Overblog Tous les blogs Top blogs Technologie & Science Tous les blogs Technologie & Science
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
27 septembre 2025 6 27 /09 /septembre /2025 15:14

Gérard Borvon.

 

Harry Bernas nous a offert deux ouvrages indispensables pour qui veut comprendre la génèse de l'industrie du nucléaire depuis la bombe jusqu'aux centrales: 

 

. L'Île au Bonheur. Hommes, atomes et cécité volontaire.

"Dans ce captivant récit qui entremêle souvenirs personnels et réflexions scientifiques, Harry Bernas tente de comprendre d'où vient cet aveuglement délibéré. Lucidement, mais sans aucun fatalisme, il met au jour comment, du projet Manhattan aux réacteurs GEN-IV en passant par la politique « Atomes pour la paix » d'Eisenhower, on en est venu à modifier insensiblement la finalité même de la science, dont l'objet ne consiste plus à connaître le monde, mais à la rendre perméable au pouvoir.

Ou comment Newton et Einstein ont été supplantés par Jeff Bezos et Elon Musk. Nous pensions vivre paisiblement sur l'île au Bonheur. En japonais, « île au Bonheur » se dit Fukushima". (voir)

 

. Les merveilleux nuages. Que faire du nucléaire.

"Le président Emmanuel Macron annonce un « nouveau nucléaire » pour assurer notre approvisionnement énergétique et pour réduire la production de gaz à effet de serre. Harry Bernas interroge ce projet, sans concessions [.]par son ampleur, par l'indisponibilité ou l'absence de support industriel adapté, le projet [Macron] ne parait tout simplement  pas techniquement faisable dans la contexte français actuel."(voir)

 

Dans  "L'Île au Bonheur"  Harry Bernas cite à plusieurs reprises son oncle René dont la vie, et la carrière scientifique méritent d'être connues.

 

"Après son séjour à l'université du Minnesota, mon jeune oncle René a regagné la France en 1947. il démarre des recherches au sein du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), de Création récente [.] Dans la France de l'après guerre, la renaissance de la physique est centrée sur la fission nucléaire. Rien de surprenant : la communauté de recherche nucléaire est minuscule mais soudée, le dirigeant du CEA n'est autre que Frédéric Joliot, pionnier de la fission et héros de la Résistance, doublement charismatique."

 

 

Jean Teillac, René Bernas, Frédéric Joliot, André Ligonnière, Michel Rénu sur le chantier de construction du laboratoire de physique nucléaire d’Orsay, 28 janvier 1957

 

" En mars 1950 [ Joliot] rédige l'appel de Stockholm, qui demande que les armes atomiques soient interdites, que leur utilisation soit déclarée crime de guerre et que l'utilisation de l'énergie nucléaire soit soumise à un contrôle international rigoureux. [.] mais les vents du maccarthysme soufflent désormais sur la politique et la science européenne ; la guerre froide gagne en intensité et tout appel à l'apaisement des conflits est étiqueté "rouge". Deux cent millions de  personnes, partout dans le monde signent cet appel. René et nombre de ses collègues figurent parmi les premiers : leur signature devient une arme dans les mains du gouvernement français, pressé par les Etats-Unis de débarrasser le CEA du communiste Joliot et de ses associés. L'épreuve de force a lieu un mois plus tard, lorsque Joliot déclare publiquement que les scientifiques français ne développeront jamais une bombe nucléaire.

 

Dès le lendemain matin, le 29 avril 1950, Joliot et une série d'autres scientifiques de gauche, dont René, sont licenciés et exclus de leur labo. René perd l'accès à l'équipement novateur et complexe qu'il avait dessiné et construit pour fournir à une large communauté de scientifiques des échantillons d'isotopes séparés. Du jour au lendemain, il se retrouve avec ses collègues expulsés dans les locaux exigus du vieil Institut du radium de Marie Curie, ou dans le laboratoire du cyclotron de Joliot, au sein d'une université qui ne s'est toujours pas remise de la guerre et des restrictions de Vichy."

 

 

Hommage de Hubert Reeves à René Bernas.

 

Un texte de Hubert Reeves publié dans le journal du CNRS lui rend un particulier hommage.

 

Extraits

Concernant la formation des différents éléments dans la théorie de "big-bang";

 

"pour tous les éléments chimiques lourds, du carbone jusqu’à l’uranium, une explication satisfaisante avait été trouvée. Mais aucun scénario crédible n’avait été présenté pour les isotopes légers : deutérium, hélium léger, lithium, béryllium, bore…

 

Il était notoire que la cause de ce manque était directement reliée à l’absence de données nucléaires sur les propriétés de ces noyaux. La connaissance de ces propriétés exigerait, en effet, des expériences étalées sur au moins dix ans.
 

À cette époque, fort de ces informations, j’ai entrepris une tournée des laboratoires de physique aux États-Unis, au Canada et en Union soviétique, pour plaider cette cause. La réponse était toujours la même : « Oui, ce projet nous intéresse mais nous ne pouvons pas nous impliquer dans  un processus d’expériences aussi prolongé sans risquer de perdre les subventions,  faute de résultats avant un aussi long temps ». Autrement dit : « Publish or perish ».

 

C’est alors que j’ai rencontré René Bernas, qui dirigeait un groupe de chercheurs au Laboratoire de physique nucléaire d’Orsay. Venu assister à Bruxelles à une leçon que je donnais et où j’avais développé mon plaidoyer, il m’apprit que son laboratoire avait entrepris ces expériences depuis cinq ans déjà.

 

Les résultats, obtenus dans les années suivantes grâce à des spectromètres de masse à Orsay et au CERN, ont été à la hauteur des attentes. Grâce à eux, il a été possible d’identifier l’origine de la plupart de ces isotopes légers dans le bombardement de la matière interstellaire par le rayonnement cosmique galactique.

 

Les résultats d’Orsay ont ainsi  joué un rôle fondamental dans l’établissement et la crédibilité du Big Bang, théorie confortée par l’observation du mouvement des galaxies (l’expansion de l’Univers) puis la détection du  rayonnement fossile (en 1964, par les radioastronomes Arno Penzias et Robert Wilson). Les résultats des mesures « Orsay », corrélées aux valeurs observées des populations de ces isotopes dans l’Univers, furent rapidement considérées comme des confirmations majeures de la théorie du Big Bang."

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog d'histoire des sciences
  • : Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine. La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.
  • Contact

Recherche

Pages

Liens