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28 octobre 2023 6 28 /10 /octobre /2023 11:16

Par Gérard Borvon. (première publication 13 avril 2015)

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Le texte ci-dessous est une retranscription d'un document rédigé en 1985 à l'occasion d'une expérience pédagogique menée au lycée de l'Elorn à Landerneau.

 

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Age du bronze

Complément à l'étude du groupe de Rosnoën.

 

 

1943 : Monsieur Yves Rosmorduc est agriculteur à Rosnoën dans le Finistère. Il est occupé à poser des drains dans une prairie marécageuse du hameau de Pen ar Vern. Son fils Gabriel l'aide. Bientôt, à une profondeur estimée à 1,30m, juste avant une couche d'argile, des fragments métalliques apparaissent : des armes de bronze dont plusieurs dans un état parfait de conservation, ni ébréchées, ni tordues, à peine oxydées. Ce sont environ cinquante lames d'épées avec leurs rivets, 18 fers de lance, des haches à talon et quelques autres pièces de forme moins caractéristiques. Monsieur Yves Rosmorduc qui a servi dans la cavalerie pendant la guerre 14-18 croit reconnaître un objet qu'il désigne par le nom de "porte lance". Les cavaliers le plaçaient à leur botte pour laisser reposer leur lance. Les lames d'épées pourraient passer pour des baïonnettes et, justement, en cette période les troupes d'occupation allemandes fouillent les fermes à la recherche d'armes parachutées. M. Rosmorduc juge plus prudent de dissimuler sa découverte. Certaines armes ont même été enterrées sous une haie de cyprès. S'y trouvent-elles encore ?

 

Après la libération : M. Rosmorduc déclare cette découverte à la mairie et y dépose une partie des pièces récoltées. Celles-ci seront remises à P.R Giot alors directeur-adjoint de la quatrième corconscription préhistorique. Elles donneront lieu à une première publication de sa part dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère (1949-2). Le lot décrit comprend 29 pièces dont les plus caractéristiques sont : un petit marteau à douille quadrangulaire servant au battage du tranchant des lames et rasoirs, un rasoir à double tranchant, 2 haches à talon avec anneau latéral et nervure médiane bien marquée, 4 pointes de lance à longue douille. Des dagues et des rapières aux caractères bien marqués : une lame étroite à bords parallèles et au tranchant remarquable dont les poignées étaient fixées par des rivets passant dans des encoches latérales ou à travers de trous ménagés dans une languette rectangulaire légèrement trapézoïdale. Des objets de facture voisine sont présents dans plusieurs dépôts armoricains (Coray-Plomodiern-Saint Jeau Trolimon-Hénon...). Ils constituent ce qu'il est convenu d'appeler "Groupe de Rosnoën".

 

P.R. Giot rattache ces objets à une période intermédiaire entre le bronze III et le bronze IV (chronologie Montélius-Déchelette) soit encore entre le Middle Bronze Age et le Late Bronze Age de la chronologie britannique. J. Briard (1965) confirme cette appréciation. Le groupe de Rosnoën, inspiré à la fois par les types britanniques de la fin du bronze moyen et par les nouvelles formes d'armes issues de l'Est de la France (épées de Rixheim), se serait développé dans la période 1100-1000 avant J.C, période intermédiaire entre le bronze moyen et le bronze final.

 


 

Une expérience pédagogique au lycée de l'Elorn à Landerneau.

 

1983 : Enseignant les sciences physiques au Lycée de l'Élorn à Landerneau, il m'arrive assez souvent d'introduire les premiers cours sur les métaux en classe de 1ere par un court exposé sur les âges du Bronze et du Fer, en particulier dans nos régions. Cette année là un élève me signale que ses parents possèdent quelques armes de bronze qu'il se propose d'apporter en classe. La semaine suivante il nous présente 5 épées (4 entières et 1 tronçon) que je reconnais comme caractéristiques du groupe de Rosnoën : le grand-père de cet élève était M. Rosmorduc auteur de la découverte de Pen-ar-Vern.

 


 

J'ai ensuite eu l'occasion de rencontrer les enfants de M. Rosmorduc qui m'ont aimablement permis d'étudier plusieurs autres objets conservés chez eux. Les précisions qu'ils m'ont données sur les circonstances de la trouvaille confirment ce qui a déjà été publié à ce sujet. M. Gabriel Rosmorduc qui aidait son père à creuser la tranchée du drainage se rappelle avoir trouvé ces armes sous deux branches de chêne disposées en croix. Il interprète alors ces deux branches comme un repère et se souvient également d'avoir trouvé dans l'excavation des noisettes qui semblaient encore fraîches. Le lot était bien rangé, perpendiculaire à la tranchée et comme posé à la surface de la couche de tourbe. Il y avait là un nombre important de pièces. M. Rosmorduc avait alors décrit 68 des plus caractéristiques dans un carnet égaré depuis. Si on se rappelle que seulement 29 pièces du dépôt ont pour le moment été répertoriées, il faut constater qu'il en comprenait en réalité plus du double, ce qui fait certainement l'un des plus importants du genre. J'ai pu observer 10 épées, une hache à talon et deux superbes pointes de lance.


 

Pour l'essentiel ces pièces confirment ce qui est déjà connu du Groupe de Rosnoën. Les deux types caractéristiques d'épées à languette étroite sont représentés (à encoches ou à trou à rivet). Les haches à talon sont du type massif déjà décrit, à forte nervure médiane et à anneau latéral. M. Rosmorduc me signale cependant une hache très décorée qui n'est plus en sa possession. Les pointes de lance sont à aileron large et à longue douille. Bien que classiques, les épées à languette étroite méritent d'être décrites, ne serait-ce qu'à cause de leur belle taille et de leur parfait état de conservation.

 


 

Je décrirai ensuite une épée à languette trapézoidale dont j'ai observé deux exemplaires et dont le modèle, à ma connaissance, n'a pas encore été noté dans les gisements du groupe de Rosnoën (voir planche I).

 


 

Épées à languette étroite et à quatre encoches :

Ce premier modèle est typique du groupe. J'ai pu observer une arme en parfait état et étudier un tronçon bien conservé (voir planche II). Le tronçon a une longueur de 32,2cm, ce qui suggère une longueur totale de l'ordre de 50cm. La languette légèrement trapézoïdale a la section d'une lentille biconvexe. Quatre encoches permettent le passage des rivets. Une trace de ricasso crénelé apparaît sur sa tranche. La lame est à bords parallèles, d'une largeur moyenne de 21mm et d'une épaisseur centrale d'environ 6mm. Le plat de la lame est légèrement biconvexe, les tranchants nettement biconcaves. L'aspect est robuste.

Épées à languette étroite et à trous de rivets :

Autre type caractéristique du groupe, celles qui m'ont été présentées ont une longueur de l'ordre de 50cm. La languette rectangulaire est légèrement trapézoïdale avec une section de la forme d'un losange. Un ricasso très bien dessiné évite de se blesser les doigts en maniant la lame. Les quatre rivets d'un diamètre de 6mm au centre peuvent atteindre 10mm à leurs extrémité. Un des exemplaires possède 6 rivets. La lame présente une nervure centrale large de 3cm et de forme légèrement biconvexe. Le tranchant est biconcave. Les lames sont à bord parallèles avec un léger rétrécissement vers le premier tiers supérieur. L'allure générale est celle d'une lame robuste. Certains fils ébréchés laissent supposer une utilisation éventuelle (voir planche III).

 

Les épées à soie rectangulaire et à trous de rivets sont réputées assez rares dans l'Ouest de la Bretagne. Les exemples que nous publions joints à ceux déjà publiés viennent légèrement corriger cette appréciation. Ils confirment d'autre part l'aire de répartition déjà définie pour ce type : un triangle dont les trois sommets sont la pointe de Bretagne, l'embouchure de la Seine (dragage de la Seine à Rouen) et l'embouchure de la Tamise (Tamise à Kingston). Voir planche IV.

 


 

Épées à languette trapézoïdale :

Une très belle lame de ce type faisait partie du premier lot qui m'a été communiqué. J'ai eu l'occasion d'en observer ensuite une seconde toute aussi élégante quoique plus robuste (voir planche V).

 


 

La languette est un trapèze présentant deux encoches à sa base (large de 50mm) et deux gros rivets à sa partie supérieure (large de 30mm). Aucun ricasso, la forme ne s'y prête pas. Le plat est légèrement biconvexe et les tranchants faiblement biconcaves. La lame est longue de 47cm, à bords parallèles, se raccordant à la languette trapézoïdale par deux arcs d'une ligne parfaite. Les rivets sont importants : de 8 à 8,5mm au centre et 10mm à la périphérie.


 

L'allure générale est très élégante, en excellent état. L'impression qui se dégage est celle d'un objet de cérémonie, cette arme serait bien fragile. On imagine un très beau manche comme celui de l'épée de Saint-Genouph (Indre et Loire). Voir planche VI.

 

 

Ces courtes épées généralement décrites sous le nom de rapières occupent une position particulière. En Bretagne on les trouve principalement à l'embouchure de la Loire. Elles sont considérées comme très rares dans les Côtes d'Armor et le Finistère, un jugement que ces deux exemplaires permettent de nuancer. Elles présentent une parenté très nette avec des rapières trouvées en Angleterre et sont souvent désignées comme "rapières britanniques". Les corrélations déjà notées entre les types à languette étroite du dépôt de Rosnoën et les épées britanniques (type de "Penard"), viennent conforter l'idée d'un groupe présent sur les deux rives de la Manche.


