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24 novembre 2023 5 24 /11 /novembre /2023 12:18

Traditionnellement l'eau est traitée, dans les programmes scolaires, sous les formes liquide ou solide.

 

Pourtant : "N'y a-t-il donc pas de vapeur d'eau à la surface de la Terre ? La buée sur les vitres ou sur les lunettes froides n'est-elle pas liée à la condensation de vapeur d'eau ? Et la pluie, ne provient-elle pas de la condensation de vapeur d'eau ?", interroge Olivier Dequincey dans un article  publié sous le titre "Vapeur d'eau à la surface de la Terre et des planètes : distinction entre ébullition et évaporation".

 

Un oubli dans la composition de l'air : l'eau.

 

Traditionnellement il est enseigné que l'air est composé de 78% de diazote N2 de 21% de dioxygène O2 et de 1% de gaz divers. Une précision est rarement apportée : cette proportion est celle de l'air "sec". Mais l'air, ce gaz que nous respirons et qui constitue l'atmosphère, n'est jamais sec. Ainsi, nous dit Olivier Dequincey, "à 18°C, un air saturé en humidité contient, en volume, environ 2% de vapeur d'eau et 98% d'"air sec" (diazote, oxygène...)."

 

Comment oublier que cette eau à l'état de gaz se condense en ces nuages, maillon essentiel du cycle terrestre de l'eau. Sans eux pas de pluie, pas de neige, pas de sources ni de rivières et pas de vie à la surface du globe.

 

Comment ne pas signaler que le gaz "eau" est d'abord essentiel au maintien d'une température qui rend notre Terre  habitable.

 

John Tyndall (1820-1893), le découvreur des gaz à "effet de serre".

 

John Tyndal est né en Irlande et y a vécu sa jeunesse. Autodidacte, comme Faraday dont il a été l'élève, ses travaux scientifiques lui valent une solide renommée, tant en Europe que dans les Etats d'Amérique. Excellent vulgarisateur, il donne, en 1864 à Cambridge, une conférence, sous le titre "La radiation", dans laquelle il expose ses travaux sur l'absorption des rayons lumineux par différents gaz. Sa traduction par l'Abbé Moigno est publiée en France dès l'année suivante. Son traducteur est enthousiaste : "Le motif de sa dissertation lui était imposé par par l'immense retentissement des ses admirables découvertes dans le domaine des radiations lumineuses et caloriques. Il l'a traité avec une lucidité, une sobriété, une élégance, une aisance magistrales ; et nous ne nous souvenons pas d'avoir lu avec plus de plaisir d'autres dissertations scientifiques".

 

Le texte est court (64 pages) et l'éloge justifié. Il mérite d'être lu dans sa totalité. Qui le lirait y trouverait l'essentiel de ce que nous enseignent les climatologues aujourd'hui. Son exposé s'attache d'abord à établir l'existence de lumières invisibles à l'oeil. Il est acquis, depuis Fresnel, que la lumière solaire est composée de multiples radiations. En particulier il s'intéresse à celle qu'il désigne sous le terme "d'ultra-rouge" et que nous désignons aujourd'hui comme "infra-rouge". Il expose comment son existence a été révélée par l'astronome britannique Wiliam Herschel. L'expérience est belle, elle mérite d'être rappelée.

 

"Forçant un rayon solaire à passer à travers un prisme, il le résolu dans ses éléments constituants, et le transforma en ce qu'on appelle techniquement le spectre solaire (souligné par lui). Introduisant alors un thermomètre au sein des couleurs successives, il détermina leur pouvoir calorifique, et trouva qu'il augmentait du violet, ou du rayon le plus réfracté, au rouge ou rayon le moins réfracté du spectre. Mais il ne s'arrêta pas là. Plongeant le thermomètre dans l'espace obscur au delà du rouge, il vit que, quoique la lumière eût entièrement disparu, la chaleur rayonnante qui tombait sur l'instrument était plus intense que celle que l'on avait mise en évidence à tous les points du spectre visible."

 

Mentionnant les travaux de Ritter et Stokes sur les "ultraviolets" Tyndall pouvait alors présenter le rayonnement solaire comme composé de "trois séries différentes".

  1. des rayons ultra-rouges d'une très grande puissance calorique, mais impuissants à exciter la vision.

  2. Des rayons lumineux qui déploient la succession suivante de couleurs : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet

  3. des rayons ultra-violets, impropres à la vision comme les rayons rouges, dont le pouvoir calorifique est très-faible, mais qui en raison de leur énergie chimique, jouent un rôle très important dans le monde organique.

 

Suit un exposé sur la nature des radiations. Quel est le lien entre la chaleur dégagée dans un fil de platine chauffé au rouge ou au blanc par un courant électrique le traversant et la perception de cette lumière par l'oeil ? Son compatriote Maxwell a émis récemment l'hypothèse selon laquelle la lumière serait une onde électromagnétique se déplaçant dans un hypothétique éther. Sa réponse est conforme au modèle. Il existe dit-il un "éther lumineux" qui comme l'air transmet les sons, est "apte à transmettre les vibrations de la lumière et de la chaleur". Ainsi "chacun des chocs de chacun des atomes de notre fil excite en cet éther une onde qui se propage dans son sein avec la vitesse de 300 000 kilomètres par seconde". C'est cette onde, reçue par la rétine, qui provoque chez nous la sensation de lumière.

