurs de gaz à effets de serre »
Dans son rapport annuel, leHCCa observé un progrès dans la gouvernance des politiques climatiques :« À travers l’approche du« budget vert », l’action de l’État se veut plus transparente sur son impact environnemental. Les ministères doivent publier leur feuille de route carbone, approche novatrice contribuant à étendre la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) comme cadre de référence pour toute l’action publique. »
Néanmoins, l’évaluation des lois et politiques en fonction de leurs conséquences sur le climat n’a, dans les faits,« pratiquement pas progressé »et« la nouvelleSNBCentérine un affaiblissement de l’ambition de court terme en relevant les budgets carbone ».« Le gouvernement a déclaré plusieurs fois qu’il allait prendre un virage écologique, mais ça reste à démontrer... Il a visiblement une compréhension de ce qu’il faut faire, mais il n’est pas passé dans l’opérationnel », a commenté Corinne Le Quéré.
En cause :« Un manque de fermeté et d’une vision structurelle et transversale »dans le pilotage de la stratégie nationale bas-carbone. Publiée en mai, la version révisée de lafeuille de routede la France en matière de« transition écologique »a déjà du plomb dans l’aile.« La crise à venir peut ralentir les investissements décarbonés, ou faire dérailler la trajectoire [de laSNBC] en générant un effet rebond fort », craint le Haut Conseil, notant que« l’absence de mesure de substitution au gel de la taxe carbone affaiblit sa crédibilité ». Pour leHCC, le pilotage de laSNBC« doit monter en vigueur rapidement »
Car le temps presse : la réduction des émissions de gaz à effet de serre — de l’ordre de 0,9 % en 2019 — continue à être« trop lente et insuffisante »pour permettre d’atteindre« les budgets carbone actuels et futurs ». Les quatre principaux secteurs émetteurs sont le transport (30 %), l’agriculture, le bâtiment et l’industrie (entre 18 et 20 % chacun). Or,« aucune transformation structurelle n’a été engagée dans ces secteurs les plus émetteurs », a déploré Corinne le Quéré. Pire,« le secteur des transports voit ses émissions augmenter depuis trente ans », a-t-elle poursuivi, appelant l’exécutif à investir« dans les transports publics, les infrastructures de mobilité douce, et la réaffectation de l’espace routier ».
Dans le secteur des bâtiments, une massification de la rénovation énergétique est perçue par les experts comme un levier efficace pour enclencher des transformations structurelles et porteuses d’emplois. Enfin, dans l’agriculture, leHCCencourage« la valorisation du stockage de carbone dans les sols »,« le développement d’une stratégie pour les protéines végétales »,« de pratiques agroécologiques pour l’élevage », et« la modification de l’offre des produits alimentaires »dans le cadre européen de la Politique agricole commune et du« pacte vert ».
La relance de lataxation du carboneest également une piste jugée crédible par les experts pour mener la« transition ». Cette taxe carbone devrait alors« respecter les exigences de transparence des finalités, et de vigilance sur ses effets redistributifs », et ses effets inégalitaires et inéquitables« doivent être corrigés ». Mais, préviennent les membres duHCC,« l’État reste le garant de la mise en œuvre et de l’équité des politiques publiques climatiques. En l’absence de consensus, il arbitre entre les différentes sources de légitimité : l’absence de consensus ne peut être un prétexte à l’inaction climatique ».
