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2 octobre 2021 6 02 /10 /octobre /2021 11:40

 

C’est par hasard que nous avons rencontré Pierre Gane.

 

Cela s’est fait au détour d’un article publié le 26 novembre 1946 dans Ouest-France qui nous parlait d’une des premières éoliennes installées en Bretagne.

 


 

Cet article se trouvait dans les archives familiales d’amis finistériens particulièrement sensibilisés à la nécessité d’’économiser l’énergie et de mettre en œuvre des énergies renouvelables.

 

On imagine leur satisfaction en se souvenant que c’était dans la ferme de leur enfance qu’avait tourné l’une des premières éoliennes installées en Bretagne.

 

 

Quand la fée électricité vient, enfin, visiter la campagne, elle est reçue avec les honneurs dus à son rang. Le ton du journaliste est enthousiaste :

 

"Le vent soufflait dur sur le plateau de Ker-Deniel, en Landudal quand, en compagnie de Pierre Gane, nous arrivâmes à la ferme de M. Le Naour, puis de celle de M. Quintin. Une portée de fusil sépare les deux habitations. Entre-elles, ailes rabattues, l’éolienne ne s’inquiétait pas du vent qui sifflait dans son fuselage. Les 28 éléments de la batterie d’accus avaient fait leur plein d’électricité. Les moteurs tournaient dans les fermes, des lampes versaient une belle lumière blanche dans les pièces sombres et l’eau sous pression s’échappait avec force des tuyaux d’acier.

 

Voilà, nous déclara M. Quintin ce que nous devons à l’éolienne. Depuis son installation, nous possédons une nouvelle richesse.

 

Pierre Gane, l’ingénieur-constructeur, ne soufflait mot. Il enregistrait avec modestie, mais satisfaction, les propos du fermier qu’il n’avait pas provoqués."

 

 

Monsieur Quintin, Pierre Gane... et l'éolienne.

voir aussi

 

Pierre Gane, adepte du verlan, a inversé son nom pour baptiser ses éoliennes du nom de "Enag". Elles sont réputées simples, solides et faciles à monter. Les pales sont en duralumin, un alliage d’aluminium qui commence à être utilisé. La dynamo, conçue pour avoir un bon rendement à bas régime, alimente des accumulateurs au plomb.

 

Le journaliste semble en avoir rajouté dans le lyrisme. Si les enfants de M. Quintin se souviennent des lampes électriques il n’ont pas le souvenir de la longue liste de machines décrites :

 

"Les lampes ont été montées au grenier ; une pression sur un bouton, l’écrémeuse ronronne, le broyeur d’ajoncs, le coupe-racines, le hache-paille entrent en action... la scie électrique chante et crie sous la grange".

 

Ces belles machines agricoles qu’on ne trouve plus que dans les musées ne pouvaient à l’évidence pas être toutes alimentées par la modeste éolienne installée. Au moins le journaliste concède-t-il que la faiblesse de la batterie ne permettrait pas d’alimenter la cuisinière électrique qui plairait à la fermière.

 

Le fermier, lui, est sensible à l’idée d’être un maillon dans la chaîne des utilisateurs du vent :

 

"Nos grands-pères utilisaient le vent pour broyer le grain, nos pères, pour monter l’eau ; à notre stade nous en sommes à fabriquer de l’électricité avec application immédiate aux besoins de la maison et de la profession. Qu’inventerons nos fils ?"

 

Des projets d’invention, l’ingénieur Pierre Gane n’en manque pas.

 

Pierre Gane, l’ingénieur.

 

Quand Pierre Gane a-t-il commencé à s’intéresser à l’électricité et aux éoliennes ? En 1943, on le dit occupé à en construire à Quimper en faisant travailler des réfractaires au S.T.O. et en se débrouillant pour trouver les matériaux. ( Cahier d’éole n° 2 page 13). Deux mille machines, dont beaucoup exportées, auront ainsi été fabriquées par Enag dans le demi siècle qui a suivi.

