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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 10:02

Dans les mémoires de l’académie des sciences pour l’année 1719, on trouve, à la page 21, la relation d’un coup de tonnerre dont la mémoire ne s’est pas perdue entre Brest et Landerneau.

 

Plus tard, ce sera encore un physicien landernéen qui sera l’observateur de la première expérience de paratonnerre menée à Marly dans la région parisienne.


 

Un coup de tonnerre historique.

 

L’auteur du premier article est André-François Boureau Deslandes (1690-1757).

 

Né à Pondichéry en 1690, il vient en France à l’âge de 13 ans. En octobre 1708 il est nommé contrôleur de la marine à Brest puis commissaire de la marine en 1716.

 

Il est souvent qualifié de "philosophe mondain". En témoignent plusieurs des titres des nombreux ouvrages qu’il publie : L’apothéose de beau sexe, Réflexions des Grands Hommes qui sont morts en plaisantant, L’Art de ne point s’ennuyer...

 

Nous retiendrons ici le scientifique, reçu élève géomètre à l’Académie des sciences en février 1712, membre de l’Académie des sciences de Berlin et auteur de plusieurs ouvrages scientifiques, en particulier sur la marine.

 

Malgré une oeuvre considérable, c’est le plus souvent par sa modique contribution à l’observation du tonnerre, qu’il se retrouve dans différentes études.

 

La foudre a toujours terrorisé ou fasciné. Dans les religions antiques elle est le symbole de la puissance des dieux et l’instrument effrayant de leur justice. La tradition se maintient dans les cultes plus récents. Au siècle des lumières encore, on se préserve de la foudre en faisant sonner les cloches aux clochers des églises.

 

En témoigne la relation du coup de tonnerre qui frappe le Nord-Finistère en ce début de 18ème siècle.

 

Nous sommes en avril de l’année 1718. A.F Boureau Deslandes est alors à Brest. Après plusieurs jours de pluie et d’orage, un coup de tonnerre extraordinaire ébranle toute la région. Il en rend compte à l’Académie des sciences qui publie un résumé de sa lettre.

 

"...enfin vint cette nuit du 14 au 15 qui se passa presque toute en éclairs très vifs, très fréquents et presque sans intervalle. Des matelots qui étaient partis de Landerneau dans une petite barque, éblouis par ces feux continuels, et ne pouvant plus gouverner, se laissèrent aller au hasard sur un point de la côte, qui par bonheur se trouva saine. A quatre heures du matin, il fit trois coups de tonnerre si horribles que les plus hardis frémirent.

 

Environ à cette même heure, et dans l’espace de côte qui s’étend depuis Landerneau jusqu’à Saint Paul de Léon, le tonnerre tomba sur 24 églises et précisément sur des églises où on sonnait pour l’écarter. Des églises voisines où on ne sonnait point furent épargnées.

 

Le peuple s’en prenait à ce que ce jour là était celui du Vendredi Saint où il n’est pas permis de sonner. Mr Deslandes en conclut que les cloches qui peuvent écarter un tonnerre éloigné, facilitent la chute de celui qui est proche, et à peu près vertical, parce que l’ébranlement qu’elles communiquent à l’air dispose la nue à s’ouvrir.

 

Il eut la curiosité d’aller à Gouesnou, village à une lieue et demie de Brest, dont l’église avait été entièrement détruite par ce même tonnerre. On avait vu trois globes de feu de trois pieds et demi de diamètre chacun, qui s’étant réunis avaient pris leur route vers l’église d’un cours très rapide. Ce gros tourbillon de flamme la perça à deux pieds au-dessus du rez de chaussée, sans casser les vitres d’une grande fenêtre peu éloignée, tua dans l’instant deux personnes de quatre qui sonnaient, et fit sauter les murailles et le toit de l’église comme aurait fait une mine, de sorte que les pierres étaient semées confusément alentour, quelques-unes lancées à 26 toises, d’autres enfoncées en terre de plus de deux pieds.

 

Des deux hommes qui sonnaient dans ce moment là, et qui ne furent pas tués sur le champ, il en restait un que Monsieur Deslandes vit. Il avait encore l’air tout égaré, et ne pouvait parler sans frémir de tout son corps. On l’avait retrouvé plus de quatre heures après enseveli sous les ruines et sans connaissance. Mr Deslandes n’en put tirer autre chose sinon qu’il avait vu tout d’un coup l’église toute en feu et qu’elle tomba en même temps. Son compagnon de fortune avait survécu 7 jours à l’accident, sans avoir aucune contusion, et sans se plaindre d’aucun mal que d’une soif ardente qu’il ne pouvait éteindre."

 

Chacun se fait de la Foudre une image adaptée à sa culture. L’homme du peuple ne peut douter qu’il s’agisse d’une manifestation divine. Le lettré imagine une accumulation dans les nuages de matières inflammables. On notera, cependant, que l’utilité de sonner les cloches, malgré la preuve évidente du danger, n’est absolument pas mise en doute. Ni par la population qui explique l’échec par le sacrilège commis un Vendredi Saint. Ni par le "savant" qui continue à considérer qu’un tonnerre éloigné aurait été écarté par les cloches.

 

Jusqu’à la fin du siècle, malgré les vigoureuses campagnes des autorités et l’interdiction régulièrement rappelée de sonner les cloches les jours d’orage, la pratique se poursuivra accompagnée de son cortège d’accidents.

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Guillaume Mazéas, un électricien landernéen au siècle de Franklin.

 

Une trentaine d’années s’est écoulée et le tonnerre attend encore son explication. A Paris un opuscule traduit de l’anglais rend compte d’expériences réalisées par un inconnu habitant les colonies d’Amérique. Pour la, première fois, le nom de Franklin est prononcé dans le milieu des savants européens.

 

Le texte tombe entre les mains du naturaliste Buffon qui demande au physicien Dalibard, membre de l’Académie des Sciences, d’en reprendre la traduction un peu bâclée et qui les publie.

 

L’introduction révèle à elle seule un talent "médiatique" chez les rédacteurs :

 

"Un Quaker confiné dans un coin de l’Amérique, vient de démontrer à tous les savants de notre hémisphère que les phénomènes les plus beaux et les plus frappants de l’électricité leur avaient échappé et qu’ils étaient bien éloignés d’avoir assez d’observations pour hasarder des systèmes. Il est surprenant qu’une matière tant de fois rebattue paraisse presque neuve entre ses mains. M. Franklin ne se contente pas de publier des expériences et des observations détachées ; il donne en même temps des vues si grandes et si étendues qu’elles nous font espérer de parvenir un jour à dévoiler un mystère qui importe plus à notre utilité qu’on ne se l’imagine ordinairement". (le Journal des Savants - mai 1752).

 

Ces deux savants ont alors l’idée d’une excellente campagne publicitaire. Ils chargent l’un de leurs amis, M. Delor, qui exploite un "cabinet de physique" place de l’Estrapade à Paris, d’organiser des séances publiques (et payantes) au cours desquelles sont présentées les fameuses "Expériences de Philadelphie".

 

Le succès est foudroyant : on les répète dans les cabinets particuliers, on s’arrache le livret de Franklin. Paris et la France entière découvrent subitement des merveilles jusqu’alors confinées dans les salons de la noblesse et de la riche bourgeoisie. Franklin apparaît comme le seul inventeur de toute la science électrique.

 

Le roi lui-même souhaite voir ces merveilles et bientôt la haute société parisienne se presse à St-Germain dans la maison de campagne que Monsieur le Duc d’Ayen a mise à la disposition de M. Delor pour sa présentation. Sa Majesté applaudit, c’est un triomphe.

 

Le succès rend hardi, la décision est prise de tenter le diable et, pour la première fois, de capter la foudre !

 

Un coup de tonnerre dans le ciel parisien.

 

On trouve rarement dans les délibérations de l’Académie Royale des Sciences, un compte-rendu aussi vivant et aussi enthousiaste que celui lu le 13 mai 1752. M. Dalibard, le metteur en scène de l’expérience, y décrit l’évènement survenu trois jours plus tôt à Marly-la-ville. Dans un lieu écarté de cette commune, une longue tige a été dressée, conformément aux indications de Franklin. Elle est isolée du sol et terminée par une pointe de fer d’où descend un fil de laiton...

 

"Le mercredi 10 mai 1752, entre deux et trois heures de l’après-midi, le nommé Coiffier, ancien dragon, que j’avais chargé de faire les observations en mon absence, ayant entendu un coup de tonnerre assez fort, vole aussitôt à la machine, prend la fiole (une bouteille de Leyde qu’il souhaite charger) avec le fil d’archal, présente le tenon du fil à la verge, en voit sortir une petite étincelle brillante, et en entend le pétillement ; il tire une étincelle plus forte que la première et avec plus de bruit ! Il appelle ses voisins et envoie chercher M. le prieur.

 

Celui-ci accourt de toutes ses forces ; les paroissiens voyant la précipitation de leur curé, s’imaginent que le pauvre Coiffier a été tué du tonnerre ; l’alarme se répand dans le village : la grêle qui survient n’empêche pas le troupeau de suivre son pasteur. Cet honnête ecclésiastique arrive près de la machine, et voyant qu’il n’y avait point de danger, met lui-même la main à l’œuvre et tire de fortes étincelles.

 

La nuée d’orage et de grêle ne fut qu’une demi-heure à passer au zénith de notre machine, et l’on n’entendit que ce seul coup de tonnerre. Sitôt que le nuage fût passé et qu’on ne tira plus d’étincelles de la verge de fer, M. le prieur de Marly fit partir le sieur Coiffier lui-même, pour m’apporter la lettre suivante, qu’il m’écrivit à la hâte..."

 

Le récit du prieur laisse planer un doute, n’y aurait-t-il pas quelque chose de diabolique là-dessous ?

 

"En revenant de chez Coiffier j’ai rencontré Monsieur le Vicaire, Monsieur de Millet et le maître d’école, à qui j’ai rapporté ce qui venait d’arriver : ils se sont plaints tous les trois qu’ils sentaient une odeur de soufre qui les frappait davantage à mesure qu’ils approchaient de moi : j’ai rapporté chez moi la même odeur, et mes domestiques s’en sont aperçus sans que je leur ait rien dit.".


Expérience de Marly

(Les Merveilles de la Science)


Une semaine plus tard M. Delor reprend cette expérience à Paris.

Parmi les assistants se trouve un jeune physicien, Guillaume Mazéas, originaire de Landerneau en Bretagne. Bibliothécaire de la Maison de Noailles, il s’occupe en particulier des collections scientifiques que le duc de Noailles et son fils le duc d’Ayen entretiennent.

 

Il se trouve, également, être le correspondant de Stephen Hales célèbre scientifique britannique et membre actif de la Société Royale de Londres. G. Mazéas perçoit immédiatement l’importance de l’évènement et en informe sans tarder la respectable société anglaise :

 

"Cette expérience nous fait conjecturer qu’une barre de fer placée sur un endroit élevé, et posée sur un corps électrique pourrait attirer l’orage et dépouiller le nuage de toute la foudre qu’il contient ; je ne doute pas que la Société Royale ne charge quelques-uns de ses membres de bien vérifier ces expériences et de pousser cette analogie encore plus loin..."


Lettre de Guillaume Mazéas à Stephen Hales.

Voir ses lettres traduites en anglais dans : Philosophical transactions, giving some accompt of the ..., Volumes 47-1752


 

A Paris la fièvre expérimentale ne s’est pas apaisée. On attend les orages avec impatience pour expérimenter des dispositifs nouveaux.

Dans une lettre du 14 juin, Guillaume Mazéas décrit celui qui a été utilisé une semaine plus tôt : une perche de bois de trente pieds (environ dix mètres) de hauteur est dressée. A l’extrémité de la tige, un tube de verre isolant est suivi d’un long tuyau de fer blanc qui supporte une pointe de fer d’environ 6 pieds (deux mètres). De la pointe de fer part un fil de laiton qui descend jusque dans l’intérieur de la maison.

Les assistants peuvent alors commodément approcher les mains ou tout autre objet de l’extrémité du fil. Avec un tel dispositif, on ne s’étonne pas de sentir une certaine inquiétude parmi les spectateurs :

 

"Dès les premiers coups de tonnerre, nous sentîmes les commotions de la matière électrique ; on tira des étincelles et il y eut des temps où les commotions étaient si fortes qu’elles étaient accompagnées d’une douleur très vive ; je suis même persuadé que si le tuyau de fer blanc avait eu le triple ou le quadruple de surface on n’aurait point impunément touché la barre de fer... La crainte qui s’empara de plusieurs dames qui étaient présentes empêcha de continuer et on fut même obligé d’ôter la barre et tout l’appareil"

 

L’imprudence de ces premiers expérimentateurs est sans bornes. Guillaume Mazéas est l’un des plus intrépides. Le 29 juin, il adresse un nouveau courrier à Londres. Un orage a éclaté le 26, une perche a été dressée :

 

"Le fil d’archal qui pendait à l’extrémité de cette perche entrait dans ma chambre et de là dans un corridor de 30 pieds de long ; le magasin de l’électricité était dans ma chambre, et le fil de fer venait encore s’y rendre après plusieurs détours. J’avais tellement disposé ce fil, que sans quitter mon lit si l’orage arrivait la nuit, ou sans quitter mon travail, s’il arrivait le jour, je pouvais observer tout ce que je m’étais proposé.".

 

Et Guillaume Mazéas d’imaginer toutes sortes d’expériences, y compris de tuer des animaux en utilisant la foudre captée et tout cela "sans sortir de sa chambre et même étant au lit".

 

Deux lettres encore : le 12 juillet de Saint-Germain-en-Laye, le 29 août de Paris. Celle-ci, sera la dernière de la saison : "Comme l’année commence à tendre vers sa fin, je crois que ces observations seront les dernières pour 1752, époque qui sera toujours bien célèbre pour les amateurs de l’électricité".


Guillaume Mazéas : montage pour étudier la foudre "même la nuit étant au lit"

(Abbé Nollet, Lettres sur l’électricité, Paris, Guérin frères, 1753)


 

Ce sont en tout cinq lettres qui seront ainsi adressées par Guillaume Mazéas à la Royal Society. Celle-ci ne restera pas, cette fois, indifférente. La première lettre du 20 mai sera lue en séance publique dès le 28 mai, les suivantes lors de la séance du 23 novembre. Publiées, elles constitueront la relation quasi officielle des évènements survenus en France. Dans le même numéro des "Philosophical Transactions" on trouvera, sur le même sujet, une lettre de l’abbé Nollet qui n’aura pas su devancer son jeune collègue ainsi que le compte rendu de la même expérience faite à Berlin. Enfin, une lettre de Franklin lui-même, décrivant le fameux cerf-volant souvent présenté comme le premier paratonnerre.

 

"De Philadelphie, le 19 octobre 1752.

Comme il est souvent fait mention dans les nouvelles publiques d’Europe du succès de l’expérience de Philadelphie, pour tirer le feu électrique des nuages par le moyen de verges de fer pointues élevées sur le haut des bâtiments, etc... les curieux ne seront peut-être pas fâchés d’apprendre que la même expérience a réussi à Philadelphie, quoique faite d’une manière différente et plus facile, voici comment.

 

Faites une petite croix de deux minces attelles de sapin, ayant les bras de longueur suffisante pour atteindre aux quatre coins d’un grand mouchoir de soie bien tendu, liez les coins de ce mouchoir aux extrémités de la croix : cela vous fait le corps d’un cerf-volant, en y adaptant une queue, une bride et une ficelle il s’élèvera en l’air comme ceux qui sont faits de papier ; mais celui-ci étant de soie, est plus propre à résister au vent et à la pluie d’un orage, sans se déchirer. Il faut attacher au sommet du montant de la croix un fil d’archal très pointu qui s’élève d’un pied au moins au-dessus du bois.

Au bout de la ficelle, près de la main, il faut nouer un cordon ou un ruban de soie et attacher une clef à l’endroit où la ficelle et la soie se rejoignent.


Expérience de Franklin

(Les Merveilles de la Science)


 

Il faut élever ce cerf-volant lorsqu’on est menacé de tonnerre, et la personne qui tient la corde doit être en dedans d’une porte ou d’une fenêtre, ou sous quelque abri, en sorte que le ruban ne puisse pas être mouillé, et l’on prendra garde que la ficelle ne touche pas les bords de la porte ou de la fenêtre. Aussitôt que quelques parties de la nuée orageuse viendront à passer sur le cerf-volant, le fil d’archal pointu en tirera le feu électrique, et le cerf-volant avec la ficelle sera électrisé ; les filandres lâches de la ficelle se dresseront en dehors de tous côtés et seront attirés par l’approche du doigt. Et quand la pluie aura mouillé le cerf-volant et la ficelle, de façon qu’ils puissent conduire librement le feu électrique, vous trouverez qu’il s’élancera en abondance de la clef à l’approche de votre doigt. On peut charger la bouteille à cette clef, enflammer les liqueurs spiritueuses avec le feu ainsi ramassé, et faire toutes les autres expériences électriques qu’on fait ordinairement avec le secours d’un globe, ou d’un tube de verre frotté. Et par ce moyen l’identité de la matière électrique avec celle de la foudre est complètement démontrée."

 

La lettre de Mazéas voisine ce texte dans les œuvres complètes de Franklin, hommage rendu à celui qui, le premier, avait su faire connaître sa découverte.


 

Pour aller plus loin on peut lire :

 

 

Émanation, fluide, particule, onde… quelle est l’identité de cette chose insaisissable mais bien présente dont la quête remonte à vingt-cinq siècles et dont la réalité nous échappe dès qu’on pense l’avoir cernée ?

 

Au fil d’un récit imagé – celui d’une succession de phénomènes généralement discrets qui, sous le regard d’observateurs avertis, débouchèrent sur des applications spectaculaires – nous croiserons des dizaines de savants, d’inventeurs et de chercheurs dont les noms nous sont déjà familiers : d’Ampère à Watt et de Thalès de Milet à Pierre et Marie Curie, ce sont aussi Volta et Hertz, Ohm et Joule, Franklin et Bell, Galvani et Siemens ou Edison et Marconi qui, entre autres, viennent peupler cette aventure.

 

On y verra l’ambre conduire au paratonnerre, les contractions d’une cuisse de grenouille déboucher sur la pile électrique, l’action d’un courant sur une boussole annoncer : le téléphone, les ondes hertziennes et les moteurs électriques, ou encore la lumière emplissant un tube à vide produire le rayonnement cathodique. Bien entendu, les rayons X et la radioactivité sont aussi de la partie.

 

De découvertes heureuses en expériences dramatiques, l’électricité reste une force naturelle qui n’a pas fini de susciter des recherches et de soulever des passions.



La découverte du paratonnerre illustrée par le landernéen Yannn Dargent.

Jean-Édouard dit Yann Dargent est né en 1824, il est le fils de Clémentine Robée et de Claude Dargent, une famille de tanneurs. Il n’a que deux ans quand sa mère décède, son père déménage à Landerneau où il ne tarde pas à se remarier, l’enfant est élevé par ses grands-parents. Il est scolarisé à Saint-Pol-de-Léon avant de rejoindre son père à Landerneau. L’un de ses amis d’enfance est le poète et folkloriste François-Marie Luzel.

 

À 16 ans, en 1840, il entre à la Compagnie de l’Ouest qui doit construire la ligne de chemins de fer entre Morlaix et Brest, il est chargé de faire des relevés topographiques. Ses dons pour le dessin le font gravir les échelons de la hiérarchie, et il occupe le poste d’ingénieur. Il fait la connaissance d’un professeur de dessin à Troyes, M. Schitz, qui l’engage à développer ses talents. Considéré comme autodidacte, il n’a jamais fait partie d’une « École » comme Sérusier et tant d’autres, ce qui a pu nuire à sa carrière.

 

En 1850, il est pressenti par la Compagnie de l’Ouest pour la réalisation d’un chantier en Espagne, il préfère donner sa démission et tenter de vivre de sa peinture en déménageant à Paris. Cette même année, sa compagne Aimée Crignou donne naissance à un fils, Ernest.

Durant les années 1850, il poursuit sa production artistique et expose tous les ans au Salon de Paris, sans que son talent soit reconnu.

 

Il lui faut attendre 1861 pour que Théophile Gautier apprécie Les Lavandières de la nuit (aujourd’hui au musée des beaux-arts de Quimper) et en fasse un article élogieux. Sa renommée est faite.

 

Parallèlement à sa carrière de peintre, il s’adonne, comme son ami Gustave Doré, à l’illustration de livres (au total environ 200), ce qui lui procure une rémunération plus régulière que la vente de toiles. Il travaille aussi pour des revues telles que le Musée des familles ou La France illustrée.

 

Son talent d’illustrateur est reconnu par Louis Figuier, vulgarisateur scientifique, qui lui confie de nombreuses planches de son œuvre majeure : "Les Merveilles de la science". Les dessins de Yann Dargent sont facilement remarqués parmi ceux des autres illustrateurs de l’ouvrage. Les personnages y sont mis en scène d’une façon dynamique qui annonce la bande dessinée.

 

Il meurt le 19 novembre 1899 à Paris. Un musée lui est consacré dans sa ville natale de Saint-Servais.

 

Nous présentons ici quelques unes de ses planches illustrant la découverte du paratonnerre.

mort du physicien Richman

manifestation contre le paratonnerre

mode paratonnerre

 

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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 15:53

Les expositions internationales constituent ces grands rendez-vous du 19ème siècle entre les états du monde "développé". Chacun y expose sa puissance technique et économique dans une rivalité qui s’affirme vouloir n’être que "pacifique".


L’électricité y prend naturellement toute sa place. C’est le cas à Londres en 1862, à Paris en 1867 et 1878, à Vienne en 1875 et à Philadelphie en 1876. Mais l’exposition de 1881, à Paris, est une innovation.

 

Initiée par Adolphe Cochery (1819-1900), ministre des Postes et Télégraphes, c’est la première fois qu’une exposition internationale est entièrement consacrée à l’électricité et à ses applications. Cette rencontre prendra une importance particulière avec l’organisation, pendant l’exposition, du premier congrès international des électriciens.


Vue d’ensemble de l’Exposition Internationale d’Electricité.1881 (La Nature, 1881, deuxième trimestre)


750 000 personnes visiteront l’exposition entre le 11 août et le 20 novembre. Dès l’entrée dans le Palais des Champs-Élysées le spectacle est grandiose. Au milieu du rez-de-chaussée, un phare électrique, modèle de ceux qui doivent être installés sur les côtes, éclaire la salle de ses feux tournants de différentes couleurs. Ce phare symbolise à lui seul deux des grandes affaires de cette exposition : l’éclairage et l’utilisation des génératrices électriques de forte puissance.

 

Proposons nous un tour de l’exposition en visitant successivement ses principaux centres d’intérêt :

 

-  La communication par signaux électriques
 

-  Les piles et accumulateurs électriques
 

-  L’éclairage électrique
 

-  La production d’électricité par les génératrices
 

-  Les moteurs électriques

 


http://cnum.cnam.fr/CGI/fpage.cgi?4KY28.17/165/100/432/8/420


Télégraphe et téléphone :

 

Le télégraphe occupe nécessairement une place importante dans cette exposition. C’est en 1838 que Samuel Morse a fait breveter, en même temps que son alphabet, l’emploi des électro-aimants associés à un système de levier émetteur et de récepteur enregistreur. L’interruption du courant dans le circuit émetteur, alimenté par une source de tension continue, produit un courant induit de rupture dans la bobine émettrice. Ce courant, à son tour, actionne un électroaimant récepteur et le levier inscripteur qui lui est associé.