 

Les rapières à base trapézoïdale ont généralement été trouvées hors de tout gisement, souvent lors de dragages, ce qui a pu rendre leur datation délicate. J. Briard les situe dans la troisième période du bronze moyen, immédiatement après le groupe de Rosnoën. L'élégance de la lame, la technique de fixation du manche, le voisinage géographique, plaident effectivement pour une relation avec le groupe de Tréboul. Leur présence dans le gisement de Rosnoën modifie à peine cette appréciation, on pourrait cependant considérer l'épée à languette trapézoïdale comme l'un des types du groupe de Rosnoën plutôt que comme une forma intermédiaire.


 

Une offrande faite aux dieux :

Le nombre et la beauté des pièces trouvées à Rosnoën nous laissent imaginer un lieu d'exception. Les tourbières ont toujours été des endroits privilégiés pour les offrandes aux dieux, de même que les embouchures des rivières. Les belles lames à languette trapézoïdales, en particulier, excitent l'imagination. Leurs parentes du Bronze moyen, les rapières du groupe Tréboul-St Brandan ont été décrites comme des épées cérémonielles. Elles mêmes sont présentes dans les lieux liés au culte de l'eau et du soleil. Il est dommage que le dépôt de Rosnoën n'ait pas livré les manches accompagnent ces lames. Celui de l'épée de Saint-Genouph (7) pourrait s'y adapter à la perfection et nous donner une idée de la beauté de l'ensemble.


 

J. Briard (9) suppose que, comme le sabre d'Arthur des cérémonies druidiques, elles ont pu être brandies par les prêtres de l'âge du bronze en direction des quatre points cardinaux. Si on se souvient que ces lames de bronze poli pouvaient avoir la couleur et l'éclat de l'or, on les imagine brillant dans le ciel comme autant de rayons arrachés au soleil.

 

 

Les lames des épées cérémonielles, comme un rayon arraché au soleil.


 

Bibliographie :

1- Joseph Déchelette. Archéologie celtique tome II Paris 1924.

2- P.R. Giot. Bulletin de la Société Archéologique du Finistère 1949.

3- Le Télégramme 9 Mars 1949

4- J. Briard. Travaux du laboratoire d'Anthroplogie et de Préhistoire de la Faculté des Sciences de Rennes 1958 "Le dépôt de penarvern en Rosnoën (Finistère)".

5- J. Briard. "Les dépôts bretons et l'âge du Bronze Atlantique" Rennes 1965.

6- C.B. Burgess. The later bronze age in the british isles an north-western france-Archeological journal- 1968.

7- G.Gaucher et J.P Mohen typologie des objets de l'âge du bronze en France 1972.

8- R. Giot, J. Briard, L. Pape. Protohistoire de la Bretagne. Ouest-France Université 1979.

9- J. Briard. Mythes et Symboles de l'Europe préceltique – Les religions de l'âge du bronze (2500-800 Av JC) 1987.

 

A suivre :

 

Un fascicule de ce travail a été remis à la famille de Marie Cabon, fille de M Rosmorduc.

 

Il a également été adressé à Jacques Briard, directeur de recherche au CNRS à l'université de Rennes I qui fait mention manuscrite de notre apport sur le tiré à part de son article de 1990 adressé à l'auteur : "Tréboul et Rosnoën 40 ans après". Il y note que "le présent article fait l'inventaire des découvertes récentes qui montre la stabilité de ces ensembles avec des éléments nouveaux : plus forte poussée orientale du groupe de Tréboul et plus fortes composantes continentales du groupe de Rosnoën.".

 

Ainsi le hasard d'une expérience pédagogique aura apporté sa modeste contribution à la connaissance de l'Age du Bronze en Bretagne.

 

 

En 2008 paraît un article de Renaud Nallier et Michel Le Goffic : "Rosnoën 60 ans après. Compléments et révisions concernant le dépôt de l'âge du bronze final de Penavern (Finistère)". Il confirme ce que nous avions développé en 1985 sur les circonstances de la découverte, sur le nombre réel des objets découverts, et sur une possible révision de la typologie, en particulier dans le domaine des épées à languette trapézoïdale.
 

 

 

Les épées du groupe de Rosnoën.

 

Après une visite de son atelier situé rue des Boucheries à Landerneau, Joël Beyou, bronzier d'art, a reproduit cette superbe épée de Saint Brandan.

Souvenir d'Escalibur, l'épée du roi Arthur.

 

 

 

 

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 14:59

Une publication importante au moment où les chercheurs sont régulièrement attaqués dans certaines presses et réseaux sociaux.

 

 Le COMETS publie un nouvel Avis «  Entre liberté et responsabilité : l’engagement public des chercheurs et chercheuses  » (n°2023-44), approuvé le 23 juin 2023.

 

Interview de Christine Noiville, présidente du Comets, sur l’avis 2023-44

 

extrait :

 

RÉSUMÉ – Que des personnels de recherche s’engagent publiquement en prenant position dans la sphère publique sur divers enjeux moraux, politiques ou sociaux ne constitue pas une réalité nouvelle. Aujourd’hui toutefois, face aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée, la question de l’engagement public des chercheurs s’est renouvelée. Nombre d’entre eux s’investissent pour soutenir des causes ou prendre position sur des enjeux de société – lutte contre les pandémies, dégradation de l’environnement, essor des technologies de surveillance, etc. – selon des modalités variées, de la signature de tribunes à la contribution aux travaux d’ONG ou de think tanks en passant par le soutien à des actions en justice ou l’écriture de billets de blog. Par ailleurs, le développement des médias et des réseaux sociaux a sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés.

 

Dans le même temps, de forts questionnements s’expriment dans le monde de la recherche. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les modalités de l’engagement public, son opportunité et son principe même. Ils se demandent si et comment s’engager publiquement sans mettre en risque leur réputation et les valeurs partagées par leurs communautés de recherche, sans déroger à la neutralité traditionnellement attendue des chercheurs, sans perdre en impartialité et en crédibilité. Ce débat, qui anime de longue date les sciences sociales, irrigue désormais l’ensemble de la communauté scientifique.

 

C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent avis. Fruit d’une auto-saisine du COMETS, il entend fournir aux chercheurs des clés de compréhension et des repères éthiques concernant l’engagement public.

 

Le COMETS rappelle d’abord qu’il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre, d’un côté, l’engagement public du chercheur et, de l’autre, les normes attribuées ou effectivement applicables à l’activité de recherche. C’est notamment le cas de la notion de « neutralité » de la science, souvent considérée comme une condition indispensable de production de connaissances objectives et fiables. Si on ne peut qu’adhérer au souci de distinguer les faits scientifiques des opinions, il est illusoire de penser que le chercheur puisse se débarrasser totalement de ses valeurs : toute science est une entreprise humaine, inscrite dans un contexte social et, ce faisant, nourrie de valeurs. L’enjeu premier n’est donc pas d’attendre du chercheur qu’il en soit dépourvu mais qu’il les explicite et qu’il respecte les exigences d’intégrité et de rigueur qui doivent caractériser la démarche scientifique.

 

Voir le suite : https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-du-comets-entre-liberte-et-responsabilite-engagement-public-des-chercheurs-et-chercheuses/

 

voir aussi :

 

 

https://scientifiquesenrebellion.fr/

 

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3 octobre 2023 2 03 /10 /octobre /2023 18:35

Une émission sur France Culture.

A écouter absolument.

 

 

 

Claude Lorius, explorateur polaire, pionnier de la glaciologie, a compris, dès les années 60 les relations les gaz à effet de serre et les climats. Lanceur d’alerte sur l’origine humaine sur les dérèglements actuels, il est décédé en mars 2023.

 

Le documentaire commence par l’écoute d’un enregistrement de glace de mer enregistré par Aline Pénitot, il y a dix ans, dans le fjord gelé d’Illulissat au Groenland. Avec la disparition progressive du glacier, ce son ne pourrait actuellement plus être enregistré. Le documentaire se termine par l’écoute de bulles d’air qui s’échappent d’une carotte de glace de 100 000 ans. Une carotte d’Antarctique étudiée au laboratoire des géosciences de l’environnement de Grenoble, fondé par Claude Lorius.

 

Claude Lorius est l’un des scientifiques les plus intuitifs de sa génération. Tout jeune chercheur, avide d’aventures, il répond à une annonce placardée sur les murs de Besançon. Il se retrouve sur le Norsel, un phoquier puant… en direction de l’Antarctique. Il savait alors à peine où se trouvait le continent blanc dont on connaissait d’ailleurs que très peu de choses. Il participe ainsi au premier hivernage en Antarctique lors de l’année géophysique internationale en 1957. Sa première grande découverte aura été de permettre de reconstituer la température de la neige au moment de sa chute. Nous ne savions alors rien de la température des pôles.

 

Pionnier de la recherche sur les glaces des pôles, il participera ensuite à plus de 22 expéditions dans les milieux extrêmes. Lors de son second hivernage, il va avoir une intuition déterminante pour la compréhension de la machine climatique. En plongeant des glaçons dans un Whisky, il observe que des bulles d’air se mettent à pétiller. La glace ancienne qui se trouve en Antarctique capture donc l’atmosphère du passé. Il faudra attendre plusieurs décennies de recherche pour que trois articles sortent dans Nature : les liens entre l’évolution du dioxyde de carbone et l’évolution des climats sur 150 000 ans sont sans ambiguïtés. Il démontre alors l’influence humaine sur l’évolution du climat depuis le début de l’air industrielle.

