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12 février 2018 1 12 /02 /février /2018 09:11

Les alchimistes ont été violemment dénigrés par les chimistes, leurs successeurs. On cite couramment le chimiste Pierre Joseph Macquer (1718-1784) comme l’un des "pères" de la chimie moderne. Attaché à défendre le statut académique de cette science, il choisit de mettre en évidence la façon dont elle a rompu avec les anciennes méthodes. Sa cible est la vieille "chymie" que ses contemporains, ont pris l’habitude de désigner par le nom "d’alchimie", pour bien différencier leur propre science de la pratique médiévale dont ils refusent l’héritage.

 

Macquer va même jusqu’à regretter le reste de filiation qui s’exprime dans ce nom de chimie ou "chymie" partagé par les deux disciplines. C’est un mal, écrit-il " pour une fille pleine d’esprit et de raison, mais fort peu connue, de porter le nom d’une mère fameuse pour ses inepties et ses extravagances".

 

N’y a-t-il cependant pas une certaine ingratitude à renier ces prédécesseurs qui leur ont transmis, entre autres héritages, la doctrine des quatre éléments en donnant à ceux-ci une représentation symbolique simplifiée à base de triangles :

 

 

Ceux-ci seront conservés par les chimistes jusqu’à la fin du 18ème siècle. On les trouve même encore représentés dans la "Méthode de Nomenclature Chimique", nouvelle bible de la chimie moderne, publiée en 1787 par Guyton de Morveau, Lavoisier, Berthollet et Fourcroy.

 

Les symboles alchimiques.

 

L’alchimie est le domaine des symboles. Elle les a reçus d’antiques traditions issues de la Mésopotamie, de l’Assyrie, de la Perse, de l’Egypte et même la Chine ou l’Inde.

 

Nous avons retenu sa représentation des quatre éléments par une série de triangles.

 

Nous pouvons y ajouter les trois principes métalliques :

 

- le soufre 

 

- le mercure

 

- le sel 

 

Ces principes sont un apport de l'alchimie arabe (notamment par Geber. Ils sont sont d'abord au nombre de deux : le Mercure (passif, froid, malléable, volatil), qui est un principe féminin, et le Soufre (actif, chaud, dur), qui est un principe masculin. Un troisième principe est ajouté par Paracelse (1493-1541) : le Sel qui permet d'unir le soufre et le mercure.

 

Les métaux sont représentés par les signes représentant les Planètes :

 

 

 

Quant aux différentes opérations de l’alchimie, elles sont souvent illustrées par les signes du zodiaque.

 

 

 

Il est certain que l’un des objectifs de ce symbolisme est de rebuter le profane. Glauber, proposant de donner la recette de "La teinture de l’or ou véritable or potable" l’annonce d’emblée :

 

"La connaissance et la préparation de cette médecine m’étant donnée du très-haut, je prétends, à cause que l’homme n’est pas né pour lui seul, de donner brièvement sa préparation et son usage, mais je ne veux pas jeter les perles devant les pourceaux, j’en veux seulement montrer le chemin aux étudieux, et qui cherchent le travail de Dieu et Nature ; et sans doute ils entendront mes écrits, mais non point un ignorant et qui n’est point expert" (Glauber Jean-Rudolphe, La teinture de l’or ou véritable or potable, Paris 1659)

Cependant il est certain que ce ne sont pas les symboles qui sont les plus hermétiques dans les textes alchimiques mais l’usage qui en est fait. Ils peuvent même donner une allure de rationalité à un texte qui devient de plus en plus ténébreux au fil des pages. Rien d’étonnant donc à ce qu’ils survivent à l’alchimie et qu’on les retrouve même chez Macquer, son pourfendeur.

 


Pierre-Joseph Macquer, Eléments de Chimie théorique, Paris 1749.


 

 

Ils figureront également sur une planche de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

 


Encyclopédie de Diderot de D’Alembert (Planche chymie)


 

En complément de la "Méthode de Nomenclature Chimique" (1787), Jean-Henry Hassenfratz (1755-1827) et Pierre Auguste Adet (1763-1834) proposent eux-mêmes un nouveau symbolisme adapté à la nouvelle façon de nommer et de penser.