 

Depuis cette date le télégraphe a déjà fait le tour du monde et il s’est amélioré. Le télégraphe à cadran en usage dans les chemins de fer se lit sur des cadrans portant les lettres de l’alphabet. Le télégraphe imprimeur de Hughes utilise un clavier du type de celui de nos actuelles machines à écrire. Le système Wheatstone utilise des bandes perforées. Le système Baudot est un concentré d’ingéniosité. Il permet d’expédier, ensemble, plusieurs signaux qui, de plus, sont imprimés à l’arrivée. Avec le procédé duplex d’Edison les messages peuvent se croiser sur la même ligne.


Station télégraphique utilisant le télégraphe Baudot. Paris 1881.


Mais l’attraction vedette de l’exposition est le téléphone.

 

L’appareil avait déjà été présenté en 1876 à l’exposition de Philadelphie. Tel que décrit par Louis Figuier il est d’une extrême simplicité :

 

"Le téléphone se compose surtout d’un aimant, aux pôles duquel sont fixées deux petites bobines de fil isolé. Des courants d’induction peuvent s’établir dans les fils de ces bobines par l’action de l’aimant. En face des pôles de l’aimant est tendu un disque de tôle très mince, qui porte en son centre une petite tige en fer doux, qui oscille devant l’écran, quand la plaque de tôle est en état de vibration. Une espèce d’entonnoir est destiné à faire converger les sons vers la plaque vibrante.

 

Quand la plaque se met à vibrer sous l’influence de la voix humaine, la petite tige que porte cette plaque avance ou recule, et aussitôt des courants magnétoélectriques s’établissent dans les fils des bobines qui environnent l’aimant, et ces oscillations répondent exactement à celles de l’air qui sont produites par la voix. Les bobines sont reliées au fil télégraphique électrique, lequel peut avoir une longueur quelconque pourvu que son isolement soit parfait. Les ondulations magnétoélectriques se propagent dans toute la ligne, et à la station d’arrivée, traversent les bobines de l’aimant qui est identique par sa construction avec celui qui se trouve à la station opposée ; les ondulations magnétoélectriques sont, à leur tour, converties en ondulations sonores par la plaque vibrante du récepteur de cet instrument".

 

En 1877, l’américain Graham Bell stupéfiait ses invités en établissant une conversation entre les villes de Boston et Malden distantes de 9 kilomètres en utilisant les lignes télégraphiques existant entre ces deux villes. Mieux, un pianiste joue de son instrument à Malden, une cantatrice y chante un air à la mode. Ce concert improvisé fait sensation quand il est entendu à Boston.

 

Bell multiplie les démonstrations. La revue La Nature du deuxième semestre de 1877 décrit une transmission entre Boston et North-Conway, villes distantes de 230 km. La conversation est parfaitement nette malgré une résistance de la ligne télégraphique estimée à 40 000 ohms.


A l’écoute du téléphone Bell.


 

Le téléphone de Bell et ses variantes, tel celui de Edison, se répandent avec une extrême rapidité. La raison essentielle en est la densité du réseau de lignes télégraphiques déjà existantes. Elles sont utilisées par le téléphone qui a d’ailleurs souvent été désigné comme un "télégraphe parlant".

 

Le problème est cependant celui de la résistance électrique de ces lignes et la faible intensité du signal émis. Les cinq ans qui séparent la découverte de l’exposition de 1881 ont été mis à profit par Bell lui-même et par d’autres ingénieux techniciens pour trouver des solutions.

 

Un premier "amplificateur" est utilisé au niveau de l’émetteur. Celui-ci devient un "microphone" capable de transmettre au loin les sons les plus faibles. Sa réalisation met en œuvre une propriété du graphite dont la découverte est attribuée à l’américain David Hughes. Un bâton de graphite présente une résistance qui varie en fonction de la pression exercée entre ses extrémités taillées en pointe. L’une des pointes étant appuyée sur la membrane, une simple vibration produit une variation de la résistance de la tige. Celle-ci étant conductrice peut être reliée à la ligne de transmission par l’intermédiaire d’une pile. L’intensité du courant débité par la pile variera donc au gré des vibrations et son intensité sera bien plus forte que celle du faible courant produit dans la bobine inductrice initialement proposée par Bell.

 

Dès lors la résistance des fils de la ligne télégraphique n’est plus un problème. Plusieurs microphones sont ainsi présentés à l’exposition dont celui construit par Darsonval et Paul Bert qui comporte une série de tubes de graphite soumis à une pression réglable.


Téléphone à tiges de graphite de Darsonval et Paul Bert


Un autre procédé utilisant des pastilles de poudre de graphite comprimée a été développé par Thomas Edison déjà renommé pour être le constructeur du premier phonographe. Le génial inventeur américain, qui n’a encore que 34 ans au moment de l’exposition, est déjà l’un des plus actifs dans le domaine de la télégraphie. Il est tout naturellement concerné par la téléphonie dans laquelle il se révèle un concurrent redoutable pour Bell.

 

A Paris, en 1881, le Ministère des Postes et Télégraphes a confié la mise en scène de la téléphonie à la Société Générale des Téléphones de l’ingénieur Bréguet utilisant le système de Clément Ader, le futur constructeur du premier avion.

 

Pour le chroniqueur scientifique Louis Figuier : "Cette application si nouvelle et si extraordinaire du téléphone, consistant à faire entendre à distance des sons musicaux et autres, a été la surprise, la merveille, le grand évènement de l’Exposition de 1881 pour le public, et l’on peut ajouter, pour les savants eux-mêmes." (L’année Scientifique et Industrielle – 1878)

 

C’est une foule qui se précipite tous les soirs dans les quatre salles destinées aux démonstrations du téléphone. Il faut attendre souvent plusieurs heures avant d’entrer, par groupes de vingt, dans une salle dont les murs sont tapissés de tapis d’Orient et le sol recouvert d’un épais tapis. Là, chacun peut écouter pendant 5 minutes les airs qui se chantent ou se jouent à l’Opéra relié à la salle par une ligne traversant les égouts.

 

L’accueil est enthousiaste : " Il faut avoir entendu dans les téléphones de l’Exposition d’Electricité, pour se rendre exactement compte de la délicatesse avec laquelle les sons se trouvent transmis. Non seulement on entend les artistes, mais on reconnaît leur voix, on distingue les murmures du public dans la salle, on perçoit ses applaudissements". (La Nature septembre 1881).


Salle de réception du "théatrophone"


 

Il faut ajouter que le système, désigné sous le nom de "théatrophone", fonctionne en stéréophonie. Devant la scène de l’opéra des "transmetteurs" (larges plaques posées sur des tiges de graphite), sont disposées de chaque côté de la loge du souffleur. Chaque série est reliée à l’un des deux écouteurs dont dispose l’auditeur restituant ainsi le "relief" du son. (voir aussi)

 

Si le téléphone est une révélation pour la majorité des visiteurs, ce n’est pourtant pas une nouveauté à Paris. Il y existe un réseau dont ses promoteurs n’hésitent pas à affirmer qu’il est "le plus parfait de ceux fonctionnant aujourd’hui, tant en Europe qu’aux Etats-Unis" (revue "La Nature" premier semestre 1882). Depuis 1879 l’administration des Postes et Télégraphe a cédé l’installation du téléphone aux sociétés privées. A Paris, la "Société Générale des Téléphones" naît en 1880 de la fusion de deux sociétés préexistantes. Début 1881 elle compte 7 bureaux centraux et 300 lignes installées da la capitale. Fin 1881, les démonstrations réalisées lors de l’Exposition Internationale font exploser les demandes d’abonnement.


Bureau central téléphonique. Avenue de l’Opéra. Paris.1881.


La société continue à se développer dans la France entière jusqu’en 1889, année où l’Assemblée Nationale décide de faire du téléphone un service public et de rattacher sa gestion au ministère des postes et télégraphes qui devient ainsi le ministère des P.T.T (Poste, Télégraphe et Téléphone). Il vivra un siècle jusqu’à la loi de 1990 qui privatise les télécommunications en France.

 

A l’Exposition Internationale, les visiteurs n’on vu que le spectacle mais, tant pour le télégraphe que pour le téléphone, le technicien était plus intéressé par ce qui se passait dans les coulisses.

 

Toute installation demande une source de courant continu c’est-à-dire des piles ou, mieux, des "piles secondaires" c’est-à-dire des accumulateurs. Le développement du télégraphe et du téléphone fait de la construction des piles et accumulateurs une affaire industrielle.

 

Les sources de courant continu : les piles et accumulateurs.

 

Côté piles, de sérieux progrès avaient été réalisés. La première pile volta présentait l’inconvénient de se "polariser" : les réactions chimiques à ses électrodes faisaient rapidement chuter sa tension. La pile Daniell, impolarisable était déjà un progrès mais sa forte résistance ne pouvait en faire un générateur utilisable dans la pratique. Les piles à "dépolarisant" répondaient enfin au problème.

 

Celle imaginée par Georges Leclanché est l’une des plus utilisées. En 1867, alors exilé en Belgique pour ses opinions républicaines, il dépose un brevet pour une pile dont l’électrolyte était une solution de chlorure d’ammonium et le pôle positif une plaque de charbon recouverte sur chaque face d’une couche de peroxyde de manganèse, l’ensemble étant contenu dans un vase poreux plongeant dans un deuxième vase contenant la même solution et une tige de zinc constituant le pôle négatif.

 

Elle sera massivement utilisée sur les télégraphes belges et néerlandais. De retour en France, Leclanché confie l’exploitation de son brevet à l’industriel Barbier. La pile Leclanché-Barbier est alors largement utilisée dans les télégraphes français. En 1881 l’usine, qui emploie 50 ouvriers, a vendu près de 300 000 piles. Après la mort prématurée de Leclanché en 1882 à l’âge de 43 ans, la pile sera encore perfectionnée par son fils Max pour être rendue facilement transportable. Sous différentes marques commerciales, elle est encore largement utilisée aujourd’hui.

 

Mais les piles ont de sérieuses concurrentes : les "piles secondaires" ou accumulateurs. L’idée est de Gaston Planté. En 1860 il rédige un mémoire qui est lu à l’Académie des Sciences dans lequel il décrit les propriétés d’un dispositif qu’il désigne comme une "pile secondaire".

 

L’électrolyse d’une solution d’acide sulfurique entre deux plaques de plomb oxyde la plaque reliée au pôle positif. Il se crée ainsi une dissymétrie entre les deux électrodes. En reliant les deux plaques ainsi "polarisées", Leclanché constate qu’un courant électrique circule dans le circuit et se maintient jusqu’au retour des plaques à l’état initial. Il a ainsi l’idée de "piles secondaires" qui seront ensuite désignées par le terme d’accumulateurs. Concrètement cet accumulateur consiste en deux plaques de plomb parallèles enroulées en spirale et maintenues écartées par deux rubans de caoutchouc enroulés en même temps que les plaques. L’ensemble est placé dans un récipient de verre cylindrique empli d’une solution d’acide sulfurique.

 

En 1873 Planté présentait une expérience dont la mise en scène annonçait déjà les progrès à venir de l’industrie électrique.

 

Une des premières machines Gramme, utilisée en génératrice et actionnée par la force motrice mécanique de l’expérimentateur, fournissait un courant qui produisait la charge, par électrolyse, de l’élément Planté.

 

Si, après avoir ainsi chargé l’accumulateur on lâchait la manivelle, la machine Gramme se remettait en marche sous l’action du courant issu de celui-ci. L’auteur de l’article relatant cette expérience (La Nature – avril 80) y voyait l’une des "plus belles démonstrations de l’unité des forces physiques et de leur transformation mutuelle".

 

Progressivement se construisait la notion d’une "énergie" se présentant sous des formes diverses, mécanique, électrique, chimique et capable de se transformer de l’une en l’autre.


Machine Gramme chargeant un accumulateur Planté.


 

Pour communiquer à ces "accumulateurs" d’électricité une charge suffisante, il fallait les charger et décharger plusieurs fois, ce qui revenait à augmenter la couche d’oxyde sur l’anode. Pour supprimer cette première phase, l’accumulateur "Planté" est aujourd’hui constitué d’un pôle positif de plomb recouvert d’une couche d’oxyde de plomb PbO2, son pôle négatif étant de plomb. La tension aux bornes de chaque élément est de l’ordre de 2 volts. Leur disposition en batterie permet d’obtenir des tensions élevées et une faible résistance ce qui en fait des sources produisant, pendant plusieurs heures, des courants de forte intensité.

 

L’accumulateur au plomb, trop lourd, a été décrié par certains auteurs au profit d’accumulateurs au zinc plus légers. Pourtant le plomb n’a toujours pas trouvé de véritable concurrent pour les accumulateurs d’usage courant.

 

Nous avons noté le développement du télégraphe et du téléphone comme moteurs de l’industrie des piles et accumulateurs. Le début de l’éclairage électrique par les lampes à incandescence en est un autre tout aussi important.

 

La lumière électrique.

 

"La Lumière Electrique" est le titre de la revue lancée le 15 Avril 1979 par "l’Union des syndicats de l’électricité". C’est dire l’importance attribuée à cette nouvelle branche d’activité au moment où s’ouvre l’exposition de 1881.

 

La lampe électrique a d’abord été une lampe à arc. Quand on approche, à faible distance, deux charbons soumis à une forte tension, un arc électrique jaillit qui dégage une vive lumière. Pour en faire un usage industriel plusieurs problèmes doivent être résolus.

 

Premier problème : les charbons s’usent et l’écart entre les deux augmente jusqu’à ce que l’arc soit interrompu. Des régulateurs sont nécessaires afin de maintenir automatiquement les charbons dans leur position. Foucault, en France, en propose un qui connaîtra le succès. On lui doit aussi le choix de "charbons de cornue" (poudre de charbon issue des usines à gaz et fortement comprimée), bien plus résistants que de simples tiges de charbon de bois jusqu’à présent utilisées.

 

Second problème : la source de tension. Les premières installations utilisent des piles. La première de ce type à Paris est réalisée pour des effets de lumière sur la scène de l’Opéra construit par l’architecte Garnier et inauguré officiellement en 1875. Le sous sol de l’Opéra abrite 360 piles Bunsen (piles à dépolarisant : Zinc amalgamé-acide sulfurique/charbon de cornue-acide nitrique) assemblées sous forme de six batteries de 60 éléments chacune. Les ouvriers chargés de leur entretien baignent dans une atmosphère acide combattue par les vapeurs d’ammoniac issues de soucoupes réparties dans la pièce.


Salle des batteries de piles Bunsen dans le sous-sol de l’Opéra à Paris



L’inauguration de l’opéra en 1875 : la lumière électrique mais le gaz est encore très présent.


Une telle installation n’est à l’évidence pas adaptée à un éclairage à grande échelle. Celui-ci ne se développera qu’avec l’apparition des premières grosses génératrices.

 

L’exposition internationale de 1878, à Paris, avait été l’occasion d’une première démonstration. Le 3 mai, vers huit heures du soir, trente deux globes de verre émaillé, placés le long de l’avenue de l’Opéra s’étaient allumés à la fois projetant une clarté douce et blanche que les observateurs comparaient à celle d’un beau clair de lune.

 

Les plus anciens se souvenaient avoir ressenti le même choc quand, soixante ans plus tôt, les premiers réverbères fonctionnant au gaz d’éclairage avaient été allumés sur la place du Carrousel. Aujourd’hui leur lumière paraissait rougeâtre et fumeuse et les rues proches de l’Opéra, qu’ils éclairaient, semblaient bien sombres comparées à la clarté de l’Avenue voisine. Moderne au début du siècle, l’éclairage au gaz de ville semblait soudain dépassé.

 

Les lampes utilisées à Paris étaient équipées de "bougies de Jablochkoff", version récente et commode des lampes à Arc. Jablochkoff, ingénieur d’origine russe a trouvé le dispositif permettant de se passer de régulateur.


Bougie de Jablochkoff


 

Les deux charbons sont parallèles et portés par un support métallique. Ils sont séparés part un isolant à base de kaolin qui fond dès que l’arc l’atteint. Les deux charbons sont calibrés pour se consumer à la même vitesse : en courant continu, l’un a uns section double, en courant alternatif ils sont identiques. Ils sont montés dans des globes de verre translucide afin de diffuser la lumière.

 

Chaque bougie peut brûler pendant une heure et demie. Un support porte six bougies qu’un commutateur permet de mettre en œuvre à tour de rôle. Chaque candélabre dispose ainsi, au minimum, de 9 heures d’éclairage.

 

Les 46 candélabres installés par la Compagnie Générale d’Electricité dans le quartier de l’Opéra et du Théâtre-Français sont alimentés en courant alternatif au moyen d’un nouveau type de machine Gramme.

 

Le même système illumine les quais de la Tamise à Londres.


Eclairage à Londres en 1878


La démonstration réalisée à l’exposition internationale de 1878, porta ses fruits. Des ateliers, plusieurs places ou rues, des gares, l’hippodrome, adoptèrent le procédé. Les grands magasins en particulier y trouvèrent la solution aux incendies qui avaient ravagé plusieurs d’entre eux pour cause d’éclairage au gaz. Les grandes villes d’Europe et d’Amérique suivent le même mouvement.

 

Notons que le système donne un bon éclairage mais qu’il n’est pas sans danger. Les hautes tensions mises en jeu demandent des câbles bien isolés et des précautions d’usage qui en limitent la généralisation. De plus la lumière est intense et ne s’adapte qu’aux grands espaces. Il est hors de question de l’utiliser, à la place de l’éclairage au gaz, dans les appartements.

 

L’exposition de 1881 apporte une solution à ce problème de l’éclairage domestique : celle des lampes à incandescence.

 

Des lampes adaptées à chaque usage, qui peuvent fonctionner pendant plusieurs centaines d’heures, que l’on allume ou que l’on éteint en actionnant un simple commutateur, qui utilisent des tensions relativement basses… que rêver de mieux.

 

Les lampes Edison, Maxim, Swan … sont une des attractions de l’exposition.

 

Elles reposent toutes sur le même principe : un filament conducteur en carbone contenu dans une ampoule où on a réalisé le vide. On peut les utiliser isolément ou en équiper des lustres. Elles fonctionnent sous une tension faible (100 ou 50 volts pour les lampes Edison) mais consomment un courant de forte intensité (0,7 ampères pour les lampes Edison).


A : lampe Edison à filament de bambou du Japon carbonisé.

B : Lampe Maxim, carton Bristol carbonisé.

C : Lampe Swan, fil de coton carbonisé


Lustre Swan.


 

Edison est celui qui réussit le mieux sa publicité. Deux grandes salles lui sont consacrées où il présente l’essentiel de ses inventions : son téléphone et son télégraphe quadruplex qui permet de faire passer plusieurs messages en même temps dans les deux sens, ses lampes à incandescence et les machines qui les alimentent. Il a même l’habileté de faire réaliser sur place la fabrication des lampes à partir de tiges de bambou.

 

Chaque fabricant de lampes propose un système de distribution complet et, d’abord, les génératrices qui les alimentent.

 

Les nouvelles génératrices

 

Celle proposée par Edison doit pouvoir alimenter 1000 lampes c’est-à-dire fournir jusqu’à 700 ampères. Il faut donc limiter tout dégagement de chaleur dans la machine elle-même. Ainsi l’induit central ne sera pas constitué d’un bobinage de fil conducteur mais de barres de cuivre logées dans le noyau de fer doux du rotor et reliées à leurs extrémités par des disques conducteurs. Le noyau de fer doux sera lui-même constitué de disques de tôle de fer, séparées par des feuilles de papier afin de limiter le dégagement de chaleur lié au phénomène d’hystérésis magnétique. Des innovations techniques encore utilisées aujourd’hui.


Génératrice Edison


 

Ce sont les génératrices exposées, celles de Edison mais aussi de Gramme et de tous les autres participants, qui éclairent l’ensemble de l’exposition. Celle-ci apparaît comme une véritable féerie.

 

L’alimentation des lampes n’est cependant pas le seul usage des génératrices, le temps est venu des moteurs électriques.

La force motrice de l’électricité.

 

Les moteurs électriques sont spectaculairement illustrés par leur application à la locomotion. Le premier Tramway électrique fait ainsi son apparition à Paris. Il circule entre la place de la Concorde et le Palais de l’Industrie. Avec le téléphone et les lampes à incandescence c’est la plus belle attraction de l’exposition.


Premier tramway électrique à Paris


 

Il est dû à Siemens qui en avait déjà présenté une version à l’exposition industrielle de Berlin en 1879. Les 500m de parcours sont réalisés en une minute. Son moteur est une machine Siemens identique à celle produisant du courant dans l’exposition. En effet, toutes ces machines ont la propriété d’être réversibles, tantôt moteur, tantôt génératrice.

 

Du plus gros au plus petit : le moteur électrique peut aussi alimenter des machines à coudre, une récente invention fort utile dans laquelle s’est illustré l’américain Singer.


 

Machine à coudre électrique


 

Le spécialiste des ces petits moteurs est G. Trouvé. Il en a également équipé un canot électrique dont la démonstration sur la Seine n’était pas passée inaperçue. Mais sa plus spectaculaire réussite est d’avoir équipé un ballon dirigeable miniature que les visiteurs pouvaient voir suspendu aux poutres de l’exposition.

 



 

Long de 3m50, il était gonflé à l’hydrogène. Le moteur et l’accumulateur Planté qui l’alimentaient pesaient moins de 500g. L’hélice tournait à la vitesse de 6,5 tours à la seconde et pouvait propulser le dirigeable à la vitesse de 2m/s.



 

Après l’exposition de 1881

 

Naturellement, le modèle réduit de dirigeable exposé en 1881 n’avait pas d’autre vocation que d’être un objet d’étude mais il fut fort remarqué et déjà il fit germer des projets.

 

Le 26 septembre 1884, les frères Tissandier s’élevaient au dessus de Paris dans un dirigeable muni d’un moteur électrique où ils se livraient à quelques manœuvres puis se laissaient dériver sur un trajet de 25 km.

 

Le 9 août 1884 un nouvel aérostat également équipé d’un moteur électrique, construit par les ateliers militaires de Chalais à Meudon, soulevait deux aéronautes et réussissaient une boucle de 7,6 km réalisée en 23 minutes.


1884 : premier vol en boucle d’un dirigeable muni d’un moteur électrique.


 

1886 : cinq ans nous séparent de l’exposition universelle d’électricité et seulement deux ans du premier vol réalisé à Meudon. Jules Verne publie "Robur le Conquérant" qui, dans un scénario proche de "Vingt mille lieues sous les mers", met en scène deux membres d’un club aéronautique américain et leur serviteur, enlevés par un étrange et génial ingénieur, nouveau héro des temps modernes, dans un vaisseau du ciel, sorte d’hélicoptère dont la forêt d’hélices étaient actionnée par des moteurs électriques.

 

Jules Verne a-t-il visité l’exposition de 1881 ? Son texte, qui fait preuve d’une solide érudition scientifique, est une parfaite illustration de ce qui y était exposé. Quand il décrit la machinerie électrique de l’engin volant il exprime, sous forme romanesque, les espoirs attendus de cette nouvelle technique et établit, tout en les imaginant franchis, la liste des obstacles dressés sur la route des savants et ingénieurs avant qu’ils s’en rendent parfaitement maîtres.