 

Comme en témoignent ses compagnons de route, Jean Jouzel ou Jérôme Chappellaz, il est aussi un scientifique des plus attachants, il a su rassembler autour de lui une communauté de scientifiques polaires internationaux.

 

« Il y a deux façons de raconter cet épisode-là. L’aventurière d'abord : le froid incroyable, les sacs de couchage couverts du givre de nos respirations, les pensées bloquées par le gel, 2 500 kilomètres à travers l’inlandsis, découvrant une chaîne de montagnes inexplorées (…) Et puis il y a la manière scientifique de raconter tout ça : géodésie pour fournir les repères géographiques, mesure des altitudes, détermination des épaisseurs de glace par prospections gravimétriques et sismiques, stations glaciologiques, données météorologiques... » Raconte-t-il dans Voyage dans l’Anthropocène co-écrit avec le journaliste Laurent Carpentier.

 

Claude Lorius a disparu à 91 ans, au lendemain de la publication du rapport du Giec 2023.

 

Un documentaire d’ Aline Penitot , réalisé par Gilles Blanchard .

 

Avec :

 

Jean Jouzel, glaciologue, paléoclimatologue, figure emblématique de la lutte contre le réchauffement climatique, vice-président du groupe d'expert n°1 du Giec, membre de l’académie des sciences de France, d’Italie, de d’Europe et des Etats-Unis. Lauréat du prix Vetlesen, considéré comme l’équivalent du prix nobel pour les sciences de la Terre.

 

Jérôme Chappellaz, paléoclimatologue, directeur de recherche au CNRS, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, ancien Directeur de l’Institut polaire Paul Emile Victor, Président de la fondation Ice Mémory

 

Laurent Carpentier, journaliste au Monde, co-auteur avec Claude Lorius de Voyage dans l’Anthropocène, publié chez Actes Sud.

 

Anne-Christine Clottu-Vogel, Ancienne secrétaire générale de l’Académie suisse des sciences naturelles, Présidente de nombreuses institutions pour développement durable et social, compagne de Claude Lorius.

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25 septembre 2023 1 25 /09 /septembre /2023 12:43

 

Il a cru en la possibilité d’un changement avec l’élection d’Emmanuel Macron, il en est revenu. Pour Reporterre, le climatologue Jean Jouzel confie son soutien à « toutes les formes d’engagement ».

 

Jean Jouzel, 76 ans, est un infatigable porte-parole de la lutte contre le changement climatique. Climatologue et glaciologue, il s’est fait connaître en 1987 en publiant, avec Claude Lorius, la première étude établissant formellement le lien entre concentration de CO₂ dans l’atmosphère et réchauffement climatique.

 

Il a été vice-président du Groupe 1 du Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) de 2002 à 2015. En février dernier, il a reçu le prix Vetlesen, considéré comme l’équivalent pour les sciences de la Terre du prix Nobel. Reporterre l’a rencontré, une heure durant, dans un jardin du XIIᵉ arrondissement de Paris.




Reporterre — Ce lundi 25 septembre, Emmanuel Macron doit détailler le plan de « planification écologique » du gouvernement. Qu’attendez-vous de ces annonces ?

 

Jean Jouzel — À vrai dire, elles me préoccupent peu. Je sais qu’elles ont été préparées sérieusement par l’équipe d’Antoine Peillon [le secrétaire général à la Planification écologique].

 

Elles iront dans le sens de la feuille de route du pays, qui est ambitieuse : la France s’est engagée à réduire de 55 % ses émissions à l’horizon 2030 [par rapport à 1990], et souhaite atteindre la neutralité carbone en 2050. J’adhère à ces objectifs.

 

Mais on connaît bien le problème actuel : il y a un fossé entre les annonces et leur mise en œuvre. Il manque un gouvernement qui ait de l’entrain, qui se décide à entraîner franchement les citoyens, les élus et les entreprises dans ce grand défi. Pour cela, il faudrait déjà qu’à la tête de l’État, Emmanuel Macron cesse de semer la confusion en déclarant, par exemple, que « la France, c’est 1 % des émissions mondiales ».

 

Ce faisant, le président minimise la responsabilité historique de la France dans le changement climatique, tout en relativisant l’importance et l’ampleur du travail qu’elle doit fournir. [Il marque une pause] Cette déclaration m’a agacé. C’est démotivant, ce n’est pas comme ça qu’on va réussir à emmener tout le monde sur le chemin de la sobriété : il offre une porte de sortie rêvée à celles et ceux qui ne souhaitent pas bouger. Et ce n’est pas une bonne façon de vendre le travail qui est fourni par ailleurs.



Vous avez rencontré la majorité des présidents de la Vᵉ République. On vous sent particulièrement déçu par Emmanuel Macron…

 

Oui, parce qu’au moment de son élection, j’avais placé pas mal d’espoir en lui. J’étais confiant. Je l’ai rencontré il y a pile dix ans, en 2013, après que le Giec a adopté le rapport du Groupe 1 à Stockholm. J’étais invité par le président François Hollande pour présenter ces travaux, et il était là [Emmanuel Macron était secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République].

 

J’ai échangé quelques mots avec lui et je l’ai senti sincèrement intéressé. Quand il s’est présenté à la présidentielle de 2017, j’étais prêt à lui apporter mon soutien. Il venait quand même d’un gouvernement de gauche et — c’est de notoriété publique — ma sensibilité est à gauche. J’étais à l’Élysée le jour de son intronisation en 2017.

« Emmanuel Macron venait quand même d’un gouvernement de gauche. [...] J’étais à l’Élysée le jour de son intronisation. » © Mathieu Génon / Reporterre

 

Depuis, même si je sais la difficulté de gouverner, j’ai eu des déceptions. Récemment, il y a eu l’épisode de ses vœux aux Français pour l’année 2023 et sa phrase « Qui aurait pu prédire […] la crise climatique aux effets spectaculaires, cet été dans notre pays ? » Je ne comprends toujours pas comment il a pu dire cela, alors qu’il me citait en 2016 dans son livre « Révolution », en disant que Jouzel ne peut pas se tromper.

 

Mais mon enthousiasme avait déjà été bien entamé au moment de la Convention citoyenne pour le climat. J’ai vécu cette initiative de l’intérieur : le processus était remarquable et les propositions établies par les citoyens tirés au sort étaient vraiment ambitieuses. Emmanuel Macron aurait pu — et dû — prendre ces mesures à bras-le-corps. Mais à la fin, la plupart n’ont même pas été prises en compte. Je reste persuadé qu’il est passé à côté d’un grand effet d’entraînement de la société.

 

« J’ai le sentiment qu’Emmanuel Macron aimerait réussir, mais sans prendre les décisions nécessaires »

 

Le gouvernement s’y était déjà pris comme un manche avant le mouvement des Gilets jaunes. La taxe carbone, telle qu’elle était envisagée, était injuste : cette réforme aurait mis à genoux les personnes aux revenus les plus modestes, en leur demandant de contribuer trois fois plus que celles aux revenus les plus élevés. C’est une platitude, mais sans justice sociale, on ne pourra pas y arriver.

 

Quand le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz est sorti — celui qui a évalué à 66 milliards d’euros supplémentaires par an, d’ici à 2030, les sommes à investir pour atteindre la neutralité carbone — la recommandation qui consistait à taxer les riches a été balayée avec empressement par l’exécutif. C’est comme s’il s’était promis de ne pas demander plus d’efforts aux riches ; ce qui est quand même assez incompatible avec la lutte contre le changement climatique. En résumé, j’ai le sentiment qu’Emmanuel Macron aimerait réussir, mais sans prendre les décisions nécessaires, parce qu’elles heurtent sa pensée ultra libéraliste.



Le 29 août 2023, vous avez participé à un débat à l’université d’été du Medef, à l’hippodrome de Longchamp. Vous avez rappelé, devant des chefs d’entreprise et face à Patrick Pouyanné, PDG de TotalÉnergies, qu’il fallait cesser d’investir dans les énergies fossiles. La réponse de Patrick Pouyanné : « Cette transition, je suis désolée Jean, mais elle prendra du temps. J’assume de poursuivre mes investissements pétro-gaziers car la demande croît. Je respecte l’avis des scientifiques, mais il y a la vie réelle ». Vous vous en êtes ému dans plusieurs sorties médiatiques. Pourquoi ce moment vous a-t-il tant remué ?

 

Ce jour-là, je n’ai rien dit d’exceptionnel. J’ai rappelé des faits désormais bien connus, qui se trouvent dans le rapport du Giec. J’ai mentionné l’écrasante responsabilité des combustibles fossiles dans l’augmentation de l’effet de serre. J’ai dit qu’au regard de ces connaissances, j’étais totalement en phase avec le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui appelle à cesser les investissements dans le secteur fossile.

 

Ce n’est pas la première fois que j’interagis avec Patrick Pouyanné et sa réaction ne m’a pas surprise. Il est dans son rôle. Il est PDG d’une entreprise pétrolière qui a intérêt à ce que la transition prenne du temps. Et quand il parle de « la vie réelle », il n’a pas forcément tort : nos modes de transport sont encore très largement fossiles, pareil pour le chauffage domestique. Même si des choses se passent, aujourd’hui, nos sociétés dépendent largement des énergies fossiles.