 

L’éolienne qu’il installe à Landudal doit être proche de ses premiers prototypes.

 

En 1948, on sait que cinq de ses éoliennes ont été choisies pour équiper des maisons forestières à Châlons-sur-Marne.

 

"L’éloignement de la majorité de nos Maisons Forestières crée, dans les circonstances économiques actuelles, une impossibilité pratique absolue d’envisager leur électrification par l’Électricité de France.

En effet, les dépenses occasionnées par l’électrification des « écarts » se montent à un ou plusieurs millions dès que les distances sont de l’ordre de 1 à 2 km., ce qui représente cependant des éloignements courants pour des logements forestiers...

 

Notre attention fut alors attirée sur la solution éolienne, par un de nos agents qui eut l’initiative de procéder à l’installation d’une éolienne sur son logement (Maison forestière appartenant aux Hôpitaux- Unis de Châlons-sur-Marne).

 

Réalisée à l’époque pour une dépense relativement peu élevée (70.000 francs en 1946), cette installation fonctionna un an avec la plus complète régularité. Il s’agissait d’une éolienne 12 volts du type « Enag », placée au sommet d’un épicéa de 32 à 35 m. de hauteur, équipée d’une simple batterie d’auto de 12 volts.

Encouragés par cette expérience, nous avons donc proposé et pu réaliser en 1948, 5 installations d’éolienne « Enag », en vue d’assurer l’électrification de 5 maisons forestières doubles ou simples." (REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE)

 

Les responsables des maisons forestières font à cette occasion mention d’une méthode de stockage de l’énergie éolienne se substituant éventuellement aux batteries :

 

"La génératrice envoie le courant dans un bac d’eau, l’électrolyse de l’eau donne : à l’anode de l’oxygène, à la cathode de l’hydrogène. Ces deux gaz sont emmagasinés automatiquement sous pression.

 

L’oxygène peut être vendu sur la base de 25 francs le mètre cube à la production ; l’hydrogène sert à actionner un moteur à gaz pauvre qui, aux heures d’accalmie, entraîne la génératrice, assurant ainsi la continuité de la production de l’électricité."

 

L’idée n’est pas irréaliste. Elle fait partie des solutions proposées par de savantes études contemporaines.

 

Voir encore :

 

 

Un lecteur nous communique que Pierre Gane avait équipé la première expédition de Paul Emile Victor en Terre Adelie d'au moins une éolienne. Par ailleurs à la fin des années 70 et au début des années 1980 il avait mis au point et réalisé une voiture électrique d'une autonomie de 400KM avec des vitesses de l'ordre de 110 à 120 km/H : il avait réussi à réduire la taille des batteries et commençait à envisager un réseau permettant de changer les batteries pour faire le plein. Il existait au moins deux voitures électriques conçues par Pierre Gane en état de marche. Une à Quimper et l'autre dans les Landes où il avait un client un général en retraite qu'il avait équipé d'une Turbine pour recharger sa voiture. 

 

 

Après Plogoff, les éoliennes, on y croyait !

 

 

Faire de la Bretagne une vitrine des énergies renouvelables, nous en avons rêvé après la victoire de Plogoff. Les éoliennes ENAG y auraient eu leur rôle pour peu que cette activité industrielle ait été encouragée.

 

La création du "Centre national d’essais éoliens de Lannion" en 1983 (voir la vidéo de son inauguration) avait suscité un véritable espoir

suivi d’une vraie déception quand il a été fermé.

 

1998 :  Fondateur de la société ENAG Pierre Gane n'est plus.


le Télégramme

 

Il était malade depuis l'été dernier. Il s'est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi à son domicile de la cité Kerguélen à Quimper. Il venait d'avoir 94 ans, puisqu'il est né le 22 janvier 1904 à Eymoutiers (Haute Vienne) près de Limoges, tout comme son épouse, née Jeanne Champeaux, disparue l'année dernière.