 

Ce faisant ils réinterprètent le symbolisme alchimique à la lumière d’une rationalité qui n’était probablement pas celle des premiers chymistes :

 

"Il paraît qu’on ignore dans quels temps les chimistes ont commencé à se servir de caractères. Les recherches que nous avons entreprises sur cet objet se sont réduites à nous faire connaître d’après quelles vues les anciens avaient ordonné les signes des substances métalliques, dans la persuasion où ils étaient que les corps célestes avaient une influence sensible sur tous les corps animés et inanimés du globe terrestre ; ils avaient distingué les métaux, en métaux solaires ou colorés, en métaux lunaires ou blancs.
 

Les métaux de ces deux classes se subdivisaient ensuite en métaux parfaits, demi-parfaits et imparfaits ; la perfection étant exprimée par un cercle ; la demi-perfection, si nous pouvons nous servir de ce terme, par un demi-cercle ; et l’imperfection par une croix ou un dard.
 

Ainsi l’or, qui était le métal solaire par excellence, était représenté par un cercle seul, cette figure était commune aux métaux de la même classe tels que le cuivre, le fer, l’antimoine : mais elle se trouvait combinée avec le signe de l’imperfection.
 

L’argent qu’ils regardaient comme un métal lunaire demi-parfait était indiqué par un demi-cercle, l’étain, le plomb avaient aussi le demi-cercle pour signe, comme appartenant à la même classe, mais ils étaient distingués de l’argent par la croix ou par le dard.
 

Enfin le mercure qui était un métal imparfait, tout à la fois solaire et lunaire, portait les marques distinctives de ces deux classes, et était désigné par un cercle surmonté d’un demi-cercle auxquels on ajoutait une croix."

 


Extrait du tableau des nouveaux caractères chimiques, très inspiré des signes alchimiques, de Hassenfratz et Adet. Méthode de Nomenclature Chimique" (1787)


 

Quoi qu’il en soit, cette rationalité imaginée leur servira de guide pour proposer un symbolisme "moderne". Ils conserveront le cercle pour les substances "métalliques" comme le mercure, le demi-cercle pour représenter les substances ’inflammables" comme le soufre, le triangle dont la pointe est en haut pour représenter les substances "alcalines" et le triangle dont la pointe est en bas pour les substances "terreuses".

 

Ce symbolisme n’aura pas le même succès que la nomenclature qu’il était supposé illustrer.

 

Nous ne retracerons pas ici le combat de Lavoisier et des "chimistes français", ses collaborateurs, contre la théorie du Phlogistique qui les amène, en caractérisant et nommant l’oxygène, à proposer une nouvelle nomenclature chimique construite autour des propriétés de cet élément.

 

Reprise et perfectionnée par Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) elle prendra la forme que nous connaissons aujourd’hui. Nous en reparlerons mais auparavant une nouveau regard sur les corps chimiques mérite d'être évoqué : l'atomisme.

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8 février 2018 4 08 /02 /février /2018 12:50

Pourquoi avons-nous tant de mal à changer nos styles de vie alors que plus personne ne peut nier que notre modèle de développement a un impact destructeur sur le plan écologique et social ni douter de l’intensité des violences infligées aux animaux ?

Relever ce défi implique de combler l’écart entre la théorie et la pratique en développant une éthique des vertus. Au lieu de se focaliser sur les principes ou sur les conséquences de nos actes, celle-ci s’intéresse à nos motivations concrètes, c’est-à-dire aux représentations et aux affects qui nous poussent à agir. Quels traits moraux peuvent nous conduire à être sobres et à avoir du plaisir à faire le bien, au lieu d’être constamment déchirés entre le bonheur et le devoir ?

L’éthique de la considération prend sa source dans les morales antiques, mais elle rejette leur essentialisme et s’appuie sur l’humilité et sur la vulnérabilité. Alors que Bernard de Clairvaux fait reposer la considération sur une expérience de l’incommensurable supposant la foi, Corine Pelluchon la définit par la transdescendance. Celle-ci désigne un mouvement d’approfondissement de soi-même permettant au sujet d’éprouver le lien l’unissant aux autres vivants et de transformer la conscience de son appartenance au monde commun en savoir vécu et en engagement. La considération est l’attitude globale sur laquelle les vertus se fondent au cours d’un processus d’individuation dont l’auteur décrit les étapes.