 

"Ce n’est ni à la vapeur d’eau ou autres liquides, ni à l’air comprimé ou autres gaz élastiques, ni aux mélanges explosifs susceptibles de produire une action mécanique, que Robur a demandé la puissance nécessaire à soutenir et à mouvoir son appareil. C’est à l’électricité, cet agent qui sera, un jour, l’âme du monde industriel. D’ailleurs, nulle machine électromotrice pour le produire. Rien que des piles et des accumulateurs. Seulement, quels sont les éléments qui entrent dans la composition de ces piles, quels acides les mettent en activité ? C’est le secret de Robur. De même pour les accumulateurs. De quelle nature sont leurs lames positives et négatives ? On ne sait. L’ingénieur s’était bien gardé – et pour cause – de prendre un brevet d’invention. En somme, résultat non contestable : des piles d’un rendement extraordinaire, des acides dune résistance presque absolue à l’évaporation ou à la congélation, des accumulateurs qui laissent très loin les Faure-Sellon-Volckmar, enfin des courants dont les ampères se chiffrent en nombres inconnus jusqu’alors. De là, une puissance en chevaux électriques pour ainsi dire infinie…

 

Mais, il faut le répéter, cela appartient en propre à l’ingénieur Robur. Là-dessus il a gardé un secret absolu"

 

Trouver ce secret, c’est sans doute le défi que nous lance Jules Verne. Défi relevé un siècle plus tard. C’est à nouveau la recette de piles et d’accumulateurs efficaces susceptibles d’équiper nos véhicules trop polluants, ou d’alimenter les sites isolés, que recherchent nos ingénieurs.

 

Eclairage, moteurs ne demandent donc qu’à se généraliser à condition que l’électricité puisse être distribuée.

 

L’électricité à domicile.

 

Les fabricants de piles ou d’accumulateurs ont leur idée : distribuer l’électricité à domicile sous forme de piles ou de batteries préalablement chargées.

 

Les fabricants de génératrices ont aussi la leur : transporter l’électricité par fils à partir d’une usine centrale.

 

Piles et accumulateurs ont eu, les premiers, leur période de succès. Des immeubles, des grands magasins ont installé dans leur sous-sol des systèmes ingénieux de piles Bunsen dont l’électrode de zinc ne plonge dans l’acide que pendant le temps de fonctionnement. Des piles qui "ne s’usent que si on s’en sert".

 

Ailleurs des accumulateurs au plomb sont livrés à domicile comme de vulgaires sacs de charbon. Le système ne résiste cependant pas à la livraison de l’électricité par fil. Il faudra attendre la fin du siècle pour que de gros accumulateurs trouvent à nouveau leur usage dans l’alimentation des premières voitures électriques qui apparaissent alors comme les véhicules de l’avenir.


Voiture électrique 1898

voir aussi : Les voitures électriques dans le Paris de la belle époque.


Du côté de l’électricité par fils, plusieurs constructeurs se disputent le marché. Deux conceptions les opposent : courant continu ou courant alternatif ? Le courant continu ne rompt pas avec la tradition des piles et accumulateurs et a ses partisans. Le courant alternatif a un gros mérite : il permet l’utilisation de transformateurs et le transport de l’électricité sous haute tension, ce qui limite les pertes en ligne par effet thermique et permet le transport sur de longues distances.


Premiers transformateurs.


Progressivement le courant alternatif s’impose et le paysage urbain se modifie. Les murs des immeubles se couvrent des fils du téléphone et de l’alimentation électrique dans un réseau d’autant plus touffu que chaque compagnie a ses propres lignes qui viennent s’ajouter à celles des concurrents.

 

Une telle anarchie ne pouvait que provoquer des accidents. En 1889, les lecteurs de la revue La Nature peuvent lire le récit d’un accident effroyable à New-York. Un employé des télégraphes monté réparer une ligne se trouve pris, comme dans une toile d’araignée, dans réseau alternant fils télégraphiques et fils d’alimentation électrique. Il est littéralement carbonisé devant plusieurs milliers de spectateurs impuissants. L’auteur de l’article signale qu’il ne se passe pas une semaine sans que de tels accidents ne se produisent à New-York. En dix huit moins huit personnes ont ainsi été tuées par des fils tombés à terre et dix sept autres ont été grièvement blessées.

 

La solution serait naturellement des fils enterrés. C’est la solution qu’impose le conseil municipal de Paris pour l’ensemble des compagnies qui s’activent à éclairer Paris à l’occasion de l’exposition internationale de 1889, celle qui voit se dresser la Tour Eiffel dont le sommet portera deux énormes projecteurs électriques.


Systèmes de câbles électriques souterrains à Paris en 1889


Ce louable effort initial n’empêchera pas les fils aériens et les pylônes qui les supportent de devenir l’élément de paysage le plus caractéristique du siècle à venir.

 

Qui dit électricité à la maison dit factures et compteurs électriques. Au mois de Juillet 1888, le conseil municipal de Paris vote une somme de 20 000 francs pour ouvrir un concours dont l’objet est la construction d’un compteur électrique. Le compteur devra pouvoir fonctionner à la fois en courant continu et en courant alternatif. Pour le courant alternatif il est précisé que l’appareil devra être du type "watt-heure-mètre", le watt-heure étant devenu une nouvelle unité pratique de mesure de l’énergie électrique.


Premier compteur électrique.


 

Le côté sombre de la force électrique.

 

Janvier 1889 : L’électricité jusqu’à présent utilisée en médecine pour chercher à guérir, voir même ressusciter, va l’être pour tuer (voir).

 

A partir de cette date l’état de New-York a décidé de remplacer la mort par pendaison par l’électrocution des condamnés. Les industriels sont invités à proposer le meilleur procédé qui sera évalué par la Société médico–légale de New-York. Il est indiqué que des tensions de 1000 à 1500 volts doivent être utilisées à des fréquences de 300 périodes par seconde. Le rapport du comité chargé du dossier recommande des "électrodes de 2,5 à 10 cm de diamètre couvertes d’une mince couche d’éponge et de peau de chamois imbibée d’une solution légère de sel commun". Elle précise aussi que le condamné doit être assis.

 

Le "Scientific Americain" du début de l’année 1889, rend compte des expériences menées en décembre 88 au laboratoire de Edison qui est l’un des inspirateurs de la loi (voir). Celui-ci teste des tensions inférieures à celles proposées. Un veau de 57kg se relève après un choc administré par une tension de

 

Edison en profite pour se rappeler au bon souvenir des autorités. Il rappelle qu’il est opposé à la peine de mort et que c’est par humanité qu’il a proposé l’usage de l’électricité. Il reproche aux médecins d’avoir fixé les électrodes sur la tête et la colonne vertébrale de façon à s’attaquer au cerveau du condamné alors que dans toutes les morts accidentelles par électrocution, le courant était passé par les mains provoquant l’arrêt cardiaque. Il ajoute d’autre part que si les contacts avaient été bons, une tension plus faible aurait été suffisante car les 1300 volts appliqués auraient dû littéralement carboniser le condamné.

 

La revue La Nature qui relate l’évènement fait remarquer que la polémique n’est sans doute pas étrangère au fait que Edison préconise la distribution de l’électricité par basse tension alors que Westinghouse préconise les hautes tensions.

 

La mort par l’électricité aura une longue carrière aux USA, émaillée des récits horribles de corps torturés. La mort par injection chimique actuellement proposée, à nouveau sous prétexte d’humanité, provoque les mêmes débats qui ne s’arrêteront qu’avec la fin, que l’on ne peut que souhaiter proche, de la peine de mort aux USA.

 

Les sciences et les techniques sont de plus en plus confrontées à l’usage qui en est fait. La même technique qui peut faire progresser l’humanité peut aussi devenir un instrument de barbarie. Les exemples se multiplieront dans le siècle suivant.

 

Quel futur pour l’électricité ?

 

Un départ aussi fulgurant que celui de la science électrique et des techniques qu’elle a fait naître ne pouvait qu’inspirer les prophéties.

 

Edouard Hospitalier dans La Nature (1882, premier semestre) imagine l’usage à venir des accumulateurs :

 

"Les études sont dirigées aujourd’hui du côté des accumulateurs, et l’on peut espérer que, on sera arrivé à les construire assez légers pour pouvoir faire fonctionner des véhicules pendant quelques heures à l’aide de l’électricité emmagasinée. Il sera facile alors d’établir en certains points de la capitale de véritables relais où l’on viendra recharger les accumulateurs en les branchant sur la canalisation générale de la distribution. On aura ainsi réalisé le cheval de fiacre électrique et la nourriture électrique.

 

Nous n’en sommes pas encore là au point de vue de la pratique, mais combien d’années encore cette utopie mettra-t-elle à devenir une réalité."

 

Combien d’années ? E. Hospitalier, comme ses contemporains, était certain que l’électricité était l’énergie de l’avenir et avec elle la locomotion électrique. C’était compter sans le pétrole dont on commençait seulement à imaginer l’usage possible dans ces moteurs à explosion dont le premier brevet avait été déposé par les frères Niépce en 1807 à un moment où ils qui ne disposaient pas encore du combustible idéal (leur prototype fonctionnait à la poudre de lycopode, spores d’un champignon). Un siècle plus tard, effet de serre et épuisement des ressources combinés, l’idée de la voiture électrique, à condition que la production d’électricité ne soit pas elle-même source de pollution, intéresse à nouveau pouvoirs publics et industriels.

 

Les idées ne manquaient déjà pas au siècle de l’avant-pétrole. Louis Figuier, rendant compte de l’exposition de 1881 dans L’année Scientifique de 1882, expose les siennes : utiliser les énergies des chutes d’eau, des marées, des fleuves.

 

"Créer de l’électricité par la force primitive, transporter cette électricité à distance au moyen d’un fil, et à cette distance changer de nouveau cette électricité en mouvement… des forces naturelles aujourd’hui perdues pourraient être utilisées en les transportant à une distance plus ou moins grande.

 

Il y a par exemple, dans les Alpes, dans les Pyrénées, dans les Apennins, dans les Andes, d’immenses chutes d’eau qui pourraient produire de grands effets mécaniques, et qui sont perdues parce que l’on n’a pas le moyen de les utiliser sur place. Transportez cette force du pied des Alpes, par exemple, jusque dans une usine située à 20 ou 30 kilomètres, et vous disposerez ainsi d’une puissance qui était perdue, qui ne sera pas assurément gratuite, mais qui sera un accroissement de votre énergie mécanique.

 

Les marées sont une force naturelle immense, mais dont on ne peut tirer parti sur les rivages de l’océan. Transformez en électricité, au moyen d’une machine dynamo-électrique, la force mécanique de l’influx marin recueilli sur les côtes, et transportez au loin cette électricité… et vous aurez tiré parti d’une force naturelle qui jusqu’ici n’a jamais pu être utilisée sérieusement…

 

La roue d’un modeste moulin peut même être employée à produire de l’électricité, et cette électricité transporter au loin l’énergie mécanique de la chute d’eau"

 

Nous trouvons dans cette énumération une grande partie des énergies renouvelables que nous exploitons aujourd’hui ou que nous souhaitons exploiter dans l’avenir. L’énergie des chutes d’eau a déjà largement été mise à profit. Celle des barrages sur les fleuves commence à atteindre ses limites car la terre qu’ils engloutissent est, elle aussi, un bien précieux. Quelques usines marée-motrices fonctionnent mais surtout on commence à peine à expérimenter l’usage d’hydroliennes utilisant les courants marins.

 

En y ajoutant l’énergie du vent et surtout l’énergie solaire on aura complété la panoplie des alternatives aux énergies fossiles qui constitueront probablement une part essentielle de notre futur.


1891 : premier "moulin éolienne"


voir :

 

La Nature premier semestre 1881.

 

La Nature second trimestre 1881


L’exposition de 1881 vue 25 plus tard :

 

Un technicien en dévoile les coulisses dans La Nature, 1906, deuxième semestre, page 214.

 

"Nos jeunes collègues en électricité ignorerons toujours les vicissitudes par les quelles nous avons passé pour leur ouvrir la voie si vaste du domaine électrique et frayer un petit sentier qui aujourd’hui encore commence à peine à devenir un grand chemin."


On peut trouver un développement de cet article dans ouvrage paru en septembre 2009 chez Vuibert : "Une histoire de l’électricité, de l’ambre à l’électron"

 

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Voici un ouvrage à mettre entre toutes les mains, celles de nos élèves dès les classes de premières S et STI de nos lycées, et entre les mains de tous les futurs enseignants de sciences physiques et de physique appliquée (tant qu’il en reste encore !).

 

L’auteur est un collègue professeur de sciences physiques, formé à l’histoire des sciences, et formateur des enseignants en sciences dans l’académie de rennes. Bref quelqu’un qui a réfléchi tant à l’histoire de sa discipline qu’à son enseignement et sa didactique, et cela se sent.

Le style est fluide et imagé, bref plaisant au possible...

 

...voici donc un bon ouvrage permettant de se construire une culture scientifique sans l’âpreté des équations de la physique.

extrait du commentaire paru dans le Bulletin de l’Union des Physiciens.




voir aussi :

Histoire des unités électriques.



 

Quelques documents

 

Les grandes usines de France (CNUM-CNAM)

 

L’électricité dans la maison 1885

 

L’électricité et ses applications 1883

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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 13:55

Dans le domaine de l’électricité, l’ampère, le volt, le watt sont d’une telle banalité que chacun, ayant un jour remplacé une ampoule ou un fusible, connaît au moins leur nom. Et ceci, où que cette personne habite sur la planète et quel que soit son niveau d’instruction. A chaque grandeur physique doit en effet être associée une unité. Mais quand, où et comment ces unités ont-elles été définies ?

 

L'exposition internationale d'électricité.


Voir l’ensemble du dossier sur le site Ampère CRHST/CNRS

La longue histoire des unités électriques

 

 

Paris 1881.


 

Les unités électriques.

 

 

Quand les électriciens font naître un langage universel

 

A l’occasion de la première exposition internationale d’électricité qui se tient à Paris en 1881, l’initiative est prise d’un "congrès international des électriciens" qui se tiendra pendant l’exposition. Cette réunion n’est pas une simple rencontre amicale. L’un de ses objectifs est de première importance : définir un système international d’unités électriques.

 

Tout débutant dans l’apprentissage des sciences physiques le sait : à chaque grandeur physique est obligatoirement associée son unité. Dans le domaine de l’électricité, l’ampère, le volt, le watt sont d’une telle banalité que chaque personne qui a, un jour, remplacé une lampe ou un fusible en connaît au moins le nom. Et ceci, où que cette personne habite sur la planète et quel que soit son niveau d’instruction. Mais une question se pose : quand, où, comment, ces unités ont-elles été définies ?

 

Le système métrique décimal.

 

L’époque n’est pas si ancienne qui a, d’abord, vu naître le système décimal. Un nom s’impose alors : celui de Lavoisier. Seul, affirme-t-il, un système décimal peut permettre la communication entre chimistes de différentes nationalités et plus généralement entre tous ceux, savants, artisans, marchands et membres de professions dont l’activité implique la mesure. Dans le Traité élémentaire de chimie qu’il publie en 1789 il se livre à un plaidoyer en faveur d’un tel système. Il calcule déjà des tables de conversion et fait fabriquer des balances équipées de boites de masses décimales.

 

Lavoisier fait partie de la commission chargée par le pouvoir révolutionnaire de mettre au point un modèle décimal de mesures. Il est arrêté et guillotiné avant que ce travail n’aboutisse. Pourtant, le 7 avril 1795 (18 germinal de l’an III) le mètre et le gramme deviennent les unités de mesure républicaines et le système décimal est instauré. Des préfixes grecs, déca, hecto, kilo, sont choisis pour les multiples. Des préfixes latins, déci, centi, milli, pour les sous-multiples. Ce système deviendra, comme l’avait souhaité Lavoisier, un véritable "langage universel".

 

Mais revenons aux mesures et unités électriques.

 

Pour mesurer, il faut d’abord définir une grandeur (intensité, tension, etc.) et concevoir un instrument fiable pour la mesurer.

 

Tout au long du XVIIIe siècle différents appareils, à paille, à fil, à feuille d’or sont construits pour estimer la tension ou la charge électrique. Mais ce sont plutôt des "électroscopes" que des "électromètres" car on ne pouvait pas comparer deux mesures faites avec des instruments différents.

 

La découverte de la pile électrique en 1800 puis celle de l’électromagnétisme en 1820 permettent enfin d’aborder l’électricité par la mesure. Une quantité d’électricité peut désormais être réellement mesurée, lors d’une électrolyse, par le volume de gaz qui se dégage à l’électrode ou par la masse de métal qui s’y dépose. Plus tard, l’intensité d’un courant pourra être évaluée par son action sur une aiguille aimantée ou sur un autre circuit électrique.

 

Au cours du XIXe siècle, moteurs, génératrices, systèmes d’éclairage ont pris des dimensions industrielles. Toute cette activité n’a pas pu se développer sans des moyens rigoureux de mesure. Elle exige à présent des normes communes. Des appareils de mesure sont mis au point et dans le même temps des unités sont proposées.

 

Les initiatives sont d’abord dispersées jusqu’au moment où une harmonisation s’impose.

 

L’Angleterre en avance

 

Dans ce domaine, l’Angleterre a largement devancé les autres pays européens. Il existe une "Association britannique pour l’avancement des sciences" qui, depuis 1863, a établi un système d’unités partiellement repris sur le plan international sous la dénomination de "système de l’association britannique" ou système B.A (pour British Association).

 

Par ce système, les savants britanniques ont la volonté d’inscrire l’électricité au rang d’une science académique. La mécanique est alors le modèle, les unités électriques doivent donc se déduire des trois unités fondamentales de la mécanique : le mètre, le gramme et la seconde. En 1873, sur la proposition de William Thomson (le futur Lord Kelvin), le mètre est remplacé par le centimètre mieux adapté pour la mesure des masses volumiques. Le système est alors connu sous le nom de système CGS.

 

Relevons ici la clairvoyance et le courage intellectuel des électriciens britanniques qui n’hésitent pas à choisir le centimètre et le gramme, mesures à la fois continentales et révolutionnaires, dans un pays si attaché à ses traditions insulaires.

 

En 1875 la "Convention du mètre" signée par les diplomates de 17 États donne à ce choix un caractère officiel. Dans le même temps est créée la Convention Générale des Poids et Mesures (CGPM) et le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM) dont le siège est fixé au pavillon de Breteuil à Sèvres, près de Paris.

 

A côté du système CGS, théorique, l’association britannique a défini un système d’unités pratiques dans lequel l’unité de résistance est désignée par le nom d’ohm, l’unité de force électromotrice par celui de volt et celle d’intensité par celui de weber. Hommage rendu à trois savants ayant fait progresser la science électrique. Les trois unités sont liées par la formule I=E/R qui traduit la relation, établie par Ohm, entre la tension aux bornes d’une résistance et l’intensité du courant qui la traverse. Un weber est donc l’intensité du courant qui circule dans une résistance de un ohm sous l’action d’une force électromotrice de un volt.

 

La France comme l’Allemagne utilisent également la résistance, la tension et l’intensité comme concepts de base. Mais dans ces deux pays les unités sont d’abord considérées comme des étalons adaptés aux travaux des ingénieurs. Le monde des électriciens ne parle pas un langage unique.

 

Avant 1881 : des systèmes nationaux différents.

 

Les unités de résistance :

 

En Angleterre, nous avons déjà relevé le choix, par la société britannique, d’une unité théorique, d’une unité pratique et d’étalons. Quelques précisions à ce sujet :

 

L’unité théorique : nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer, dans le chapitre consacré aux équations de Maxwell, le problème lié à l’existence de deux systèmes théoriques possibles : le système électrostatique et le système électromagnétique. Pour des raisons pratiques liées aux applications industrielles, c’est le système CGS électromagnétique qui est retenu. Dans ce système, la résistance a la dimension d’une vitesse. Son unité théorique est donc le cm/s.

 

L’unité pratique : la valeur de l’unité C.G.S théorique (le cm/s) correspond à une résistance extrêmement faible. L’Association Britannique a donc choisi une unité pratique plus commode pour la mesure des résistances courantes. Elle correspond à 10 millions de mètres par seconde (109 unités C.G.S). Elle est alors désignée sous le nom d’ohm. On retiendra, à ce sujet, que 10 millions de mètres correspond à la longueur du quart du méridien terrestre, valeur universelle qui est à la base de la définition du mètre.

 

Les étalons : une fois définie cette unité pratique restait à construire des étalons. Ceux-ci étaient constitués par des résistances métalliques déposées à Londres. Maxwell, qui anime le comité chargé de déterminer ce standard, les décrit comme "faites d’un alliage à 2 parties d’argent et une partie de platine, en forme de fils de 0,5mm à 0,8mm de diamètre et de 1m à 2m de longueur. Ces fils sont soudés à de grosses électrodes de cuivre. Le fil lui-même est couvert de deux couches de soie, noyé dans une masse de paraffine et renfermé dans une boîte de cuivre mince, de façon qu’on puisse le porter aisément à la température pour laquelle sa résistance est exactement de 1 ohm. Cette température est inscrite sur le support isolant".


Résistance étalon du système britannique (James Clerk Maxwell, Traité d’électricité et de magnétisme. trad. 1885. Tome I. p.524)


En France on compte en "kilomètres de résistance". Cette unité, établie par Bréguet à l’intention des télégraphistes, est représentée par la résistance d’un fil de fer télégraphique de quatre millimètres de diamètre et de mille mètres de longueur. Cette unité vaut environ 10 ohms. Des étalons sont construits mais leur valeur dépend fortement du fer utilisé.

 

En Allemagne on utilise l’unité Siemens, désignée par le symbole US, qui est la résistance d’une colonne de mercure de 1m de longueur et de 1 millimètre carré de section. Sa valeur est estimée à 0,9536 ohm.

 

Unités de force électromotrice :

 

L’Unité C.G.S de force électromotrice (qui devrait être le cm3/2.g1/2.s-2) a également une valeur extrêmement faible.

 

L’Association Britannique choisit donc comme unité pratique de force électromotrice, le volt, qui a une valeur de 108 unités CGS.

 

Elle est sensiblement représentée par la force électromotrice de la pile Daniell. Rappelons que cette pile, mise au point par Daniell, en 1836, comporte une électrode de cuivre plongeant dans une solution saturée de sulfate de cuivre associée à une électrode de Zinc plongeant dans une solution de sulfate de Zinc. Cette pile "impolarisable" a une f.e.m constante de 1,079 volt. La pile Daniell sert également de référence en France et en Allemagne.

 

Unités d’intensité :

 

L’unité pratique d’intensité de l’Association Britannique est le weber. Intensité d’un courant qui traverse une résistance de 1 ohm présentant une force électromotrice de 1 volt entre ses extrémités. Sa valeur est de 0,1 unités CGS (l’unité CGS étant le cm1/2.g1/2.s-1).

 

Cette unité permet d’écrire de façon commode toute la gamme des intensités de courants utilisées dans l’industrie. Au plus bas de l’échelle : l’intensité des courants téléphoniques qui est de quelques microwebers et celle des courants télégraphiques qui est de quelques milliwebers. A l’autre extrémité les courants débités par les "machines Gramme" qui varient entre vingt et trente webers ou les courants qui alimentent les cuves de galvanoplastie qui peuvent atteindre des valeurs de l’ordre de cent webers.

