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8 février 2018 4 08 /02 /février /2018 12:50

Pourquoi avons-nous tant de mal à changer nos styles de vie alors que plus personne ne peut nier que notre modèle de développement a un impact destructeur sur le plan écologique et social ni douter de l’intensité des violences infligées aux animaux ?

Relever ce défi implique de combler l’écart entre la théorie et la pratique en développant une éthique des vertus. Au lieu de se focaliser sur les principes ou sur les conséquences de nos actes, celle-ci s’intéresse à nos motivations concrètes, c’est-à-dire aux représentations et aux affects qui nous poussent à agir. Quels traits moraux peuvent nous conduire à être sobres et à avoir du plaisir à faire le bien, au lieu d’être constamment déchirés entre le bonheur et le devoir ?

L’éthique de la considération prend sa source dans les morales antiques, mais elle rejette leur essentialisme et s’appuie sur l’humilité et sur la vulnérabilité. Alors que Bernard de Clairvaux fait reposer la considération sur une expérience de l’incommensurable supposant la foi, Corine Pelluchon la définit par la transdescendance. Celle-ci désigne un mouvement d’approfondissement de soi-même permettant au sujet d’éprouver le lien l’unissant aux autres vivants et de transformer la conscience de son appartenance au monde commun en savoir vécu et en engagement. La considération est l’attitude globale sur laquelle les vertus se fondent au cours d’un processus d’individuation dont l’auteur décrit les étapes.

 

De livre en livre, la philosophe insiste sur la nécessité de faire place aux autres, humains et animaux. Pour, enfin, hâter la transformation de soi et de la société, au centre de son nouvel essai.

 

NOUS AVONS L’HABITUDE de séparer. Nous dissocions, notamment, vie intime et vie sociale, raison et émotions, humains et animaux… L’éthique de la considération veut, au contraire, les réunir, opérer le passage de la théorie à la pratique, de la pensée à l’action, et aider les individus à sortir du nihilisme pour préparer « l’âge du vivant ». Car « c’est dans la conscience individuelle que la société joue son destin », indique la première phrase du livre.

Cette « considération » consiste, avant tout, à regarder avec attention ce que l’on est soi-même, ce que sont les autres vivants, et le monde commun qui nous unit, indépendamment des attributs sociaux et des oripeaux de convention. Au terme du périple, séparations, clivages et morcellements s’estompent ou s’évanouissent : « Incluant le souci des autres et de la nature dans le souci de soi, le sujet s’élargit et se perçoit comme une partie de l’univers. »

Cet essai exigeant, dense et ambitieux, vaut d’être lu. Il convoque tour à tour philosophes antiques et classiques, éthique des vertus, théorie politique, psychologie et écologie pour repenser – autour de ce « sujet élargi » attentif au « monde commun » – ces questions vitales : environnement, cause animale, démocratie. Même si on ne partage pas tous les engagements et partis pris exposés, cette tentative est trop rare pour être ignorée. Et quelques formules méritent une postérité. Par exemple : « On ne se répare vraiment qu’au-delà de soi. » p r.-p. d.

 

Voir l'article dans Le Monde

Tag(s) : #actualités.
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