 

De livre en livre, la philosophe insiste sur la nécessité de faire place aux autres, humains et animaux. Pour, enfin, hâter la transformation de soi et de la société, au centre de son nouvel essai.

 

NOUS AVONS L’HABITUDE de séparer. Nous dissocions, notamment, vie intime et vie sociale, raison et émotions, humains et animaux… L’éthique de la considération veut, au contraire, les réunir, opérer le passage de la théorie à la pratique, de la pensée à l’action, et aider les individus à sortir du nihilisme pour préparer « l’âge du vivant ». Car « c’est dans la conscience individuelle que la société joue son destin », indique la première phrase du livre.

Cette « considération » consiste, avant tout, à regarder avec attention ce que l’on est soi-même, ce que sont les autres vivants, et le monde commun qui nous unit, indépendamment des attributs sociaux et des oripeaux de convention. Au terme du périple, séparations, clivages et morcellements s’estompent ou s’évanouissent : « Incluant le souci des autres et de la nature dans le souci de soi, le sujet s’élargit et se perçoit comme une partie de l’univers. »

Cet essai exigeant, dense et ambitieux, vaut d’être lu. Il convoque tour à tour philosophes antiques et classiques, éthique des vertus, théorie politique, psychologie et écologie pour repenser – autour de ce « sujet élargi » attentif au « monde commun » – ces questions vitales : environnement, cause animale, démocratie. Même si on ne partage pas tous les engagements et partis pris exposés, cette tentative est trop rare pour être ignorée. Et quelques formules méritent une postérité. Par exemple : « On ne se répare vraiment qu’au-delà de soi. » p r.-p. d.

 

Voir l'article dans Le Monde

Tag(s) : #actualités.
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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 14:45

Nous poursuivons notre chemin à la rencontre de tous ces femmes et ces hommes habités par la même obsédante question du fonctionnement du monde naturel.

Nous y avons rencontré Empédocle, le poète, le prophète. Platon, le géomètre puis Aristote et Hippocrate . Nous avons rencontré le monde des alchimistes. voici Van-Helmont leur successeur immédiat.

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Jean-Baptiste Van-Helmont (1579-1644) est né à Bruxelles, alors ville des Pays-Bas espagnols. Après des études de philosophie à l'université du duché de Brabant, il étudie l'astronomie, l'algèbre, la géométrie. Il se tourne ensuite vers la médecine dont il obtient le diplôme en 1599. Il rejette les enseignements de Hippocrate et de Galien. La vraie médecine, affirme-t-il, "ne consiste pas en des formes visibles et externes, ni en des qualités contraires et superficielles de chaud, de froid, d'humide et de sec, dont on amuse les malades aujourd'hui". Il s'inspire de la médecine pratiquée par Paracelse (1493-1541) faisant intervenir des remèdes essentiellement issus du monde minéral. La vraie médecine, écrit-il, "consiste à bien connaître les maladies, et les savoir guérir par des remèdes convenables et appropriés. Qui opèrent non parce qu'ils sont chauds ou froids, amers, acres, acides, austères, e&c... Mais par des propriétés spécifiques, cachées dans l'intérieur des pierres, minéraux, métaux, végétaux, e&t, d'où elles ne peuvent pas bien être tirées sans l'aide le la véritable chimie". 

Van Helmont, qui se disait "philosophe par le feu", occupe une part capitale, soulignée par Lavoisier, dans la naissance de la chimie académique. Pourtant c'est d'abord un adepte de la pensée alchimique. Ce qui lui vaudra, en 1634, d'être inquiété par l'Inquisition, très active dans cette possession espagnole.

L'alchimiste blasphémateur.

La raison officielle de ce procès pour "hérésie, blasphème, impiété et magie", est l'une de ses publications, "De magnetica", où il est fait mention d'un remède attribué à Paracelse, "l'onguent des armes" (unguentum armarium).

Si un homme est blessé et que l'on possède l'arme responsable, il suffira d'enduire celle-ci de cet onguent pour que le blessé, même séparé d'une très grande distance, guérisse. L'onguent n'est évidemment pas ordinaire. Pour le préparer il faut deux onces d'usnea, la mousse qui se forme sur un crâne humain exposé à l'air. Ajoutez autant de graisse humaine et de poudre de momie. Diluez par une demi-once de sang humain, de l'huile de lin, de la térébenthine. Rajoutez, pour la consistance, une once de l'argile fine appelée bol d'Arménie et qui sert à lisser le bois et les parchemins avant dorure.