« Le capitalisme actuel est fort incompatible avec ce qui est nécessaire si on veut prendre la mesure du réchauffement climatique. » © Mathieu Génon / Reporterre

 

Mais la différence entre lui et moi, c’est qu’il s’accommode bien de cette « vie réelle » et des profits qu’elle lui permet de réaliser. De mon côté, je dis que ça ne doit pas durer : cette « vie réelle », ce sont aussi les incendies au Canada qui brûlent l’équivalent d’un quart de la surface de la France, les plus de 10 000 morts en Libye, les pluies torrentielles en Grèce, les canicules à répétition, l’Iran qui se met à l’arrêt pendant deux jours parce qu’il fait 55 °C…

 

En ayant pris 1 degré supplémentaire, force est de constater que ce que nous avions anticipé au cours des cinquante dernières années se réalise sous nos yeux. Dans ce contexte, ce qui m’a chiffonné, c’est d’avoir reçu un accueil glacial, et que le discours de Patrick Pouyanné puisse être applaudi chaudement — même au Medef, car je considère la transition écologique comme une grande opportunité pour les entreprises.



N’est-il pas temps d’entrer en rupture avec Pouyanné et le capitalisme fossile, d’arrêter de négocier ?

 

Le capitalisme actuel est, en effet, fort incompatible avec ce qui est nécessaire si on veut prendre la mesure du réchauffement climatique. Pouyanné incarne ce capitalisme ultralibéral. La libéralisation de l’économie a eu des effets assez terribles.

 

« Si on ne donne pas de limites au capitalisme, on ne s’en sortira pas »

 

Aujourd’hui, les entreprises sont moins au service de la société qu’aux actionnaires. Leur vision, c’est la rentabilité à court terme et elles continuent d’orienter la demande future vers les fossiles.



Quand vous parlez du capitalisme « actuel », c’est que vous pensez qu’il peut être réformé ? Une récente étude publiée dans la revue Lancet Planetary Health, indique que la croissance est incompatible avec la préservation d’un climat vivable sur Terre.

 

Si on ne donne pas de limites au capitalisme, on ne s’en sortira pas. Est-ce qu’on pourrait avoir un capitalisme plus assagi, qui prendrait mieux en compte les problèmes environnementaux ? J’aimerais, même si je ne suis pas naïf.

 

J’aimerais que le capitalisme se mette au service de la société, tienne compte des gens, de ses externalités, que l’État ait plus de poids. Il faudrait que l’OMC, l’épine dorsale du capitalisme, donne un prix sérieux au carbone. Ce serait moins mal que l’ultralibéralisme actuel. C’est peut-être un vœu pieux, mais je n’ai pas d’autre proposition.



Le 14 septembre dernier, vous avez signé avec plus de 300 scientifiques une tribune, publiée dans « Le Monde », appelant le gouvernement et l’Assemblée nationale à soutenir un traité de non-prolifération des énergies fossiles. Faut-il démanteler l’industrie fossile avant qu’elle ait épuisé ses actifs ?

 

Du point de vue des sciences du climat, oui. Nous sommes à un moment de bascule pour préserver les conditions d’habitabilité de notre planète et, comme l’a souligné le dernier rapport du Groupe 3 du Giec, respecter l’objectif fixé par l’accord de Paris d’un réchauffement de 1,5 °C ou de 2 °C nous impose d’abandonner de façon prématurée les infrastructures utilisant des énergies fossiles.

 

Pareil pour les nouveaux projets, évidemment. C’est pourquoi nous avons demandé à TotalÉnergies d’abandonner, par exemple, le projet d’oléoduc de pétrole géant East African Crude Oil Pipeline (Eacop), en Ouganda et en Tanzanie.

« Respecter l’objectif fixé par l’accord de Paris d’un réchauffement de 1,5 °C ou de 2 °C nous impose d’abandonner de façon prématurée les infrastructures utilisant des énergies fossiles. » © Mathieu Génon / Reporterre

 

Après, je reconnais que derrière, ça pose plusieurs problèmes. Pour que ça marche, il faut que ce soit acceptable notamment pour le continent africain qui cherche à se développer avec l’argent de son pétrole. Cela implique de déployer massivement les énergies renouvelables, et aussi d’être à la hauteur du point de vue de la solidarité.

 

Je suis révolté par le temps qui est pris par les pays développés pour réunir les « 100 milliards de dollars par an » qu’ils se sont engagés, en 2009 à Copenhague, à fournir aux pays en développement à partir de 2020, pour financer leurs actions de lutte contre le changement climatique. On n’y est pas, alors qu’on a bien vu pendant la pandémie de Covid-19 qu’on était capable de faire des plans Marshall pour des crises majeures.

 



Ces derniers temps, comme l’a analysé le journaliste du « Monde » Stéphane Foucart, l’aggravation des effets du réchauffement coïncide avec un retour du climatoscepticisme. Avez-vous vu venir ce phénomène ?

 

Le climatoscepticisme a muté, parce qu’il était dos au mur. Plus personne ne peut décemment dire que « le Giec exagère » et même le député RN Thomas Ménagé est revenu sur sa déclaration. On les entend moins sur le déni de la réalité scientifique du changement climatique ou de la responsabilité humaine, où ils ont perdu la bataille.

 

Mais ils ont trouvé d’autres voies pour s’exprimer. Ils versent, notamment, dans le « rassurisme » : ils nous rassurent sur le fait qu’on va pouvoir s’adapter, même en conservant nos modes de vie actuels grâce à des solutions technologiques. Ce qui m’inquiète, c’est que ces discours sont assez généralisés, et notamment dans le monde politique.

 

La porte de sortie qu’on voit venir gros comme une maison, c’est la géoingénierie, avec l’ensemencement des nuages ou l’injection de particules de soufre dans la stratosphère. Ce ne sont pas des solutions, ce sont des épées de Damoclès sur les générations futures.



Que pensez-vous des actions menées par des collectifs comme les Soulèvements de la Terre ? Après toutes ces années à tenter d’alerter les décideurs, à les pousser à changer de braquet, défendez-vous l’idée qu’on s’oppose frontalement à la machine ?

 

Je respecte et je soutiens toutes les formes d’engagement, dont les actions des Soulèvements de la Terre. J’ai été extrêmement choqué par l’utilisation du terme d’« écoterrorisme » par Gérald Darmanin. Je suis assez proche du monde agricole et, même quand les agriculteurs mènent des manifestations qui se terminent par de la casse, on ne parle jamais d’« agriterrorisme ». J’espère que Gérald Darmanin sera débouté une seconde fois dans l’affaire de la dissolution des Soulèvements de la Terre.

« J’ai dû faire à peu près toutes les marches climat. Je regrette qu’il n’y en ait plus. » © Mathieu Génon / Reporterre



Est-ce qu’on vous retrouvera un jour dans une action de désobéissance civile aux côtés des Scientifiques en rébellion, la main collée à une BMW ?

 

[Il rit] Je me trouve un peu vieux pour faire tout ça, donc je ne vous promets rien, mais les Scientifiques en rébellion ont toute mon amitié et mon soutien. En revanche, j’ai dû faire à peu près toutes les marches climat. Je regrette qu’il n’y en ait plus.



Avez-vous l’espoir que la COP28, à Dubaï, mène à des avancées importantes ?

 

Chaque continent a le droit d’organiser la COP, il faut que ça tourne. Évidemment, on ne peut pas aller à Dubaï sans que pratiquement tous les ministres aient le bras dans le pétrole jusqu’au coude. Mais je suis un éternel optimiste et je pense qu’on ne peut pas discuter de la fin des fossiles sans les producteurs. Il faut essayer de mettre une date sur la fin des énergies fossiles.

 

Ma principale crainte, c’est que la COP28 se transforme en grande promotion de la capture et du stockage du carbone, voire de la géoingénierie. Elle sera, en tout cas, très importante, car elle doit permettre de mesurer le retard pris par rapport aux objectifs de l’Accord de Paris, et doit permettre d’avancer sur l’indemnisation des pertes et dommages.

 

J’ai participé à toutes les COP depuis 2000 ou 2001 et on me demande souvent à quoi riment les COP et le Giec. J’estime que la communauté scientifique a joué son rôle et, même si on est encore loin du compte, je n’imagine pas un monde sans COP. On n’en serait nulle part.

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8 septembre 2023 5 08 /09 /septembre /2023 14:30

 

 

Dans le recueil des Mémoires de l’Académie des sciences pour l’année 1783, paraît un article de Lavoisier qui, lors de sa lecture publique, fait l’effet d’une bombe dans le monde confortablement installé des phlogisticiens.


