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7 février 2022 1 07 /02 /février /2022 17:18

 

Formateur en Histoire des Sciences à l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM) de Bretagne, j'illustrais mes cours sur l'histoire de l'électricité par les expériences de Gray sur la conduction électrique et de Dufay sur les deux espèces d'électricité.

 

Expérience de Gray sur la conduction (gravure de Yan D"Argent)

 

Particulièrement spectaculaire : l'expérience d'attraction-contact-répulsion de Dufay. Un fragment de feuille d'or (sinon d'aluminium) est suspendu à un long fil fin de soie (ou de nylon isolant) au plafond. Un long tube de verre (du pyrex de préférence) de quelques centimètres de diamètre est frotté par un chiffon de coton bien sec (ou par un film de plastique synthétique). Quand le tube est approché à quelques décimètres de la feuille l'attraction puis la répulsion sont spectaculaires.

 

L'enseignant qui a pratiqué ces expériences dans une classe embuée par la respiration d'une trentaine d'élèves sait qu'il faut les préparer avec soin. En particulier le tube doit être rigoureusement sec. Pour ma part j'avais bricolé une longue boîte dont la partie supérieure était munie d'ampoules électriques qui faisaient office de chauffage. Chaud et sec, le tube répondait généralement à notre attente.

 

Le climat breton est réputé pour être modéré mais cet hiver là un froid particulièrement vif avait gelé tout le pays. Au plus fort de la période j'étais amené à faire un cours à Rennes.  Jamais attractions et répulsions n'avaient été aussi spectaculaires. A plus de un mètre de distance la feuille d'or était attirée puis violemment repoussée. Et l'expérience pouvait se poursuivre pendant une heure sans autre préparation. Explication : la sécheresse de l'air. Nous n'en faisons pas souvent l'expérience en Bretagne mais il est connu que c'est en effet dans les périodes de grand froid que l'air est le plus  sec.

 

Et voilà qu'une hypothèse nous vient à l'esprit. William Gilbert considéré comme le "père de l'électricité" remarquait dans les années 1600 que "les apparences électriques étaient plus fortes lorsque l'air était sec et que le vent soufflait du Nord ou de l'Est [.] mais qu'un air humide ou un vent du Sud anéantit presque la vertu électrique".

 

Franklin à son tour notait qu'il arrêtait ses expériences quand on entrait " dans la saison des grandes chaleurs". C'est donc le froid hiver nord américain qui pourrait expliquer les nombreuses et inédites observations relatées par Franklin et ses amis et que nous peinons souvent à reproduire dans nos classes.

 

Les expériences de Franklin rencontrent un tel succès en France que Louis XV demande à les voir réaliser. C'est ainsi qu'en mai 1752 l'expérience du paratonnerre est, pour la première fois, réalisée à Marly-le-Ville. Le physicien Guillaume Mazéas, qui y a assisté, fait connaître ces démonstrations à son correspondant britannique Stephen Hales. Sa dernière lettre date du 29 août. Il y fait savoir que "Comme l’année commence à tendre vers sa fin, je crois que ces observations seront les dernières pour 1752, époque qui sera toujours bien célèbre pour les amateurs de l’électricité". Sans doute cette "fin" est celle de la période de l'année où les expériences d'électrostatiques sont peu démonstratives. A noter : l'hiver 1752 a été particulièrement sec en France et l'été suivant particulièrement humide.

 

Quant aux Hauksbee, Gray, Dufay, Nollet... les spectaculaires démonstrations qu'ils donnaient dans les salons de la noblesse de leur temps n'étaient peut-être pas étrangères à ce "petit âge glaciaire" qui a régné sur l'Europe au cours des 17ème et 18ème siècle.

 

 

Hypothèse aventureuse ? Elle pourrait cependant rassurer les professeurs de physique, nos contemporains, qui doivent multiplier les précautions pour réussir leurs expériences d'électrostatique dans une époque où les hivers rigoureux et secs se font de plus en plus rares.

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