 

Les appareils électromagnétiques de mesure des courants qui commencent à se généraliser, sont directement gradués, suivant les usages, en webers ou milliwebers.

 

Dans la pratique un courant de 1 weber dépose 1,19 gramme de cuivre à l’heure à la cathode d’un électrolyseur à sulfate de cuivre.

 

En Allemagne, l’unité d’intensité, est celle qui traverse une unité de résistance Siemens reliée aux pôles d’une pile Daniell. Sa valeur est de 1,16 weber.

 

La France ne présente pas de choix tranché en la matière. Les unités britanniques et allemandes y sont utilisées mais on y utilise aussi le classique "galvanomètre" : un électrolyseur est intercalé dans le circuit et l’intensité du courant est exprimée en cm3 de gaz dégagé par minute aux électrodes d’un électrolyseur à acide sulfurique ou en grammes de cuivre déposés par heure à la cathode d’un électrolyseur à sulfate de cuivre.

 

A l’évidence, un langage commun s’impose. Ce sera donc l’objectif fixé au premier congrès des électriciens à Paris

 

1881 : premier congrès international des électriciens, premier système international.

 

Le congrès se tient sous le patronage de Adolphe Cochery, ministre des Postes, qui souhaite en faire un évènement international d’envergure. Sa présidence est assurée par un chimiste, Jean-Baptiste Dumas.

 

Les congressistes, au nombre de 250, viennent de 28 pays différents. Des savants et des ingénieurs aussi célèbres que William Thomson (futur Lord Kelvin), Tyndall, Crookes, Helmholtz, Kirchhoff, Siemens, Mach, Gramme, Rowland, Becquerel, Fizeau, Planté, Lord Rayleigh, se trouvent ainsi pour la première fois ensemble. Un sujet s’impose à tous : celui des unités et étalons électriques.

 

Une opposition existe entre les "savants" britanniques qui, avec le système CGS, tiennent à inscrire les unités électriques dans le cadre théorique de la mécanique et les "ingénieurs" allemands qui veulent des étalons pratiques.

 

Le physicien français Eleuthère Mascart, secrétaire du congrès, en rend compte dans un récit qui nous en révèle les coulisses.


« Le Congrès, dit-il, avait constitué une Commission très nombreuse des unités électriques, qui s’est réunie le 16 et le 17 septembre 1881. La première séance a été remplie par une sorte d’exposé de principe sans grand résultat. Dans la seconde, la question a été serrée de plus près ; il s’agissait de savoir si les unités seraient fondées sur un système logique ou si l’on accepterait, en particulier pour la mesure des résistances, l’unité arbitraire dite de Siemens.

 

La discussion a été pénible et très confuse ; on voyait surgir des propositions et des objections imprévues, surtout de personnes qui ne comprenaient pas la portée des résolutions à prendre. M. Dumas, qui présidait avec un tact et une autorité que j’admirais, interrompit la séance en disant que l’heure paraissait avancée (4 h.30) et qu’on se réunirait ultérieurement. C’était un samedi soir. En sortant, j’accompagnais notre Président, et je lui dis : « Mon cher Maître, il me semble que l’affaire ne marche pas bien. » - « Je suis convaincu, répondit-il, que nous n’aboutirons pas et vous avez compris pourquoi j’ai levé la séance. » Je n’ai pas souvenir de ce que fut ensuite notre conversation.

 

Le lendemain, dans la matinée, je rencontrai sur le pont de Solférino William Siemens qui me demanda si j’avais reçu la visite de Lord Kelvin (alors sir William Thomson), en ajoutant qu’on m’invitait à dîner et qu’on espérait arriver à une entente. Rentré aussitôt, je trouvai la carte de Lord Kelvin avec ces mots : « Hôtel Chatham, 6 h. 30 ».

 

Je fus naturellement exact au rendez-vous et je trouvai dans le petit salon d’attente une société imposante : Lord Kelvin, William Siemens pour l’Angleterre, puis von Helmholtz, Clausius, Kirchhoff, Wiedemann et Werner Siemens. La discussion reprit et, après beaucoup d’hésitations, Werner Siemens finit par accepter la solution proposée, à la condition que le système de mesures serait institué « pour la pratique ». Je ne fis aucune difficulté à cette qualification et rédigeai au crayon sur le bord du piano le texte de la convention.

 

Le système de mesures pour la pratique avait comme bases les unités électromagnétiques C.G.S.

 

On définissait l’Ohm et le Volt, en laissant à une commission internationale le soin de fixer les dimensions de la colonne de mercure propre à représenter l’Ohm.

 

Soulagé ainsi d’un grand poids, je dînai de bon appétit et, après la soirée, j’allai en rentrant, à tout hasard, sonner à la porte de M. Dumas, quoiqu’il fût déjà 10 h. 30. Il était au salon au milieu de sa famille et mon premier mot fut : « L’accord est fait sur les unités électriques ». Je n’oublierai jamais l’impression de joie véritable manifestée par M. Dumas à cette nouvelle qu’il était loin d’attendre.

 

Si le système d’unités a fini par aboutir, on doit l’attribuer d’abord à l’autorité de M. Dumas, dont le grand talent inspirait le respect et empêcha la discussion de s’égarer en paroles trop vives, puis à l’influence sur Werner Siemens de son frère, William Siemens, qui vivait dans le milieu scientifique anglais engagé par l’initiative de l’Association Britannique.

 

Nous étions impatients de soumettre ces propositions au Congrès dans la séance générale du mardi 20 septembre, mais on avait appris dans l’intervalle, la mort du président Garfield et la séance fut aussitôt levée en signe de deuil. Comme nous n’avions encore que deux unités, l’ohm et le volt, et qu’il était nécessaire de compléter le système, je demandai au président, M. Cochery, si les commissions au moins pouvaient se réunir.

 

Je dus m’incliner devant sa réponse négative, et nous restâmes, avec Von Helmholtz, auprès de Lord et Lady Kelvin qui, ayant négligé de déjeuner, prenaient un chocolat dans le restaurant Chiboust, installé près de la salle du Congrès. C’est dans ce petit comité, autour d’une vulgaire table en marbre blanc, que furent convenues les trois unités suivantes : Ampère (au lieu de Weber), Coulomb et Farad.

 

J’étais chargé d’en lire le texte le lendemain 21 septembre en séance générale. Nombre de membres de la commission, qui ne connaissaient que la séance du samedi, en furent bien un peu surpris, mais les commentaires de Lord Kelvin et de Von Helmholtz ne permirent plus aucune hésitation. Le système pratique d’unités était fondé »

 

Dans le discours qu’il prononça à la fin du congrès, Jean-Baptiste Dumas ne cachait pas sa satisfaction :

 

" L’accord s’est fait, et, par une décision unanime, vous avez rattaché d’une part les mesures électriques absolues au système métrique en adoptant pour bases le centimètre, la masse du gramme et la seconde ; de l’autre, vous avez institué des unités usuelles, plus voisines des grandeurs qu’on est accoutumé à considérer dans la pratique et vous les avez rattachées par des liens étroits aux unités absolues. Le système est complet."

 

La naissance de l’ohm, de l’ampère, du coulomb, du farad.

 

On peut lire le compte rendu de cette séance dans la revue "La Nature" (deuxième semestre, p282) :

 

"On peut considérer les travaux du Congrès comme terminés à la date du samedi 24 septembre. Il aura suffit de quatre séances plénières, dont trois seulement auront été consacrées à l’étude des questions... pour épuiser son ordre du jour..."

 

Les conclusions du congrès tiennent en sept points :

 

1) Le système CGS est adopté.

 

2) L’unité de résistance sera désignée par le nom de "ohm" avec la valeur de 109 unités CGS. L’unité de force électromotrice, ou de tension, sera le volt avec pour valeur 108 unités CGS.

 

3) L’unité pratique de résistance (l’ohm) sera constituée par une colonne de mercure d’un millimètre carré de section à la température de zéro degré centigrade.

 

4) Une commission internationale sera chargée de déterminer la longueur de la colonne de mercure représentant l’ohm.

 

5) L’unité d’intensité de courant sera nommée "ampère". Intensité d’un courant "produit par un volt dans un ohm".

 

6) L’unité de quantité d’électricité sera appelée "coulomb" ou quantité de courant "débitée par un courant de un ampère pendant une seconde" (d’après la relation Q=I.t).

 

7) L’unité de capacité sera le "farad" définie par "la condition qu’un coulomb dans un farad donne un volt" (d’après la relation Q/C=V).

 

Ampère et Coulomb, citoyens de la puissance invitante, sont mis à l’honneur par l’attribution de leur nom aux unités d’intensité et de charge. Weber en fait les frais mais ... le congrès lui adresse un message de félicitations pour le cinquantième anniversaire de son entrée à l’université de Göttingen. Son nom sera donné ultérieurement à l’unité de flux magnétique.

 

Cette nouvelle façon d’attribuer aux unités le nom de savants célèbres est soulignée de façon lyrique pas J.B Dumas dans son discours de clôture du congrès.

 

"L’Association britannique avait eu l’heureuse idée de désigner ces diverses unités par les noms des savants auxquels nous devons les principales découvertes qui ont donné naissance à l’électricité moderne ; vous l’avez suivie dans cette voie, et désormais les noms de Coulomb, de Volta, d’Ampère, de Ohm et de Faraday demeureront étroitement liés aux applications journalières des doctrines dont ils furent les heureux créateurs. L’industrie, en apprenant à répéter chaque jour ces noms dignes de la vénération des siècles, rendra témoignage de la reconnaissance due par l’humanité tout entière à ces grands esprits... "

 

Une mode nouvelle est née : celle de la "vulgarisation" scientifique qui s’exprime dans les musées, les expositions internationales, les revues superbement illustrées, en particulier celles relatives à l’électricité : L’Electricité (1876), La Lumière électrique (1879), L’Electricien (1881). Le savant est devenu un personnage qu’il est bon de "populariser".

 

Le choix de donner aux unités le nom de célébrités scientifiques ne fait cependant pas l’unanimité. A l’occasion du congrès de 1889, Marcelin Berthelot le regrette. "Poncelet, Ampère, Watt, Volta, Ohm, sont maintenant des racines de noms dont la plupart n’ont pas de rapport nécessaire et immédiat avec les hommes qui les ont illustrés". "Le contraste est bien remarquable, ajoute-t-il, avec l’allure essentiellement impersonnelle qu’avait la nomenclature scientifique, il y a seulement quatre vingt ans". D’ailleurs prévoit-il "Il est bien à craindre que le siècle prochain, par la force même de la marche en avant et des modifications des sciences, ne supprime cette terminologie".

 

Pourtant les noms de Kelvin, de Hertz, de Siemens, de Tesla, de Henry et de bien d’autres, viendront, dans les décennies qui suivront, s’ajouter à la liste des unités. Le nom de Ampère figurant même dans la liste des quatre unités fondamentales de notre actuel Système International.

 

Les suites du congrès de 1881 : le joule, le watt...

 

En 1882 l’Association Britannique propose des unités d’énergie et de puissance électriques. Le système C.G.S comporte déjà une unité de travail, l’erg, (1erg = 981 g.cm2.s-1) déduite d"une unité de force, la dyne, (1dyne = 981 g.cm.s-2) et une unité de puissance : l’erg/s.

 

Pour l’unité pratique d’énergie elle suggère d’appeler joule le "volt-coulomb" qu’elle utilisait précédemment.

 

Les électriciens britanniques considèrent Joule (1818-1889) comme l’un des leurs. Ses premiers travaux scientifiques en 1838 portent sur le magnétisme et, à peine âgé de 21 ans il découvre la "saturation magnétique", c’est-à-dire la valeur limite atteinte par l’aimantation d’un noyau d’acier excité par un champ magnétique. En 1842, il découvre la loi qui porte son nom et qui établit la relation entre l’énergie calorifique, W, dégagée pendant un temps donné, t, par une résistance, R, parcourue par un courant d’intensité I. Loi que nous écrivons : W = R.I2.t. Il n’a encore que 24 ans et se consacrera bientôt à établir la relation traduisant la transformation directe du travail mécanique en chaleur.

 

Pour la puissance, l’Association propose le watt à la place du "volt-ampère". Ce faisant, elle empiète sur le territoire des "mécaniciens" dont Watt est l’un des éminents représentants.

 

La conversion avec les unités de travail et de puissance utilisées par les mécaniciens donne alors :

 

1 kilogrammètre = 9,81 joules

 

1 cheval-vapeur = 736 watts

 

En 1884 la "conférence internationale pour la détermination des unités électriques" se réunit à Paris après une première conférence en 1882.

 

Elle fixe la valeur de l’ohm : résistance d’une colonne de mercure de 1 millimètre carré de section et de 106 cm de longueur à la température de la glace fondante. Des étalons seront construits.

 

L’ampère est défini comme le courant dont la valeur absolue est 0,1 unité électromagnétique CGS.

 

Le volt est la force électromotrice qui "soutient" un courant de un ampère dans un conducteur dont la résistance est l’ohm légal.

 

En 1889, le congrès international des électriciens revient à Paris à l’occasion de l’exposition internationale. Le joule et le watt sont confirmés comme unités d’énergie et de puissance. Le kilowatt est retenu à la place du cheval-vapeur pour la mesure de la puissance des moteurs électriques.

 

De façon quelque peu provocatrice, le congrès des électriciens invite le congrès des mécaniciens qui se tient dans la même période à renoncer au cheval-vapeur, à adopter le système CGS et à clarifier les notions de "force" et de "travail" trop souvent utilisées l’une pour l’autre dans les textes des mécaniciens.

 

Des mécaniciens dépassés :

 

Les mécaniciens acceptent de clarifier les notions de force et de travail et décident que :

 

- Le mot force ne sera plus utilisé désormais que comme synonyme d’effort.

 

- Le mot travail désignera le produit d’une force par le chemin que décrit son point d’application dans sa propre direction.

 

- Le mot puissance sera exclusivement employé pour désigner le quotient d’un travail par le temps employé à le produire.

 

En revanche, ils ne renonceront pas à leurs unités propres, aussi archaïques puissent-elles paraître à leurs confrères électriciens :

 

- L’unité de force reste le kilogramme-force (poids, à Paris, d’une masse de un kilogramme).

 

- L’unité de travail est le kilogrammètre (travail d’une force de 1 kilogramme-force qui déplace son point d’application de 1 mètre dans sa direction).

 

- L’unité de puissance est, au gré de chacun : le cheval-vapeur de 75 kilogrammètres par seconde et le poncelet de 100 kilogrammètres par seconde.

 

Le mot énergie subsiste alors dans le langage comme une généralisation fort utile comprenant les différentes formes équivalentes : travail, force vive, chaleur... Il n’existe pas d’unité spéciale pour l’énergie envisagée dans toute sa généralité : on l’évalue numériquement suivant les circonstances, au moyen du joule, du kilogrammètre, de la calorie, etc.

 

L’obstination des mécaniciens vaudra aux lycéens de continuer à apprendre, jusqu’aux années 1960, que la force s’exprime en kilogramme-force (kgf), le poids en kilogramme-poids (kgp), le travail en kilogrammètres, la puissance mécanique en cheval-vapeur.

 

En 1893, se tient à Chicago un congrès des électriciens qui est présenté comme le second congrès "officiel" après celui de 1881. Les gouvernements des pays participants y sont représentés et les décisions auront force de loi internationale. Les unités déjà choisies y sont confirmées et précisées.

 

- L’ohm international sera défini de façon pratique par une colonne de mercure de 1 millimètre carré de section, de 106,3 cm de longueur et d’une masse de 14,4521 gramme.

 

- L’ampère international sera le courant qui déposera 0,00118 gramme d’argent par seconde à la cathode d’un électrolyseur à nitrate d’argent.

 

- Le volt international sera la force électromotrice correspondant aux 1000/1434 de celle de la pile Clark, une pile à dépolarisant qui, à cette époque, a détrôné le pile Daniell.

 

- Le joule et le watt sont confirmés.

 

La puissance invitante n’est pas oubliée : le henry est reconnu comme unité internationale de mesure de l’inductance magnétique d’un circuit électrique.

 

Vers le système M.K.S.A

 

Les électriciens britanniques, et en particulier Maxwell, ressentent, dès les années 1860, la nécessité de compléter le système CGS par une unité spécifique à l’électricité comme l’unité de charge électrique ou celle d’intensité d’un courant.

 

Nous avons déjà noté que deux systèmes concurrents, l’un issu de l’électrostatique et de la loi de Coulomb, l’autre de l’électromagnétisme et de la loi de Laplace, donnent des dimensions différentes pour les unités.

 

Dans le système électromagnétique, par exemple, la résistance a la dimension d’une vitesse (elle s’exprime par le quotient d’une longueur L par un temps T). Dans le système électrostatique elle a celle de l’inverse d’une vitesse (quotient d’un temps T par une longueur L).

 

De même toutes les unités de charge (quantité), d’intensité (courant), de tension (potentiel), de capacité... ont des dimensions différentes dans les deux systèmes. On note également que le rapport entre les dimensions des grandeurs électriques dans chacun des systèmes fait intervenir la dimension d’une vitesse v, remarque dont nous avons souligné l’importance dans la théorie de Maxwell.



Tableau établissant les dimensions des unités dans les deux systèmes électrostatique et électromagnétique (Maxwell, traité d’électricité et de magnétisme)


 

Le système C.G.S ayant été construit exclusivement à partir du système électromagnétique était mal adapté à l’électrostatique.

 

En 1901 l’ingénieur électricien italien Giovanni Giorgi propose une solution qui vise à concilier ces deux systèmes et qui aboutit au choix de l’ampère comme unité électrique de base, du mètre comme unité de longueur, de la seconde comme unité de temps. Pour les masses, même si le préfixe "kilo" est inadapté pour désigner une unité, c’est le kilogramme qui est choisi (encore une cicatrice héritée du passé vivant des sciences).

 

Ce système prend alors le nom de système Giorgi ou système MKSA. En 1906 est créée la Commission Electrotechnique Internationale (C.E.I) dont l’une des missions est de normaliser le système de mesures destinées à l’électricité industrielle. Il faut, cependant, attendre 1946 pour que le système MKSA soit retenu par le Comité International des Poids et Mesures.

 

En 1948 la Conférence Générale des Poids et Mesures propose le newton comme unité de forces (force capable de procurer à une masse de 1kg une accélération de 1m/s2). Les unités mécaniques et électriques sont enfin unifiées.

 

Le joule qui était jusqu’alors défini comme l’énergie dégagée pendant une seconde par un courant de un ampère traversant une résistance de un ohm devient également le travail d’une force de un newton déplaçant son point d’application de un mètre dans sa direction.

 

Le système MKSA prend alors le nom de système international (S.I), adopté par la 11e Conférence Générale des Poids et Mesures (CGPM) en 1960. Le 3 mai 1961 la République française publie le décret n° 61-501 rendant légal le système S.I en France.

 

Victoire définitive du système des électriciens sur celui des mécaniciens. Professeurs et lycéens peuvent désormais oublier kilogramme-force, kilogrammètre et cheval-vapeur au profit des newton, joule et watt.


Sources consultables sur internet.

 

La Nature :

 

1881-I. p98 : L’exposition internationale d’électricité.

1881-II. p263 : Le congrès international des électriciens.

1881-II. p282 : suite

1881 - II. p302 : suite, voeux et résolutions.

1881 - II. p318 : suite, voeux et résolutions.

1882-II. p14 :Exposition internationale d’électricité à Londres.

1882-II. p 334 : Comité international des poids et mesures.

1884-I. p 56. L’exposition d’électricité de Vienne de 1883.

1885-I. p30 : Unités électriques, le watt et le joule.

1885-II. p3 : L’ohm légal.

1889-I. p75 : Le congrès international des électriciens.

1889 -II. p 246 : Le congrès international des électriciens, suite.

1889-II. p 286 : Le congrès international de mécanique appliquée.

1893-II. p 306 : Le congrès international des électriciens de Chicago.

 

Le compte rendu officiel du Congrès


Article traduit :

 

History of the electrical units.

 

Historien om de elektriske enhetene.


On peut trouver un développement de cet article dans un ouvrage paru en septembre 2009 chez Vuibert : "Une histoire de l’électricité, de l’ambre à l&rsquo

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 05:58

 

Nous allons mettre en lien les articles que nous avons pu recueillir sur l’histoire de l’électricité au Québec.

 

Pourquoi ?

 

Le livre que nous avons écrit "L’Histoire de l’Electricité, de l’ambre à l’électron" a essentiellement exploré les sources européennes, essentiellement françaises.

 

Il est intéressant pour nos compatriotes d’aller voir de l’autre côté de l’Atlantique, et dans un pays d’expression française, comment les choses se sont passées.


 

Sur le site d’hydro Québec :

 

En 1878, à l’Exposition universelle de Paris, le monde découvre un nouveau mode d’éclairage : l’éclairage électrique. Dès lors, au Québec comme partout dans le monde, la concurrence est vive entre le gaz et l’électricité. Les diverses entreprises d’électricité en viennent à se disputer les contrats d’éclairage de rues, question de rentabiliser rapidement la mise en place d’un réseau de distribution.

 

Parmi les centaines d’entreprises qui voient le jour, quelques-unes seulement émergeront pour former de puissants monopoles locaux. À Montréal, la Montreal Light, Heat and Power Company élimine toutes ses concurrentes alors qu’ailleurs au Québec, la Shawinigan Water and Power Company fait de l’aménagement du Saint-Maurice la pierre d’assise d’un vaste complexe industriel.

 

En raison de l’abondance de la ressource, l’hydroélectricité s’impose. Ce choix a un effet déterminant sur « l’industrialisation du territoire » et sur la mise en valeur des ressources forestières et minières du Québec.

 

 


 

Sur Radio-Canada :

 

Il y a bientôt 40 ans, le 1er mai 1963, toutes les compagnies privées d’électricité du Québec étaient achetées par le gouvernement de Jean Lesage, au cours d’une grande opération financière appelée, à l’époque, la nationalisation de l’électricité. D’un jour à l’autre, Hydro-Québec devenait une des plus importantes entreprises au monde dans le domaine énergétique. Hydro-Québec allait servir de fer de lance au développement économique de la province et à la promotion du génie québécois. Une équipe de Zone libre a retracé l’histoire de cette étape cruciale de la Révolution tranquille en rencontrant les principaux artisans encore vivants de la nationalisation de l’électricité. Une opération qui nécessita, à l’époque, le plus gros emprunt jamais réalisé par des étrangers aux États-Unis.

 

 


 

Sur Wikipédia :

 

L’histoire de l’électricité au Québec a été marquée par trois grandes phases qui s’étendent des années 1880 à nos jours.  

 


 

Sur Québec Hebdo :

 

L’autre jour, mes yeux sont tombés sur la vieille photographie – que tout le monde connaît, je pense - de la rue Saint-Jean à Québec, prise du haut de la porte Saint-Jean, vers 1880, par J.-E. Livernois. Outre les nombreux points d’intérêt de la photo - entre autres, les nombreux véhicules hippomobiles qui se trouvent dans la rue - un petit détail de celle-ci m’a frappé : on y voit des poteaux qui étaient probablement parmi les premiers à supporter des fils électriques dans cette rue, qui fut l’une des premières éclairées par l’électricité à Québec, à la fin du 19e siècle.