Son mémoire est présenté comme une suite de la théorie de la combustion et de la calcination qu’il avait publiée en 1777 et dans laquelle il avait introduit la notion de « principe oxygine ». « Ce principe une fois admis, écrit-il, les principales difficultés de la chimie ont paru s’évanouir et se dissiper, et tous les phénomènes se sont expliqués avec une étonnante simplicité. »


Le phlogistique : « une erreur funeste »

 
Pour autant, la théorie du phlogistique, inspirée de Stahl, est encore dominante. Il importe donc d’en faire une critique serrée qui ne laisse plus aucune porte de sortie aux adversaires. Dès l’introduction, le ton est donné :

 

« Si tout s’explique en chimie d’une manière satisfaisante sans le secours du phlogistique, il est par cela seul infiniment probable que ce principe n’existe pas ; que c’est un être hypothétique, une supposition gratuite ; et, en effet, il est dans les principes d’une bonne logique de ne point multiplier les êtres sans nécessité. Peut-être aurais-je pu m’en tenir à ces preuves négatives, et me contenter d’avoir prouvé qu’on rend mieux compte des phénomènes sans phlogistique qu’avec le phlogistique ; mais il est temps que je m’explique d’une manière plus précise et plus formelle sur une opinion que je regarde comme une erreur funeste à la chimie, et qui me paraît en avoir retardé considérablement les progrès par la mauvaise manière de philosopher qu’elle y a introduite. Je prie mes lecteurs, en commençant ce mémoire, de se dépouiller, autant qu’il sera possible, de tout préjugé ; de ne voir dans les faits que ce qu’ils présentent, d’en bannir tout ce que le raisonnement y a supposé, de se transporter aux temps antérieurs à Stahl, et d’oublier pour un moment, s’il est possible, que sa théorie a existé. »


Si Lavoisier reconnaît à Stahl le mérite d’avoir montré, d’une part, que la calcination des métaux est une véritable combustion, et, d’autre part, que le charbon est nécessaire à la réduction des chaux métalliques en métaux, son mérite s’arrête là : « Si Stahl se fût borné à cette simple observation, son système ne lui aurait pas mérité sans doute la gloire de devenir un des patriarches de la chimie, et de faire une sorte de révolution dans la science. »


Aussi s’attaque-t-il non pas à Stahl, mais aux développements qu’ont donnés, à la théorie, les principaux chimistes européens. C’est d’abord à ses compatriotes Macquer et Baumé qu’il réserve ses critiques en démontant point par point leur argumentation. Et en guise de conclusion :

 

« Toutes ces réflexions confirment ce que j’ai avancé, ce que j’avais pour objet de prouver, ce que je vais répéter encore, que les chimistes ont fait du phlogistique un principe vague qui n’est point rigoureusement défini, et qui, par conséquent, s’adapte à toutes les explications dans lesquelles on veut le faire entrer ; tantôt ce principe est pesant, et tantôt il ne l’est pas ; tantôt il est le feu libre, tantôt il est le feu combiné avec l’élément terreux ; tantôt il passe à travers les pores des vaisseaux, tantôt ils sont impénétrables pour lui ; il explique à la fois la causticité et la non- causticité, la diaphanéité et l’opacité, les couleurs et l’absence des couleurs. C’est un véritable Protée qui change de forme à chaque instant. »

 

Reste maintenant à étayer la théorie adverse, celle du principe oxygine. Sans doute Lavoisier estime-t-il l’avoir suffisamment fait dans son mémoire de 1777 auquel il invite à se reporter, car il n’apporte aucun développement supplémentaire. La nouveauté de ce mémoire, daté de  1783, consiste en une réflexion « sur la nature de la chaleur et sur les effets généraux qu’elle produit ».


Le phlogistique n’existe pas, mais la chaleur si. Laplace et Lavoisier l’ont mesurée.

 

Après avoir prouvé que le phlogistique, matière du feu, n’est qu’une hypothèse inutile et même dangereuse, reste à expliquer la chaleur qui, elle, existe et s’observe à chaque moment de l’activité d’un chimiste. Impossible de ne pas en parler si on veut répondre à toutes les objections que fait naître la mort du phlogistique.À l’image du « fluide  électrique », Lavoisier imagine qu’il existe un « fluide igné » et qui serait la matière de la chaleur. Plus précisément, il distingue deux types de chaleurs. L’une, la « chaleur libre »,  est celle qui circule naturellement d’un corps chaud vers un corps froid en élevant la température de l’un et en abaissant celle de l’autre. La seconde, la « chaleur combinée », est celle qui, par exemple, va faire fondre la glace sans que sa température ne varie.

 

Le lien entre les deux ?

 

« La chaleur qui disparaît au moment où la glace se convertit en eau, est de la chaleur qui passe de l’état libre à l’état combiné ; cette quantité de chaleur est constante et déterminée. On a observé, en effet, que, pour fondre une livre de glace, il fallait une livre d’eau à 60 degrés d’un thermomètre à mercure divisé en quatre-vingts parties : il n’existe plus de glace quelques instants après ce mélange, et toute l’eau est exactement à zéro du thermomètre. Il est clair que, dans cette expérience, la quantité de chaleur nécessaire pour élever une livre d’eau, de zéro du thermomètre à 60 degrés, a été employée à fondre une livre de glace, ou, en d’autres termes, que cette chaleur a passé de l’état libre à l’état combiné. »

 

La fusion de la glace est donc un bon moyen de mesurer une quantité de chaleur, le thermomètre n’étant, lui, qu’un moyen de repérer une température. De là, un dispositif imaginé par Laplace :

 

« Lorsque le thermomètre monte, c’est une preuve qu’il y a un écoulement de chaleur libre qui se répand dans les corps environnants : le thermomètre, qui est au nombre de ces corps, en prend sa part en raison de sa masse et de la capacité qu’il a lui-même pour contenir la chaleur. Le changement du thermomètre n’annonce donc qu’un déplacement de la matière de la chaleur ; il n’indique tout au plus que la portion qu’il en a prise ; mais il ne mesure pas la quantité totale qui a été dégagée, déplacée ou absorbée.


Nous n’avons encore de moyen exact pour remplir cet objet que celui imaginé par M. de Laplace. (Voy. Mém. de l’Acad., 1780, page 364.) Il consiste à placer le corps et la combinaison d’où se dégage la chaleur au milieu d’une sphère creuse de glace : la quantité de glace fondue est une mesure exacte de la quantité de chaleur qui s’est dégagée. »

 

Le mémoire de 1780, cité ici, est un véritable cours de calorimétrie qui pourrait valoir à Laplace et Lavoisier le titre de fondateurs de cette discipline. Les travaux de leurs contemporains y sont rappelés, mais leur apport est déterminant. Des termes, encore utilisés, y sont définis : capacité de chaleur (aujourd’hui « capacité calorifique »), chaleur spécifique. Une unité de mesure est même proposée :

 

« Si l’on suppose deux corps égaux en masse, et réduits à la même tempé- rature, la quantité de chaleur nécessaire pour élever d’un degré leur température peut n’être pas la même pour ces deux corps ; et, si l’on prend pour unité celle qui peut élever d’un degré la température d’une livre d’eau commune, on conçoit facilement que toutes les autres quantités de chaleur, relatives aux différents corps, peuvent être exprimées en parties de cette unité. »

 

La chaleur spécifique de l’eau sera donc prise comme unité. C’est de cette façon que sera définie, au début du xixe siècle, la « grande » calorie, qui est la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1 °C la température de 1 kg d’eau, ou la « petite » calorie, qui élève la température de 1 g d’eau de 1 °C.

 

Après l’unité, l’appareil de mesure. Lavoisier lui donne le nom de « calorimètre » tout en s’excusant d’avoir ainsi réuni « deux dénominations, l’une dérivée du latin, l’autre dérivée du grec », se justifiant par le fait que « en matière de science on pouvait se permettre moins de pureté dans le langage, pour obtenir plus de clarté dans les idées ». Il est vrai que le mot de « thermomètre », issu du seul grec, était déjà pris.

 

 

Le calorimètre est dérivé de l’idée de la sphère de glace creuse. Une enceinte extérieure est remplie de glace. Elle sert de couche isolante constamment maintenue à zéro degré de température.

 

À l’intérieur, un volume lui-même rempli de glace comporte, en son centre, un espace grillagé pour contenir le corps qui apporte de la chaleur. Celle-ci sera mesurée par le volume de glace fondue.

 

Au préalable, les expérimentateurs auront déterminé la chaleur latente de fusion de la glace, c’est-à-dire la quantité de chaleur nécessaire pour faire fondre une masse donnée de glace : « La chaleur nécessaire pour fondre la glace est égale aux trois quarts de celle qui peut élever le même poids d’eau de la température de la glace fondante à celle de l’eau bouillante. » Nous laisserons, encore une fois, aux apprentis physiciens qui le souhaiteraient, le soin de vérifier que cette valeur est proche de nos mesures contemporaines.

 

Dans ce premier mémoire, ce sont ainsi onze chaleurs spécifiquesqui sont mesurées, en  prenant pour valeur unité celle de l’eau. Dans le traité qu’il publie en 1789, Lavoisier indique qu’il attend un tableau plus complet pour le publier, car, dit-il, « nous ne le perdons pas de vue & il n’y a point d’hiver que nous ne nous en soyons plus ou moins occupés ». C’est dire l’intérêt de Lavoisier pour cette nouvelle discipline. Mais il est vrai que les hivers qui suivront celui de 1789 lui seront certainement moins propres à de telles occupations. La liste s’arrêtera donc là.

 

Nous n’en dirons pas plus sur ces avancées vers le concept de « chaleur » (une théorie cinétique de la chaleur est même évoquée). Pour en rester à la chimie, il est important de noter que les réflexions de Lavoisier sur la chaleur seront à l’origine d’une clarification de la notion d’« état de la matière ».

 

La matière dans ses trois états.