Un remède préparé avec un tel raffinement ne pouvait être qu'efficace. Il n'est effectivement pas mis en doute par la majorité des praticiens du moment. Mais comment est-il supposé agir ? Van Helmont fait partie de ces partisans d'une "magie naturelle" qui, sans refuser l'existence de phénomènes étranges, cherche à les expliquer par des raisons "physiques" et non pas mystiques. Concernant l'action à distance de l'onguent armaire, elle s'expliquerait par l'existence, chez les hommes et les animaux, d'un "magnétisme animal" qui aurait son siège dans le sang. Chez l'homme cette force se serait assoupie mais elle pourrait être réactivée par la seule volonté et l'imagination et agir ainsi sur un objet ou une personne éloignés, comme la Terre le fait sur la boussole.

Extravagant ? Près de deux siècles plus tard, en plein siècle des lumières, le médecin allemand Franz-Anton Mesmer fera renaître le "magnétisme animal" et attirera la bonne société européenne autour de ses "baquets". Il faudra un rapport des académiciens français, et parmi eux Lavoisier, pour mettre à mal la pratique et constater que l'imagination peut guérir mais que "le magnétisme sans imagination ne peut rien".

Ce n'est donc pas ce type de croyance, largement partagée par la société savante de l'époque, qui pouvait mettre en alerte le tribunal de l'Inquisition. Plus inquiétante était la prétention de Van Helmont d'étendre le raisonnement aux guérisons miraculeuses, en particulier celles provoquées par les reliques. Celles-ci conserveraient des traces de leur magnétisme animal qui serait réactivé par la foi des croyants. Avec une telle explication, Dieu et les Saints agiraient suivant les lois de la Nature et y perdraient leur pouvoir surnaturel.

La citation à paraître du tribunal de l'Inquisition était sur ce point explicite, le "De Magnetica" de Van Helmont était rempli "d'une quasi-infinité d'exemples pris au domaine même de la magie diabolique qui sont présentés comme naturels […] Il recouvre tout de ténèbres à tel point que l'on ne peut distinguer l'opération de Dieu, de la nature et du diable…"

Inquiétant aussi le fait que ces alchimistes de la fin du XVème siècle dissimulaient leur doctrine sous les mots des évangiles. "N'est-ce pas un blasphème d'appliquer le mystère de notre foi a des affaires chimiques" interrogeait l'un des juges du tribunal ecclésiastique.

Etant issu d'une famille de notables, Van Helmont échappera au sort de Giordano Bruno à Rome (1600) et de Lucilio Vanini à Toulouse (1619), tous deux condamnés au bucher pour hérétisme. Il ne finira pas, non plus, sa vie, comme Galilée, dans une prison ecclésiastique.

Son tempérament "hérétique" continuera à se manifester par son refus de l'orthodoxie jusque dans ses opinions chimiques. Ce sont elles qui nous ramènent, après cette digression, au sujet principal de notre récit qui est la traque de ce corps qu'un jour nous désignerons par la formule CO2.

Les anciens se sont trompés : il n'existe qu'un seul élément !

L'ensemble des œuvres de Van Helmont a été publié en 1648 par son fils François-Mercure (1614-1698) lui-même médecin et alchimiste. Elles sont traduites en 1670 à Lyon, par Jean le Conte sous le titre "Œuvres de Jean Baptiste Van Helmont traitant des principes de médecine et de physique pour la guérison assurée des maladies". Elles se signalent par une violente opposition à la théorie des quatre éléments de Platon et Aristote qui est encore, à cette époque, à la base de toute réflexion sur la matière ainsi que le fondement de la médecine issue de Hippocrate et Galien. Les Ecoles et "leur" Aristote, tels sont les ennemis qu'il entend combattre.

"Les Anciens, dit-il, ont établi les quatre éléments pour fondement de la nature, & attribuent toutes leurs opérations aux qualités et aux complexions qui résultent de leur mélange." Mais objecte-t-il " L'honneur de dieu, ni l'exigence des hommes, ne demandaient pas qu'il y eût de la guerre, du divorce, ni du combat entre les éléments ; ni qu'ils se dussent mourir, ni transmuer les uns aux autres et encore moins se détruire violemment".