 

Le chapitre qui suit a pour titre "Absorption de la chaleur rayonnante par les gaz". Son objet concerne particulièrement notre sujet, à savoir ce que nous désignons par "effet de serre".

 

"Limitant tout d'abord nos recherches au phénomène de l'absorption, nous avons à nous figurer une succession d'ondes issues d'une source de rayonnement et passant à travers un gaz. Quelques-unes de ces ondes viennent se heurter contre des molécules gazeuses et leur cèdent leur mouvement ; d'autres glissent autour des molécules, ou passent à travers leurs espaces intermoléculaires, sans obstacle sensible. Le problème consiste à déterminer si de semblables molécules libres ont à un degré quelconque le pouvoir d'arrêter les ondes de la chaleur, et si les différentes molécules possèdent ce pouvoir à différents degrés".

 

Le montage expérimental consiste en un plaque de cuivre chauffée jusqu'à incandescence. La lumière produite est transmise à un tube fermé par deux plaques de sel gemme "seule substance solide qui offre un obstacle presque insensible au passage des ondes calorifiques". Le tube peut être rempli de gaz divers sous la même pression de 1/30 d'atmosphère. La température y est mesurée par une "pile thermo-électrique", instrument d'une invention récente.

 

 

 

Les résultats sont publiés dans un tableau qui exprime les quantités de radiations absorbées respectivement par les différents gaz, "en prenant pour unité la quantité absorbée par l'air atmosphérique".

 

 

On y retrouve la plupart des gaz dont la nuisance nous préoccupe aujourd'hui. En particulier le dioxyde de carbone (acide carbonique), le protoxyde d'azote, l'acide nitreux.

 

Un dernier résultat "incroyable" !

 

Une dernière partie vient compléter ce tableau. Elle concerne l'étude "des vapeurs aqueuse de l'atmosphère dans leurs rapports avec les températures terrestres". L'importance des résultats mérite une mise en scène. Après les premières mesures effectuées sur différents gaz, "nous voici préparés à accepter un résultat qui sans ces préliminaires serait apparu complètement incroyable", annonce le conférencier.

 

Le nouveau gaz étudié n'est autre que la vapeur d'eau. C'est "un gaz parfaitement impalpable, diffusé dans toute l'atmosphère même les jours les plus clairs". La quantité de cette vapeur est infinitésimale comparée à la composition de l'air en oxygène et azote. Pourtant les mesures effectués montrent que son effet est 200 fois supérieur à celui de l'air qui la contient. Ce fait, note-t-il, "entraîne les conséquence les plus graves relativement à la vie sur notre planète".

 

Conséquences les plus graves ? C'est exactement ce que seraient tentés de dire la plupart de nos contemporains mais John Tyndall y voit en réalité une chance. La chaleur du sol échauffé par les rayons du soleil se communiquent à l'atmosphère sous formes de ces ondes de lumière "ultra-rouges" de grande puissance calorique. L'air seul serait insuffisant pour les retenir. Heureusement, constate Tyndall "les vapeur aqueuses enlèvent leur mouvement aux ondes éthérées, s'échauffent et entourent ainsi la terre comme d'un manteau qui la protège contre le froid mortel qu'elle aurait sans cela à supporter".

 

La vapeur d'eau protège la terre du froid des espaces célestes.

 

Plus tard, dans sa conclusion, le texte de Tyndall prend des proportions lyriques. "La toile d'araignée tendue sur une fleur suffit à la défendre de la gelée des nuits ; de même la vapeur aqueuse de notre air, tout atténuée qu'elle soit, arrête le flux de la chaleur rayonnée par la terre, et protège la surface de notre planète contre le refroidissement qu'elle subirait infailliblement, si aucune substance n'était interposée entre elle et le vide des espaces célestes". Il en veut pour preuve que partout où l'air est sec (déserts, sommets des hautes montagnes) cela entraîne des températures diurnes extrêmes. Inversement "pendant la nuit, la terre rayonne sans aucun obstacle la chaleur vers ses espaces célestes et il en résulte un minimum de température très-basse".

 

La découverte est d'importance et il la revendique. S'il reconnaît à ses prédécesseurs, de Saussure, Fourier, Pouillet, Hopkins, d'avoir "enrichi la littérature scientifique" sur ce sujet, il fait le constat que ce n'est pas, à présent, à l'air, comme ils l'ont fait, qu'il faut s'intéresser mais à la vapeur d'eau qu'il contient. Ceci d'autant plus que, comme nous le fait savoir Olivier Dequincey, dans un air saturé d'eau, à 18°c sous la pression de 1 atmosphère, l'eau "gaz" peut occuper 2% du volume de l'air..

 

 

Ainsi donc la terre est protégée par la vapeur d'eau ? La découverte est d'importance. Nous sommes dans la première période du développement industriel de l'Europe, comment Tyndall pourrait-il imaginer que cet équilibre qui dure depuis des milliers d'années sera rompu dans le siècle à venir. Non pas par la vapeur d'eau mais par le CO2 (l'acide carbonique). Que dit-il de ce gaz ? Il a déjà mesuré que son pouvoir d'absorption des rayons lumineux est près de 1000 fois supérieur à celui de l'air. Il constate également qu'il existe un nombre de rayons "pour lesquels l'acide carbonique est impénétrable". Il en fait même un moyen de mesure du taux de CO2 dans l'air expiré par les poumons. Il ne percevra pas son rôle prépondérant dans le réchauffement de l'atmosphère. Ce sera la contribution de Svante Arrhenius.

 

 

 

 

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