Dans son rapport, le Haut Conseil pour le climat dresse aussi un inventaire des leviers d’action qui reposent sur les régions, qualifiées de« cheffes de file du climat », principalement dans les transports, l’agriculture et le bâtiment.« Les enjeux d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre sont différenciés selon les régions,expliquent les auteurs.Les émissions sont corrélées à la concentration de population, des richesses, mais aussi à la structure de l’économie régionale. »
Pour leHCC, certaines régions abritent des activités responsables de très fortes émissions, mais dont la consommation finale est exportée vers d’autres régions.« Un dialogue associant l’État et les régions est nécessaire pour spécifier l’effort de chacun », recommandent-ils. Et« dans des régions comme celles du nord de la France, il faut se demander quel est le futur de certaines filières dans un monde bas-carbone, comme l’automobile, précise Corinne Le Quéré.Il faudra avoir la présence d’esprit de planifier, de former les gens pour qu’ils puissent bénéficier d’un emploi dans un autre domaine. »
Le 29 juin, lors de sa rencontre avec les 150 membres de la convention citoyenne pour le climat à l’Élysée, Emmanuel Macron a annoncé uneenveloppe de quinze milliards d’euros sur deux anspour décarboner l’économie. Une avancée, mais pas la panacée pour leHCC :« Cette enveloppe est la bienvenue, mais en matière de lutte contre le changement climatique, il ne s’agit pas juste de mettre un paquet d’argent et de dire"voilà, c’est fait", a jugé Corinne Le Quéré.Cette transition implique que l’ensemble des politiques publiques soient alignées à la stratégie nationale bas-carbone. »
« Le plan de reprise proposé par le gouvernement ne va pas dans le sens de nos recommandations »
Par ailleurs, les experts du climat ont salué le travail de la convention citoyenne,« une initiative remarquable à valoriser »qui démontre« que des personnes d’horizons géographiques, sociaux, politiques et culturels différents peuvent pleinement percevoir l’urgence climatique et converger en quelques mois sur de nombreuses propositions d’envergure intégrant action pour le climat et justice sociale ». Le Haut Conseil pour le climat« recommande qu’y soit donnée une suite à la hauteur du travail collectif effectué, tel que s’y est engagé le gouvernement ».
En avril, en plein confinement lié à la pandémie de Covid-19,le Haut Conseil pour le climat s’était déjà auto-saisiet avait proposé au gouvernement des mesures pour que la relance économique mette la France sur la voie d’un développement climato-compatible. Son rapport, intituléClimat, santé : mieux prévenir, mieux guérir, appelait l’exécutif à conditionner les aides aux entreprises et collectivités à« l’adoption explicite de plans (…) bas-carbone »,« avec mesures de vérification », précisait-ils.
https://youtu.be/SCcssPYHT8E
« Le gouvernement a déclaré plusieurs fois qu’il allait prendre un virage écologique, mais ça reste à démontrer... »
Pour Corinne Le Quéré, force est de constater que« le plan de reprise proposé par le gouvernement ne va pas dans le sens de nos recommandations » :« Les aides ont étéallouées vers des secteurs très émetteurs— comme l’automobile oul’aviation —, sans conditionnalité ferme concernant leur évolution vers une trajectoire compatible avec les objectifs climatiques », a-t-elle déploré. La baisse temporaire des émissions deCO2résultant du confinement, estimée à - 13 % entre janvier et mai,« reste donc marginale par rapport aux efforts structurels à accomplir : nous avons toujours les mêmes voitures, les mêmes chauffages et les mêmes industries ».
Le Haut Conseil pour le climat somme donc l’exécutif de rectifier le tir et« d’insérer le plan de reprise dans les limites du climat » :« Il existe peu de déficits que les États ne peuvent se permettre d’ignorer : le déficit carbone en est un. Il ne se rembourse pas à l’échelle de nos générations, et ses intérêts se payent sur nos conditions de vie. [...] L’impact à moyen et long-terme des décisions qui seront prises dans les mois à venir ne doit pas être sous-estimé. Il fait peser une responsabilité particulière sur les dirigeants publics et privés qui vont devoir en décider. »
Notre collectif AIR-SANTE-CLIMAT composé de médecins, de chercheurs et de responsables associatifs a pour objectif d’alerter sur l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé et de proposer des solutions pour améliorer la qualité́ de l’air. Notre combat est celui de la vérité scientifique.