Aussi ajoute-t-il : "Comme cette doctrine a été nourrie et continuée dans les écoles de siècle en siècle, pour l'enseignement de la jeunesse au préjudice des mortels, aussi faut-il tâcher d'en réprimer l'abus afin qu'on puisse dorénavant reconnaître les erreurs qui se sont glissées par-là envers la cause des maladies."

Pour Van Helmont, ce ne sont pas quatre mais un seul élément qui génère l'ensemble des corps. Tous, animaux, végétaux et minéraux sont faits uniquement d'eau !

Tous les corps, dit-il, qu'on a cru être mixte, "de quelle nature qu'ils puissent être, opaques ou transparents, solides ou liquides, semblables ou dissemblables (comme pierre, soufre, métal, miel, cire, huile, cerveau, cartilages, bois, écorce, feuilles, etc.) sont matériellement composés de l'eau simple et peuvent être totalement réduits en eau insipide sans qu'il y reste la moindre chose du monde de terrestre".

C'était aussi l'opinion de Thalès de Milet (-625; -647) l'un des sept sages de la Grèce antique. Mais Van helmont ne se contente pas de l'affirmer, il le prouve ! Et ceci en faisant appel à l'expérience. Celle-ci présente un lien direct avec notre sujet, elle concerne la croissance des végétaux.

Van Helmont décrit (page 101) sa manière de procéder. "l'Auteur", écrit-il, "prit un grand vase de terre, auquel il mit 200 livres de terre desséchée au four qu'il humecta avec de l'eau de pluie. Puis il y planta un tronc de saule qui pesait cinq livres. Cinq années après le saule, qui avait cru en ladite terre, fut arraché et se trouva pesant de 169 livres et environ 3 onces de plus.

Le vaisseau était fort ample, enfoncé en terre, et couvert d'une lame de fer blanc étamé percé, en forme de crible, de force petits trous afin qu'il n'y ait que l'eau de pluie ou l'eau distillée seule (de laquelle la terre du vaisseau était arrosée lorsqu'il en faisait besoin) qui y puisse découler. Les feuilles ne furent point pesées parce que c'était en automne quand les feuilles tombent que l'arbre fut arraché.

Il fit derechef resécher la terre du vase et la terre ne se trouva diminuée que d'environ deux onces qui s'étaient pu perdre en vidant ou emplissant le vaisseau. Donc il y avait 164 livres de bois, d'écorce et de racines qui étaient venues de l'eau."

De même dit-il "La terre, la fange, la boue, & tout autre corps tangible tirent leur véritable matière de l'eau et retournent en eau tant naturellement que par art".

D'autres observations confortent cette opinion. Les alchimistes, dans leur quête de la Pierre Philosophale et de l'Elixir de longue vie, ont découvert et utilisé les solvants radicaux que sont les acides : l'acide chlorhydrique ou esprit de sel, l'acide sulfurique ou huile de vitriol, l'acide nitrique ou eau forte et enfin "l'eau régale", mélange d'acide sulfurique et d'acide nitrique, capable de dissoudre le métal royal qui résiste aux autres acides : l'or. L'Alkaest, l'acide mythique de Paracelse serait même capable de dissoudre tous les corps. Les pierres, les cailloux, nous dit Von Helmont, "sont convertis en sels par l'Alkaest de Paracelse et finalement réduits en eau élémentaire et insipide. Ce que les Ecoles n'ont pas pu apprendre à cause du mépris qu'elles ont fait de la chimie."

Dans ces premiers temps de la chimie, il n'était pas choquant de voir la dissolution des minéraux et des métaux par les acides interprétée comme un retour à l'état d'eau. A ce sujet il faut remarquer que l'eau de Van Helmont n'est pas ce liquide incolore, inodore et sans saveur que nous connaissons. Voulant expliquer la formation de vapeurs, il précise que pour bien comprendre le processus "il est nécessaire de supposer au corps de l'eau trois principes qui sont le sel, le soufre et le mercure, quoi qu'ils ne soient qu'imaginairement". Son eau sent trop le soufre alchimique pour convaincre les doctes dépositaires des enseignements d'Aristote. Les seuls tolérés par les autorités ecclésiastiques.

