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20 juillet 2018 5 20 /07 /juillet /2018 12:46

Si le contrôle et le maintien de la qualité de l'eau en France a fait l'objet de la "grande" loi de 1964, il a fallu attendre 1996 pour que soit votée une "loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l’Énergie (LAURE)". Respirer un air sain serait-il moins important que de boire une eau potable ?


 

L'air, la santé et la loi.


 

Comme souvent en France lorsqu'il s'agit d'environnement, la loi répondait, avec des années de retard, à des directives cadres issus des institutions européennes : la directive du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l'anhydride sulfureux et les particules en suspension, la directive du 3 décembre 1982, concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l'atmosphère, la directive du 7 mars 1985, concernant les normes de qualité de l'air pour le dioxyde d'azote et la directive du 21 septembre 1992, concernant la pollution de l'air par l'ozone. Ces directives européennes s'inscrivant elles-mêmes dans le cadre des lignes directrices de l'organisation mondiale de la santé (OMS) dont le préambule déclarait que "le fait de respirer de l’air pur est considéré comme une condition essentielle de la santé et du bien-être de l’homme".


 

Dans son article premier la loi française définissait son objet : "L’État et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé."


 

"Un air qui ne nuise pas à sa santé...". L'air, reconnu sur le plan international comme une "condition essentielle de la santé et du bien-être de l’homme" , serait donc devenu, dans la loi française, une menace dont il faille se protéger ? C'est hélas ce que l'on découvre à la lecture des mesures effectuées par les 29 associations agréées par le Ministère de l'Environnement pour la surveillance de la qualité de l'air en France : respirer peut, effectivement, nuire à notre santé !


 

La qualité de l'air surveillée.


 

Étonnante histoire que celle de ces associations de surveillance de la qualité de l'air. Rappelons que la loi sur l'eau de 1964 avait eu, entre autres mérites, de définir six Agences de Bassin. Établissements publics dépendant du ministère de L'Environnement, ces agences sont chargées de mettre en œuvre la politique de l’État en matière de qualité de l'eau. Rien de cela pour la protection de l'air, les associations auxquelles on en a confié sa surveillance sont des associations régies par la loi de 1901 qui, pour plusieurs, existaient bien avant que soit votée la loi sur l'air et, donc, relevaient d'une initiative, non pas publique mais associative.


 

En Bretagne, par exemple, l'association "Air Breizh" est issue d'une association loi 1901 nommée ASQAR ( association pour la surveillance de la qualité de l’air de l’agglomération rennaise) créée en 1987. Airparif, en Île-de-France, a été créée en 1979.


 

Le mouvement s'est accéléré à la suite du décret n° 90-389 du 11 mai 1990 instituant "une taxe parafiscale sur les émissions de polluants dans l'atmosphère affectée au financement de la lutte contre la pollution de l'air et perçue par l'Agence pour la qualité de l'air". La discrète "Agence pour la Qualité de l’Air" (AQA), créée par une loi du 7 juillet 1980, était un établissement public à caractère industriel et commercial, sous tutelle du ministre délégué à l’Environnement. En 1990-1991, la fusion de l’AQA, de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie et de l’Agence nationale pour la récupération et l’élimination des déchets a donné naissance à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Depuis 1999 la taxe perçue par l'ADEME est incluse dans la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP). Sont visées les installations émettant des oxydes de soufre et d'azote, des vapeurs organiques, des particules fines.


 

Une partie de cette taxe étant affectée au financement de la surveillance de la qualité de l'air, un arrêté du 9 mai 1995 établissait la liste de la trentaine d'associations agrées par le ministère de l'environnement et autorisées à la percevoir. La loi de 1996 formalisait ce fonctionnement en précisant que "Dans chaque région, et dans la collectivité territoriale de Corse, l’État confie la mise en œuvre de cette surveillance à un ou des organismes agréés. Ceux-ci associent, de façon équilibrée, des représentants de l’État et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, des collectivités territoriales, des représentants des diverses activités contribuant à l'émission des substances surveillées, des associations agréées de protection de l'environnement, des associations agréées de consommateurs et, le cas échéant, faisant partie du même collège que les associations, des personnalités qualifiées".


 

Depuis cette date des associations agréées existent dans chaque région de métropole et d'outre-mer et sont regroupées au sein de la "Fédération des Associations de Surveillance de la qualité de l'air (ATMO France)". En sont membres les représentants des organismes de l’État (Préfectures, DREAL, ADEME, ARS, DRAF ...), les collectivités territoriales ( Conseil généraux, communautés urbaines, grandes villes... ), les principaux industriels concernés ( chambres de commerce et d'industrie, chambres d'agriculture, EDF, grosses unités industrielles...), des personnes qualifiées (scientifiques, structures médicales, associations... ).