Cettetribune a été adressée à tous les Préfets et aux Ministères de l’Intérieur, de la Santé, de l’Agriculture, de la Transition écologique et au Premier Ministre.
Dans le contexte sanitaire lié à l’épidémie Covid-19 que nous traversons, notre collectif AIR-SANTE-CLIMAT se doit de vous alerter rapidement sur la nécessité de limiter drastiquement les épandages agricoles afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus.
La pollution de l’air, en plus de fragiliser notre système immunitaire et de nous rendre plus sensibles aux infections notamment virales,permet également une meilleure diffusion et donc une meilleure transmission des agents pathogènes tels que le coronavirus.
Cela est connu depuis longtemps pour leSARSet les virus de la bronchiolite mais a également été récemment démontré pour le coronavirus en Italie avec davantage de transmission et de propagation du virus en fonction des taux de particules fines.Les particules fines servent donc de vecteur, de transporteur au virus qui se déplace d’autant plus facilement lorsque l’air est chargé de particules fines.
Fort heureusement les mesures de confinement font coup double à la fois en limitant le risque de transmission entre les individus mais également en diminuant la pollution notamment aux particules fines du trafic routier et ainsi les effets sanitaires associés.
Néanmoins, comme on le voit actuellement dans de nombreux départements françaisle printemps est la période d’épandage agricole, grand pourvoyeur de particules fines.
En effet, lors des épandages, legaz ammoniac(NH3) va, en passant dans l’atmosphère, réagir avec lesoxyde d’azote(NOx) pour former desparticules de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium.
Tous les ans, à la même période, les épandages agricoles sont responsables depics de pollution printaniers durant les mois de mars à mai.
Ces particules printanièressont, de par leur composition, moins toxiques que des particules de combustion issues par exemple du trafic routier néanmoins ellesvont également servir de vecteur de transmission au virus.
Ces particules peuvent voyager sur plusieurs kilomètreset donc transporter également le virus sur de longues distances!
On ne choisit pas l’air que l’on respire, et il est possible dans chaque département de protéger les populations de ce risque supplémentaire de contamination au Covid-19 en limitant drastiquement les épandages agricoles, et en imposant des alternatives moins émettrices de NH3 dans l’air (technique d’enfouissement de l’engrais).
Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directrice de rechercheINSERM / Directrice d’équipe labellisée INSERM et Sorbonne Université EPAR ;
Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance. Nous avons chanté, dansé.
Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.Certes.
Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie. « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins. Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).
Sauvez-moi, ou crevez avec moi.
Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance. Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est –attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille- récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés). S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y. Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être. A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.
Les étudiants en journalisme de Sciences Po Rennes analysent, dans une web-série, les impacts du changement climatique en Bretagne. Au centre des préoccupations: le probable manque d’eau. Sécheresse, pollution... L'inquiétude enfle à mesure que le climat se réchauffe.
Par les étudiants en journalisme de Sciences Po Rennes (avec T.P.)
Avec sa réputation de région pluvieuse, difficile d’imaginer que la Bretagne pourrait se retrouver à court d’eau d’ici à 2040. Pourtant, le réchauffement climatique s’accompagnera de son lot de sécheresses, fortes pluies et montée du niveau de la mer. Ces phénomènes auront pour conséquence la mise en péril des réserves d’eau de la région.
Les Bretons auront-ils assez d’eau en 2040 ? La réponse dans « En quête d’eau », une web-série de quatre épisodes réalisée par les étudiants en journalisme de Sciences Po Rennes.
Les réserves d'eau potable menacées
Le premier épisode d’ « En quête d’eau » explique les phénomènes qui toucheront la Bretagne dans quelques années.
" Il y a fort à parier qu’à l’avenir, dans les années 2040-2050, on soit en situation de sécheresse tous les deux ou trois ans " , alerte le météorologue Franck Baraer.