 

Pierre Gane était arrivé à Quimper avant-guerre. Il faisait du cinéma ambulant dans les salles de danse. A Quimper, son point de chute était l'hôtel Moderne où, finalement, en 1936, il ouvrit une vraie salle de projection qu'il baptisa le Rex, puis le Korrigan, 20 ans plus tard, à l'occasion de travaux de rénovation. Après-guerre, il créa le Cornouaille, au dernier étage duquel il installa son appartement, cité Kerguélen.

Mais Pierre Gane était plus qu'un exploitant de salle de cinéma. Inventif et infatigable, en 1946, il ouvrit un atelier d'électro-mécanique, rue de Pont-l'Abbé, à la hauteur de la rue Bourg-lès-bourgs. Cette entreprise, qu'il baptisa ENAG, anagramme de GANE, connut vite le succès et c'est une usine qu'il fallut bientôt construire. Elle employa jusqu'à plus de 80 salariés.

 

La société ENAG fournissait la Marine et l'Aviation. Celle là même que Pierre Gane céda en 1984, à 70 ans, au repreneur qui l'exploite encore aujourd'hui. Homme indépendant, épris de liberté, Pierre Gane se flattait d'être le seul patron quimpérois d'importance adhérent d'aucune organisation patronale et sans syndicat dans son entreprise.

 

Autre facette de l'industriel quimpérois, l'élevage de chevaux de course dans sa ferme de Fao Glaz à Plonéour-Lanvern. Il n'y a pas si longtemps encore il en possédait une vingtaine. Plusieurs de ses pur-sang connurent des succès flatteurs sur les champs de course. Son meilleur crack avait été baptisé Fao Glaz.

 

Toute une époque ! Mais n'est-ce pas une autre époque qui s'en va avec ce Limougeot qui aura vécu les deux tiers du siècle à Quimper ? Les obsèques de Pierre Gane seront célébrées lundi à 14 h à Saint-Corentin. Son corps sera inhumé au cimetière Saint-Louis où reposent déjà son épouse, ainsi que son fils qu'une maladie emporta dans son jeune âge. Pierre Gane, à 90 ans, continuait de cultiver sa passion pour les chevaux dans sa ferme de Fao Glaz à Plonéour-Lanvern.

 

ENAG aujourd’hui.

 

D’autres repères viendront peut-être, par la suite, nous permettre d’en savoir un peu plus sur Pierre Gane. Une chose est certaine : l’aventure ENAG s’est poursuivie.

 

"Forte de plus de 60 ans d’expérience, ENAG innove, conçoit et réalise des produits destinés à la conversion d’énergie statique et dynamique."

 

 

"Un peu d’histoire...

 

1946 Naissance d’ENAG (anagramme du nom de son fondateur, Pierre Gane).

 

2009 Déménagement des sociétés ENAG et CRISTEC dans une usine neuve, nettement plus grande et facile d’accès, en zone industrielle de Kerdroniou Est à Quimper."

 

Des éoliennes aux hydroliennes.

 

C’est une des génératrices Enag qui a équipé le premier essai d’hydrolienne dans l’Odet.

 

 

Voir encore en Juin 2015

Cet été, une partie de l’électricité de l’île d’Ouessant sera produite par l’hydrolienne Sabella D10 immergée dans le Fromveur. Une première nationale !


 

voir aussi :

 

Le jour où l’électricité est arrivée dans le Finistère.

 

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Voir encore :

Avel kentoc’h eget gaz.

 

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Décembre 2017.  Quimper. La société Enag met le train sur pile (Le Télégramme

 

L'entreprise quimpéroise Enag, spécialisée dans la conversion d'énergie, a développé un système de traction sur batterie pour locomotives.

Une innovation qui pourrait permettre aux trains de circuler sur des tronçons non électrifiés, sans utiliser de diesel.