Les "écoles" et la doctrine des quatre éléments ont donc survécu à Van Helmont. Cependant sa théorie n'a pas été oubliée. C'est ainsi que, sans aller jusqu'à considérer que tous les corps sont issus de l'eau, l'idée que l'eau pouvait se transformer en terre avait conservé un crédit suffisant pour que, plus de deux siècles plus tard, Lavoisier se sente obligé de prouver le contraire.

Lavoisier et la contestation de la transmutation de l'eau en terre.

"La question de la transmutabilité des éléments les uns dans les autres, et particulièrement celle du changement de l’eau en terre, est trop intéressante pour la physique, elle a été agitée par un trop grand nombre d’auteurs célèbres, pour que je puisse me dispenser, avant d’entrer dans le détail des expériences dont j’ai à rendre compte, de placer ici un abrégé des découvertes successives qui ont été faites en ce genre", écrit-il en introduction à un "Mémoire sur la Nature de l'eau et sur les expériences par lesquelles on a prétendu prouver la possibilité de son changement en terre" publié par l'Académie des sciences en 1770.

 

Le premier auteur qu'il juge nécessaire de citer est Jean-Baptiste van Helmont dont il reconnait qu'il a été le premier à réaliser des "expériences remarquables" sur la végétation. Il rappelle l'expérience du saule, uniquement arrosé par de l'eau de pluie et de l'eau distillée et dont la masse avait augmenté de 164 livres en cinq ans. Il énumère ensuite la longue liste d'expériences analogues. Celles de l'Irlandais Robert Boyle (1627-1691) qui, par la même méthode, avait fait croître des courges et des concombres ou encore des menthes qui, malgré ce traitement, étaient "aussi parfumées que celles qui avaient été nourries en pleine terre". Dans les mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, on peut même lire qu'un auteur "a semé de l'avoine et du chènevis dans du sable desséché, dans des morceaux de papier déchirés, dans des pièces d'étoffe de laine, dans du foin haché" et que n'ayant humecté ces semences qu'avec de l'eau pure "il a remarqué qu'elles avaient végété aussi promptement, et à peu près aussi heureusement, que celles qui avaient été semées en pleine terre". L'observation ne nous étonnera pas quand on sait que beaucoup des fraises, tomates et autres fruits et légumes qui alimentent aujourd'hui nos marchés sont produits "hors-sol" sur de la laine de roche ou autre support préalablement stérilisé.

 

Lavoisier accepte l'évidence. Les faits observés par des observateurs aussi célèbres sont si constants et si multipliés, qu'on "serait peut-être en droit de conclure", écrit-il, "que la terre qui environne les plantes n'est qu'accidentelle à la végétation, qu'elle ne passe pas dans les filières des végétaux, en un mot, qu'elle ne concourt pas par sa propre substance à l'accroissement des plantes et à la formation de leur partie solide".

 

C'est, clairement exposée par Lavoisier, une des contributions majeures de Van Helmont à la compréhension de la végétation : ce n'est pas de la terre que les plantes tirent leur matière.

 

Cette conclusion rompt avec le sens commun. Pour le laboureur, c'est bien la terre, enrichie de fumier, qui est la nourriture du blé qu'il a semé. Van Helmont prouve le contraire et il faudra attendre le milieu du 19ème siècle pour que l'Allemand Justus von Liebig démontre que, s'il est vrai que la terre a, pour les plantes, essentiellement un rôle de support, elle leur apporte aussi les sels minéraux solubles qui s'y trouvent et qui, même en faible quantité, sont nécessaires à leur croissance. Dans le même temps les biologistes découvrent que la terre est le milieu de vie d'une multitude d'insectes, de vers, de micro-organismes qui sont les intermédiaires indispensables à la croissance des plantes.

Lavoisier qui reconnaît la justesse de l'observation de Van Helmont n'accepte cependant pas l'idée "que l'eau se transforme véritablement en terre par l'opération de la végétation", car, dit-il, cela "répugne même à l'idée qu'on a coutume de se former de l'eau, et, en général de tous les éléments".

 

Il lui faudra encore quelques années pour établir la véritable composition de l'eau, en attendant il souhaite prouver que l'eau ne peut se transformer en terre.

 

D'autres auteurs ont voulu prouver le contraire. Lavoisier cite Robert Boyle qui ayant distillé la même eau 200 fois dans un alambic de verre aurait obtenu "6 dragmes de terre blanche, légère, insipide et indissoluble dans l'eau" à partir de 1 once d'eau, ce qui amenait l'auteur britannique à considérer que l'eau pouvait se transformer en terre.