Cette hausse des températures aura un impact direct sur nos cours d’eau, qui verront leur taux d’évaporation augmenter de façon non négligeable. Pour la Bretagne, cela pourrait être désastreux, car la région tire 75 % de son eau potable à partir des cours d’eau, rivières et retenues, appelées « eaux de surface ». Si rien n'est fait pour trouver de nouvelles sources d'eau, nos réserves diminueront.
Des besoins en eau accrus
Le deuxième épisode aborde la question de la ressource. Avec une activité économique plus importante et des Bretons plus nombreux dans les années à venir, la demande va grimper. Si la tendance se poursuit, la Bretagne aura besoin de 320 millions de mètres cubes d’eau annuels en 2040, contre 284 millions en 2017.
Dans le même temps, à cause du changement climatique, la quantité d’eau disponible en Bretagne sera, elle, sur une tendance à la baisse. Pour gérer ce décalage, chacun devra y mette du sien, de l’initiative locale aux changements globaux :
" Tout le monde est concerné, explique Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du Giec. Il n'y a pas un seul secteur d'activité qui puisse se dire 'Le réchauffement climatique n'est pas mon affaire' ", prévient-il.
La Bretagne en quête de cours d'eau de qualité
Cette ressource en eau potable menacée par les sécheresses, il va en outre falloir se la partager entre de plus en plus d’habitants… Le constat dressé dans les deux premiers épisodes d’ « En quête d’eau » est sans appel : la gestion de l’eau sera un enjeu central en Bretagne dans les années à venir face aux effets du réchauffement climatique. Pourtant, ce dernier n’est pas le seul à mettre en péril notre approvisionnement.
Ce troisième épisode nous place face à un constat inquiétant : en Bretagne, près de 60 % des cours d’eau et rivières sont en mauvais état écologique ou chimique. Et la dépollution de ces cours d’eau demande du temps.
" À l’échelle de la Bretagne, on n’y arrivera pas, on part de trop bas. "
Thierry Burlot, vice-président de la région Bretagne, est catégorique : dépolluer la totalité des rivières bretonnes avant 2027, comme l’impose la directive-cadre européenne sur l’eau, sera impossible.
Des pratiques agricoles à repenser
Parmi les substances présentes dans les cours d'eaux bretons, on retrouve notamment des produits issus des activités agricoles : nitrates, phosphore, résidus de pesticides... Selon les associations de protection de l’environnement, la préservation des rivières dans lesquelles la Bretagne puise son eau potable doit passer par un changement des pratiques de l’agriculture conventionnelle. Mais pour beaucoup d’agriculteurs, une inflexion brutale de leurs modes de production est difficilement envisageable.
" C’est d’autant plus injuste de simplement pointer du doigt les agriculteurs que ça correspond à des choix politiques et économiques " , nuance Yannick Nadesan, président de la Collectivité Eau du Bassin Rennais.
Pour savoir quels changements sont possibles, et qui doit les impulser, rendez-vous dans le dernier épisode de la web-série « En quête d’eau ».
Cette web-série s'insère dans une grande enquête sur l’impact du réchauffement climatique en Bretagne à l'horizon 2040.
+1,5°C à la surface de la terre à l’horizon 2040. Ce degré supplémentaire pourrait bien changer notre mode de vie.
Nous sommes quatorze étudiant·e·s en journalisme à Sciences Po Rennes et, pendant trois mois, nous avons mené l’enquête. Nous avons sillonné la Bretagne, de Guipry-Messac à Brest, de l’Île-Tudy à Saint-Malo, nous vous avons rencontré·e·s pour comprendre comment l’on vit l’impact du réchauffement climatique aujourd’hui, et comment on le vivra demain.
Faisant le constat de l’inaction des gouvernements face à l’urgence écologique et climatique, plus de 1000 scientifiques de toutes disciplines appellent les citoyens à la désobéissance civile et au développement d’alternatives. Ils exhortent les responsables politiques à changer radicalement notre modèle économique et productif et à prendre au sérieux les propositions de la Convention citoyenne sur le climat.