 

 


 

Sur Ville de Sherbrooke :

 

Le 24 juin 1880, les Sherbrookoises et les Sherbrookois voient, pour la première fois, l’éclairage électrique. Le cirque Forepaugh en fait la démonstration lors d’une représentation. Sherbrooke compte alors 8000 habitantes et habitants. Depuis l’arrivée du chemin de fer en 1852, la ville connaît un essor industriel et démographique remarquable. Au début des années 1880, les services publics commencent à se développer pour répondre aux besoins d’une population qui augmente rapidement.


A suivre


Vous pouvez lire aussi :

 

 

Au fil d’un récit imagé – celui d’une succession de phénomènes généralement discrets qui, sous le regard d’observateurs avertis, débouchèrent sur des applications spectaculaires – nous croiserons des dizaines de savants, d’inventeurs et de chercheurs dont les noms nous sont déjà familiers : d’Ampère à Watt et de Thalès de Milet à Pierre et Marie Curie, ce sont aussi Volta et Hertz, Ohm et Joule, Franklin et Bell, Galvani et Siemens ou Edison et Marconi qui, entre autres, viennent peupler cette aventure.

On y verra l’ambre conduire au paratonnerre, les contractions d’une cuisse de grenouille déboucher sur la pile électrique, l’action d’un courant sur une boussole annoncer : le téléphone, les ondes hertziennes et les moteurs électriques, ou encore la lumière emplissant un tube à vide produire le rayonnement cathodique. Bien entendu, les rayons X et la radioactivité sont aussi de la partie.

De découvertes heureuses en expériences dramatiques, l’électricité reste une force naturelle qui n’a pas fini de susciter des recherches et de soulever des passions.

Où le trouver au Québec ?

 

 

 

 


 

Et en France ?

 

Les expositions internationales constituent ces grands rendez-vous du 19ème siècle entre les états du monde "développé". Chacun y expose sa puissance technique et économique dans une rivalité qui s’affirme vouloir n’être que "pacifique".

L’électricité y prend naturellement toute sa place. C’est le cas à Londres en 1862, à Paris en 1867 et 1878, à Vienne en 1875 et à Philadelphie en 1876. Mais l’exposition de 1881, à Paris, est une innovation. C’est la première fois qu’une exposition internationale est entièrement consacrée à l’électricité et à ses applications. Cette rencontre prendra une importance particulière avec l’organisation, pendant l’exposition, du premier congrès international des électriciens.

 

 


Au moment où le tramway fait l’actualité parisienne couplé avec le problème de la pollution de l’air et celui de la lutte contre l’effet de serre, il peut être amusant de se pencher sur l’histoire des débuts de la locomotion automobile à Paris. Une période où la principale pollution était due au crottin de cheval, où le pétrole servait essentiellement à alimenter les lampes et où les tenants du "progrès" espéraient beaucoup de la traction électrique.

 

 


L’énergie électrique d’abord produite et consommée "sur place" commence à se distribuer dans les rues, les théatres, les grands magasins, les immeubles d’habitation... à partir de la fin des années 1870.

Se pose alors la question de son mode de production et de diffusion : par courant continu ou par courant alternatif ?

 

 


La fée électricité a-t-elle mis beaucoup de temps avant de trouver les chemins de la pointe de Bretagne ? Paradoxalement, alors que le train a été tant attendu, certaines communes de Bretagne, et du Finistère en particulier, ont vu s’allumer les premières lampes électriques avant même les quartiers parisiens.

 

 


L’électricité règne sur notre quotidien. Pourtant certains de nos concitoyens se souviennent encore de la première fois où une lampe a éclairé leur logis.

L’histoire de l’arrivée de la distribution de l’énergie électrique est en effet une histoire récente. Dans beaucoup de communes elle a moins d’un siècle.

C’est le cas à Landerneau.

 

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 05:38


 

Pour la plupart inédits, les manuscrits d’André-Marie Ampère (1775-1836), le fondateur de l’électromagnétisme, seront disponibles jeudi 15 avril dans leur intégralité sur le site @.Ampère et l’histoire de l’électricité.

 

Vous y découvrirez la pensée de ce célèbre mathématicien et physicien français qui fut aussi philosophe et poète. Ce site, dont la réalisation a été pilotée par le CNRS avec le concours de l’Académie des Sciences, est destiné à tous les curieux de science. Avec plus de 53 000 images en ligne, il donne accès à l’un des plus riches fonds d’archives de savants français.


 


 

  

Le site @.Ampère et l’histoire de l’électricité réunit une nouvelle édition de la correspondance d’André-Marie Ampère et ses principales publications, ainsi que de nombreuses ressources sur l’histoire de l’électricité (documents multimedia, vidéos, expériences en 3D, etc.). Il s’enrichira jeudi 15 avril des archives du savant français. Sous la direction du CNRS (1), ce travail a été réalisé par le Centre Alexandre-Koyré - CRHST (2) (CNRS/EHESS/MNHN/Cité des sciences et de l’industrie), en collaboration avec le Centre national pour la numérisation de sources visuelles (CNRS), l’Académie des Sciences et le Très grand équipement Adonis (CNRS).

 

Un fonds d’une ampleur et d’une richesse exceptionnelles

 

La numérisation du fonds, conservé dans 39 cartons aux Archives de l’Académie des Sciences, a fourni plus de 53 000 photographies numériques. Tous les domaines de la connaissance y sont abordés : les mathématiques, la physique (en particulier l’électricité), la chimie, les sciences naturelles, mais également, de manière étonnante, la philosophie, la poésie, des ébauches de tragédies… Pour l’essentiel inédits, ces manuscrits éclairent les intuitions et les remaniements de la pensée d’Ampère. Au travers de documents familiaux et administratifs, ils témoignent de sa vie à Lyon sous la Révolution française, puis, à Paris, au début du XIXe siècle, au cœur de la communauté scientifique aux côtés d’autres grands savants, comme François Arago ou Georges Cuvier.

 

Un patrimoine scientifique accessible à tous

 

Les manuscrits sont accessibles de trois manières : un Aperçu du fonds - sélection commentée d’une soixantaine de documents -, une section Parcourir le fonds qui permet de consulter l’ensemble des fac-similés des manuscrits dans une galerie d’images et enfin un inventaire des archives. Numériser et rendre ce fonds accessible à tous sur Internet permet de préserver le patrimoine scientifique, de le diffuser sous une forme interactive et surtout, de le valoriser. Cette mise en ligne ouvre de nouvelles perspectives en facilitant la navigation dans une masse considérable de documents et en offrant la possibilité de transcrire les manuscrits grâce à un outil collaboratif d’édition en ligne.

 

Ce travail a bénéficié des soutiens du CNRS, de l’Agence nationale de la recherche, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, de la Cité des sciences et de l’industrie et de la Fondation EDF Diversiterre, ainsi que du concours de l’Académie des sciences et de la Société des Amis d’Ampère.

 

Notes :

 

(1) Christine Blondel, chercheur CNRS au Centre Alexandre-Koyré - Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques, responsable scientifique et Stéphane Pouyllau, ingénieur CNRS au TGE Adonis, responsable technique

 

(2) Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques Contacts :

Presse l Priscilla Dacher l T 01 44 96 46 06 l priscilla.dacher@cnrs-dir.fr


Sur le site @Ampère vous pouvez lire par exemple :

 

La longue histoire des unités électriques

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 21:04


 

Rien ne destinait Faraday à une carrière scientifique sinon sa soif de connaître. D’origine modeste (son père est forgeron), il quitte l’école à quatorze ans pour entrer comme courtier chez un libraire. Il en profite pour dévorer tous les livres qui passent à sa portée. Sa culture est bientôt remarquée par un client du magasin qui le recommande à Humphry Davy. Celui-ci l’engage comme assistant, en 1813, au laboratoire de la "Royal Institution". Il entre à la "Royal Society" de Londres en 1824 et, l’année suivante, en devient directeur du laboratoire
.

 

De la chimie à l’électrostatique.

 

Continuateur de Davy, il établira les lois quantitatives de l’action chimique du courant électrique. Il est d’ailleurs l’auteur du vocabulaire, inspiré du grec, de cette discipline : cathode (électrode de sortie du courant), anode (électrode d’entrée), ion (particule qui se déplace) vers l’anode (anion) ou vers la cathode (cation). Il mesure l’intensité d’un courant électrique en inventant le "voltamètre", électrolyseur dont les électrodes sont coiffées de tubes à gaz gradués. Ses travaux feront avancer les notions d’atome et de poids atomique énoncées plus tard par Dalton. Juste reconnaissance, on donnera le nom de "faraday" à l’unité représentant la charge d’une "mole" d’électrons.

 

 

Avide de tout ce qui touche à l’électricité, il en explore l’ensemble des domaines. Par exemple celui de l’électrostatique. Chacun connaît la "cage de Faraday", enceinte conductrice grillagée qui isole des effets électriques. Dans les démonstrations effectuées par les musées scientifiques, le "cobaye humain" enfermé dans la cage ne voit pas sans inquiétude les éclairs dont on le bombarde. Ils lui sont pourtant totalement inoffensifs, apportant ainsi la preuve que la meilleure protection, en temps d’orage, est un habitacle métallique, par exemple celui d’une automobile.

 

 

Le nom donné à l’unité de capacité, le "farad" rappelle cet apport à l’électrostatique et à l’étude des "diélectriques" (ce terme, qui désigne les isolants, est également de Faraday).

 

Faraday et l’électromagnétisme

 

L’électromagnétisme est, cependant, le domaine où il donne toute la mesure de son talent imaginatif. Sa première publication sur l’électromagnétisme date de septembre 1821. Un an après celle de Ampère. Faraday y montre comment un aimant peut tourner autour d’un courant électrique et inversement comment un élément de circuit électrique peut tourner autour d’un aimant.

 

Le montage est simple. Dans un vase plein de mercure un aimant droit est à demi immergé verticalement, un pôle sortant légèrement de la surface du liquide. L’autre pôle est relié, par un lien souple, à la base du vase. Un conducteur vertical plonge au centre du vase, à proximité de l’aimant. On y établira un courant électrique en reliant une pile entre son extrémité supérieure et la base du vase contenant le mercure.

 

Le courant étant établi, si le fil est maintenu fixe, l’aimant tourne autour de celui-ci. Si, à l’inverse, le fil est libéré et l’aimant maintenu fixe, c’est le fil qui tourne autour de l’aimant.

 

Ces mouvements ininterrompus sont bien autre chose que les brèves attractions et répulsions observées entre aimants ou entre électroaimants.

 

Ampère sera le premier à noter l’importance du phénomène. Dans une communication à l’Académie des sciences, du 8 avril 1822, sur les nouvelles expériences électro-magnétiques faites par différents physiciens depuis le mois de mars 1821, il souligne les nouveaux progrès de cette branche de la physique dont, dit-il, "nous ne soupçonnions pas même l’existence il y a seulement deux années et qui déjà nous a fait connaître des faits plus étonnants peut-être que tout ce que la science nous avait jusqu’à présent offert de phénomènes merveilleux". Il note, en particulier, l’apport essentiel de l’expérience de Faraday :

 

"Un mouvement qui se continue toujours dans le même sens, malgré les frottements, malgré la résistance des milieux, et ce mouvement produit par l’action mutuelle de deux corps qui demeurent constamment dans le même état, est un fait sans exemple dans tout ce que nous savions des propriétés que peut offrir la matière inorganique".

 

Le montage annonce les "moteurs" électriques. Le premier, digne de ce nom, sera imaginé par Barlow en 1822 : une roue dentée dont les pointes plongent dans une cuve de mercure est placée entre les branches d’un aimant en fer à cheval. Quand le courant passe du mercure à l’axe de la roue, elle tourne. La "roue de Barlow" est encore présente dans les collections des laboratoires de la plupart des établissements d’enseignement secondaire.


 

Roue de Barlow


 

Du moteur à la génératrice.

 


 

Il faut attendre 1831 pour que Faraday fasse l’observation des "courants induits" qui amènera à la construction des premières génératrices.

 

L’idée est simple : si un courant électrique peut "créer" un aimant, un aimant doit être capable de "créer" un courant.

"Ces considérations, dit-il, l’espoir d’obtenir de l’électricité à partir du magnétisme ordinaire, m’ont stimulé à différents moments pour enquêter expérimentalement sur les effets inductifs des courants électriques. Je suis arrivé tardivement à des effets positifs ; et non seulement mes espoirs ont-ils été remplis, mais j’ai obtenu une clef qui m’a semblé ouvrir l’explication des phénomènes magnétiques d’Arago et aussi de découvrir un nouvel état qui aura probablement une grande influence dans certains des effets les plus importants des courants électriques."

 

L’expérience d’Arago avait fortement impressionné ses contemporains. Un disque horizontal de cuivre, ou d’un autre métal bon conducteur, mis en rotation, entraînait dans son mouvement une aiguille aimantée placée au dessous.

 

Les montages utilisés par Faraday pour son "enquête expérimentale" sont d’une étonnante simplicité.

 

D’abord, il enroule ensemble, sur un même cylindre de bois, deux "hélices" de fil de cuivre. Ces hélices (Ampère dirait solénoïdes) comportent chacune plus de 200 spires conductrices isolées.

 

La première bobine est reliée aux pôles d’une "batterie voltaïque" comportant dix paires de plaques cuivre/zinc de 10cm environ de côté.

 

La seconde est reliée à un galvanomètre. Cet instrument, encore rudimentaire, est composé d’une aiguille aimantée montée sur un pivot et placée, en direction nord-sud, dans une bobine de fil conducteur enroulé sur un cadre rectangulaire. Le passage d’un courant dans la bobine peut être repéré, voire mesuré, par la déviation de l’aiguille.

 

Un courant est établi dans la première bobine. L’électroaimant ainsi créé va-t-il induire un courant dans la seconde ?

 

L’expérience est un échec. L’aiguille du galvanomètre reste immobile.

 

Faraday ne renonce pas et utilise, cette fois, une batterie voltaïque de 100 éléments. Le courant attendu n’est toujours pas au rendez-vous mais, remarque Faraday, "quand le courant fut mis, il y eut un soudain et très léger effet au galvanomètre et il y eut de même un léger effet quand le contact a été rompu". Il remarque également que le courant "induit" observé dans la deuxième hélice lors de la fermeture du circuit "inducteur" était inverse de celui observé lors de l’ouverture du circuit.

 

Pour autant, Faraday n’est pas satisfait : obtenir un si faible effet, par le moyen aussi énergique qu’une batterie de 100 éléments, est véritablement décevant. Il imagine, alors, un montage susceptible de mieux répondre à son attente.

 

Prendre un anneau de fer doux de deux centimètres de section et de quinze centimètres de diamètre. Sur la moitié de l’anneau une hélice, A, de fil de cuivre de 200 spires est enroulée et reliée à une batterie de 10 plaques. Une autre hélice "secondaire" identique, B, est enroulée sur l’autre moitié et reliée à un galvanomètre.

 

A la fermeture du circuit "primaire", A, "le galvanomètre, constate Faraday, est immédiatement affecté de façon bien plus intense qu’avec la batterie 10 fois plus puissante utilisée auparavant". Avec la batterie de 100 plaques "l’effet est si grand que l’aiguille du galvanomètre se met à tourner 4 ou 5 fois avant que l’air ou le magnétisme terrestre ne réduise son mouvement à quelques oscillations".


 

Anneaux et solénoïdes utilisés par Faraday


 

La dernière expérience est devenue un classique des cours de physique. Elle consiste à utiliser un barreau aimanté et une bobine conductrice : " l’aimant est rapidement plongé dans la bobine, immédiatement l’aiguille est déviée… l’aimant étant retiré, l’aiguille est déviée dans la direction opposée". La même expérience peut être réalisée en utilisant un solénoïde alimenté en courant (un électroaimant) au lieu d’un aimant permanent.

 

Plus démonstratif encore : le montage de la "roue de Barlow" est repris. La roue de cuivre dont les pointes touchent au mercure et qui est placée entre les branches d’un aimant en U est, cette fois, simplement reliée à un galvanomètre. Quand on lui imprime un mouvement de rotation, un courant permanent est détecté au galvanomètre pendant toute la rotation. Le "moteur" électrique est donc réversible et peut se transformer en une "génératrice" capable de transformer de l’énergie mécanique en énergie électrique.

 

Comment expliquer ces phénomènes ? Faraday construit progressivement un modèle original.

 

Lignes de force et champs :

 

Le concept d’action à distance proposé par Newton ne s’est pas imposé sans mal. Comment imaginer qu’un corps puisse agir là où il n’est pas. Seule la "magie" avait cette prétention. Descartes, rejetant le vide et décrivant l’univers comme une vaste mécanique entraînée par les rouages d’invisibles tourbillons, avait conservé l’adhésion de ceux qui faisaient, d’abord, confiance au sens commun.

 

Pourtant, l’efficacité mathématique des lois qui en étaient issues, avait imposé le concept d’action à distance, y compris dans le domaine de l’électricité et du magnétisme, avec les lois énoncées par Coulomb et Ampère.

 

Faraday n’est pas convaincu. Il est déjà difficile d’imaginer que deux corps puissent exercer, l’un sur l’autre, des forces à distance. Que dire alors de courants électriques créés à distance ? Pour Faraday, un lien matériel existe nécessairement entre aimant "inducteur" et courant "induit". Quelque chose agit dans l’espace qui les sépare.

 

Depuis les observations du Napolitain Giambattista Della Porta (1534-1615) et les schémas qu’en donne Descartes (1664), les physiciens savent réaliser un "spectre magnétique". Une surface lisse, carton ou verre, est placée sur un aimant. On la saupoudre de limaille de fer. Quelques secousses et on fait apparaître le "fantôme" qui hante l’environnement de cet aimant : des faisceaux de lignes semblables à des gerbes de blé : un "champ" magnétique dira Maxwell.

 

Ces lignes, Faraday les appellera "lignes de force magnétiques". De même des "lignes de force électriques" existent autour des corps chargés d’électricité.


 

lignes de force électriques entre deux charges opposées


 

Faraday, nous dit Maxwell, "voyait par les yeux de son esprit, des lignes traversant tout cet espace où les mathématiciens ne considéraient que des centres de forces agissant à distance ; Faraday voyait un milieu où ils ne voyaient rien que la distance ; Faraday cherchait le siège des phénomènes dans des actions réelles, se produisant dans ce milieu, tandis qu’ils se contentaient de l’avoir trouvé dans une puissance d’action à distance particulière aux fluides électriques". (introduction au "Traité d’Electricité et de Magnétisme. Maxwell. 1873)

 

Ces "lignes de force" (avec Maxwell, nous disons aujourd’hui "lignes de champ") ont, pour Faraday, des propriétés physiques concrètes et observables.

 

Par exemple, celles du champ électrique. De toute charge électrique positive, Faraday "voit" partir une ligne de champ qui rejoint nécessairement, quelque part, une charge électrique négative équivalente. Les propriétés de ces lignes de champ expliquent les actions et mouvements observés.

 

Elles expliquent l’attraction : Ces lignes de champ sont élastiques et soumises à une "tension" longitudinale. Tendues comme un ressort, elles auront tendance à rapprocher les charges électriques, de signe contraire, placées à leur extrémité.

 

Elles expliquent la répulsion : les lignes de champ issues d’une même charge électrique ou d’une charge de même nature se repoussent latéralement.

 

Elles s’écartent de la charge ponctuelle qui les produit. Elles écartent, également, l’un de l’autre deux corps portant des charges identiques.

 

Elles s’accordent, aussi, avec la loi mathématique d’action à distance : les lignes de champ sont plus denses à proximité d’un corps chargé, c’est pourquoi le corps qui s’y trouve placé sera soumis à un nombre plus grand de lignes de forces et donc plus fortement attiré ou repoussé.

 

La loi de Faraday.

 

Les champs magnétiques sont eux mêmes constitués de lignes de force reliant deux pôles opposés. Tendues dans leur longueur elles se repoussent également latéralement.

 

Mais leurs propriétés sont bien plus spectaculaires. Si elles sont "coupées" par un conducteur mobile, à l’image des tiges d’un champ de blé tranchées par la lame d’une faux, une "force électromotrice induite" se crée dans le conducteur qui les coupe et provoque la circulation d’un courant dans celui-ci.

 

Pour être plus précis : la quantité d’électricité qui traverse ce conducteur est proportionnelle au nombre de lignes de champ coupées. Ou encore :

 

l’intensité du courant électrique est proportionnelle au nombre de lignes de champ coupées par unité de temps.

 

C’est la "loi de Faraday" qui deviendra loi de "Faraday-Lenz" quand Lenz aura fait observer que le sens de ce courant induit "est tel que, par ses effets, il s’oppose à la cause qui lui donne naissance". Nouvelle illustration du principe "d’action et de réaction".

 

Les techniciens et les ingénieurs qui s’emploieront bientôt à construire les génératrices et les moteurs du nouvel âge de la civilisation industrielle, devront beaucoup à cette vision matérielle des champs magnétiques. Ils sauront trouver les matériaux et inventer les formes des "pièces polaires" capables d’amplifier, de multiplier et de canaliser ces lignes de champ. De les rendre parallèles, divergentes où convergentes suivant l’effet recherché.

 

Mais quel est l’engrenage qui lie, ainsi, lignes de champ magnétique et courant électrique ? Quels mouvements, quelles ondulations animent ces champs ? C’est ce que cherchera à établir Maxwell.

 

Maxwell (1831-1879), la mise en équations.

 

James Clerk Maxwell est le descendant d’une famille noble d’Écosse. Il fait ses études à Edimbourg puis au Trinity college de Cambridge. Il enseigne ensuite à Aberdeen et à Londres avant de se retirer pendant six ans dans son domaine écossais où, dans la solitude, il rédige son "grand œuvre" : le "Traité d’électricité et de magnétisme".

 

En 1871 il revient à la vie universitaire comme professeur de physique expérimentale à Cambridge où il crée le "Cavendish Laboratory", future pépinière de savants. Il n’a que quarante huit ans quand il meurt d’un cancer intestinal. Il laisse, cependant, un héritage inestimable à la Physique. Einstein, Plank, entre autres, le reconnaîtront comme leur précurseur.

 

James Clerk Maxwell a 23 ans quand, à l’issue de ses études, il débute dans l’étude de l’électricité. Comment ne pas être enthousiasmé en découvrant le territoire ouvert par Œrsted, Ampère, Laplace, Lens… et, surtout, Faraday !

 

"Je résolus, dit-il, en abordant l’étude de l’électricité, de n’étudier aucun traité mathématique sur ce sujet, avant d’avoir entièrement lu les "Experimental Researches on Electricity" de Faraday".

 

Il est fasciné par le côté visionnaire de l’œuvre de Faraday qu’il oppose aux froides théories des "mathématiciens de profession", adeptes de Newton et des actions à distance :

 

"Ce fut peut-être un avantage pour la science, dit-il, que Faraday, bien qu’ayant une parfaite connaissance des notions fondamentales de temps, d’espace et de force, n’ait pas été un mathématicien de profession. Il n’était pas tenté de s’engager dans les nombreuses et intéressantes recherches de mathématiques pures, qu’auraient suggérées ses découvertes si elles avaient été présentées sous une forme mathématique, et il ne se sentait pas porté à imposer à ses résultats une forme qui répondît au goût mathématique de l’époque ou à les exprimer sous une forme qui permît aux mécaniciens de les aborder. Mais il se garda ainsi le loisir de faire son travail personnel, d’accorder ses idées avec ses observations et d’exprimer sa pensée dans un langage ordinaire et non technique."