 

Des crédits insuffisants.


 

Leur financement ? Les Agences de l'eau fonctionnent avec le pactole des redevances pollutions payées par chaque consommateur et figurant sur sa facture d'eau potable. Mais il n'y a pas encore de facture pour l'air qu'on respire ! le budget des associations membres de l'ATMO repose donc essentiellement sur les dotations de l’État, sur une partie de la taxe payée par les installations polluantes (TGAP) et sur les subventions volontaires des collectivités territoriales. Résultat : un budget insuffisant et qui se restreint de plus en plus d'où un nombre limité de mesures effectuées et des points de mesure trop peu nombreux. Huit points de mesure, par exemple en Bretagne dont 3 seulement bénéficiant de mesures complètes permettant d'établir l'indice de qualité de l'air ATMO. Pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants cet indice est calculé à partir des concentrations de quatre polluants : le dioxyde soufre (SO2), le dioxyde d'azote (NO2), l'ozone (O3) et les particules en suspension de diamètre inférieur à 10 micromètres (PM10). Ces mesures limitées aux grandes agglomérations sont à l'évidence très insuffisantes quand on constate que c'est sur l'ensemble du territoire que les habitants respirent un cocktail de pollutions diverses générées par l'industrie,l'agriculture, le chauffage urbain et les transports.


 

Dans un interview rapporté par la revue Actu-Environnement de septembre 2013, la présidente d'ATMO-France, plaidait pour une rallonge des crédits attribués aux associations membres. Avec l'élaboration des schémas régionaux climat-air-énergie, la révision des plans de protection de l'atmosphère incluant la mesure des concentrations de pesticides dans l'air et des polluants atmosphériques à proximité du trafic en milieu urbain, les associations agréées croulent sous les nouvelles missions. Leur présidente revendiquait qu'elles perçoivent une partie des taxes qui seraient prélevées sur les transports. C'était le temps où la redevance "poids-lourds" était encore dans les projets gouvernementaux.


 

Il est vrai que avec 50 millions d'euros par an partagés entre 27 associations à comparer aux 2 milliards d'euros à la disposition des six Agences de l'eau, il semblait impossible de répondre à l'urgence de l'heure, d'autant plus que la situation semblait s'aggraver. Les finances publiques étant "étriquées", la part de l'État et celle des collectivités locales pouvaient difficilement augmenter. Pire, certaines collectivités réduisaient leur contribution volontaire, allant jusqu'à la supprimer. Finalement, le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air dépendait du "bon vouloir des collectivités", regrettait Régine Lange, rappelant que le suivi de la qualité de l'air constitue pourtant un outil d'aide à la prise de décision pour ces mêmes collectivités.


 

Pour étayer son argumentation la présidente faisait valoir les 42.000 décès par an résultant de la pollution atmosphérique par les particules fines, "un chiffre issu de l'étude Cafe (Clean Air for Europe, Air pur pour l'Europe) de 2000 et qui n'est pas contesté".


 

Par ailleurs, rappelait-elle, le coût annuel associé à la mortalité précoce liée à la pollution atmosphérique est évalué entre 20 et 30 milliards d'euros par an, selon une étude récente réalisée par les services du ministère de l’Écologie. Un rapport du Sénat, publié en juillet 2015 sous le titre "Pollution de l'air : le coût de l'inaction", estimait quant à lui ce coût à 100 milliard d'euros.


 

Ne pas oublier, le contentieux ouvert par la Commission européenne à l'encontre de la France pour non-respect des valeurs limites applicables aux particules PM10 qui pourrait aboutir à une condamnation assortie d'une amende et d'astreintes financières, à savoir : onze millions d'euros d'amende et 240.000 euros par jour de dépassement du seuil réglementaire, soit plus de 100 millions d'euros pour la première année et 85 millions pour les années suivante. Nous parlerons de ces particules fines, PM10, PM2,5, dont l'extrême dangerosité se révèle chaque jour un peu plus.


 

En conclusion la présidente de ATMO-France rappelait que, si la santé publique doit être le soucis premier des autorités, une autre évidence s'imposait : "agir pour la qualité de l'air, c'est agir pour les finances publiques" .


 

Propos entendus ? En Avril 2015, alors que Paris venait de subir des pics de pollution particulièrement graves, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal décidait de réduire de 15% la subvention de l'Etat à Airparif !


 

L'état n'est pas le seul à se désengager. Sur 64 départements adhérents à ATMO-France une vingtaine ont annoncé leur départ pour 2016, ou risquent de baisser leurs apports. La région parisienne est particulièrement touchée : les Yvelines viennent de se retirer d’Airparif pour 2016, après la Seine-et-Marne en 2015 et les Hauts-de-Seine en 2012. Et cela dans la plus totale indifférence !


 

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