Appel aux scientifiques de Bretagne : soutenez la lutte contre la centrale à gaz de Landivisiau.
Texte de l’appel
Nous, soussignés, représentons des disciplines et domaines académiques différents. Les vues que nous exprimons ici nous engagent et n’engagent pas les institutions pour lesquelles nous travaillons. Quels que soient nos domaines d’expertise, nous faisons tous le même constat : depuis des décennies, les gouvernements successifs ont été incapables de mettre en place des actions fortes et rapides pour faire face à la crise climatique et environnementale dont l’urgence croît tous les jours. Cette inertie ne peut plus être tolérée.
Les observations scientifiques sont incontestables et les catastrophes se déroulent sous nos yeux. Nous sommes en train de vivre la 6e extinction de masse, plusieurs dizaines d’espèces disparaissent chaque jour, et les niveaux de pollution sont alarmants à tous points de vue (plastiques, pesticides, nitrates, métaux lourds…).
Pour ne parler que du climat, nous avons déjà dépassé le 1°C de température supplémentaire par rapport à l’ère préindustrielle, et la concentration de CO2 dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée depuis plusieurs millions d’années. Selon le rapport de suivi des émissions 2019 du Programme des Nations unies pour l’environnement et le développement (PNUE), les engagements pris par les pays dans le cadre de l’accord de Paris de 2015 nous placent sur une trajectoire d’au moins +3°C d’ici 2100, et ce à supposer qu’ils soient respectés. L’objectif de limiter le réchauffement sous les +1,5°C est désormais hors d’atteinte à moins de diminuer les émissions mondiales de 7,6% par an, alors qu’elles ont augmenté de 1,5% par an au cours des dix dernières années. Chaque degré supplémentaire renforce le risque de dépasser des points de basculement provoquant une cascade de conséquences irréversibles (effondrement de la banquise, dégel du pergélisol, ralentissement des courants océaniques…). Les études préparatoires au prochain rapport du GIEC (CNRS-CEA-Météo France) suggèrent que les rapports précédents ont sous-estimé l’ampleur des changements déjà enclenchés. Un réchauffement global de plus de 5°C ne peut plus être exclu si l’emballement actuel des émissions de gaz à effet de serre se poursuit. À ces niveaux de température, l’habitabilité de la France serait remise en question par des niveaux de température et d’humidité provoquant le décès par hyperthermie.
Les sociétés humaines ne peuvent continuer à ignorer les conséquences de leurs activités sur la planète sans en subir les conséquences, comme l’ont montré de longue date et chaque jour plus clairement de nombreuses études reflétant le consensus scientifique. Si nous persistons dans cette voie, le futur de notre espèce est sombre.
Notre gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de précaution et en ne reconnaissant pas qu’une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est tout simplement une impasse. Les objectifs de croissance économique qu’il défend sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle économique et productif qu’il est indispensable d’engager sans délai. Les politiques françaises actuelles en matière climatique et de protection de la biodiversité sont très loin d’être à la hauteur des enjeux et de l’urgence auxquels nous faisons face. Loin de confirmer une prétendue opposition entre écologie et justice sociale, le mouvement des gilets jaunes a dénoncé à juste titre l’inconséquence et l’hypocrisie de politiques qui voudraient d’un côté imposer la sobriété aux citoyens tout en promouvant de l’autre un consumérisme débridé et un libéralisme économique inégalitaire et prédateur. Continuer à promouvoir des technologies superflues et énergivores comme la 5G ou la voiture autonome est irresponsable à l’heure où nos modes de vie doivent évoluer vers plus de frugalité et où nos efforts collectifs doivent être concentrés sur la transition écologique et sociale.
