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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 14:45

Nous poursuivons notre chemin à la rencontre de tous ces femmes et ces hommes habités par la même obsédante question du fonctionnement du monde naturel.

Nous y avons rencontré Empédocle, le poète, le prophète. Platon, le géomètre puis Aristote et Hippocrate . Nous avons rencontré le monde des alchimistes. voici Van-Helmont leur successeur immédiat.

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Jean-Baptiste Van-Helmont (1579-1644) est né à Bruxelles, alors ville des Pays-Bas espagnols. Après des études de philosophie à l'université du duché de Brabant, il étudie l'astronomie, l'algèbre, la géométrie. Il se tourne ensuite vers la médecine dont il obtient le diplôme en 1599. Il rejette les enseignements de Hippocrate et de Galien. La vraie médecine, affirme-t-il, "ne consiste pas en des formes visibles et externes, ni en des qualités contraires et superficielles de chaud, de froid, d'humide et de sec, dont on amuse les malades aujourd'hui". Il s'inspire de la médecine pratiquée par Paracelse (1493-1541) faisant intervenir des remèdes essentiellement issus du monde minéral. La vraie médecine, écrit-il, "consiste à bien connaître les maladies, et les savoir guérir par des remèdes convenables et appropriés. Qui opèrent non parce qu'ils sont chauds ou froids, amers, acres, acides, austères, e&c... Mais par des propriétés spécifiques, cachées dans l'intérieur des pierres, minéraux, métaux, végétaux, e&t, d'où elles ne peuvent pas bien être tirées sans l'aide le la véritable chimie". 

Van Helmont, qui se disait "philosophe par le feu", occupe une part capitale, soulignée par Lavoisier, dans la naissance de la chimie académique. Pourtant c'est d'abord un adepte de la pensée alchimique. Ce qui lui vaudra, en 1634, d'être inquiété par l'Inquisition, très active dans cette possession espagnole.

L'alchimiste blasphémateur.

La raison officielle de ce procès pour "hérésie, blasphème, impiété et magie", est l'une de ses publications, "De magnetica", où il est fait mention d'un remède attribué à Paracelse, "l'onguent des armes" (unguentum armarium).

Si un homme est blessé et que l'on possède l'arme responsable, il suffira d'enduire celle-ci de cet onguent pour que le blessé, même séparé d'une très grande distance, guérisse. L'onguent n'est évidemment pas ordinaire. Pour le préparer il faut deux onces d'usnea, la mousse qui se forme sur un crâne humain exposé à l'air. Ajoutez autant de graisse humaine et de poudre de momie. Diluez par une demi-once de sang humain, de l'huile de lin, de la térébenthine. Rajoutez, pour la consistance, une once de l'argile fine appelée bol d'Arménie et qui sert à lisser le bois et les parchemins avant dorure.

Un remède préparé avec un tel raffinement ne pouvait être qu'efficace. Il n'est effectivement pas mis en doute par la majorité des praticiens du moment. Mais comment est-il supposé agir ? Van Helmont fait partie de ces partisans d'une "magie naturelle" qui, sans refuser l'existence de phénomènes étranges, cherche à les expliquer par des raisons "physiques" et non pas mystiques. Concernant l'action à distance de l'onguent armaire, elle s'expliquerait par l'existence, chez les hommes et les animaux, d'un "magnétisme animal" qui aurait son siège dans le sang. Chez l'homme cette force se serait assoupie mais elle pourrait être réactivée par la seule volonté et l'imagination et agir ainsi sur un objet ou une personne éloignés, comme la Terre le fait sur la boussole.

Extravagant ? Près de deux siècles plus tard, en plein siècle des lumières, le médecin allemand Franz-Anton Mesmer fera renaître le "magnétisme animal" et attirera la bonne société européenne autour de ses "baquets". Il faudra un rapport des académiciens français, et parmi eux Lavoisier, pour mettre à mal la pratique et constater que l'imagination peut guérir mais que "le magnétisme sans imagination ne peut rien".

Ce n'est donc pas ce type de croyance, largement partagée par la société savante de l'époque, qui pouvait mettre en alerte le tribunal de l'Inquisition. Plus inquiétante était la prétention de Van Helmont d'étendre le raisonnement aux guérisons miraculeuses, en particulier celles provoquées par les reliques. Celles-ci conserveraient des traces de leur magnétisme animal qui serait réactivé par la foi des croyants. Avec une telle explication, Dieu et les Saints agiraient suivant les lois de la Nature et y perdraient leur pouvoir surnaturel.