 

Quel est l’effet physique de la chaleur sur les corps ? « Lorsqu’on échauffe un corps quelconque, solide ou fluide, écrit Lavoisier, ce corps augmente de dimension dans tous les sens, il occupe un volume de plus en plus grand ; si la cause échauffante cesse, à mesure que le corps se refroidit, il repasse par les mêmes degrés d’extension qu’il a parcourus ; enfin, si on le ramène au même degré de température qu’il avait dans le premier instant, il reprend sensiblement le même volume qu’il avait d’abord. »

 

Explication ? Le fluide igné aurait une propriété répulsive (n’oublions pas que la répulsion est aussi l’une des propriétés de ce fluidenouvellement étudié qu’est  l’électricité). Chauffer un corps, ce serait y faire entrer du fluide igné avec pour effet d’écarter ses molécules constitutives et donc de provoquer une dilatation. À l’inverse, le refroidissement s’accompagnerait d’une sortie du fluide, donc du rapprochement des molécules. Cette hypothèse est à même d’expliquer bien des phénomènes. En particulier, le passage du solide au liquide puis au gaz.

 

La distinction visible entre un solide, un liquide, un gaz, était certainement l’une des origines de la théorie des quatre éléments, la terre, l’eau et l’air étant des modèles parfaits de chacun de ces états. Lavoisier introduit une théorie du « changement d’état » qui participe à la ruine de cette ancienne doctrine.

 

Constater que l’eau qui devient de la glace est encore de l’eau et qu’elle le demeure quand elle devient vapeur est déjà une chose. Généraliser le phénomène à tous les corps est une autre étape que Lavoisier n’hésite pas à franchir. Imaginons, dira-t-il dans son Traité élémentaire de chimie publié en 1789, que la Terre se trouve tout à coup placée dans des régions très froides : « L’eau qui forme aujourd’hui nos fleuves et nos mers, et probablement le plus grand nombre des fluides que nous connaissons, se transformerait en montagnes solides, en rochers très durs. » L’air même et les substances aériformes qui le composent se présenteraient sous forme « de nouveaux liquides dont nous n’avons aucune idée ».

 

Penser que l’air puisse devenir liquide, et même solide, si on le refroidit encore plus, tout en restant de l’air, nécessite une sérieuse argumentation.

 

Qu’est-ce qu’un solide ? Lavoisier l’imagine formé de molécules qui, à la température ambiante, ne se touchent pas. En effet, quand le corps se refroidit, il se contracte sous l’effet du départ d’une partie du fluide igné accumulé entre ses molécules. Il faudrait donc un froid excessivement vif pour que les molécules se touchent. Mais alors, comment expliquer la cohésion d’un solide et son passage aux autres états ? La théorie de l’attraction gravitationnelle de Newton est mise à contribution :

 

« Tous les corps de la nature obéissent à deux forces : le fluide igné, la matière du feu, qui tend continuellement à en écarter les molécules, et l’attraction, qui contrebalance cette force. Tant que la dernière de ces forces, l’attraction, est victorieuse, le corps
demeure dans l’état solide ; ces deux forces sont-elles dans un état d’équilibre, le corps devient liquide ; enfin, lorsque la force expansive de la chaleur l’emporte, le corps prend l’état aériforme. »Plus tard, en particulier dans son Traité élémentaire de chimie publié en 1789, Lavoisier appellera « calorique » ce fluide igné et exposera avec précision cette théorie des trois états :

 

« Presque tous les corps de la Nature sont susceptibles d’exister dans trois états différents : dans l’état de solidité, dans l’état de liquidité, & dans l’état aériforme… Ces trois états d’un même corps dépendent de la quantité de calorique qui lui est combinée.»

 

Plus précisément, ajoute Lavoisier :

 

« Je désignerai dorénavant ces fluides aériformes sous le nom générique de gaz. »

 

Enfin, les gaz sont nés !

 

Les « trois états de la matière » – solide, liquide, gazeux – sont aujourd’hui enseignés dès les premières classes de l’école primaire. Il nous est difficile d’imaginer un temps où cela ne constituait pas une évidence. Pourtant, cette « évidence » n’a commencé qu’avec Lavoisier.

 

L’eau est la plus belle illustration de ces trois états. La température de la Terre est telle qu’elle y existe à la fois comme glace, comme liquide et comme vapeur. Parmi les « quatre éléments » de philosophes elle est la seule à avoir cette évidente propriété. Elle est aussi la dernière à être encore considérée comme un « principe ». Mais l’est-elle vraiment ? Il appartiendra à nouveau à Lavoisier de prouver qu’elle est un corps composé.

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6 août 2023 7 06 /08 /août /2023 08:36

Dans les campagnes, on se souvient du remembrement comme d’un épisode traumatique. À partir des années 1950, l’Etat français est passé outre la propriété privée pour redessiner et redistribuer les terres agricoles. Deux témoins racontent à hauteur d'enfant ce bouleversement qui les hante encore.

 

Photographie extraire du diaporama de Nicole et Félix le Garrec

Ecouter sur France Culture

 

La loi qui encadre le remembrement a permis à l’Etat français, à partir des années 50, de passer outre la propriété privée pour redessiner, remodeler, redistribuer les terres agricoles. L’objectif étant qu’elles soient plus grandes et cultivables par des tracteurs. À ce jour, aucun livre d’histoire ou de géographie critique n’a été produit sur le remembrement.

 

Jacqueline Le Goff est née en 1953 au Drennec, un village situé à vingt kilomètres de Brest. Fille d’un boulanger et d’une mère au foyer, elle vivait dans une petite ferme et passait son temps dans la nature.

 

“C'était un labyrinthe de petits chemins. On allait chercher des mûres, des châtaignes. C'était un terrain de jeu magnifique. Il y avait des bois, il y avait des clairières, des champs entourés de talus. Les talus sont des constructions humaines qui partagent les terrains, faites pour protéger les champs de l'érosion et aussi pour permettre à la faune et à la flore de se développer. Sur ces monticules de terre, il y avait des arbres.”

 

Alors qu’elle a neuf ans, elle voit sur la colline face à leur ferme des bulldozers détruire ces talus et ces arbres.

 

“C'était un remembrement, un démembrement. C'était le chaos. C'était un saccage qui m'a beaucoup marqué. C'étaient des choses que les hommes avant nous avaient fait patiemment, qu'on a détruit avec tellement de facilité.” Jacqueline

 

“Dès qu'on détruit le paysage, c'est une blessure qui s'ouvre.” Jacqueline.
 

 

Fils d’agriculteurs, Pierre Parvy est né en 1954 et a grandi dans le Limousin. Au début des années 1960, Pierre voit les tracteurs, dans les fermes alentours, remplacer les vaches qui tractaient les outils agricoles.

 

“Quand j'étais gamin, il fallait garder les vaches. Il n'y avait pas de clôtures électriques, automatiques. Donc on partait le matin avec le casse-croûte de la journée et on allait partager la journée avec les vaches. On retrouvait les autres gosses du village et on passait la journée ensemble. C'était vraiment le paradis.” Pierre

 

Avec l’arrivée des bulldozers, Pierre voit s’empiler les arbres coupés et les talus être détruits. Face à ce qui est vécu comme des actes d’une grande violence, des paysans s’allongent devant ces engins, d’autres, ayant perdu leurs terres, tentent de se suicider.

 

“Les paysans membres de la commission de remembrement étaient perçus par les autres comme des traîtres, comme ceux qui les abandonnaient.” Pierre

 

“La modification de la biodiversité a été considérable. Avant le remembrement, il y avait une vie, il y avait des oiseaux, il y avait des rongeurs, il y avait des insectes. Et là, après le passage des bulldozers, il n'y avait plus rien.” Pierre

 

“Mon père disait que le remembrement allait améliorer la vie du paysan. Cinquante ans après, quelle est la vie du paysan ? Dans mon petit village de cinquante habitants avec ses sept familles de paysans, aujourd'hui il n’y a plus qu'un seul paysan.” Pierre
 

Merci à Jacqueline Le Goff, Pierre Parvy, Yveline, Morgan Large, Valentin Lacambre, Léandre Mandard et Alice Sternberg.

    Reportage : Inès Léraud
    Réalisation : David Jacubowiez
    Mixage : Marie-Claire Oumabady

 

Lire également :

 


Projection du diaporama « Le Remembrement » de Félix et Nicole Le Garrec à Trébrivan. 29 septembre 2023.

 

L’association Les Amis de Nicole et Félix Le Garrec organise ce samedi 30 septembre, à 14 h 30, à la salle polyvalente de Trébrivan, une projection du diaporama sonore Le Remembrement, en présence des deux réalisateurs.
Ces photos et témoignages ont été réalisés en 1973 et 1974 à Trébrivan. À l’époque, la commune se déchire sur l’épineuse question du « remembrement », ce redécoupage des terres agricoles, dicté par le ministère de l’Agriculture pour augmenter les capacités de production du pays.

 

« Nicole et Félix Le Garrec se sont rendus à de multiples reprises en centre Bretagne, notamment à Trébrivan et Plonévez-du-Faou, et ont réalisé leur premier diaporama pour donner la parole à celles et ceux qui se mobilisaient contre le remembrement », explique Erwan Moalic, le président de l’association. « Par des manifestations, celle où les contestataires envahirent le conseil municipal de Plonévez-du-Faou et, celle, le 8 mai 1974, où ils obstruèrent l’accès à la mairie de Trébrivan pour tenter de bloquer une enquête d’utilité publique sur le remembrement », poursuit-il. Félix et Nicole Le Garrec se feront par la suite connaître avec leur film Plogoff, des pierres contre des fusils, sorti en 1980, tourné en plein cœur des événements qui secouèrent le cap Sizun, pressenti alors pour abriter une centrale nucléaire.

