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19 avril 2025 6 19 /04 /avril /2025 08:42

 


Dans le creuset d'Alexandrie.

 

La ville grecque d’Égypte, créée en –331 par Alexandre le Grand, occupée par les romains avant d'être conquise par les Arabes, est un creuset où fusionnent les traditions issues de l’Égypte, de la Mésopotamie, de l'Assyrie, de la Perse, de la Grèce, voire même de l'Inde et de la Chine. Une tradition largement répandue indique que l’alchimie y aurait trouvé son origine. Le nom même de l'alchimie serait d'origine égyptienne. Le mot kemi (terre noire) aurait donné le nom de kemet par lequel les Égyptiens désignaient leur pays.

 

Alexandrie est restée célèbre pour sa bibliothèque détruite lors d’un  incendie. Principaux accusés de cette destruction, ce sont pourtant les lettrés arabes, en traduisant dans leur langue les textes rescapés, qui feront connaître ce qui avait pu être sauvé de l'héritage égyptien et grec. En particulier nombre de recettes artisanales, de modèles de la matière, de symboles astrologiques, de textes ésotériques ou religieux, qui alimenteront ce qui deviendra l'alchimie. Ce n'est donc pas un hasard si c'est à l'arabe "al kemi" ou encore "al kimiya" qu'est attribuée l'origine du terme alchimie. En Europe, il apparaît dans le latin médiéval sous la forme alchimia ou chimia.

 

Outre son nom, l'origine arabe de l'alchimie se manifeste dans notre vocabulaire contemporain par quelques mots rescapés : alcool, élixir, alcalin, soude, ammoniaque, nitre, natron… et surtout par le nom d'un instrument majeur : l'alambic. Car c'est d'abord un laboratoire que nous livre l'alchimie. Au centre : l'Athanor, le four ou règne le feu, principal agent de la séparation des différents éléments dont sont composés les corps.

 

 

Johann Rudolf Glauber (1604-1670), le "fourneau des Philosophes" et les acides.

 

 

"Description des nouveaux fourneaux philosophiques" est le titre d'un ouvrage qui figurait encore en bonne place dans la bibliothèque des chimistes du 18ème siècle. Son auteur, Johann Rudolf Glauber, est parfois décrit comme le dernier des alchimistes, ou comme le premier chimiste. Quoi qu'il en soit, son laboratoire, ses méthodes, son vocabulaire, les corps qu'il y prépare, sont clairement issus de la tradition alchimique.

 

La distillation, "l'Art distillatoire", étant l'opération essentielle de l'alchimie, le premier élément à maîtriser est le feu. Le « fourneau du philosophe », « l’Athanor », destiné à séparer les « esprits » des corps de la gangue corporelle qui les emprisonne, est donc d'une extrême importance.

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Le fourneau des philosophes. C'est en son sein que se réalise la distillation.
Glauber, La description des Fourneaux Philosophiques, 1659

 

 

De la "manière de distiller" :

 

 

La façon de distiller de ces « chymistes » mérite qu'on s'y arrête : "Premièrement il faut mettre dans le fourneau des charbons ardents, et après les couvrir d'autres, tant que le fourneau soit presque plein jusqu'au col du canon ; ce fait, ne couvre point le haut du fourneau de son couvercle… jusqu'à ce que le feu soit bien allumé, et la fournaise bien chaude, alors jette dedans une cuiller de fer de ta matière préparée autant qu'il en faut pour couvrir les charbons ; ce fait ferme bien le trou du dessus avec son couvercle… car par ce moyen toutes les choses qui seront jetées dedans, seront forcées à passer à travers du col du canon, et aller aux récipients sous forme d'une nuée épaisse, et se condenser en un esprit acide ou huile…". Ainsi parlait Glauber.

 

Le moderne chimiste remarquera que la façon de jeter le corps à "distiller" directement sur les charbons ardents, ne correspond pas exactement à l'idée qu'on se fait aujourd'hui d'une distillation. Le procédé s'apparente plutôt à celui du métallurgiste qui place son minerai au sein de la fournaise pour obtenir le métal en fusion. Nous pouvons soupçonner, aujourd'hui, que cette méthode, mettant le corps au contact du charbon ardent, avait nécessairement des incidences sur le produit obtenu et, nous le verrons, sur l'interprétation de la réaction qui était en réalité bien autre chose qu'une simple "distillation".

 

Si la "distillation" est l'art majeur des alchimistes, cette opération leur permet, en particulier, de produire des acides, autre moyen de séparer, par la "dissolution", les différents composants des corps. La découverte des "esprits acides" a donc été, pour leurs successeurs, un des apports essentiels des alchimistes.

 

 

Recette, selon Glauber, pour obtenir "l'esprit de sel".

 

 

Parmi les exemples de distillation, Glauber décrit celle du sel ordinaire, le sel marin. Elle permet d'obtenir "l'esprit de sel", notre  acide chlorhydrique, dont Glauber estime qu'il existe peu d'acides qui l'excèdent "en force et en vertu".

 

Sa recette : "Mêle du sel, et du vitriol, ou alun, ensemble, broie les bien dans un mortier, (car mieux ils sont broyés, et plus sort-il d'esprit) alors jette ce mélange sur le feu, avec une cuiller de fer, autant qu'il suffit pour couvrir les charbons, et lors avec un grand feu, les esprits sortent, et vont dans le récipient, et étant coagulés, ils descendent dans une écuelle, et après dans un autre récipient, et si tu entends bien ce travail, l'esprit descendra continuellement comme de l'eau au travers du canal, de la grosseur d'une paille, et tu pourras aisément tirer toutes les heures une livre d'esprit…"

 

Du vitriol doit donc être mêlé au sel marin. Sous le nom de vitriol on désigne divers sulfates métalliques naturels. Leur "distillation" permet d'en extraire un "esprit", l'acide vitriolique, aujourd'hui désigné comme acide sulfurique. La réaction décrite par Glauber correspond donc à l'action de l'acide sulfurique sur le chlorure de sodium qui est encore de nos jours une méthode de préparation de l'acide chlorhydrique. Glauber nous donne également la méthode pour distiller le "vitriol", afin d’en extraire l'acide vitriolique (acide sulfurique) et sa version concentrée : "l'huile de vitriol".

 

Les acides, en particulier chlorhydrique et sulfurique joueront un rôle essentiel dans la suite de ce récit.

 

 

 

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