La citation à paraître du tribunal de l'Inquisition était sur ce point explicite, le "De Magnetica" de Van Helmont était rempli "d'une quasi-infinité d'exemples pris au domaine même de la magie diabolique qui sont présentés comme naturels […] Il recouvre tout de ténèbres à tel point que l'on ne peut distinguer l'opération de Dieu, de la nature et du diable…"

Inquiétant aussi le fait que ces alchimistes de la fin du XVème siècle dissimulaient leur doctrine sous les mots des évangiles. "N'est-ce pas un blasphème d'appliquer le mystère de notre foi a des affaires chimiques" interrogeait l'un des juges du tribunal ecclésiastique.

Etant issu d'une famille de notables, Van Helmont échappera au sort de Giordano Bruno à Rome (1600) et de Lucilio Vanini à Toulouse (1619), tous deux condamnés au bucher pour hérétisme. Il ne finira pas, non plus, sa vie, comme Galilée, dans une prison ecclésiastique.

Son tempérament "hérétique" continuera à se manifester par son refus de l'orthodoxie jusque dans ses opinions chimiques. Ce sont elles qui nous ramènent, après cette digression, au sujet principal de notre récit qui est la traque de ce corps qu'un jour nous désignerons par la formule CO2.

Les anciens se sont trompés : il n'existe qu'un seul élément !

L'ensemble des œuvres de Van Helmont a été publié en 1648 par son fils François-Mercure (1614-1698) lui-même médecin et alchimiste. Elles sont traduites en 1670 à Lyon, par Jean le Conte sous le titre "Œuvres de Jean Baptiste Van Helmont traitant des principes de médecine et de physique pour la guérison assurée des maladies". Elles se signalent par une violente opposition à la théorie des quatre éléments de Platon et Aristote qui est encore, à cette époque, à la base de toute réflexion sur la matière ainsi que le fondement de la médecine issue de Hippocrate et Galien. Les Ecoles et "leur" Aristote, tels sont les ennemis qu'il entend combattre.

"Les Anciens, dit-il, ont établi les quatre éléments pour fondement de la nature, & attribuent toutes leurs opérations aux qualités et aux complexions qui résultent de leur mélange." Mais objecte-t-il " L'honneur de dieu, ni l'exigence des hommes, ne demandaient pas qu'il y eût de la guerre, du divorce, ni du combat entre les éléments ; ni qu'ils se dussent mourir, ni transmuer les uns aux autres et encore moins se détruire violemment".

Aussi ajoute-t-il : "Comme cette doctrine a été nourrie et continuée dans les écoles de siècle en siècle, pour l'enseignement de la jeunesse au préjudice des mortels, aussi faut-il tâcher d'en réprimer l'abus afin qu'on puisse dorénavant reconnaître les erreurs qui se sont glissées par-là envers la cause des maladies."

Pour Van Helmont, ce ne sont pas quatre mais un seul élément qui génère l'ensemble des corps. Tous, animaux, végétaux et minéraux sont faits uniquement d'eau !

Tous les corps, dit-il, qu'on a cru être mixte, "de quelle nature qu'ils puissent être, opaques ou transparents, solides ou liquides, semblables ou dissemblables (comme pierre, soufre, métal, miel, cire, huile, cerveau, cartilages, bois, écorce, feuilles, etc.) sont matériellement composés de l'eau simple et peuvent être totalement réduits en eau insipide sans qu'il y reste la moindre chose du monde de terrestre".

C'était aussi l'opinion de Thalès de Milet (-625; -647) l'un des sept sages de la Grèce antique. Mais Van helmont ne se contente pas de l'affirmer, il le prouve ! Et ceci en faisant appel à l'expérience. Celle-ci présente un lien direct avec notre sujet, elle concerne la croissance des végétaux.

Van Helmont décrit (page 101) sa manière de procéder. "l'Auteur", écrit-il, "prit un grand vase de terre, auquel il mit 200 livres de terre desséchée au four qu'il humecta avec de l'eau de pluie. Puis il y planta un tronc de saule qui pesait cinq livres. Cinq années après le saule, qui avait cru en ladite terre, fut arraché et se trouva pesant de 169 livres et environ 3 onces de plus.