 

Maxwell est, lui, un mathématicien averti, en particulier dans tout ce qui concerne la récente mécanique des fluides. Il souhaite adapter l’œuvre de Faraday au "goût mathématique" de ses contemporains :

 

"C’est surtout dans l’espoir de faire de ces idées la base d’une méthode mathématique que j’ai entrepris ce traité.", écrira-t-il dans son "Traité de l’Electricité et du Magnétisme", œuvre majeure qu’il publiera en 1873.

 

Sa première "mise en mathématique" du modèle de Faraday, se concrétise à l’occasion d’un mémoire qu’il lit en février 1856 devant la "Société Philosophique de Cambridge", sous le titre "On Faraday’s lines of force". Il en adresse un exemplaire à Faraday.

 

Celui-ci lui répond. " J’ai reçu votre Mémoire et vous en remercie beaucoup ; je ne dis pas que je vous remercie personnellement pour ce que vous avez dit des lignes de force, parce que je sais que vous l’avez fait dans l’intérêt de la vérité philosophique, mais vous devez supposer que cela m’est agréable et m’encourage beaucoup à penser. J’ai été tout d’abord effrayé de voir concentrer sur ce sujet une telle puissance mathématique, puis émerveillé de le voir si bien supporter cette épreuve.".

 

Passage de témoin d’un physicien de 65 ans, au sommet de sa carrière, à son jeune collègue de 26 ans.


 

Pour aller plus loin.

 

Voir l’excellente vidéo du site Ampère/CNRS.

Faraday : créer de l’électricité avec le magnétisme ?


Un livre :

 

 

Histoire de l’électricité, de l’ambre à l’électron.

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 20:33

La fée électricité a-t-elle mis beaucoup de temps avant de trouver les chemins de la pointe de Bretagne ?

 

Paradoxalement, alors que le train a été tant attendu, certaines communes de Bretagne, et du Finistère en particulier, ont vu s’allumer les premières lampes électriques avant même les quartiers parisiens.

 

L’histoire continue à s’écrire. La fée électricité se fait parfois sorcière. La fin de ce récit nous mènera à Brennilis, à Plogoff...


première mise en ligne janvier 2010.


 

1881, 1889, deux grandes dates de l’histoire de l’électricité.

 

En 1881 s’est tenue à Paris la première exposition internationale de l’électricité. Parmi les nouveautés le téléphone mais surtout les premières génératrices électriques alimentant les premiers moteurs comme celui du premier tramway ayant circulé à Paris ou encore les premières lampes à incandescence, en particulier celles de Thomas Edison.

 


Génératrice Edison à l’exposition internationale d’électricité de 1881.


Le premier tramway électrique.


Les premières lampes à incandescence.


De retour aux USA, Thomas Edison fonde, en 1882, la première centrale électrique du monde, la « Edison Electric Light Company ». A base de 6 dynamos « Jumbo », il produit du courant continu, dans le quartier de Wall Street de Manhattan, qui alimente 1 200 lampes pour éclairer 85 maisons, bureaux ou boutiques.

 

Moins d’un an plus tard, d’autres centrales toujours plus puissantes éclairent plus de 430 immeubles new-yorkais avec plus de 10 000 ampoules. L’exemple sera bientôt suivi par Londres.

 

A Paris, c’est l’exposition internationale de 1889 qui incite les autorités à lancer un programme d’électrification de la ville. Il faut en particulier éclairer la tour Eiffel, le joyau de l’exposition, dont le sommet porte deux énormes projecteurs éclairant la ville.

 

Chateaulin précurseur

 

"C’est la ville de Chateaulin, nous dit Anne Guillou (auteure de "Enfin... la nuit devint lumière"), qui, utilisant la chute d’eau de l’écluse à Coatigrac’h, sera la première cité finistérienne (la troisième en France) à s’éclairer aux ampoules électriques, dès 1887."

 

Il est vrai que la technique existe et est facile à mettre en œuvre mais cette précocité est preuve d’une rare capacité d’adaptation. Le texte de Anne Guillou et des "anciens de Douarnenez" mérite d’être cité.

 

" Dès 1886, une première usine hydo-électrique fut construite à 3km de la ville par l’ingénieur Ernest Lamy. Cet homme habile savait que l’utilisation d’une force jusque-là perdue, la chute d’eau de l’écluse de Coatigrac’h, rendait possible la construction d’une telle usine. Reléguée à l’extrémité de la France, presque à la fin de la terre, Chateaulin a su utiliser les inventions modernes qui parvenaient jusqu’à elle. C’est à la suite d’un article du "Figaro" que les élus ont décidé de s’intéresser à ce nouveau mode d’éclairage. Malgré la modicité de leurs ressources, ils traversèrent la France, se rendirent à la frontière suisse s’assurer de la réalité de ce système d’éclairage."

 

Cette ville de la"frontière suisse" est probablement "La Roche sur Foron". Le 16 septembre 1885, le journaliste Pierre Giffard grand reporter pour le journal Le Figaro indique avoir découvert "une ville éclairée à l’électricité qui n’est ni Londres ni Berlin ni Paris" mais cette petite localité située dans le département de la Haute-Savoie.

 

La première place est aussi revendiquée par Bellegarde-sur-Valserine. En août 1884, l’usine électrique Louis Dumont, avec sa retenue d’eau, en aurait fait la première ville électrifiée de France juste avant La Roche sur Foron en 1885 et Bourganeuf en 1886. Selon les sources, 30 ou 90 lampes avaient été installées pour l’éclairage public et certains particuliers. Cependant, la concession caduque fit que l’éclairage fut interrompu jusqu’en 1886. On trouve dans le numéro de "la Nature" du deuxième semestre de 1884, une description de cette installation.

 

Pierre Giffard cite également Bourganeuf, dans la Creuse, comme troisième ville éclairée par l’électricité et par le même Ernest Lamy. Cependant l’équipement de cette ville ne sera réellement efficace qu’en 1889 et Chateaulin a de bons arguments pour défendre sa troisième place sur le podium. Une chose est certaine : ses élus et ses habitants avaient su faire le choix, avec Ernest Lamy, de l’ingénieur qui faisait autorité en France dans ce domaine.

 

La lumière électrique à Chateaulin quand Paris l’attend encore. Beau symbole !

 

Poursuivons.

 

"C’est le 20 mars 1887 qu’eut lieu l’inauguration de l’éclairage des rues à la lumière électrique.

 

Il y a foule ce jour là à Chateaulin. De 9000 à 10 000 personnes sont venues de partout. La journée a commencé par la distribution de pain aux indigents car il faut que tout le monde soit heureux un tel jour. Puis, lors de la visite de l’usine de Coatigrac’h, visite commentée par Monsieur Ernest Lamy, tous sont étonnés par la simplicité apparente de l’installation et des engins produisant l’électricité.

 

Toute la journée fut grandiose, les visiteurs allant de surprise en surprise : concert, danses au biniou, grand banquet, feu d’artifice... Et soudain, à 20 heures, comme d’un coup de baguette magique, Chateaulin sort de l’obscurité pour devenir resplendissante de lumière. Le succès a dépassé toutes les espérances et les plus récalcitrants sont devenus les plus convaincus. La réussite est là, immense, palpable. Ces petites lampes à la lumière brillante que d’un mouvement de doigt on allume à distance, quel émerveillement ! "


 


 

L’écluse étant à limite de la commune de Saint-Coulitz, celle-ci revendique également d’avoir été la troisième commune de France à être électrifiée et le fait savoir dans son blason !

 

"Le blason de la commune date des années 1991/1992, années de la rénovation de la mairie. Nous vous expliquons la signification des éléments qui le composent.

 

- L’ampoule : Saint-Coulitz est la 1ère ville de l’ouest et la 3ème ville de France à être électrifiée grâce à l’usine hydro-électrique de Coatigrac’h en 1887.

 

- Les épis de blé symbolisent l’agriculture.

 

- La rivière bleu, c’est l’Aulne.

 

- Les mains ouvertes symbolisent l’accueil.

 

- Les étoiles sur fond bleu représentent le drapeau européen.

 

- Le triskell et les hermines matérialisent la bretagne.

 

- tradition - accueil - avenir - est la devise de la commune. "


Le local de la centrale est en ce moment en cours de rénovation

Voir l’article du Télégramme


En cette fin de 19ème siècle, il se trouve encore dans chaque commune le chantre local qui magnifie chaque évènement de ses alexandrins. Chateaulin n’échappe pas à la règle :

 

"Digne sang des Gaulois, Fils de la Race Antique,

Voyez et contemplez cette œuvre du Progrès ;

Mais acclamant, ici, la Lumière électrique,

Donnons-lui, sans retour, nos cœurs à tout jamais !

Spectacle sans pareil ! c’est le feu du Tonnerre,

Dompté par le Savoir, qui vient nous éclairer !

Ah ! ...puisse la Science aussi vaincre la Guerre...

En tous Pays, alors, la Paix saura régner."

 

Hélas, la lumière ne se fait pas aussi facilement dans l’esprit de ceux qui dirigent les États. Au même moment se fourbissent les armes qui, plus tard, massacrerons ces "fils de la race antique" dans les tranchées de Verdun et d’ailleurs.


Quand l’électricité remplace le pétrole.


L’époque des débrouillards.

 

Quelques noms d’autodidactes géniaux émaillent les début de l’électromagnétisme dont les génératrices électriques sont la plus belle application immédiate. Citons en premier lieu Zénobe Gramme.

 

Zénobe Théophile Gramme (1826-1901) est un électricien belge.

 

Il nait près de Liège, mais vécut la majeure partie de sa vie en France (à partir de 1856).

 

Très jeune, le travail manuel, l’attire, il suit d’ailleurs des cours dans un école industrielle. Bricoleur de génie, ébéniste, en particulier chez l’orfèvre Christofle, il met au point le prototype de la première dynamo industrielle (1869). Le deuxième prototype de sa dynamo (1871) est exposé à la Maison de la Métallurgie et de l’Industrie de Liège.

 

La « Machine de Gramme » est réversible : de génératrice de courant continu, elle peut devenir moteur électrique, fournisseur d’énergie mécanique, capable de remplacer la machine à vapeur dans les ateliers mais c’est d’abord comme génératrice qu’elle s’est diffusée.


Machine Gramme. A la fois génératrice et moteur.


Ces premières machines sont d’une étonnante efficacité. Il suffit de relier leur rotor, au moyen d’une courroie à la roue d’un moulin ou au volant d’une machine à vapeur pour alimenter en électricités lampes et moteurs électriques.

 

A Chateaulin la municipalité a fait appel à un ingénieiur mais dans les campagnes l’usage de la vapeur dans le machinisme agricole a déjà formé une génération de paysans capables de mettre en œuvre une technique qui ne demande pas une habilité particulière. Les exemples ne manquent pas dans le Finistère. Les témoignages des anciens sont là pour nous les rappeler.

 

Exemple : Au moulin de Barbary sur l’Aven, dans la commune de Kernével, une dynamo a été installée. Le courant continu produit sous une tension de 110V, alimente des batteries qui fournissent un courant régulier sans obliger à un fonctionnement permanent du moulin. Il est courant que, dans le voisinage de telles installations, des fermes s’équipent de batteries qu’elles viennent recharger au moulin. Une ou deux lampes dans la maison et dans la crèche sont déjà un début de confort apprécié.

 

Autre témoignage : Le Bourg de Pleyber-Christ a été électrifié peu après la guerre 14-18 "grâce à l’habileté des frères Quéré qui avaient fait une installation artisanale au moulin Jouanet, à la limite de la commune, sur la route du Cloître-Saint-Thégonnec."

 

Plus tard la compagnie Lebon devait racheter l’installation. L’époque des Compagnies d’Électricité était venue.

 

La compagnie Lebon dans le Finistère.

 

L’arrivée de l’éclairage électrique a d’abord été vécu comme une rude concurrence par les compagnies délivrant le gaz d’éclairage. Les plus performantes n’ont pas tardé à s’adapter en devenant fournisseurs d’électricité.

 

C’est le cas de l’entreprise Lebon.

 

Charles-Louis-André Lebon est né à Dieppe en 1800, l’année où Volta présente sa pile électrique. En 1841, il obtient le premier contrat d’éclairage par le gaz de Barcelone, en 1843 celui de Valence, en 1845 celui de Cadix.

 

C’est le 23 mars 1847 que la Société est fondée sous le nom de « Compagnie Centrale d’Éclairage par le gaz » pour les villes de Dieppe, Pont-Audemer, Honfleur et Chartres. Elle distribue le gaz en France mais aussi en Algérie, en Espagne, en Egypte.

 

En 1893 la compagnie procède à un essai d’éclairage électrique en Égypte et à Espagne. L’idée est bonne et la compagnie propose l’électricité là où elle exploite le gaz. A Morlaix, par exemple, elle distribue le gaz depuis 1857 et l’électricité à partir de 1902. La distribution électrique en courant continu est alimentée par des moteurs à gaz et une batterie d’accumulateurs. Le courant alternatif suivra en 1924.

 

En France, c’est au lendemain de la guerre 14-18 que l’état encourage la diffusion de l’électricité. L’entreprise Lebon recherche à s’implanter dans les régions. En particulier en Normandie et en Bretagne. Le 26 juin 1928, un décret déclare d’utilité publique la concession d’État accordée à l’entreprise Lebon.

L’électrification du Finistère.

 

Brest a été la première ville équipée. Ailleurs l’équipement est l’affaire d’installations locales dispersées.

 

L’une des raisons à la progression lente de l’éclairage électrique est la résistance des compagnies de gaz avec lesquelles les communes ont signé de très longs contrats difficile à rompre.


Le cauchemar des gaziers, une caricature anglaise qui illustre un conflit comme en connaît chaque développement technique nouveau.

 


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Marseillaise des électriciens

 

Extrait :

 

Allons enfants de la batt’rie,

Le jour de voir est arrivé !

Contre nous du gaz qu’on décrie

Trop longtemps le bec fut levé (bis).

Entendez nos fils, nos compagnes,

Gémir parce qu’on n’y voit pas !

Nous voulons pour guider leurs pas,

Eclairer villes et campagnes.

Aux fils ! Electriciens ! Allumez vos charbons !

Brillons, brillons

Qu’un feu plus pur éclaire les nations !


La "résistance gazière" est particulièrement forte à Landerneau. En 1914, le Compagnie d’Electricité de Brest et Extensions relance la municipalité de Landerneau à laquelle elle avait déjà fait une proposition en 1912. Pour enlever la décision, la compagnie d’électricité n’hésite pas à faire appel à l’esprit de clocher :

 

"Les localités suivantes du département du Finistère, d’une importance moindre que celle de Landerneau, assurent par l’électricité et depuis plus de deux années, la totalité du Servie ce l’Éclairage Public.

 

Audierne 4610 habitants

Chateaulin 4272 habitants

Guipavas 5061 habitants

Landivisiau 4713 habitants

Lannilis 3591 habitants

Lesneven 3776 habitants

Pont-Labbé 6612 habitants

Pont-Croix 2511 habitants

Rosporden 2450 habitants

La population de Landerneau est de 8252 habitants "

 

Il faudra pourtant attendre 1923 pour que, après une longue procédure, l’électricité éclaire les rues de Landerneau.


Une "association de consommateurs" pour la promotion du gaz et de l’électricité. (service des archives de Landerneau)


Une publicité pour le moins agressive !


Au fur et à mesure des syndicats de communes se forment et des compagnies s’imposent.

 

La société Lebon et Cie s’installe sur les arrondissements de Quimper et Morlaix. La Compagnie d’Électricité de Brest et Extensions sur ceux de Brest et Chateaulin. L’électricité y est fournie par des réseaux alternatifs à haute tension de 15 000 volts et 45 000 volts.


 


A partir de 1929 la Société Hydroélectrique des Monts d’Arrée exploite la chute de Saint-Herbot.


la centrale de Saint-Herbot


 

Brennilis et la parenthèse nucléaire.

 

A nouveau une centrale électrique dans le Finisitère, mais celle là est nucléaire et c’est à Brennilis. Peu d’électricité mais beaucoup de pollution.

 

Le chantier de démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis devait être un modèle du genre. Son démarrage avait donné lieu à moultes visites guidées.

 

En fait de modèle, c’est un extraordinaire et dangereux bricolage qu’ont découvert les agents de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) : fûts corrodés, déchets nucléaires mal enregistrés, locaux sensibles ouverts au tout-venant, taux de radioactivité sous-estimés...

 

Retour sur la vie, pleine de rebondissements, de cette centrale.

 

 

 



 

La centrale nucléaire que nous avons refusée.

 

Plogoff, un combat pour demain. C’est un livre.

 

C’est d’abord la chronique du premier combat victorieux contre le lobby nucléaire : celui de la population de Plogoff dans la Pointe du Raz et des comités qui la soutenaient.

 

C’est aussi un document utile à tous ceux qui, aujourd’hui, reprennent ce combat.

 

 

 

 

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L’autocollant du comité de défense de Plogoff

 

Aujourd’hui. Le syndicat départemental d’énergie du Finistère.

 

La loi de nationalisation de l’électricité de 1946 avait placé la distribution publique de distribution d’électricité sous le régime de la concession. En pratique, deux niveaux opérationnels sont à distinguer ; le pouvoir concédant et la maîtrise d’ouvrage :

 

* le pouvoir concédant consiste à négocier les conditions d’exploitation du réseau avec le concessionnaire, à contrôler la qualité du service, c’est-à-dire de l’alimentation et à percevoir les taxes et redevances,

 

* la maîtrise d’ouvrage porte sur les travaux d’extension, de renforcement, d’enfouissement et de sécurisation du réseau de distribution public.

 

Le syndicat départemental d’électrification du Finistère (SDEF) a été constitué en 1948 pour assurer le pouvoir concédant pour le compte des collectivités et des syndicats primaires adhérents. La maîtrise d’ouvrage, quant à elle, relève de la compétence communale, intercommunale (communauté de communes par exemple) ou peut être déléguée à un syndicat intercommunal d’électrification locale (SIEL). Le syndicat départemental assure également une maîtrise d’ouvrage, mais uniquement pour les travaux de sécurisation.

 

Le SDEF regroupait, en 2007, à la fois des syndicats d’électrification locaux, des communautés de communes et des communes indépendantes. Conformément à l’article 33 de la loi sur l’énergie du 7 décembre 2006, le syndicat a engagé un travail de concertation avec les autres collectivités qui conservent encore leur pouvoir concédant, afin de regrouper cette compétence à l’échelle départementale.


Voir aussi le site de :

 

 

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) réunit les collectivités locales organisatrices des services publics de l’énergie (électricité et gaz), de l’eau (eau potable et assainissement), de l’environnement (gestion et tri des déchets).


 


 

 



 

On peut lire encore.

 


Enfin... la nuit devint lumière

Entre autres documents, nous avons emprunté à Anne Guillou, sociologue, quelques extraits de l’excellent livre qu’elle a rédigé à partir de ses propres recherches et des témoignages qu’elle à recueillis de la part des témoins de l’évènement : Enfin... la nuit devint lumière (Coop Breizh 1996).


Le jour où l’électricité est arrivée à Landerneau.

Pour cause de contrats de 50 ans avec l’usine à gaz, il faut attendre 1925 pour que le centre de Landerneau reçoive l’électricité et 1945 pour que ce soit le tour des quartiers périphériques.



Le jour où l’électricité est arrivée à Saint-Urbain.

Sur le site de la commune :


"Premier projet en 1926

Lampe à filament de carboneLa session de mai 1926 aborde le sujet de l’électrification de Saint Urbain. Le conseil « vote 140 francs en vue des études d’un réseau de distribution d’énergie électrique ». Monsieur le maire exposant au conseil « les avantages que présenterait pour les habitants de la commune la distribution de l’énergie électrique à la fois en vue de l’éclairage et de la force motrice ». Chacun sait l’importance de l’électricité dans notre vie quotidienne, notamment lors de différentes longues coupures d’EDF ..."


Le jour où l’électricité est arrivée à Brest

 

Quelques textes sur l’arrivée de l’électricité à Brest.

- 1911 : la centrale de Poullic Al Lor.

- 1947 : la centrale du Portzic.


Voir encore le passionnant récit de Joseph Hamon :

 

L’arrivée de l’électricité à Plouguenast

Un récit où on voit que la société Lebon n’a pas toujours été tendre avec les géniaux "bricoleurs" qui l’avaient précédée. Le gros producteur qui mange le petit... L’histoire est un éternel recommencement.

 

L’usine marémotrice qui aurait pu exister à l’Aber Wrac’h

Un premier chantier d’usine marémotrice commença à l’Aber-Wrac’h en 1925, mais fut abandonné, faute de financement en 1930. Les plans en servirent à ébaucher la suivante. L’utilisation de l’énergie des marées n’était cependant pas nouvelle, puisque de longue date des moulins à marée ont existé en des lieux touchés par la marée.



Un long chemin vers la lumière, histoire de l’éclairage public à Quimper

 

XIX e siècle. Et la lumière fut...

 

Un pionnier de l’électricité éolienne en Bretagne : Pierre Gane, créateur de la société Enag.


L’électrification de la Bretagne. 1939.


Syndicat d’électrification de Huelgoat-Carhaix. Des inquiétudes.


Sur l’histoire de l’électricité voir :

 

Points de vente :

librairie dialogues

fnac

en Bretagne


Voir aussi :


Brève histoire de l’électricité en Loire – Atlantique



50 ans d’extension du réseau électrique en France

 

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 20:04

L’électricité règne sur notre quotidien. Pourtant certains de nos concitoyens se souviennent encore de la première fois où une lampe a éclairé leur logis.

 

L’histoire de l’arrivée de la distribution de l’énergie électrique est en effet une histoire récente. Dans beaucoup de communes elle a moins d’un siècle.

 

C’est le cas à Landerneau.


L’essentiel de la documentation utilisée provient du service des archives de Landerneau. Version initiale 10 juillet 2010


 

Une première avancée du "progrès" : le gaz de ville.

 

Autour des années 1860, la municipalité de Landerneau souhaite moderniser son éclairage public. Un appel d’offre est lance en 1861 pour un éclairage à l’huile de colza au moyen de 44 lanternes. Aucune entreprise n’ayant répondu à la proposition, l’appel est reconduit en août 1862.

 

Dans le même temps des propositions sont faites à la municipalité pour un éclairage à l’huile de pétrole ou un éclairage au gaz qui sont les nouveaux signes de la "modernité".

 


Schéma d’une usine à gaz vers 1860.


 

La municipalité n’est pas insensible à ces propositions. En 1866, après avoir écarté d’autres offres, en particulier celle de la société Lebon déjà bien installée dans le Finistère, elle envisage d’accorder une concession à la "Compagnie Française d’éclairage et de chauffage par le gaz (Fabius Boitol et Cie)".

 

Le préfet étant le maître final de la décision, la municipalité appuie sa demande en faisant valoir l’arrivée récente du train dans la ville et en particulier la nécessité de remplacer l’éclairage à l’huile du quartier de la gare par un éclairage plus efficace, le dernier train s’arrêtant à la gare à 11h. Par ailleurs il est fait mention du coût inférieur du gaz tel qu’il est attesté par les communes de Morlaix et Quimper qui ont accordé une concession à l’entreprise Lebon.

