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23 avril 2025 3 23 /04 /avril /2025 14:42

 

Louis-Bernard Guyton de Morveau, né à Dijon en 1737, avocat au parlement de Dijon, est un scientifique reconnu. Membre de l’académie de sa ville, il est le correspondant de plusieurs célèbres chimistes européens, dont Scheele et Bergman avec lequel il partage la volonté de réformer le langage alors utilisé en chimie.

 

Le constat est simple : cette science qui a enfin réussi à s’imposer dans les académies emploie une langue à peine sortie des grimoires alchimistes. « Il n’est point de science, regrette-t-il, qui exige plus de clarté, plus de précision, & on est d’accord qu’il n’en est point dont la langue soit aussi barbare, aussi vague, aussi incohérente.» La liste de ces barbarismes est effectivement édifiante. On y rencontre de l’huile de vitriol, de la crème de chaux, du beurre d’arsenic, du foie de soufre, du safran de Mars, de la lune cornée, des éthiops, des kermès …


Depuis 1780, Guyton de Morveau est chargé de rédiger l’article « Chymie » de l’Encyclopédie méthodique de Charles-Joseph Panckouke qui fait suite à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Il a lu l’essentiel de ce qui a été publié par ses confrères européens. Cette lecture l’a conforté dans l’idée qu’un langage commun s’impose.

 

A Paris, d’autres chimistes partagent le même objectif et une autre réforme du vocabulaire est en marche : celle de Lavoisier et de ses collègues académiciens qui s’appuient sur la base théorique du principe oxygine, très différente de celle de Macquer, Bergman et Guyton de Morveau, tous partisans du phlogistique. La concurrence est sévère. Même si la théorie de Lavoisier a des partisans parmi les collègues bourguignons de Guyton de Morveau, cela ne l’empêche pas de se montrer circonspect. Pourtant, trois ans plus tard, c’est avec Lavoisier qu’il présentera la Méthode de nomenclature chimique qui bannira le phlogistique de l’univers de la chimie.


Le groupe des « chimistes français ».


Influent à l’Académie des sciences, Lavoisier (1743-1794) a su attirer autour de lui des collaborateurs efficaces et enthousiastes qui soutiennent sa théorie : Antoine-François Fourcroy (1755-1809),  Jean-Henri Hassenfratz ( 1755-1827), Pierre Auguste Adet (1763-1834). C’est ce groupe qui accueille Guyton de Morveau quand il vient à Paris en février 1787 avec son projet de nomenclature déjà bien avancé. Avec lui, ils rédigent la nouvelle Méthode de nomenclature chimique présentée à l’assemblée publique de l’Académie des sciences du 17 avril 1787.

 

Naissance de l’oxygène, de l’hydrogène et de l’azote.

 

Les nomenclateurs ont divisé les substances en cinq classes : les « principes » qui résistent à l’analyse, les radicaux des acides, les métaux, les terres, les alcalis. La première classe comprend cinq « principes ». Les deux premiers sont la lumière et le calorique (la chaleur). Étant émis ou absorbés dans les réactions chimiques, ces deux éléments sont donc considérés comme de véritables éléments chimiques. Les trois suivants sont les trois gaz que leur histoire a, jusqu’à présent, baptisés des noms d’« air déphlogistiqué », d’« air phlogistiqué » et d’« air inflammable ».

 

Quand l’air déphlogistiqué devient gaz oxygène.

 

Le nom d’« air déphlogistiqué », déclare Guyton de Morveau, reposait sur une simple hypothèse : oublions-la ! "Au mieux peut-on, dit-il, continuer à parler d’« air vital » à chaque fois « que l’on aura à indiquer simplement la portion de l’air atmosphérique qui entre tient la respiration et la combustion". Mais cette dénomination ne pouvait suffire pour un corps que non seulement on trouvait à l’état de gaz dans l’air, mais qui entrait également dans la composition de nombreux corps. « Nous avons satisfait à ces conditions en adoptant l’expression “ oxygène”, en la tirant, comme M. Lavoisier l’a dès longtemps proposé, du grec οξνς, “acide” & γειυοµαι, “j’engendre”, à cause de la propriété bien constante de ce principe, base de l’air vital, de porter un grand nombre de substances avec lesquelles il s’unit à l’état d’acide, ou plutôt parce qu’il paraît être un principe nécessaire à l’acidité »  

 

Quand le gaz inflammable devient hydrogène.

 

« Il est le seul qui produise de l’eau par sa combinaison avec l’oxygène… nous l’avons appelé hydrogène, c’est-à-dire engendrant l’eau. »

 

Quand l’air phlogistiqué devient azote.

 

« M. Berthollet a prouvé qu’il existait dans l’alcali volatil & dans les substances animales ; il est probable que les alcalis fixes le contiennent aussi : on aurait pu d’après cela le nommer alcaligène, comme M. de Fourcroy l’a proposé. »

 

Faisant remarquer que ce corps intervient également dans la composition d’acides, Guyton de Morveau considère ce nom comme inadapté. « Dans ces circonstances, nous n’avons pas cru pouvoir mieux faire que de nous arrêter à cette autre propriété de l’air phlogistiqué, qu’il manifeste si sensiblement, de ne pas entretenir la vie des animaux, d’être réellement non vital… et nous l’avons nommé azote, de l’α privatif des Grecs & de ζωή, « vie ». Il ne sera pas difficile après cela d’entendre et de retenir que l’air est un composé de gaz oxygène & de gaz azotique. »


Oxygène, hydrogène, azote… Reste le charbon qui pose un nouveau problème. Soufre, phosphore, azote, désignent des corps que l’on peut obtenir dans un état de pureté satisfaisant. Par contre, la combustion du charbon laisse des cendres. Les nomenclateurs proposent d’appeler « carbone » l’élément qui, dans le charbon, se lie à l’oxygène lors de sa combustion. Ce carbone qui, lié à l’hydrogène, sera bientôt considéré comme l’ossature de la matière vivante.

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