 

 

 

Imaginons un train, qui, sur une portion du réseau non électrifiée, pourrait circuler sans faire tourner son moteur diesel, sans bruit ni pollution. L'entreprise quimpéroise Enag, pionnière, depuis 1946, dans la conversion d'énergie l'a fait. En moins d'un an, elle a mis au point un système de traction alimenté par batterie pour les locomotives diesel. « Un opérateur qui réalise des travaux sur les voies, dont je ne peux pas encore dévoiler le nom, nous a commandé un train de travaux à propulsion hybride », annonce Henri Le Gallais, le président d'Enag.

 

Pour l'instant, une seule unité est sortie des ateliers de fabrication, situés zone de Kerdroniou à Quimper (29), pour un montant « inférieur au million d'euros ». Elle débutera, lundi, sa deuxième session de certification pour une mise en service en janvier prochain. Le système, composé d'une batterie lithium ion, d'une armoire de commande, d'un moteur électrique et d'une prise à quai, équipe une locomotive de travaux, destinée à tracter les trains contenant le matériel : grues, ballasts, rails, traverses... « Lors d'un chantier sur voie, les caténaires sont coupées, la locomotive est donc obligée d'utiliser la traction au diesel. Cela pose des problèmes, notamment dans les tunnels, à cause des émissions de gaz, et dans les zones urbaines où le moteur produit des nuisances sonores », poursuit celui qui a pris la direction de la société en 2014.

 

 

Expérience en milieu hostile

Avec ce système, les locomotives pourront circuler une heure, à une vitesse d'environ 10 km/h, le moteur électrique délivrant une puissance de deux fois 250 kW. Suffisant pour passer tous les types de pentes et « arracher » le train, terme utilisé pour désigner sa mise en mouvement. Quatre procédés sont utilisés pour charger la batterie : le branchement électrique à quai, le freinage, l'alternateur du moteur diesel et un groupe électrogène. « Le système est parfaitement autonome, le conducteur ne doit pas avoir à le gérer, c'est tout l'intérêt ».

 

Pour cette quasi-innovation - « à ma connaissance il y a déjà eu quelques trains hybrides, fabriqués par des géants comme Alsthom » - la « petite » entreprise de 90 salariés a pu s'appuyer sur une solide expérience dans la conversion d'énergie en milieu sévère. Déjà, en 1950, Enag fournissait une éolienne à l'explorateur français Paul-Émile Victor pour son expédition polaire au Groënland. Depuis les innovations se sont succédé dans le monde ferroviaire, maritime ou de la défense. « Nous avons réalisé la propulsion hybride des deux nouveaux patrouilleurs commandés par l'État pour la Guyane ». Au moment d'imaginer l'avenir de la batterie pour train, Henri Le Gallais avoue « ne pas avoir encore étudié le marché », mais une société suisse pourrait déjà être intéressée.

 

Histoire. Il y a un siècle, les éoliennes prenaient déjà place dans les paysages de l’Ouest.

 

« C’est le vent qui m’éclaire »

 

Déjà une éolienne. La lubie d’un bricoleur inspiré ? Pas vraiment. Au lendemain de la guerre, en 1946, Ouest-France s’intéresse aussi à cette grande roue qui tourne avec le vent, cette fois dans une exploitation agricole de Landudal (Finistère). À l’époque, l’électricité ce n’est pas aussi simple que d’appuyer sur un bouton, surtout à la campagne. Si en ville, le problème de l’électricité ne se pose pas, il devient entier dans nombre de villages éloignés des grandes routes et des lignes à basse tension​, rappelle Ouest-France.

Ici aussi, dans cette ferme sur le plateau de Ker-Deniel, une éolienne entre en action. Elle permet de faire tourner les machines agricoles comme d’éclairer les bâtiments de la ferme. On ne connaît pas les coupures de courant sur le plateau de Ker-Deniel​, résume le journal.


 

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