par Gérard Borvon
Jean-Mathurin et Guillaume Mazéas sont fils d’un notaire de Landerneau montés à Paris pour y poursuivre de brillantes études qui en feront des scientifiques de valeur. Le premier mathématicien, le second chimiste et physicien.
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Une rue porte le nom des frères Mazéas à Landerneau.
L’aîné, Jean-Mathurin naît en 1713. Il fait ses études supérieures à Paris, au Collège de Navarre.
Il faut dire ici un mot du Collège de Navarre. Il a été fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel dans son hôtel de la rue Saint-André-des-Arts, afin d’y recevoir des étudiants de sa Province. On y accueillait aussi tout enfant de famille modeste ou pauvre issu des autres régions de France.
Au siècle des Lumières ce collège est devenu l’un des meilleurs établissements de l’Université de Paris. C’est là que Louis XV crée en 1752 la première chaire de physique qu’il confie à l’abbé Nollet. Entre autres élèves célèbres de cet établissement on peut citer Condorcet qui parle de ses professeurs avec la plus grande reconnaissance, et parmi ceux-ci Jean-Mathurin Mazéas, et cite leur enseignement comme un modèle à suivre.
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Quand Jean-Mathurin Mazéas y termine ses études il se fait abbé et est nommé enseignant du collège.
Ce sera un excellent enseignant, se fixant pour objectif d’armer ses élèves pour la suite de leurs études ou de leur activité professionnelle. Il veut, dit-il, enseigner "l’esprit géométrique" plutôt que la "géométrie". Dans ce but il écrit l’un des premiers cours de mathématiques, ce qui est une pratique récente dans le monde enseignant.
Son livre, "Eléments d’Arithmétique, d’Algèbre et de Géométrie" est considéré comme l’un des meilleurs livres de son époque, il connaîtra 6 éditions entre 1758 et 1777.
Nous avons donc, en Jean-Mathurin Mazéas, le prototype d’un enseignant d’une "Grande Ecole" parisienne, préfiguration de ce que sera l’enseignement à l’Ecole Polytechnique qui, d’ailleurs, après la révolution, aura pour premiers locaux le Collège de Navarre.
extrait : "à treize ans, les Éléments de mathématiques de Rivard et de Mazéas étant tombés sous sa main, toute autre étude fut oubliée (2). Il s'en occupa uniquement et la lecture de ces deux livres fut suivie de celle de l'algèbre de Clairaut et des traités des sections coniques de La Chapelle et du Marquis de L'Hôpital"
En 1789 Jean-Mathurin Mazéas a 76 ans, largement l’âge de la retraite. Du jour au lendemain il se trouve sans ressources. Les écoles royales ont été fermées et en tant qu’ecclésiastique il ne peut occuper d’autre emploi. Pour subvenir à ses besoins il vend ses livres et ses meubles. Il est alors recueilli à Pontoise par un ancien domestique et vit sur les économies de ce dernier jusqu’au moment où la bourse est à sec.
Le vieux serviteur a alors le courage de se rendre au ministère de l’intérieur dont le titulaire est Nicolas François de Neufchâteau pour plaider la cause de son ancien maître. Il y rencontre d’anciens élèves de Jean-Mathurin Mazéas qui lui font obtenir une pension qu’il touche jusqu’à la fin de sa vie.
On trouve dans les archives de la ville de Landerneau un certificat de résidence délivré au citoyen Mazéas par la section des Sans Culotte de Paris. On y apprend qu’il mesurait 1m74, avait des yeux gris et un menton large. Un bon breton en somme !
Il meurt à Paris en 1801, il a 88 ans.
Décrivant le district de Landerneau dans son "Voyage dans le Finistère", Cambry signale que "le fameux professeur Mazéas" est de Landerneau.
Certificat de résidence de Jean-Mathurin Mazéas, délivré par la section des "Sans Culottes" de Paris.
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On parle de Jean-Mathurin Mazéas dans les "Annales de la religion".
Guillaume Mazéas, le cadet, naît en 1720, toujours dans la paroisse de Saint-Houardon à Landerneau. Il rejoint également le Collège de Navarre et devient lui-même abbé.
Il est d’abord employé comme secrétaire, à Rome, à l’ambassade française auprès du Vatican. A cette occasion il s’intéresse aux antiquités romaines et rencontre des savants étrangers ayant les mêmes curiosités que lui. En particulier il devient le correspondant de Stephen Hales, scientifique anglais de grand renom.
En 1751 il est de retour à Paris où il occupe la fonction de bibliothécaire du Duc de Noailles qui est un amateur averti de tout ce qui touche aux sciences. C’est à ce moment qu’il vit la période la plus riche de sa vie scientifique et qu’il est associé à la première expérimentation du paratonnerre imaginé par Franklin.