 

Un diaporama qui refait surface

 

Le diaporama sonore Le Remembrement a été acquis par le musée de Bretagne, à l’initiative de son premier directeur, Jean-Yves Veillard en 1976, principalement dans le but de le diffuser dans la salle contemporaine du musée, ouverte en 1975. À l’automne 2022, le musée retrouve dans ses collections ce diaporama et lance sa restauration et sa numérisation par les sociétés carhaisiennes Carrément à l’Ouest et Chuuttt Atelier sonore.

 

Quid, cinquante ans plus tard des vieilles rancunes, à Trébrivan, autour du remembrement ? « Loin de nous le désir de raviver des tensions, nous cherchons simplement à faire connaître cette page particulière de l’histoire de Trébrivan et espérons pour se faire, une participation importante de la population », explique le maire, Fabrice Even. « Cela permettra aux jeunes générations et aux nouveaux habitants, de découvrir et de comprendre cette période tumultueuse de l’histoire trébrivanaise. »

 

Sur tébéo :

 

https://www.tebeo.bzh/video/trebrivan-projection-dun-diaporama-de-felix-et-nicole-le-garrec-sur-le-remembrement-en-bretagne/

 

 

Sur le site de Félix et Nicole le Garrec.

 

Nous sommes en 1972, en plein remembrement. Le problème prend une acuité particulière dans un pays de bocage comme la Bretagne massivement agricole et en particulier à Trébrivan.

 

 

 

Extrait de S-eau-S, l'eau en danger. (Golias, 2000)

 

 Reconstruire les paysages

 

Décembre 1992, dans un champ au dessus de la rivière Elorn une trentaine de personnes s’occupent à reconstruire un talus à l’ancienne dans un champ travaillé par Goulven Thomin, agriculteur bio.

 

Le maître d’œuvre, Mikael Madec, est bien connu en Bretagne comme le collecteur assidu des gestes et des mots de la vie traditionnelle. Auteur d’un livre en breton sur la construction des talus, il a su mettre la main à la pâte et retrouver les méthodes anciennes. Sous sa direction donc, une équipe découpe les mottes, une autre les véhicule avec précaution, la troisième se livre au délicat travail de l’assemblage. En trois heures, malgré la pluie fine, une centaine de mètres d’un beau talus arrondi est monté.

 

Il ne reste plus qu’à s’attabler devant le solide casse - croûte qui est de tradition quand Goulven invite ses amis à un « grand chantier ».

 

 

Naturellement l’opération est symbolique. Cette parcelle avait jadis été remembrée de force. Son propriétaire, Jean Tanguy, s’était placé devant les engins venus araser ses talus, il avait fallu faire intervenir la gendarmerie.

 

Il s’agissait donc de rappeler à tous ceux qui semblaient les avoir oubliées, les multiples fonctions des talus : remparts contre les vents dominants, barrières contre le ruissellement, pièges pour les nitrates et les pesticides, refuges pour les plantes et les animaux « sauvages », facteurs d’équilibre biologiques.

 

Bien sûr, 100m de talus reconstruits n’allaient pas inverser à eux seuls la tendance. Les bulldozers du remembrement en avait détruit 200 000 km !

 

Sur la parcelle voisine, pour parfaire la démonstration, un tracto-pelle travaillait lui aussi à remonter un talus. Chacun pouvait apprécier la meilleure qualité esthétique du talus « fait main » mais reconnaissait cependant que le travail mécanique faisait quand même moins mal aux reins. Il ne s’agissait pas de « retourner à la marine à voile », comme le faisait remarquer Jean-Yves Kermarrec, un des pionniers de la lutte pour la protection de l’environnement dans le secteur. Les nouveaux paysans ont une vision très « nouvelle » de la vie. L’informatique, internet, ne leur font pas peur, pas plus que le tracteur, quand il est manié de façon conviviale. Ce qu’un engin a démoli, un autre engin peut le reconstruire !

 

Reste à espérer que la course engagée entre ceux qui redressent les talus et ceux qui les détruisent tournera à l’avantage des premiers.

 

 

 

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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 20:09

Le physicien polonais, Joseph Rotblat, quitta la prestigieuse équipe de scientifiques du Manhattan Project et se consacra toute sa vie à la lutte contre les armes nucléaires, en organisant notamment les conférences Pugwash pour encourager les scientifiques à se recontrer et à réfléchir au rôle de la science dans la société.. Portrait d'un homme de bien qui s'engagea dans l'Histoire à contre-courant, prix Nobel de la paix en 1995.

 

 

Voir le film qui lui est consacré.

 

https://www.arte.tv/fr/videos/114626-000-A/un-physicien-contre-les-armes-nucleaires/

 

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1 août 2023 2 01 /08 /août /2023 18:22

Installée pour quelques mois dans un hameau en Centre-Bretagne, la journaliste Inès Léraud découvre d'histoires en histoires, une Bretagne bien énigmatique...

Le journal Breton d'Inès Léraud est une série en deux saisons, un journal un peu intime, une enquête qui nous plonge dans l'univers de l'agroalimentaire breton, au milieu des algues vertes, des poulaillers et des abattoirs dans une région qui est la première région agroalimentaire de France. En Bretagne, 1 salarié sur 3 travaille dans l’agroalimentaire.

Installée au cœur de la Bretagne pour plusieurs mois, Inès voit de ses propres yeux les effets sur l'écologie, les animaux et le vivant du système agroalimentaire Breton. Une enquête qui mènera à la bande dessinée "Algues vertes, l'histoire interdite" (Delcourt) en 2019, par la journaliste elle-même et Pierre Van Hove, et puis à un film de Pierre Jolivet en 2023 : "Les Algues vertes".

Après la saison 1, vous pouvez écouter la suite de l'enquête d'Inès Léraud : Journal Breton - saison 2.

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1 août 2023 2 01 /08 /août /2023 12:40

En 1976, René Jentet part aux Antilles pour y réaliser un documentaire sonore... Avant que l'éruption du volcan de la Soufrière ne modifie substantiellement ce projet. Douze émissions pour une monographie de la Guadeloupe et de la Martinique avant et pendant un événement qui marque une génération.

 

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-carnets-d-un-voyage-aux-antilles

 

16 degrés nord, 61 degrés 42 ouest : Karukera
14 degrés 36 nord, 61 degrés 5 ouest : Madinina


C’est par cette évocation des îles antillaises de la Guadeloupe et de la Martinique qui tient autant de la géographie que de la poésie, que débute chacun des volets des "Carnets d’un voyage aux Antilles", proposés par René Jentet.

 

Cette série en douze volets a été réalisée en 1976. Elle avait été pensée à l’origine comme une monographie très complète de ces îles françaises… Avant qu’un événement inattendu ne vienne chambouler ce programme radiophonique prévu de longue date. Cet événement, c’est l’entrée en éruption du volcan de la Soufrière, à la Guadeloupe, qui mobilise pouvoirs publics et scientifiques pendant plusieurs mois. Par précaution on décide même de l’évacuation de la population de Basse-Terre : plus de 70 000 personnes doivent quitter leur domicile dans la précipitation. La sécurité est à ce prix. Dans les Antilles on garde la terrible mémoire de la destruction totale de la ville de Saint-Pierre, à la Martinique, en 1902 : 30 000 personnes tuées par une nuée ardente créée par l’éruption de la montagne Pelée. On évacue donc la population… Mais l’éruption qui se déroule est mineure et ne présente qu’un danger très faible. Avec le recul des interrogations apparaissent : l’évacuation était-elle vraiment nécessaire ? La question se pose d’autant plus que les mesures prises ont sinistré l’économie de la Guadeloupe pour longtemps…

 

René Jentet assiste à ces événements particulièrement marquants, et il en rend compte dans ses "Carnets". Le douzième et dernier épisode est ainsi intitulé "Vingt jours de la vie d’un volcan". Ce volet conclut et éclaire une série documentaire que son auteur a choisi de - dernier épisode mis à part - de réaliser selon son plan initial.

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17 juillet 2023 1 17 /07 /juillet /2023 13:02

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/deboulonnages-en-terres-agro-industrielles-8188130

 

En Bretagne, Fabrice Hamon, riverain d’une mégaporcherie, Morgan Large, journaliste locale, et François Florenty, inspecteur du travail, ont tous les trois voulu enquêter sur l'agro-industrie et découvert un beau jour qu'on leur avait dévissé une roue de voiture… Un reportage signé Inès Léraud.

 

Stéphanie Hamon et son mari Fabrice habitent à Landunvez, une commune bretonne de moins de 1500 habitants,  dans le Finistère. Devant leur maison, une rivière passe pour se jeter dans la mer quelques mètres plus loin. Fabrice et Stéphanie déplorent avoir vu ce cours d'eau être maltraité au fil des années. Fabrice explique : "On est concernés par ces problèmes puisqu'on côtoie la rivière tous les jours. On l'a vu blanche, marron, noire aussi. Un petit ruisseau de campagne qui sillonne à travers les champs, ce n'est pas anormal qu'elle transporte de la terre, ce qui l'est, c'est l'odeur. C'était une odeur nauséabonde. Là, on a commencé à se poser des questions."