Le vaisseau était fort ample, enfoncé en terre, et couvert d'une lame de fer blanc étamé percé, en forme de crible, de force petits trous afin qu'il n'y ait que l'eau de pluie ou l'eau distillée seule (de laquelle la terre du vaisseau était arrosée lorsqu'il en faisait besoin) qui y puisse découler. Les feuilles ne furent point pesées parce que c'était en automne quand les feuilles tombent que l'arbre fut arraché.

Il fit derechef resécher la terre du vase et la terre ne se trouva diminuée que d'environ deux onces qui s'étaient pu perdre en vidant ou emplissant le vaisseau. Donc il y avait 164 livres de bois, d'écorce et de racines qui étaient venues de l'eau."

De même dit-il "La terre, la fange, la boue, & tout autre corps tangible tirent leur véritable matière de l'eau et retournent en eau tant naturellement que par art".

D'autres observations confortent cette opinion. Les alchimistes, dans leur quête de la Pierre Philosophale et de l'Elixir de longue vie, ont découvert et utilisé les solvants radicaux que sont les acides : l'acide chlorhydrique ou esprit de sel, l'acide sulfurique ou huile de vitriol, l'acide nitrique ou eau forte et enfin "l'eau régale", mélange d'acide sulfurique et d'acide nitrique, capable de dissoudre le métal royal qui résiste aux autres acides : l'or. L'Alkaest, l'acide mythique de Paracelse serait même capable de dissoudre tous les corps. Les pierres, les cailloux, nous dit Von Helmont, "sont convertis en sels par l'Alkaest de Paracelse et finalement réduits en eau élémentaire et insipide. Ce que les Ecoles n'ont pas pu apprendre à cause du mépris qu'elles ont fait de la chimie."

Dans ces premiers temps de la chimie, il n'était pas choquant de voir la dissolution des minéraux et des métaux par les acides interprétée comme un retour à l'état d'eau. A ce sujet il faut remarquer que l'eau de Van Helmont n'est pas ce liquide incolore, inodore et sans saveur que nous connaissons. Voulant expliquer la formation de vapeurs, il précise que pour bien comprendre le processus "il est nécessaire de supposer au corps de l'eau trois principes qui sont le sel, le soufre et le mercure, quoi qu'ils ne soient qu'imaginairement". Son eau sent trop le soufre alchimique pour convaincre les doctes dépositaires des enseignements d'Aristote. Les seuls tolérés par les autorités ecclésiastiques.

Les "écoles" et la doctrine des quatre éléments ont donc survécu à Van Helmont. Cependant sa théorie n'a pas été oubliée. C'est ainsi que, sans aller jusqu'à considérer que tous les corps sont issus de l'eau, l'idée que l'eau pouvait se transformer en terre avait conservé un crédit suffisant pour que, plus de deux siècles plus tard, Lavoisier se sente obligé de prouver le contraire.

Lavoisier et la contestation de la transmutation de l'eau en terre.

"La question de la transmutabilité des éléments les uns dans les autres, et particulièrement celle du changement de l’eau en terre, est trop intéressante pour la physique, elle a été agitée par un trop grand nombre d’auteurs célèbres, pour que je puisse me dispenser, avant d’entrer dans le détail des expériences dont j’ai à rendre compte, de placer ici un abrégé des découvertes successives qui ont été faites en ce genre", écrit-il en introduction à un "Mémoire sur la Nature de l'eau et sur les expériences par lesquelles on a prétendu prouver la possibilité de son changement en terre" publié par l'Académie des sciences en 1770.

 

Le premier auteur qu'il juge nécessaire de citer est Jean-Baptiste van Helmont dont il reconnait qu'il a été le premier à réaliser des "expériences remarquables" sur la végétation. Il rappelle l'expérience du saule, uniquement arrosé par de l'eau de pluie et de l'eau distillée et dont la masse avait augmenté de 164 livres en cinq ans. Il énumère ensuite la longue liste d'expériences analogues. Celles de l'Irlandais Robert Boyle (1627-1691) qui, par la même méthode, avait fait croître des courges et des concombres ou encore des menthes qui, malgré ce traitement, étaient "aussi parfumées que celles qui avaient été nourries en pleine terre". Dans les mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, on peut même lire qu'un auteur "a semé de l'avoine et du chènevis dans du sable desséché, dans des morceaux de papier déchirés, dans des pièces d'étoffe de laine, dans du foin haché" et que n'ayant humecté ces semences qu'avec de l'eau pure "il a remarqué qu'elles avaient végété aussi promptement, et à peu près aussi heureusement, que celles qui avaient été semées en pleine terre". L'observation ne nous étonnera pas quand on sait que beaucoup des fraises, tomates et autres fruits et légumes qui alimentent aujourd'hui nos marchés sont produits "hors-sol" sur de la laine de roche ou autre support préalablement stérilisé.