 

Plutôt que de refaire, comme Boyle, une multitude de distillations, Lavoisier imagine une méthode bien plus commode. C'est, dit-il "en me servant du Pélican des alchimistes". Cet alambic a la particularité d'avoir un col dont l'extrémité s'ouvre dans le corps même de l'appareil, à l'image de l'oiseau mythique qui va chercher dans ses entrailles la nourriture de ses oisillons. Les alchimistes s'en servaient pour de longues "digestions".

 

 

Pélican : les deux branches (D) du chapiteau (B) retourne dans le ventre de la cucurbite (A).

Macquer, Eléments de Chimie Théorique, 1749.

 

Lavoisier, méticuleux, annonce qu'il a commencé cette expérience le 24 octobre 1768. Le chauffage est maintenu pendant plus de 25 jours et Lavoisier dit avoir commencé à désespérer quand, le 20 décembre il aperçoit dans le liquide une quantité importante de "petits corps flottants" qui, en utilisant une loupe apparaissaient comme des lames de terre grisâtre.

 

L'expérience est menée jusqu'au premier février. Lavoisier dispose de balances de grande précision qui lui permettent de constater que le poids de l'ensemble n'a pas varié. Avec un luxe de précautions, il pèse séparément l'eau, le dépôt terreux et le pélican pour observer que le poids de l'eau n'a pas varié. Par contre le poids du pélican a diminué de l'exact poids de la "terre" recueillie.

 

Conclusion : "la terre que MM. Boyle, Eller et Margraff ont retirée de l'eau n'était autre chose que du verre rapproché par évaporation ; de sorte que les expériences dont ces physiciens se sont appuyés, loin de prouver la possibilité du changement d'eau en terre, conduiraient plutôt à penser qu'elle est inaltérable".

 

En quittant Van Helmont et Lavoisier nous savons que c'est l'eau et non la terre qui fait croître les plantes.

 

L'eau seule ? Quand les plantes meurent elles se transforment en une sorte de terre, un terreau. La question reste donc posée : d'où vient la matière qui constitue ce terreau. Car Lavoisier l'a prouvé, ce n'est pas l'eau absorbée par les plantes qui s'est transformée en terre.

 

Nous découvrirons, dans les chapitres à venir, la façon dont chimistes et biologistes ont compris le rôle conjugué de l'eau et de l'air (du moins d'un gaz qui y est présent) dans la croissance des plantes. Van Helmont sera, à nouveau, de ceux qui les mettront sur la voie et ceci par une série d'observations dont Lavoisier, lui-même, reconnaîtra l'importance.

 

Le "gas silvestre", la vraie découverte de Van Helmont.

 

Dans le premier chapitre de ses Opuscules physiques et chimiques datés de 1774, Lavoisier traite "Du fluide élastique désigné sous le nom de spiritus silvestre jusqu'à Paracelse et sous le nom de gas par Van Helmont".

 

Van Helmont observe que tous les corps ne se transforment pas immédiatement en eau. L'exemple le plus remarquable est celui du charbon dont il affirme que, pendant sa combustion, il libère un "esprit sauvage nommé gas". Cet esprit constituerait d'ailleurs l'essentiel du charbon, car, dit-il "soixante deux livres de charbons consumés ne laissent guère plus d'une livre de cendres. Donc les soixante livres de surplus ne seront qu'esprit". (p 99 )

 

Lavoisier relève que ce mot "gas" vient du mot hollandais ghoast qui signifie esprit. Il ajoute que les Anglais "expriment la même idée par le mot ghost et les Allemands par le mot geist".

 

Ce gas silvestre, cet esprit sauvage, Van Helmont le retrouve dans une multitude d'observations. Il se dégage dans les fermentations du vin, de l'hydromel, du pain qui lève. Il s'échappe de la poudre à canon qui s'enflamme.

 

Hélas ce "gas" fait une entrée peu chaleureuse dans l'univers chimique. C'est à lui que Van Helmont attribue, avec justesse, les effets funestes de la grotte du chien dans la région de Naples, les suffocations des ouvriers dans les mines ou des vignerons dans les celliers où le vin fermente.