Ici, disons un mot de Franklin.
C’est le dernier enfant d’une famille de 13 enfants qui doit quitter l’école à 10 ans pour aider son père modeste fabricant de chandelles. Il apprend ensuite le métier d’imprimeur avec son frère et peut ainsi assouvir sa passion pour la lecture.
A 40 ans c’est un autodidacte accompli qui anime une société philosophique à Philadelphie. C’est à ce moment qu’il rencontre l’électricité. Un voyageur venu d’Angleterre apporte quelques livres et surtout du matériel de démonstrations électriques. La mode est alors de produire en public les expériences spectaculaires que permet l’électricité. Franklin, qui est d’une extrême habileté, améliore ces expériences et fait de nouvelles observations. Parmi celles-ci, celle du pouvoir des pointes pour décharger un corps électrisé, ce qui l’amène rapidement à imaginer la paratonnerre.
Franklin a un correspondant anglais, Peter Collinson, à qui il fait part de ses expériences. Celui-ci cherche à les faire publier par la "Royal Society" qui est l’Académie des Sciences anglaise. C’est un refus. Les scientifiques anglais ne veulent pas reconnaître comme l’un des leurs cet amateur, qui plus est des colonies d’Amérique.
Peter Collinson persiste et publie les lettres de Franklin à son compte. C’est un succès ! Le livre arrive même en France où il est traduit et tombe entre les mains du naturaliste Buffon. Celui-ci a l’idée de faire réaliser en public les expériences de franklin par son ami Dalibard qui s’est spécialisé dans ce domaine. Nouveau succès ! A tel point que le roi désire assister à ces expériences. Une séance spéciale est donc organisée pour Louis XV chez le Duc de Noailles à laquelle Guillaume Mazéas est impliqué en tant que bibliothécaire.
Enhardi, Dalibard décide de tenter l’expérience du paratonnerre que personne n’a réalisé jusqu’à présent. Elle est faire à Marly le 13 mai 1752. Une perche conductrice est dressée au passage d’un nuage d’orage et reçoit le premier éclair.
L’expérience de Marly
C’est alors la frénésie, chacun veut tenter l’expérience. Mazéas dresse lui-même une tige à son domicile et fait arriver un film conducteur dans sa chambre pour pouvoir continuer ses observations, même la nuit sans quitter son lit, si un nuage arrive.
Capter la foudre "étant au lit"
Mazéas a surtout la bonne idée d’informer ses correspondants anglais du succès de l’expérience de franklin (voir : Quand le tonnerre de Brest faisait du bruit dans Landerneau.) et dans le même temps de faire connaître ses propres expériences. Ces lettres auront deux intérêts :
d’abord de faire connaître à Franklin et à ses compatriotes le succès de l’expérience sur le tonnerre. Sa lettre est d’ailleurs en bonne place dans les œuvres complètes de Franklin.
Ensuite de le faire admettre comme membre à part entière de la Royal Society, ce qui est une promotion inespérée pour un jeune homme de 30 ans.
Plus tard, Franklin qui attendait la construction d’un clocher à Philadelphie pour tenter l’expérience, aura l’idée du cerf-volant, idée également mise en œuvre par de Romas en France.
L’expérience de Franklin
Cette période aura été la plus active de la vie de Mazéas. Il revient en Bretagne en 1759 à 39 ans comme chanoine de la cathédrale de Vannes. Il continue à s’intéresser aux sciences et en particulier aux sujets concernant sa province. Il fait par exemple une étude sur les cendres de goëmons et montre qu’elles peuvent être utilisée pour produire la soude dont on a besoin dans l’industrie du verre et du savon. Il offre ainsi un déboucher intéressant au travail des goëmoniers dont l’activité est déjà importante sur les côtes normandes et bretonnes.
Il ne connaîtra pas la révolution. Il meurt en 1776, il n’a que 55 ans.
De Guillaume Mazéas on retient aussi la traduction de l’ouvrage " La Pharmacopée des pauvres
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On évoque Guillaume Mazéas dans :
Publié dans :
La Bretagne des savants et des ingénieurs - (1750-1825). Editions Ouest-France.
Le breton Guillaume Mazéas s’est également intéressé à une des activité "chimique" menée dans sa région : le brûlage des algues.
Voir à ce sujet son mémoire présenté à l’Académie des sciences et publié en 1768 sous le titre :
Sur le même sujet on peut lire aussi :
Les algues, hier et aujourd’hui. Une industrie chimique en Bretagne.
Guillaume Mazéas est également évoqué dans :
Histoire de l’électricité, de l’ambre à l’électron. Gérard Borvon,Vuibert, 2009.