 

Lavoisier accepte l'évidence. Les faits observés par des observateurs aussi célèbres sont si constants et si multipliés, qu'on "serait peut-être en droit de conclure", écrit-il, "que la terre qui environne les plantes n'est qu'accidentelle à la végétation, qu'elle ne passe pas dans les filières des végétaux, en un mot, qu'elle ne concourt pas par sa propre substance à l'accroissement des plantes et à la formation de leur partie solide".

 

C'est, clairement exposée par Lavoisier, une des contributions majeures de Van Helmont à la compréhension de la végétation : ce n'est pas de la terre que les plantes tirent leur matière.

 

Cette conclusion rompt avec le sens commun. Pour le laboureur, c'est bien la terre, enrichie de fumier, qui est la nourriture du blé qu'il a semé. Van Helmont prouve le contraire et il faudra attendre le milieu du 19ème siècle pour que l'Allemand Justus von Liebig démontre que, s'il est vrai que la terre a, pour les plantes, essentiellement un rôle de support, elle leur apporte aussi les sels minéraux solubles qui s'y trouvent et qui, même en faible quantité, sont nécessaires à leur croissance. Dans le même temps les biologistes découvrent que la terre est le milieu de vie d'une multitude d'insectes, de vers, de micro-organismes qui sont les intermédiaires indispensables à la croissance des plantes.

Lavoisier qui reconnaît la justesse de l'observation de Van Helmont n'accepte cependant pas l'idée "que l'eau se transforme véritablement en terre par l'opération de la végétation", car, dit-il, cela "répugne même à l'idée qu'on a coutume de se former de l'eau, et, en général de tous les éléments".

 

Il lui faudra encore quelques années pour établir la véritable composition de l'eau, en attendant il souhaite prouver que l'eau ne peut se transformer en terre.

 

D'autres auteurs ont voulu prouver le contraire. Lavoisier cite Robert Boyle qui ayant distillé la même eau 200 fois dans un alambic de verre aurait obtenu "6 dragmes de terre blanche, légère, insipide et indissoluble dans l'eau" à partir de 1 once d'eau, ce qui amenait l'auteur britannique à considérer que l'eau pouvait se transformer en terre.

 

Plutôt que de refaire, comme Boyle, une multitude de distillations, Lavoisier imagine une méthode bien plus commode. C'est, dit-il "en me servant du Pélican des alchimistes". Cet alambic a la particularité d'avoir un col dont l'extrémité s'ouvre dans le corps même de l'appareil, à l'image de l'oiseau mythique qui va chercher dans ses entrailles la nourriture de ses oisillons. Les alchimistes s'en servaient pour de longues "digestions".

 

 

Pélican : les deux branches (D) du chapiteau (B) retourne dans le ventre de la cucurbite (A).

Macquer, Eléments de Chimie Théorique, 1749.

 

Lavoisier, méticuleux, annonce qu'il a commencé cette expérience le 24 octobre 1768. Le chauffage est maintenu pendant plus de 25 jours et Lavoisier dit avoir commencé à désespérer quand, le 20 décembre il aperçoit dans le liquide une quantité importante de "petits corps flottants" qui, en utilisant une loupe apparaissaient comme des lames de terre grisâtre.

 

L'expérience est menée jusqu'au premier février. Lavoisier dispose de balances de grande précision qui lui permettent de constater que le poids de l'ensemble n'a pas varié. Avec un luxe de précautions, il pèse séparément l'eau, le dépôt terreux et le pélican pour observer que le poids de l'eau n'a pas varié. Par contre le poids du pélican a diminué de l'exact poids de la "terre" recueillie.