 

La concession étant accordée pour une durée de 50 ans, le préfet demande d’ajouter dans le contrat :

 

- la renégociation des tarifs tous les 5 ans pour adapter le prix à celui de la houille.

 

- l’obligation de stipuler que "la société devra faire profiter la ville des nouveaux systèmes d’éclairage que la science ferait découvrir avant l’expiration de la période de 50 ans" .

 

Cette dernière clause est particulièrement importante à un moment où la technique évolue avec une inhabituelle rapidité et où l’imposition de concessions de l’ordre du demi siècle annonce des difficultés pour l’avenir. Nous verrons que le problème se posera en particulier à Landerneau.

 

Notons à ce propos le sens de l’intérêt public de l’administration préfectorale. Nous ne la retrouvons pas toujours dans une époque où la "privatisation" des services publics devient le modèle soutenu par les représentants de l’État.

Où mettre l’usine ?

 

Le 28 octobre 1866 est lancée une enquête "commodo et incommodo" pour l’achat d’un terrain "à l’extrémité est de la rue des boucheries". En juin de la même année le propriétaire de la parcelle visée avait fait savoir son refus de "morceler sa prairie pour l’installation d’une usine insalubre" sur les 23 ares réclamés pour l’usine.

 

Après accord l’usine était donc projetée au bas de ce qui est aujourd’hui la rue du gaz.

 

(Le site, aujourd’hui abandonné a fait l’objet d’une réhabilitation)

 

Débuts difficiles.

 

Le dossier à peine bouclé, le conseil municipal apprend que la "Compagnie Française d’éclairage et de chauffage par le gaz" est déclarée en faillite. C’est donc le retour à la case départ.

 

L’affaire est reprise en 1868 pour une nouvelle concession de 50 ans par l’entreprise de Augustin Félix Fragneau de Bordeaux qui, après un début qui ne répond pas aux promesses faites, est elle même mise en liquidation en 1870.

 

Se crée alors, en 1873, la "Société du Gaz de Landerneau" dont l’un des principaux actionnaires est l’un des liquidateurs de l’entreprise Fragneau, le Banquier Henri Michel qui est également administrateur directeur des chemins de fer des Bouches-du-Rhône.

 




Modèle de bec de gaz vers 1900 à Landerneau.


Dans le mur, les habitants du quartier vous indiquent la trace du tuyau de gaz.


Robida. Allumeur de lampadaire en Bretagne.


 

La société poursuit son activité perndant trente ans. Elle est dissoute en février 1903 pour être vendue à un nouvel exploitant, M. Le Coniac. L’entreprise devait être toujours rentable car pour l’année 1902 le dividende remis aux actionnaires avait été de 16 francs nets par action.

 

On trouve encore une lettre de Charles Le Coniac adressée au maire en Novembre 1910 pour lui proposer un avenant à son contrat. Plus tard l’entreprise sera reprise par la "Compagnie du Gaz Franco-Belge" qui exercera son monopole pour l’éclairage jusqu’aux années qui suivront la guerre de 1914-18.

 

Quand le gaz fait du bruit dans Landerneau

 

Le volumineux dossier, consultable au service des archives de Landerneau, des relations entre la municipalité de Landerneau et la Compagnie du Gaz, puis de la compagnie Franco-Belge, est surtout riche des multiples conflits qui opposent les représentants de la population aux industriels. Il est vrai que la compagnie, forte de sa concession de 50 ans est plus attentive à ses bénéfices qu’à la qualité du service rendu.

 

Témoin : la lettre adressée au maire de Landerneau en 1879 par un certain nombre de commerçants de la ville.

 

xxxxxx

 

Landerneau le 14 juin 1879

 

Monsieur le maire,

 

Nous commerçants à Landerneau, abonnés du gaz, avons l’honneur de vous exposer :

 

Que depuis quelques jours, le gaz qui nous est fourni par la compagnie éclaire fort peu et nous arrive incomplètement épuré ; de telle sorte que les métaux qui sont dans notre magasin sont oxydés et exigent un nettoyage de tous les instants, et que l’acide sulfureux que nous respirons nous occasionne des aigreurs qui pourraient se traduire plus tard par d’autres maladies plus graves.

 

Et comme si ce n’était pas assez de ces inconvénients, le gaz est venyu à nous manquer absolument de manière à nous laisser dans l’obscurité dans les soirées du 12 courant à 10 heures du soir et du 13 à 9 heures.

 

Nous étant défaits de nos anciens appareils d’éclairage, nous avons dû renvoyer nos clients et renoncer aux bénéfices de ces soirées. Nous trouvons par conséquent qu’il est de toute justice que la compagnie nous indemnise des pertes qu’elle nous occasionne, et nous sommes persuadés qu’elle fera droit à nos demandes, en apprenant notre juste motif de plainte.

 

Mais comme nous ne pouvons porter nous mêmes à M. le directeur de l’usine de Landerneau la plainte que nous formulons contre lui, nous vous prions, Monsieur le maire, de bien vouloir la faire parvenir à l’administration supérieure de la compagnie dont nous ignorons le siège et la raison sociale ;

 

Et d’agréer en attendant, l’assurance de notre dévouement respectueux.

 

xxxxxx

 

____________________________________________________

La pétition adressée au maire de Landerneau en 1879. (archives Landerneau)


Les signataires, des noms connus à Landerneau. (archives Landerneau)


 

Un moment de forte tension : la guerre 14-18

 

L’objet de cette étude n’étant pas "le gaz à Landerneau" mais l’arrivée de l’électricité nous nous contenterons d’évoquer les années proches de la guerre 14-18, période de transition où la nécessité de la diffusion de l’électricité s’impose de plus en plus à Landerneau.

 

Les difficultés résultant de la guerre sont un des éléments qui incitent la municipalité à s’orienter vers le recours à l’électricité.

 

Les problèmes sont d’abord liés à la difficulté d’approvisionnement en houille.

 

Rappelons que le gaz de ville est un des produits de la distillation de la houille, l’autre produit résultant de cette opération étant le coke utile à l’industrie métallurgique.

 

Le charbon c’est d’abord pour faire la guerre !

 

Pour produire un gaz de qualité il faut donc une houille de qualité. Or l’industrie de guerre devenant prioritaire la pénurie menace rapidement.

 

Dès lors il est difficile pour un maire de faire la différence entre ce qui dépend de la situation de guerre et ce qui dépend de la volonté de profit de l’industriel.

 

Dès décembre 1914 le maire se plaint d’un manque de pression du gaz. La réponse de l’industriel Lesage directeur de la Compagnie Franco-Belge, est claire : la faute à la guerre !

 

En 1916 une lettre du préfet demande d’ailleurs à la commune de réduire sa production de gaz de façon à conserver le charbon pour les "usines de guerre".

 

A la fin du conflit, et même dans les mois qui suivent l’armistice, la houille n’arrive plus. En décembre 1918 l’industriel Lesage annonce la fermeture de l’usine. La situation se débloque après une lettre du maire au préfet et la promesse de livraison de 20 tonnes de charbon par le port de Lorient et de 50 tonnes par le port de Brest. Mais le charbon qui arrive dans les communes est de si mauvaise qualité qu’on ne peut plus en extraire de gaz.

 

Les hommes aussi manquent !

 

En Octobre 1915 le directeur de l’usine à gaz écrit au maire pour lui demander de mettre à sa disposition du personnel communal ou de demander des militaires à l’armée. pour appuyer sa demande il fait visiter son usine à un huissier. Le rapport de celui-ci décrit une situation qui était supposée faire nécessairement fléchir les autorités.

Le constat d’huissier mérite d’être reproduit dans son intégralité.

 

xxxxxx

 

L’an mil neuf cent quinze le 26 octobre à la requête de la société Franco Belge Robert Le Sage et Cie représenté par Mr Fatta Jean, régisseur de l’usine à gaz de Landerneau y demeurant.

 

Lequel a exposé que ladite société est tenue d’éclairer au Gaz la ville de Landerneau et les particuliers mais qu’actuellement par suite du manque de personnel il craint de ne pouvoir fournir le gaz nécessaire au besoin de la ville et des particuliers,

 

Qu’obligé de faire le chauffeur, de s’occuper, outre du service de régisseur des travaux à faire en ville, des commandes à livrer, etc, il ne pourra certainement continuer étant fatigué qu’il a donc demandé à la municipalité et à l’autorité militaire du personnel pour continuer à faire fonctionner l’usine ; qu’il lui a été répondu par la municipalité et par l’autorité militaire qu’on n’avait pas de personnel à lui fournir. Qu’il m’invitait dans ces conditions à me transporter à Landerneau à l’usine pour constater les faits.

 

Déférant à cette demande je soussigné Auguste Tanguy Huissier audiencier près le tribunal civil de Brest demeurant dite ville rue du Château substituant Me Tromeur mon confrère empêché me suis transporté à l’usine à gaz à Landerneau où étant j’ai vu dans la cour occupé à casser du coke un homme qui m’a dit s’appeler Jacques Etienne et âgé de 76 ans manœuvre à l’usine, ayant ensuite pénétré dans un bâtiment où se trouvent les fours j’y ai vu le régisseur qui mettait du charbon dans le seul des trois fours qui était allumé ;

 

Près de lui se trouvait un jeune homme occupé à balayer le bâtiment ; ce jeune homme m’a dit s’appeler Jean Abhervé-Guéguen âgé de 15 ans et demi apprenti plombier mais faisant un peu de tout à l’usine sauf pourtant le chauffeur, ce service étant fait par un réfugié Belge, lequel était remplacé par Mr. Fatta bien souvent, même la nuit, ce réfugier Belge ayant été malade, il m’a déclaré qu’il y avait, outre ce réfugié Belge, comme employé son père qui était plombier à ladite usine et qu’actuellement il était en ville pour effectuer des travaux ;

 

Que c’était là tout le personnel de l’usine, c’est à dire quatre hommes et un apprenti. Mr Fatta m’a déclaré qu’il avait 56 ans, que l’ouvrier Belge était malade, que Jacques Etienne âgé de 70 ans, le manœuvre avait eu une faiblesse en faisant son travail le 18 octobre dernier ; que son apprenti malgré son jeune âge était très courageux au travail faisant plus que son devoir mais que cependant ; comme lui même il ne pourrait continuer son service dans ces conditions et qu’il se verrait contraint par suite de manque de personnel de cesser de faire fonctionner l’usine.

 

Ayant parcouru tous les bâtiments et le terrain de l’usine, voir même le jardin le tout enclos de mur je n’ai trouvé d’autres personnes sauf au bureau où j’ai vu Mme Fotta qui aide son mari aux écritures.- Ce dernier m’a déclaré être très fatigué et qu’il craint vu son état de ne pouvoir continuer à travailler.

 

De tout ce que dessus j’ai donné le présent procès verbal pour servir et valoir ce que de droit. Coût trente deux francs 9 centimes signé A Tanguy.

 

xxxxxx

 


La conclusion du constat de l’huissier


 

Enfin le nerf de la guerre : l’argent !

 

Le maire de Landerneau qui est alors M Lebos et M. Lesage, le directeur de l’usine, se livrent une véritable guérilla. L’un veut augmenter les tarifs du gaz, l’autre le refuse.

 

Dès août 1915 l’entreprise Lesage a menacé d’arrêter la fourniture de gaz si les tarifs ne sont pas augmentés. Elle confirme par un télégramme en septembre.

 


 


Le maire de Landerneau qui s’est adressé à ses collègues pour connaître la situation chez eux, reçoit une réponse du maire de Brest qui l’informe que chez lui le prix n’a pas augmenté.

 

Une contre offensive s’organise. Le 16 octobre 1915, à l’initiative du maire de Pontivy, une réunion se tient à la mairie de Saint Brieuc avec les maires de Dinan et d’Auray "afin de s’entendre sur les mesures à prendre pour résister efficacement aux revendications de la Cie du Gaz Franco-Belge qui éclaire les villes représentées". Pour s’opposer à la prétention de la compagnie d’augmenter le prix du gaz, elles s’engagent à une assistance mutuelle.

 

Il faut signaler que cette résistance a aussi une dimension "politique". On trouve dans le dossier d’archives de la ville de Landerneau, un exemplaire du "Cri du peuple", journal de l’internationale socialiste SFIO, qui ne correspond pas nécessairement à l’orientation politique du conseil mais qui s’oppose à l’augmentation du prix du gaz. La volonté de ne pas se laisser doubler à gauche est certainement présente dans l’attitude municipale.

 


 

 


La guérilla se poursuivra pendant toute la guerre avec un échange de lettres d’une violence peu courante dans le style administratif.

 

Mais bientôt un nouveau conflit va naître quand le conseil municipal décidera d’adopter l’éclairage électrique.

 

La difficile arrivée de l’électricité.

 

Si la ville de Chateaulin revendique d’avoir adopté l’éclairage électrique avant Paris, et ceci dès 1887. Landerneau fait figure de retardataire.

Le 23 avril 1914 la "Compagnie d’électricité de Brest et extensions" avait proposé au maire de Landerneau de remplacer ses 88 becs à gaz Auer par 100 lampes à incandescence métallique. La compagnie brestoise ne manquait pas de faire remarquer que des villes du Finistère bien plus petites avaient déjà adopté l’éclairage électrique :

 

- Audierne 4610 habitants

- Chateaulin 4271 "

- Guipavas 5061 "

- Landivisiau 4713 "

- Lannilis 3591 "

- Lesneven 3776 "

- Pont-Labbé 6612 "

- Pont-Croix 2511 "

- Rosproden 2450 "

 

Notons que la population de Landerneau est alors de 8252 habitants. il est certain que l’argument avait de quoi énerver un maire Landernéen mais que faire quand on est lié par contrat pour encore plusieurs dizaines d’année à la compagnie de gaz locale ?


La proposition de la Compagnie d’électricité de Brest et extensions : une ligne depuis Kerhuon. (document archives de Landerneau)


Une première offensive avait d’ailleurs été menée en 1911 par la société.

 

Le conseil municipal du 26 mai prenait connaissance d’une demande de M. Legrand, son représentant, pour obtenir la concession d’éclairage électrique sur la ville. La proposition était soumise à la commission d’éclairage.

 

Retour en conseil municipal le 27 juin qui décide, faute de documentation, de reporter la discussion au conseil prévu en août. Décision qui n’empêche pas une passe d’armes dans la salle du conseil.

 

"M. Bonnefoy fait remarquer que la Compagnie du Gaz qu’il représente fait toutes réserves en ce qui concerne les concessions demandées, cette compagnie ne considérant les articles nouveaux adoptés par le conseil que comme une continuation de l’ancien traité (renégocié en 1910) et que, par suite, elle attaquerait la ville en dommages et intérêts du préjudice qui pourrait lui être causé"

 

Réponse courroucée de l’un des conseillers :

 

"M. Boucher proteste énergiquement contre cette prétention de la Compagnie du gaz et déclare que s’il avait considéré le nouveau traité passé avec M. Le Coniac pour l’éclairage au gaz comme une continuation de l’ancien traité, il se serait complètement refusé à le voter et que, par suite, il trouve déplacé les mesures de la nouvelle compagnie concessionnaire."

 

Le sujet est à nouveau à l’ordre du jour du conseil du 16 mars 1912 qui décide de confier une étude à la commission d’éclairage en lui donnant mission de s’entourer de spécialistes (ingénieurs et conseils juridiques). Il faudra donc attendre 1914 pour qu’on en parle à nouveau.

 

Noter que s’il n’existe pas de service municipal, de l’électricité est cependant déjà produite ou utilisée par certains industriels landernéens.

 

L’électricité et les industriels.

 

C’est le cas, par exemple, de la Grande Briqueterie, de l’entreprise Belbéoc’h, de l’entreprise Gayet ou encore de l’usine Dior qui fabrique des engrais depuis 1907. En février 1918, l’usine est sollicitée par l’ingénieur chef du service électrique des Chemins de fer pour fournir de l’électricité pour l’éclairage de la gare afin de satisfaire aux besoins de l’autorité militaire.

 

La société du gaz Franco-Belge invitée à accepter cette dérogation à son contrat qui lui assure l’exclusivité de l’éclairage ne peut que s’incliner. Il est vrai que la demande précise que cette installation ne sera que temporaire et ne pourra se prolonger que d’une année après la fin de la guerre, date évidemment inconnue au moment de la demande.

 

C’est aussi le cas de l’entreprise Gayet qui demande le, 20 avril 1920, une autorisation sous le régime de la "permission de voirie", pour la pose d’une ligne de transport électrique de première catégorie "destinée à relier son usine située rue de la gare à sa maison d’habitation rue de Brest". La dynamo de 6kW installée à la scierie fournira un courant continu sous tension de 120V par une ligne à 2 fils supportant 50A.

 

Cependant l’usine principale de production d’électricité est la Grande Briqueterie de Landerneau. Celle-ci profite de la retenue d’eau qui l’équipe et produit donc déjà de "l’électricité renouvelable" dont le mérite est de ne pas dépendre de la fourniture en charbon et donc des pénuries de guerre. Elle a déjà fourni de l’électricité à son voisinage et rêve d’en fournir à la ville entière.

 

Quand la Grande Briqueterie entre en scène.

 

Octobre 1920. La guerre est terminée depuis bientôt deux ans mais le contentieux entre la ville de Landerneau et la Compagnie du Gaz, concernant la fourniture de gaz, n’est toujours pas réglé. C’est alors que le directeur de la Grande Briqueterie de Landerneau propose à la ville de lui fournir l’électricité nécessaire à son éclairage public.

 

A l’évidence le maire y est très favorable mais il ne faut pas oublier le monopole de la compagnie du gaz qui a cependant l’obligation de "faire profiter la ville des nouveaux systèmes d’éclairage que la science ferait découvrir avant l’expiration de la période de 50 ans de la concession"

 

En janvier 1921 le maire est donc contraint d’adresser une lettre à la société Lesage pour la mettre en demeure de lui installer l’éclairage électrique aux conditions proposées par la briqueterie. Conditions évidemment impossibles à accepter sur le plan économique par la compagnie du gaz, la "houille blanche" produite par l’Elorn étant gratuite à un moment où le charbon et le pétrole coûtent encore si cher.

 

Fin de non-recevoir, donc, de la part de l’industriel qui sait ne pas pouvoir rivaliser. Un conflit est inévitable et la mairie confie sa défense d’abord à M. Le Borgne avocat à Rennes puis à M.Alizon, avocat à Quimper.

 

Courant 1922, le maire pour contourner la difficulté, imagine de ne demander une autorisation que pour la seule fourniture d’électricité pour l’usage de la force motrice. C’est effectivement une méthode déjà utilisée ailleurs. Les contrats avec les compagnies de gaz ne portant que sur l’éclairage public, il était possible de fournir l’électricité aux artisans et industriels qui en feraient la demande. Rien n’empêchait ensuite les industriels raccordés d’en faire bénéficier leur voisinage.

 

Il s’avérait en effet que aucune loi ne s’opposait à cette pratique. Un mémoire, non signé, présent dans le dossier d’archives de la ville détaille la manœuvre. Son titre : "Abus d’une permission limitée à la force. Distribution illicite de la lumière. Impossibilité d’une sanction pénale".

 

Par ailleurs les services de l’État encourageaient fortement la diffusion de l’électricité dans les villes et communes et n’étaient pas prêts à soutenir les entreprises gazières dans leur résistance.

 

1923 : de l’électricité chez les industriels.

 

En août 1923 une lettre adressée au préfet faisait donc état du désir des industriels landernéens de se voir doter de la "force motrice électrique".

 

Réponse positive du préfet, à condition que la concession accordée ne se fasse que "pour distribution d’énergie pour tous usages autres que l’éclairage public ou privé". Avec une telle restriction l’industriel ne pouvait même pas éclairer son propre local par des lampes électriques. Naturellement il ne s’en privait pas et en faisait même profiter son voisinage.

 

Sous la dénomination de "Usine électrique de Traon Elorn", la Briqueterie alimentait donc bientôt les établissements Le Bos, Le Roux, Belbéoc’h, Gayet, la scierie de la gare et les deux cinémas de Landerneau.

 


L’usine de Traon Elorn


La retenue de Traon Elorn

 

Au sujet de l’électricité et des saumons de la retenue : voir le texte de Georges Huet, apprenti dans l’usine d’électricité en 1930.


Devant le danger de voir l’éclairage électrique gagner clandestinement la ville, la compagnie du gaz faisait alors une contre-proposition qui consistait à régler, de façon pour elle favorable, le contentieux portant sur le prix du gaz et à exiger une forte redevance sur chaque Kwh d’électricité délivré par l’usine de Traon Elorn si elle obtenait la concession de l’éclairage municipal. Proposition évidemment rejetée.

 

La crainte de la Compagnie du Gaz n’était pas sans fondements. En avril 1925, l’ingénieur en chef du département, venu en tournée d’inspection à Landerneau rédigeait un rapport dénonçant les abus constatés dans la ville. L’autorisation de 1923, écrivait-il, n’avait été accordée " que pour tous usages autres que l’éclairage public et privé". Or il constate que "il a été néanmoins établi tout un réseau d’éclairage, sans que le contrôle ait été saisi du projet de concession correspondant ni même d’installations provisoires d’exécution".

 

En réalité la situation s’était réglée l’année précédente suite à une médiation d’experts désignés à l’initiative de la préfecture. Le contrat de gaz était reconduit et une indemnité annuelle versée à l’entreprise gazière. Place donc à l’électricité et à l’usine de Traon Elorn.

 

Une distribution "moderne"

 

La distribution à partir de l’usine de Traon Elorn se fera en triphasé triphasé - 50 Hz - 110/220 volts. Un procédé "moderne" quand on sait qu’il faudra attendre 1960 pour que le triphasé s’installe à Paris. Sous ce rapport, le retard a eu du bon.

 

L’usine sera équipée de groupes hydrauliques et de groupes diesel. Deux groupes hydrauliques de 125 kVA fonctionnent déjà, un troisième de 100 kVA est prévu. Un diesel de 125 kVA fonctionne, deux autres sont prévus. La tension de 200 V fournie par les alternateurs triphasés reliés à ces groupes sera portée à 5000 V par des transformateurs et ramenée à la tension d’usage dans les quartiers.

 




Plan de la centrale électrique de Traon Elorn.

 

Noter, à droite, le moteur Diesel qui n'a commencé à être commercialisé qu'à partir de 1900 (voir la photo ci-dessous de celui exposé à l'exposition internationale de Paris en 1900).


 

Le passage à l’Union Électrique du Finistère.

 

L’autonomie de la centrale électrique de Traon-Elorn aura été brève. Une lettre du 10 avril 1926 annonce au maire qu’elle a été rachetée par l’Union Électrique du Finistère qui distribue l’électricité de Brest à Chateaulin.

 

Dans une brochure diffusée par la compagnie elle déclare s’être créée en novembre 1925 avec un capital de 700.000 francs. Elle s’est assuré le concours technique, financier et moral de la compagnie d’électricité de Brest elle même chapeautée par le Compagnie Générale d’Électricité (CGE) de Paris.

 

Pour répondre au programme d’électrification des campagnes par haute tension, elle entend porter son capital à 3.000.000 francs en proposant 4600 actions à 500 francs.

 

Le dividende sera de 7% pendant les deux premières années avec une promesse d’augmentation quand les lignes seront en exploitation. Par ailleurs les actionnaires bénéficieront d’une réduction de 10% sur leur propre installation électrique.