La prochaine décennie sera décisive pour limiter l’ampleur des dérèglements à venir. Nous refusons que les jeunes d’aujourd’hui et les générations futures aient à payer les conséquences de la catastrophe sans précédent que nous sommes en train de préparer et dont les effets se font déjà ressentir. Lorsqu’un gouvernement renonce sciemment à sa responsabilité de protéger ses citoyens, il a échoué dans son rôle essentiel.
En conséquence, nous appelons à participer aux actions de désobéissance civile menées par les mouvements écologistes, qu’ils soient historiques (Amis de la Terre, Attac, Confédération paysanne, Greenpeace…) ou formés plus récemment (Action non-violente COP21, Extinction Rebellion, Youth for Climate…). Nous invitons tous les citoyens, y compris nos collègues scientifiques, à se mobiliser pour exiger des actes de la part de nos dirigeants politiques et pour changer le système par le bas dès aujourd’hui. En agissant individuellement, en se rassemblant au niveau professionnel ou citoyen local (par exemple en comités de quartier), ou en rejoignant les associations ou mouvements existants (Alternatiba, Villes en transition, Alternatives territoriales…), des marges de manœuvre se dégageront pour faire sauter les verrous et développer des alternatives.
Nous demandons par ailleurs aux pouvoirs publics de dire la vérité concernant la gravité et l’urgence de la situation : notre mode de vie actuel et la croissance économique ne sont pas compatibles avec la limitation du dérèglement climatique à des niveaux acceptables. Nous appelons les responsables politiques nationaux comme locaux à prendre des mesures immédiates pour réduire véritablement l’empreinte carbone de la France et stopper l’érosion de la biodiversité. Nous exhortons également l’exécutif et le Parlement à faire passer les enjeux environnementaux avant les intérêts privés en appliquant de manière ambitieuse les propositions issues de la Convention citoyenne pour le climat et en prolongeant son mandat pour lui donner un pouvoir de suivi de leur mise en œuvre.
Lors de la COP 21 le public à retenu le nom de plusieurs intervenants à juste titre médiatisés. On a peu parlé de celui qui a été véritablement le pionnier de la prise de conscience des causes du dérèglement climatique : Claude Lorius.
"On recherche jeunes chercheurs pour participer aux campagnes organisées pour l’Année géophysique internationale".
C'est cette annonce, lue un jour de 1955 sur les murs de la Faculté de Besançon, qui allait fixer son goût pour le Grand Sud, nous renseigne sa biographie sur le site du CNRS.
C'est lui qui a le premier l'idée d'étudier l'évolution du climat en analysant les bulles d'air enfermées dans des carottes de glace.
En 2015, un film lui est consacré par Luc Jacquet dont le journal du CNRS rend compte. Son titre : 'La glace et le ciel".
Nous en retiendrons cette parole d'un scientifique engagé :
"Il est urgent de répondre à l’alerte lancée, il y a trente ans, en déchiffrant l’histoire de notre environnement dans les glaces de l’Antarctique : l’Homme est devenu un acteur majeur dans l’évolution du climat, liée à la hausse incontrôlée des émissions de gaz à effet de serre détériorant les conditions de vie sur notre planète. Agissons dès maintenant tous ensemble pour relever ce défi.
Pour rendre vivable notre planète, les actions à entreprendre au niveau international sont nombreuses tout comme les choix à faire : par exemple privilégier les sources d’énergies peu polluantes, une agriculture plus respectueuse de l’environnement, des transports avec le train qui remplace la voiture.
Et puis il y a des nécessités plus ambitieuses : réduire les inégalités et pourvoir aux besoins des plus pauvres, faire que tous aient accès à l’éducation mais aussi que chacun d’entre nous s’engage.
Crépuscule : lueur atmosphérique due à la diffusion de la lumière solaire lorsque le soleil vient de se coucher ( crépuscule du soir) ou va se lever (crépuscule du matin). Larousse.
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Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine.
La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.