 

Le secteur dans lequel vivent Stéphanie et Fabrice héberge les plus gros élevages intensifs de porcs français. Leurs déjections sont répandues directement sur les champs pour servir d'engrais. Fabrice explique que le lisier des élevages intensifs n'est pas déversé comme il faudrait. "Il y a certains épandages de lisier qui sont faits respectueusement : la terre est d'abord retournée et le lisier coule dans les sillons creusés. Une fois le tracteur passé, la terre l'absorbe et il n'y a pas de surplus. À l'inverse, il y a ce que j'appelle 'l'hélicoptère à merde', où c'est simplement du fumier qui passe dans un gros ventilateur et qui projette le lisier partout. Il suffit qu'un terrain soit au dessus de la rivière pour que tout tombe dedans."

 

En juin 2022, Stéphanie et Fabrice s'aperçoivent de l'odeur nauséabonde qui se dégage de la rivière, proche de la plage où des gens se baignent. "Il avait plu toute la journée et au moment de traverser notre cours d'eau, on a senti une odeur infecte. On est allés voir le maire, pour l'alerter du problème. Il m'a dit que je pouvais discuter avec l'adjointe à l'environnement et lui demander de venir voir. Malheureusement elle ne pouvait pas. J'ai alors pris une bouteille vide et j'ai fait un prélèvement dans le but de faire analyser l'eau de la rivière. Elle a considéré mon prélèvement irrecevable. À mes frais, j'ai quand même fait analyser l'eau. On était à 80000 'e.coli' dans le ruisseau."

 

Conscient du problème, Fabrice continue de juin à septembre à prélever cette eau qui se déverse dans la mer et sur les plages à proximité. Les prélèvement révèlent par la suite la présence de matières fécales humaines et animales. "À la fin de l'année dernière, j'ai créé un compte Instagram qui s'appelle 'Beautifoul', pour faire référence à notre rivière appelée Foul. J'ai commencé à communiquer sur les tas de fumier au-dessus de rivière, ou leur liquide immonde qui s'écoule dans le cours d'eau en ligne droite. Je publie des photos de tout ça."
Stéphanie : "Ce sont des vies humaines qui sont mises en danger"

 

Un jour, Stéphanie et Fabrice prennent leur voiture pour une sortie familiale. Un bruit anormal les contraint à s'arrêter brusquement. "Notre voiture n'est pas neuve, donc je suis habitué à ce qu'elle fasse du bruit. Or, le son n'était pas normal. On s'est arrêtés sur le bas côté de la route et Stéphanie a eu une intuition et m'a dit : 'Va voir les roues.' Effectivement, un boulon m'est venu dans la main, il était sur le point de tomber. Il n'y avait qu'un seul boulon qui n'était pas desserré. Pour moi, c'était clair et net : c'est statistiquement impossible que quatre boulons se dévissent au même moment sur une voiture qui a été entretenue l'an dernier. Ce n'est pas le fait du hasard."

 

"On avait dit plusieurs fois en rigolant qu'on risquait de se retrouver avec un tas de fumier devant chez nous. Ça, on y avait pensé. Le déboulonnage ? Ça a atteint un autre niveau parce que ce sont des vies humaines qui sont mises en danger."
 

À réécouter : La fabrique du silence : les citoyens
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Comme Stéphanie et Fabrice, Morgan Large, journaliste dans le centre de la Bretagne, a subi un 'déboulonnage'. En 2019, Morgan publie un article pour Reporterre sur la construction de poulaillers géants, subventionnée par la région Bretagne. Elle est contactée par des documentaristes qui souhaitent faire du sujet un film. Ce documentaire rencontre un grand succès. Pour Morgan, cela ne fait aucun doute : l'action de déboulonnage a un rapport direct avec son métier de journaliste.un article pour Reporterre sur la construction de poulaillers géants, subventionnée par la région Bretagne. Elle est contactée par des documentaristes qui souhaitent faire du sujet un film. Ce documentaire rencontre un grand succès. Pour Morgan, cela ne fait aucun doute : l'action de déboulonnage a un rapport direct avec son métier de journaliste.

 

"En mars 2021, j'ai entendu du bruit en pleine nuit, et mon chien a aboyé. J'habite une toute petite maison au fond d'un cul-de-sac, dans un endroit qui n'est pas sur les GPS. C'est un endroit très tranquille. Mais bon, un aboiement de chien, ça peut être simplement parce qu'un chevreuil passe. Quelques jours après, je me promène chez moi et je remonte mon petit chemin. J'ai découvert un boulon par terre. J'ai alors fait le tour de ma voiture, et sur mes roues, à l'emplacement des boulons il n'y avait plus rien."

 

"J'ai appelé le garagiste en premier, qui m'a dit que je n'avais pas pu perdre ces boulons comme ça. Puis, j'ai appelé Reporters sans frontières et quelqu'un m'a dit qu'on ne voyait pas ce genre de pression sur les journalistes en France, mais plutôt dans les Balkans."

 

"À la suite du documentaire, une page entière est publiée dans le journal Le paysan breton*, signée Georges Gallardon. "Il s'agit du grand patron de Triskalia, une énorme coopérative bretonne qui fait 1,9 milliard de chiffre d'affaires et qui a 4800 salariés. Dans son article, il déplore une soit disant désinformation que je promulguerais. Il explique que je raconte n'importe quoi, que tout est faux, que la Bretagne est belle, et que la pollution n'existe pas…"

 

Après les mots de Georges Gallardon, Morgan commence à recevoir des coups de téléphone en pleine nuit, les portes de la radio pour laquelle elle travaille sont forcées et sa chienne est gravement intoxiquée. Elle décide d'agir juridiquement. "J'ai porté plainte directement auprès du procureur de la République à Saint-Brieuc. Je me disais qu'il y avait plus de chances que ça aboutisse à l'ouverture d'une enquête. Il y a eu une enquête qui semblait avoir été bien faite. Elle a aboutie en décembre 2022 à un 'non-lieu, faute de preuves.'"

 

Deux ans après le premier 'déboulonnage', Morgan est victime à nouveau d'un dévissage de boulons des roues de sa voiture. "J'étais tellement désespérée que je me suis mise à pleurer. Je me suis rendue à la gendarmerie avec le président de la radio et la coordinatrice de la radio qui ont eu la gentillesse de m'accompagner. Puis, comme deux ans auparavant, la police me dit qu'il allait être difficile de trouver les responsables, mais que je devrais installer une caméra de chasse chez moi."

 

Morgan souhaite déménager rapidement. Sans protection policière, elle affirme ne pas se sentir en sécurité.
 

Fabrice : "On le sentait très froid, très agacé"

François Florentiny est inspecteur du travail agricole dans les Côtes d'Armor, et militant au sein du syndicat Sud. Lorsqu'il se rend avec sa collègue chez un producteur de tomates, il est victime d'un déboulonnage, tout comme Fabrice, Stéphanie et Morgan. "Lorsqu'on arrive sur place, le patron ne nous reçoit pas de bon cœur. On lui fait comprendre qu'il n'a pas le choix. Il nous fait rentrer dans le bureau et, à cet instant, il dit : 'Vous m'excuserez, il faut que je sorte. J'ai un coup de fil à passer.' Il s'absente pendant une dizaine de minutes, puis revient à côté de sa femme, qui s'occupe de l'administratif."

 

"On le sentait très froid, très agacé, il mettait un temps infini pour trouver un document lorsqu'on demandait un contrat de travail par exemple."
À réécouter : En Bretagne, la course à l’abîme de l’industrie agroalimentaire
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François et sa collègue décident de se rendre au village le plus proche pour déjeuner. "On se rend au village à proximité en voiture et là j'entends un bruit bizarre, comme un claquement métallique au niveau de la voiture. Arrivés à un feu rouge, une dame nous dit que notre roue bouge de gauche à droite. On décide de s'arrêter chez le garagiste qui nous dit que le boulon qui tient la roue est en partie dévissé. On téléphone alors à notre administration pour savoir s'il n'y a pas eu un entretien sur le véhicule. Ils nous confirment que non. Ça veut dire que ce problème mécanique a été créé le temps qu'on fasse notre contrôle chez l'exploitant."

 

François et sa collègue portent plainte car ils considèrent cette action comme une tentative d'atteinte à leurs vies. "L'exploitant a été entendu le surlendemain des faits et a nié. Puis plus rien… Après ça, les syndicats du ministère du Travail ont manifesté sous les fenêtres du tribunal de Saint-Brieuc afin d'évoquer le dossier du déboulonnage de la roue. Sous cette pression, ils ont tout de même procédé aux relevés d'empreintes sur les enjoliveurs. Mais le test a été fait aux environs de juin, quasiment six mois après. Les résultats n'étaient pas exploitables en matière d'empreintes. Au mois de juillet 2015, ma collègue et moi avons reçu un courrier stipulant que l'affaire était classée puisqu'ils n'avaient pas trouvé les coupables."

 

    Reportage : Inès Léraud
    Réalisation : Etienne Gratianette

Musique de fin : "Never Forget" par Elbé

 

Merci à Morgan Large, Stéphanie, Fabrice Hamon, François Florenty, Alain Méheut, Le média breton "Splann!" et Alice Sternberg.

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