 

Aux actionnaires industriels la Compagnie fait valoir que l’arrivée de l’électricité dans leur exploitation leur apportera "non seulement le confort sous forme de lumière électrique à un prix trois fois moindre que le pétrole, mais en outre, de nouvelles sources de profit en leur permettant le remplacement de la main-d’œuvre insuffisante et onéreuse par la force motrice." Déjà des "restructurations" en perspective !

 

La conclusion du texte est un appel au patriotisme régional :

 

Les actionnaires auront "la satisfaction de voir leurs capitaux engagés dans la construction de lignes placées sur leur route, à leurs portes, qui apporteront en Bretagne les avantages immenses que les autres régions de France ont déjà. Il ne faut pas que le Finistère soit en retard et, pour cela, il est indispensable que chacun fasse l’effort nécessaire pour permettre la réalisation de ce progrès, pour le développement de notre région".

 

Ne croirait-on pas un texte contemporain issu de la direction de EDF stigmatisant ces bretons qui refusent une centrale électrique et de nouvelles lignes à haute tension dans leur environnement ?

 



L’Union Électrique du Finistère, de Brest à Chateaulin.


 

C’est donc cette entreprise que trouve comme interlocuteur le socialiste Jean-Louis Rolland quand il devient maire en 1929.

 

Le dossier de ses relations avec la compagnie, disponible au service des archives de Landerneau, témoigne des difficultés qu’il rencontre avec ce nouveau concessionnaire. Des échanges dont la vivacité rappelle celle de ses prédécesseurs avec la compagnie du gaz. En ce début de 21ème siècle où une politique active de privatisation des services publics est mise en œuvre, la lecture de ces dossiers devrait être source de réflexion pour nos actuel(le)s élu(e)s.

 

Exemple : le maire voudrait l’extension de l’électricité à de nouveaux quartiers mais sans augmentation du prix de l’électricité. La Compagnie fait la sourde oreille.

 

Déjà pourtant, en Octobre1925, une pétition des habitants du quartier de Traon Elorn" était arrivée sur le bureau du précédent maire.

 

" Les soussignés ont l’honneur de vous adresser la présente requête tendant à obtenir le prolongement de l’éclairage électrique jusqu’au quartier de Traon Élorn, ou, tout au moins jusqu’entre les deux ponts de chemin de fer traversant la route nationale.

 

L’éclairage de cette partie de la ville devient nécessaire par suite de l’augmentation de la population de ce quartier et de la quantité d’ouvriers travaillant à la Grande Briqueterie et au Triage du crin.

 

Pensant que vous voudrez bien reconnaître le bien fondé de cette demande et lui faire donner une solution favorable,

 

Les soussignés vous remercient à l’avance et vous adressent leurs respectueuses salutations."

 



Le concessionnaire veut d’abord une augmentation des tarifs, sinon pas d’extension.

 

Le conflit dure jusqu’en 1932, année où le cahier des charges de 1926 est mis à enquête publique pour modification. Le rapport du commissaire enquêteur répertorie les "contre" qui ne veulent pas d’augmentation des tarifs et les "pour" qui veulent l’extension vers de nouveaux quartiers. Quand même note-t-il que les déclarations "pour" sont "peu nombreuses et bien que n’étant pas suffisamment explicites font ressortir le désir de voir électrifier les nouveaux quartiers".

 

En fait sur 155 contributions on trouve 144 "contre" et seulement deux "pour" qui d’ailleurs ne se prononcent pas pour le nouveau cahier des charges mais se contentent de déclarer souhaiter voir l’électricité arriver dans les nouveaux quartiers.

 

L’opposition semble menée par l’ex majorité municipale devenue minorité mais elle regroupe surtout ceux qui refusent une augmentation des tarifs.

 

Les noms des signataires, représentatifs des familles landernéennes, se retrouvent aujourd’hui encore nombreux dans leur descendance.

 

La conclusion du commissaire ressemble étrangement à celles que nous trouvons régulièrement à l’occasion des enquêtes qui concernent nos problèmes contemporains de routes ou d’extension d’élevages. Malgré les 144 "contre" et les deux "pour" : avis favorable !

 

Comme il est courant aujourd’hui, l’enquête n’était sans doute qu’une formalité à laquelle il fallait se soumettre.

 

Il est vrai que le maire, Jean-Louis Rolland, avait à subir le choix de ses prédécesseurs et cette longue durée de la concession accordée aux industriels de l’électricité. S’il voulait électrifier les nouveaux quartiers, il lui fallait accepter l’augmentation des tarifs.

 

Pourtant lui même et son conseil signaient un nouveau contrat qui aurait dû ne s’achever qu’en 1964 si la guerre et les nationalisations qui ont suivi n’en avaient pas décidé autrement.

 


Le nouveau contrat signé jusqu’à 1964 !


 

A nouveau la guerre

 

Comme pour ses prédécesseurs, la guerre est pour le maire un moment où il faut gérer la pénurie. 

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 19:31
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12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 14:39


 

Deux espèces d’électricité ou une seule ? Nous avons vu que jusqu’à la fin du 19ème siècle deux système ont cohabité.

 

Celui initié par Dufay des deux espèces d’électricité : vitrée ou positive, résineuse ou négative.

 

Celui de Franklin : un seule espèce d’électricité chargeant les corps en plus ou en moins.

 

Il est vrai que le choix ne s’impose pas quand on étudie l’électricité à l’état statique.

 

Le problème se pose-t-il différemment quand on considère la circulation de ce, ou de ces, fluide(s), c’est à dire quand on s’intéresse au "courant" électrique ?


La question sera très vite posée et nous allons nous autoriser à parcourir le temps qui nous mènera de Dufay à J.J. Thomson, en passant par Ampère et Maxwell, pour découvrir les différentes réponses qui lui seront apportées.

 

Des charges jusqu’aux courants électriques.

 

Le concept de courant électrique est déjà en germe dans les lettres de Franklin à ses correspondants. En définissant l’électricité comme un fluide qui peut s’accumuler sur un corps ou en être extrait, en désignant par le terme de "conducteur" les corps susceptibles de transmettre ce fluide, on introduit nécessairement l’idée d’un écoulement. Le mot "courant" est d’ailleurs utilisé par Franklin pour décrire les "effluves" qui s’échappent des conducteurs et M.E. Kinnersley, l’un de ses correspondants, qui a déjà eu l’occasion de lui signaler les effets différents du verre et du soufre, lui propose un premier montage propre à faire circuler ce fluide :

 

" Si un globe de verre est placé à l’un des bouts du conducteur, et un globe de soufre à l’autre, les deux globes étant également en bon état, et dans un mouvement égal, on ne pourra tirer aucune étincelle du conducteur, parce que l’un des globes attire (le fluide électrique) du conducteur aussi vite que l’autre y fournit ! ".

 

Le même Kinnersley observe l’effet calorifique du courant électrique. Il relie par un fil d’archal (autre nom du laiton, alliage de zinc et de cuivre), les deux armatures d’une batterie de bouteilles de Leyde (nous parlerons bientôt de ces premiers condensateurs électriques) : "le fil d’archal fut chauffé jusqu’au rouge". L’interprétation du phénomène est très "moderne" :

 

" On peut inférer de là que, quoique le feu électrique n’ait aucune chaleur sensible lorsqu’il est dans un état de repos, il peut par son mouvement violent et par la résistance qu’il éprouve, produire de la chaleur dans d’autres corps, en y passant pourvu qu’ils soient assez petits. Une grande quantité passerait au travers du gros fil d’archal sans y produire de chaleur sensible, tandis que la même quantité passant au travers d’un petit, étant restreinte à un passage plus étroit, et ses particules plus serrées les unes sur les autres, et éprouvant une plus grande résistance, elle échauffera ce petit fil d’archal jusqu’à le faire rougir et même jusqu’à le faire fondre".

 

Quant à s’interroger sur le sens de circulation de ce courant de fluide électrique, la question n’est jamais posée par les partisans du fluide unique tant la réponse est évidente : il circule nécessairement à travers le conducteur du corps qui en porte "en plus" vers celui qui en porte "en moins".

 

Le même point de vue est exprimé par le français Jean-Baptiste Le Roy (1720 - 1800) qui préfère pour sa part parler d’électricité "par condensation" et d’électricité "par raréfaction". Il décrit sa machine électrique comme une "pompe à électricité" qui refoule celle-ci de son pôle positif (le plateau de verre frotté) et l’attire à son pôle négatif (les coussins de cuir responsables du frottement). La circulation du fluide est clairement décrite :

 

"Si le fluide est raréfié d’un côté et condensé de l’autre, il doit se former un courant tendant du corps où il est condensé vers celui où il est raréfié".

 

Pour les tenants de la théorie du fluide unique, la définition du sens de circulation du courant électrique ne doit donc rien ni au hasard ni à une quelconque convention. Il est imposé par le modèle choisi : c’est du "plus" vers le "moins".

 

Les machines de Jean-Baptiste Le Roy sont une tentative sur la voie des générateurs électriques, il faudra cependant attendre le début du XIXème siècle et la construction de la première pile électrique par Volta pour que l’étude des courants électriques et de leurs effets prenne le pas sur celle des phénomènes statiques. Pour suivre cette histoire jusqu’à sa conclusion provisoire, commençons notre excursion vers des périodes plus proches de notre présent.

 

De la pile Volta au Bonhomme d’Ampère.

 

Nous ne détaillerons pas ici l’observation publiée en 1791 par Luigi Galvani et qui devait amener Volta à la découverte de la pile électrique. Nous y reviendrons. Disons simplement, pour le moment, qu’en assemblant des rondelles de cuivre et de zinc alternées et séparées par des rondelles de carton imprégnées d’une solution acide, Volta réalise une générateur capable de faire circuler un courant électrique dans un conducteur extérieur (fil métallique ou solution conductrice).

 

Ce courant est, pour Volta, constitué d’un fluide unique tel que celui décrit par Franklin. Un fluide qui circule, à l’extérieur de la "pile", de son pôle positif vers son pôle négatif. Mais les tenants des deux fluides ne désarment pas : la pile produit du fluide positif à l’un de ses pôles et du fluide négatif à l’autre, disent-ils. Deux courants en sens inverse, l’un de fluide positif, l’autre de fluide négatif, circulent donc dans le conducteur qui relie les deux pôles.

 

Ce sont d’abord les chimistes qui s’emparent avec bonheur de la pile voltaïque et ils ne tranchent pas la querelle. Des phénomènes extraordinaires se font jour au niveau des électrodes reliées aux pôles de la pile et plongées dans les multiples solutions conductrices testées. La nature et le sens de circulation du fluide électrique ne sont pas leur préoccupation première. Ils sont déjà suffisamment occupés par l’étude des propriétés de la multitude de nouveaux corps que l’électrolyse vient de leur faire découvrir.

 

Il faut attendre 1820 pour que Oersted ramène l’intérêt des physiciens sur les courants traversant les conducteurs métalliques en mettant en lumière leurs effets magnétiques et mécaniques.

Oersted : la pile et la boussole.

Malgré l’opposition établie par Gilbert, l’hypothèse de la nature commune de l’électricité et du magnétisme n’a pas été totalement abandonnée. L’aimantation de tiges de fer sous l’action de la foudre est déjà signalée dans les oeuvres de Franklin de même que le mouvement d’une aiguille aimantée à l’occasion de la décharge d’une bouteille de Leyde.

Malheureusement ces recherches étaient vouées à l’échec tant que leurs auteurs ne disposaient pas d’une source continue d’électricité.

 

Hans Christian Oersted (1777-1851), professeur de physique à l’Université de Copenhague est celui à qui la chance sourira. Occupé pendant l’hiver 1819, à montrer à ses élèves l’effet calorifique de la pile Volta, il observe le mouvement d’une aiguille aimantée située à proximité du conducteur traversé par le courant électrique. Une étude attentive lui montre que l’effet est maximal quand le fil conducteur est placé parallèlement à l’aiguille aimantée. Celle-ci tend alors vers une position d’équilibre perpendiculaire au fil. Le sens de ce mouvement dépend de l’ordre dans lequel les pôles de la pile ont été reliés au conducteur.


 

 

Voir la vidéo sur le site Ampère/CNRS

 


Nous reviendrons sur cette expérience, acte de naissance de l’électromagnétisme. Pour le moment contentons nous de voir comment elle intervient dans la définition "du" sens du courant électrique.

 

Interprétant cette expérience nous dirions, aujourd’hui, que le sens de la déviation de l’aiguille dépend du sens du courant électrique. Oersted, lui, est adepte du modèle des deux fluides. Les courants de fluide positif et de fluide négatif, pense-t-il, se déplacent en sens inverse le long du conducteur. Héritier des théories cartésiennes, il les décrit sous la forme de deux "tourbillons" : La " matière électrique négative décrit une spirale à droite et agit sur le pôle nord" tandis que " la matière électrique positive possède un mouvement en sens contraire et a la propriété d’agir sur le pôle Sud ". Quand nous inversons les pôles de la pile auxquels est relié le fil conducteur, nous inversons le sens de chacun des courants et donc de leur effet sur la boussole.

Oersted réussit sans peine à faire entrer son interprétation dans le cadre théorique qui est le sien. La théorie des deux fluides résiste !

Ampère : le sens conventionnel.

On sait que dès l’annonce, en France, des observations faites par Oersted, Ampère (1775-1836) commençait la série d’expériences qui allaient l’amener à la mise au point de la théorie de "l’électromagnétisme". Chacun connaît le fameux "bonhomme" placé sur le fil conducteur de telle sorte que le courant électrique lui entre par les pieds. On pourrait penser qu’avec Ampère le courant unique a fini par l’emporter. Erreur ! Ampère est un ferme partisan des deux fluides. Il le rappelle dans son "Exposé des Nouvelles Découvertes sur l’Electricité et le Magnétisme" publié à Paris en 1822 :

 

"Nous admettons, conformément à la doctrine adoptée en France et par beaucoup de physiciens étrangers, l’existence de deux fluides électriques, susceptibles de se neutraliser l’un l’autre, et dont la combinaison, en proportions déterminées, constitue l’état naturel des corps. Cette théorie fournit une explication simple de tous les faits et, soumise à l’épreuve décisive du calcul, elle donne des résultats qui s’accordent avec l’expérience".

 

Par contre il rejette les termes d’électricité vitrée et résineuse, il leur préfère ceux de positive et négative à condition que ces termes ne conservent que le sens d’une convention :

 

"Lorsqu’on admit l’existence des deux fluides, on aurait dû dire : ils présentent l’un à l’égard de l’autre les propriétés opposées des grandeurs positives et négatives de la géométrie ; le choix est arbitraire, comme on choisit arbitrairement le côté de l’axe d’une courbe où ses abscisses sont positives ; mais alors celles de l’autre côté doivent être nécessairement considérées comme négatives ; et le choix une fois fait, comme il l’a été à l’égard des deux électricités, on ne doit plus le changer".

 

En toute logique, la pile produit ces deux types d’électricité :

 

" Dans la pile isolée, chaque électricité se manifeste à l’une des extrémités de l’appareil, l’électricité positive à l’extrémité zinc, et l’électricité négative à l’extrémité cuivre". (Ampère respecte ici les polarités proposées par Volta et dont nous verrons qu’elles étaient erronées).

 

La conclusion est naturelle :

 

 

"Deux courants s’établissent toujours, lorsque l’on fait communiquer les deux extrémités de la pile."

 

Le courant d’électricité positive part de la lame positive et celui d’électricité négative de la lame négative. Comme les phénomènes magnétiques s’inversent quand on change le sens de ces deux courants il est nécessaire, cependant, de bien repérer ces sens. C’est l’occasion pour Ampère de proposer une convention commode :

 

"Il suffit de désigner la direction du transport de l’un des principes électriques, pour indiquer, en même temps, le sens du transport de l’autre ; c’est pourquoi, en employant dorénavant l’expression de courant électrique pour désigner le sens dans lequel se meuvent les deux électricités, nous appliquerons cette expression à l’électricité positive, en sous-entendant que l’électricité négative se meut en sens contraire". Voici donc enfin ce fameux "sens conventionnel". En réalité, ce qu’il décrit n’est pas le sens du courant mais celui des courants. En choisissant d’appeler "sens du courant" celui de la circulation du fluide positif, Ampère a eu l’habileté de trouver un vocabulaire commun aux hypothèses "anglaise" et "française". Dès lors, le fameux "bonhomme d’Ampère" peut servir d’outil aux deux modèles :

 

"Pour ... définir la direction du courant relativement à l’aiguille concevons un observateur placé dans le courant de manière que la direction de ses pieds à sa tête soit celle du courant, et que sa face soit tournée vers l’aiguille ; on voit alors que dans toutes les expériences rapportées ci-dessus le pôle austral de l’aiguille aimantée est porté à la gauche de l’observateur ainsi placé".

 

L’observateur d’Ampère reçoit bien le fluide positif par les pieds mais reçoit également le fluide négatif par la tête.


 

voir aussi :

Au sujet du sens du courant électrique, du bonhomme d’Ampère et du tire-bouchon de Maxwell.


 

Avec Ampère, c’est la théorie des deux courants qui s’impose en France et dans la plupart des Pays d’Europe, elle est encore classique dans les manuels du début du XXème siècle et exige des enseignants de véritables prouesses pédagogiques. Il n’est en effet pas commode d’exposer la façon dont les deux fluides peuvent se croiser sans se neutraliser.

Le retour de Franklin.

L’Angleterre est en général restée fidèle à Franklin et au fluide unique. Maxwell (1831-1879), par exemple, souhaite une grande prudence vis-à-vis de la notion même de fluide électrique :

 

"Tant que nous ignorons si l’électricité positive ou négative, ou si l’électricité même est une substance, tant que nous ne saurons pas si la vitesse du courant électrique est de plusieurs millions de lieues par seconde ou d’un centième de pouce à l’heure, ou même si le courant électrique marche du positif au négatif ou dans la direction opposée nous devrons éviter de parler de fluide électrique". (Maxwell, traité élémentaire d’électricité - Paris - Gautier Villars - 1884).

 

Malgré cette prudence il faut bien choisir l’un des modèles pour interpréter les phénomènes électromagnétiques, c’est alors le fluide unique et le modèle de Franklin qui auront sa préférence : "S’il existe une substance pénétrant tous les corps, dont le mouvement constitue le courant électrique, l’excès de cette substance dans un corps, au delà d’une certaine proportion normale, constitue la charge observée de ce corps".

 

Aucune ambiguïté avec le modèle de la "vis" (ou du "tire-bouchon", comme le préfèrent les français) proposé par Maxwell pour décrire l’expérience d’Oersted : elle avance, le long du fil, dans le sens du courant :

 

"Supposons qu’une vis droite s’avance dans la direction du courant, en tournant, en même temps, comme au travers d’un corps solide, c’est à dire dans le sens des aiguilles d’une montre, le pôle Nord de l’aimant tendra toujours à tourner autour du courant dans le sens de rotation de la vis, et le pôle sud dans le sens opposé".

 

Nous pourrons terminer cette brève histoire avec J.-J. Thomson (1856-1940). En 1897, il reconnaît, lui aussi, que rien, jusqu’à présent, n’a pu départager la "théorie dualiste" de l’électricité de la "théorie unitaire" :

 

"Les fluides étaient des fictions mathématiques, destinées seulement à fournir un support spatial aux attractions et répulsions qui se manifestent entre corps électrisés... Aussi longtemps que nous nous bornons à des questions qui impliquent seulement la loi des forces se manifestant entre des corps électrisés et la production simultanée de quantités égales d’électricité positive et négative, les deux théories doivent donner le même résultat, et il n’y a rien qui puisse nous permettre de choisir entre les deux... Ce n’est que lorsque nous portons nos investigations sur des phénomènes impliquant les propriétés physiques du fluide, qu’il nous est permis d’espérer pouvoir faire un choix entre les deux théories rivales".( J-J.Thomson. Electricité et Matière. Paris : Gautier Villars - traduction-1922)

 

Thomson, à cette période de sa vie, étudie le "rayonnement" qui traverse un tube vidé de son air et dont les tubes "cathodiques" de nos écrans de récepteurs de télévision et d’ordinateurs sont encore, pour quelques années, les descendants.

 

Au moment où, dans ce rayonnement, il découvre le "corpuscule d’électricité" que l’on appellera plus tard "électron", il pense faire, d’une certaine façon triompher ses couleurs nationales. Constatant que les rayons cathodiques sont constitués de "grains" d’électricité négative de masse plus de mille fois inférieure à celle du plus petit des atomes, celui d’hydrogène, il ne peut douter d’avoir assuré la victoire de son camp. Se souvenant que Franklin considérait que "La matière électrique est composée de particules extrêmement subtiles", il écrit :

 

"Ces résultats nous conduisent à une conception sur l’électricité qui a une ressemblance frappante avec la "théorie unitaire" de Franklin".

 

Le triomphe cependant n’est pas total :

 

" Au lieu de considérer, comme le faisait cet auteur, le fluide électrique comme étant de l’électricité positive, nous le considérons comme de l’électricité négative... Un corps chargé positivement est un corps qui a perdu une partie de ses corpuscules".

 

Il reste, en effet, ce mauvais choix initial : le verre frotté ne se charge pas d’électricité, il en perd !

 

Situation bloquée.

 

Nous voici au moment où la situation se fige. Depuis un siècle et demi les conventions de Franklin ont imprégné la science électrique, Ampère a incrusté cette empreinte en fixant un sens conventionnel de circulation du courant. La découverte des électrons, puis des protons, impose une nouvelle interprétation de la conduction électrique. Les charges positives et négatives existent bien toutes les deux et il est vrai que, dans l’électrolyse, deux courants de charges opposées se croisent dans la solution d’électrolyte.

 

Dans les conducteurs métalliques, par contre, seules les charges négatives sont mobiles. Le fluide positif reste immobilisé dans les noyaux fixes des atomes. Le courant électrique doit à présent être considéré, dans un circuit métallique, comme un courant d’électrons se déplaçant du pôle négatif du générateur vers son pôle positif.

 

Cette découverte est-elle un évènement suffisant pour provoquer une révolution dans les conventions électriques ? Il faut constater qu’on s’accommodera de ces électrons qui se déplacent dans le sens inverse du sens "conventionnel".

 

Ce déplacement n’est d’ailleurs pas spectaculaire. Nous pouvons à présent répondre à l’interrogation de Maxwell. La vitesse du courant d’électrons dans un courant continu n’est pas de plusieurs millions de lieues à la seconde et si elle est quand même supérieure à un centième de pouce à l’heure, elle ne dépasse pas quelques centimètres à l’heure.

 

Ce résultat parle peu à l’imagination. Ce lent courant d’électrons s’accorde mal avec la puissance observée des phénomènes électriques. C’est peut-être pourquoi on préfère continuer à raisonner sur le courant mythique des premiers temps de l’électricité qui se précipitait du pôle positif où il était concentré vers le pôle négatif où il avait été raréfié.

 

Il reste un certain étonnement et parfois de l’irritation quand on présente au débutant cette contradiction dans la science électrique. Quoi ? Plus d’un siècle s’est écoulé et l’erreur n’est toujours pas réparée ?

 

D’une certaine façon cette "erreur" est bénéfique : elle casse le discours linéaire, elle force à l’interrogation et oblige à un retour sur l’histoire des sciences. Au moins les apprentis électriciens retiendront-ils que l’activité scientifique est une activité humaine, une activité vivante, et qu’on y rencontre parfois les cicatrices des erreurs passées.

 

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