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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 15:26

Si on ne peut citer une date pour les débuts de l'alchimie, on peut citer un lieu : Alexandrie. La ville grecque d’Égypte, créée en –331 par Alexandre le Grand, occupée par les romains avant d'être conquise par les Arabes, est un creuset où fusionnent les traditions issues de l’Égypte, de la Mésopotamie, de l'Assyrie, de la Perse, de la Grèce, voire même de l'Inde et de la Chine.Une tradition largement répandue indique que le nom même de l'alchimie serait d'origine égyptienne. Le mot kemi (terre noire) aurait donné le nom de kemet par lequel les Égyptiens désignaient leur pays. Transmise par les Arabes, la science de la "Terre Noire" serait devenue al-kemi.


 

Le creuset d'Alexandrie.


 

Alexandrie est restée célèbre pour sa bibliothèque. Il se raconte que son premier bâtisseur, Ptolémée 1er (-367 ; -283), général d'Alexandre devenu pharaon d'Égypte, et ses successeurs, faisaient venir, de l'ensemble du monde connu par eux, tous les livres que les marins pouvaient leur apporter afin de les traduire en langue grecque. Au besoin, il se dit aussi qu'ils "empruntaient" pour les recopier tous ceux qu'ils trouvaient sur leurs bateaux. La bibliothèque aurait contenu jusqu'à 700.000 volumes au temps de la conquête de la ville par César. Sa destruction ultérieure laisse le champ libre à de multiples hypothèses. Le conflit entre César et Pompée, des troubles internes à la cité lors de conflits religieux, la conquête de la ville par les Arabes au milieu du septième siècle et son possible incendie… tous ces événements se partageraient la culpabilité de l'avoir réduite au rang de mythe.

 

Principaux accusés de cette destruction, ce sont pourtant les lettrés de langue arabe tel le Perse Avicenne (Ibn Sina ; 980-1037) ou l'Andalou Averroes (Ibn Rushd ; 1126-1198) , qui, en traduisant dans leur langue les textes rescapés, feront connaître ce qui avait pu être sauvé de l'héritage égyptien et grec. En particulier nombre de recettes artisanales, de modèles de la matière, de symboles astrologiques, de textes ésotériques ou religieux... qui alimenteront ce qui deviendra l'alchimie. Ce n'est donc pas un hasard si c'est à l'arabe "al kemi" ou encore "al kimiya" qu'est attribuée l'origine du terme alchimie. En Europe, il apparaît dans le latin médiéval sous la forme alchimia ou chimia.

Chimie et alchimie, écrites encore Chymie et alchymie, seront longtemps synonymes. Les "chymistes" médiévaux n'utilisaient d'ailleurs pas couramment le terme et se décrivaient plutôt comme philosophes ou physiciens. Ce sont leurs successeurs du 18ème siècle qui, se déclarant seuls chimistes authentiques, choisiront de faire la promotion de leur discipline en faisant du mot alchimie le symbole de la confusion qu'ils attribueront, souvent injustement, à leurs prédécesseurs. En effet, transformer le plomb en or : telle est l’image qui, encore à notre époque, est associée aux alchimistes et marque la frontière entre alchimistes et chimistes. Si elle rejette les premiers dans les ténèbres de la magie, force est, pourtant, de reconnaître que leur héritage est loin d’être négligeable.


Outre son nom, l'origine arabe de l'alchimie se manifeste encore dans notre vocabulaire contemporain par quelques mots rescapés : alcool, élixir, alcalin, soude, ammoniaque, nitre, natron… et surtout le nom d'un instrument majeur : l'alambic. Car c'est d'abord un laboratoire que nous livre l'alchimie. L’alambic qui permet les distillations y occupe la première place.

Le fourneau qui équipe la laboratoire de Lavoisier (1789), à droite,

n'est pas très différent de celui de l'alchimiste Glauber (1659), à gauche.

Les eaux, liqueurs, huiles, flegmes… le principal héritage de l’alchimie.


 

La recherche illusoire de la transmutation du plomb en or a certes discrédité les alchimistes qui s'y livraient, mais n'y aurait-il pas une certaine ingratitude à renier ces prédécesseurs qui ont transmis à leurs héritiers le mode préparatoire de la préparation d'une multitude de corps utiles, en particulier, sous forme d’esprits, d’eaux et d’huiles. Et d’abord nombre d'acides essentiels pour la "dissolution" des corps et l'obtention de sels propres à de multiples usages. Ainsi leur devons nous l'acide chlorhydrique (esprit de sel), l’acide sulfurique (huile de vitriol), l'acide nitrique (eau forte). Le mélange de ces deux derniers donnant "l'eau régale" capable de dissoudre l'or.

Les symboles, l’autre héritage. 

Noter aussi que si la chimie est l’univers des « formules » nous le devons à l’alchimie dont les symboles ont traversé les siècles. Elle les a reçus d'antiques traditions issues de la Mésopotamie, de l'Assyrie, de la Perse, de l’Égypte et même la Chine ou l'Inde.

Notons d’abord sa représentation des quatre éléments par une série de triangles : le Feu et l’Air (pointe vers le haut) , l’Eau et la Terre pointe vers le bas .


 


 

Nous pouvons y ajouter les trois principes métalliques supposés être les composants nécessaires à la pierre philosophale : le soufre , le mercure , le sel , ainsi que les métaux eux-mêmes, représentés par les signes représentant les Planètes.


 


 

Il est certain que l'un des objectifs de ce symbolisme était de rebuter le profane. Glauber, proposant de donner la recette de "La teinture de l'or ou véritable or potable" l'annonce d'emblée :

"je ne veux pas jeter les perles devant les pourceaux, j'en veux seulement montrer le chemin aux étudieux, et qui cherchent le travail de Dieu et Nature ; et sans doute ils entendront mes écrits, mais non point un ignorant et qui n'est point expert" (Glauber Jean-Rudolphe, La teinture de l'or ou véritable or potable, Paris 1659)

Ces symboles seront conservés par les chimistes jusqu'à la fin du 18ème siècle. On les trouve même encore représentés dans la "Méthode de Nomenclature Chimique", nouvelle bible de la chimie moderne, publiée en 1787 par Guyton de Morveau, Lavoisier, Berthollet et Fourcroy.  

Méthode de nomenclature chimique ( Extraits, 1787)

La représentation des corps chimiques sous forme de symboles, est donc bien l'un des acquis de l'alchimie, même si nous sommes encore bien loin des formules introduites par le Suédois Jöns Jacob Berzelius au début du 19ème siècle.

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