 

Conclusion : "la terre que MM. Boyle, Eller et Margraff ont retirée de l'eau n'était autre chose que du verre rapproché par évaporation ; de sorte que les expériences dont ces physiciens se sont appuyés, loin de prouver la possibilité du changement d'eau en terre, conduiraient plutôt à penser qu'elle est inaltérable".

 

En quittant Van Helmont et Lavoisier nous savons que c'est l'eau et non la terre qui fait croître les plantes.

 

L'eau seule ? Quand les plantes meurent elles se transforment en une sorte de terre, un terreau. La question reste donc posée : d'où vient la matière qui constitue ce terreau. Car Lavoisier l'a prouvé, ce n'est pas l'eau absorbée par les plantes qui s'est transformée en terre.

 

Nous découvrirons, dans les chapitres à venir, la façon dont chimistes et biologistes ont compris le rôle conjugué de l'eau et de l'air (du moins d'un gaz qui y est présent) dans la croissance des plantes. Van Helmont sera, à nouveau, de ceux qui les mettront sur la voie et ceci par une série d'observations dont Lavoisier, lui-même, reconnaîtra l'importance.

 

Le "gas silvestre", la vraie découverte de Van Helmont.

 

Dans le premier chapitre de ses Opuscules physiques et chimiques datés de 1774, Lavoisier traite "Du fluide élastique désigné sous le nom de spiritus silvestre jusqu'à Paracelse et sous le nom de gas par Van Helmont".

 

Van Helmont observe que tous les corps ne se transforment pas immédiatement en eau. L'exemple le plus remarquable est celui du charbon dont il affirme que, pendant sa combustion, il libère un "esprit sauvage nommé gas". Cet esprit constituerait d'ailleurs l'essentiel du charbon, car, dit-il "soixante deux livres de charbons consumés ne laissent guère plus d'une livre de cendres. Donc les soixante livres de surplus ne seront qu'esprit". (p 99 )

 

Lavoisier relève que ce mot "gas" vient du mot hollandais ghoast qui signifie esprit. Il ajoute que les Anglais "expriment la même idée par le mot ghost et les Allemands par le mot geist".

 

Ce gas silvestre, cet esprit sauvage, Van Helmont le retrouve dans une multitude d'observations. Il se dégage dans les fermentations du vin, de l'hydromel, du pain qui lève. Il s'échappe de la poudre à canon qui s'enflamme.

 

Hélas ce "gas" fait une entrée peu chaleureuse dans l'univers chimique. C'est à lui que Van Helmont attribue, avec justesse, les effets funestes de la grotte du chien dans la région de Naples, les suffocations des ouvriers dans les mines ou des vignerons dans les celliers où le vin fermente.

 

On est étonné, dit Lavoisier, de trouver chez Van Helmont "une infinité de vérités qu'on a coutume de regarder comme plus modernes et on ne peut s'empêcher de reconnaître que Van Helmont avait dit dès lors tout ce que nous savons de mieux sur cette matière". C'est un sentiment qu'une lectrice ou un lecteur, relisant, encore aujourd'hui, les écrits de Van Helmont, ne pourraient que partager.

 

Hommage rendu à Van Helmont : l'adoption du mot gaz.

 

Dans le premier chapitre de son Traité élémentaire de chimie publié en 1789 Lavoisier expose sa conception des trois états de la matière : "presque tous les corps de la Nature sont susceptibles d'exister sous trois états différents ; dans l'état de solidité, dans l'état de liquidité et dans l'état aériforme […] Je désignerai dorénavant ces fluides aériformes sous le nom générique de gaz"

 

Le mot gaz, exotique pour les oreilles françaises des contemporains de Lavoisier, exprimera donc ce troisième état de la matière jusqu'alors défini d'une façon ambiguë par le terme de "aériforme". Il fait, à présent, tellement partie de notre vocabulaire quotidien qu'il est difficile d'imaginer qu'il n'était utilisé, il y a deux siècles, que par quelques chimistes novateurs.

 

Soulignons le encore, avant de le quitter : Van Helmont est une étape importante dans la compréhension du mécanisme de la végétation. Il y montre le rôle fondamental de l'eau et le peu d'intervention de la terre. Surtout, il met en évidence cette émanation qui est la première à laquelle est donnée le nom de gas et qui, nous le verrons, sera reconnu comme un gaz d'importance vitale : le dioxyde de carbone, CO2..

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