 

On est étonné, dit Lavoisier, de trouver chez Van Helmont "une infinité de vérités qu'on a coutume de regarder comme plus modernes et on ne peut s'empêcher de reconnaître que Van Helmont avait dit dès lors tout ce que nous savons de mieux sur cette matière". C'est un sentiment qu'une lectrice ou un lecteur, relisant, encore aujourd'hui, les écrits de Van Helmont, ne pourraient que partager.

 

Hommage rendu à Van Helmont : l'adoption du mot gaz.

 

Dans le premier chapitre de son Traité élémentaire de chimie publié en 1789 Lavoisier expose sa conception des trois états de la matière : "presque tous les corps de la Nature sont susceptibles d'exister sous trois états différents ; dans l'état de solidité, dans l'état de liquidité et dans l'état aériforme […] Je désignerai dorénavant ces fluides aériformes sous le nom générique de gaz"

 

Le mot gaz, exotique pour les oreilles françaises des contemporains de Lavoisier, exprimera donc ce troisième état de la matière jusqu'alors défini d'une façon ambiguë par le terme de "aériforme". Il fait, à présent, tellement partie de notre vocabulaire quotidien qu'il est difficile d'imaginer qu'il n'était utilisé, il y a deux siècles, que par quelques chimistes novateurs.

 

Soulignons le encore, avant de le quitter : Van Helmont est une étape importante dans la compréhension du mécanisme de la végétation. Il y montre le rôle fondamental de l'eau et le peu d'intervention de la terre. Surtout, il met en évidence cette émanation qui est la première à laquelle est donnée le nom de gas et qui, nous le verrons, sera reconnu comme un gaz d'importance vitale : le dioxyde de carbone, CO2..

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4 février 2018 7 04 /02 /février /2018 10:03

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RESPIRER TUE. Un livre pour s’informer et agir

contre la pollution de l’air.

 

Paru en septembre 2016.

Lemieux éditeur. 144 pages, 12€.

 

 

Lu sur Lire pour demain.

 

Le livre a été retenu dans la sélection du Prix "Lire pour demain".

Le prix se veut le reflet de la diversité des approches, contenus, analyses, mais aussi des types d’écrits (essais, biographies, fictions, documentaires, bandes dessinées…) et des genres littéraires traitant des questions environnementales. Chaque lycée participant reçoit deux séries d’ouvrages des six livres sélectionnés. Les enseignants et documentalistes impliqués dans le projet se l’approprient de la manière qui leur semble la plus adéquate en fonction du temps, du niveau de lecture des élèves, de leur motivation, des disciplines concernées. Les travaux autour de la sélection sont divers et variés : fiches de lecture, moments de lecture groupée, affiches, théâtre, petits films, animation de blog, rédaction d’articles pour le journal du lycée… Etc. Chaque classe participante vote (généralement à la fin du mois de mars) pour ses trois livres préférés, dont son « coup de cœur ». Une remise du prix a ensuite lieu à Lyon (en mai) sous forme de rencontre entre auteurs, lycéens, MEML et MNEI.

L’objectif du prix :

> Sensibiliser les lycéens aux questions environnementales à travers l’écrit.Retour ligne automatique
> Favoriser l’acquisition d’une culture environnementale complexe et globale au travers de la découverte de livres et d’auteurs sur des thématiques environnementales prises au sens large.Retour ligne automatique
> Développer une dimension culturelle et citoyenne en favorisant le débat, la réflexion, l’argumentation, la prise de décision des lycéens.Retour ligne automatique
> Valoriser l’activité menée par les lycéens : faire lire et écrire les lycéens autour des ouvrages sélectionnés par eux, leur donner la possibilité de faire partager leurs choix auprès de leurs camarades en les plaçant en position de « prescripteurs » auprès des CDI des établissements de la Région.Retour ligne automatique
> Favoriser si possible des échanges / activités entre disciplines : philosophie, SVT, Histoire-Géographie, SES, Lettres, ESC, documentation…


Lu dans "Journal de Lectures".

Les transports collectifs sont gratuits par suite des pics de pollution, pourtant le ciel est bleu dans ma banlieue et la température plutôt clémente pour un jour de décembre. Une amie qui vient d’atterrir à Roissy me décrit la chape de plomb sur la capitale, on croit qu’il fait beau mais au-dessus se tient le terrible nœud de toutes les pollutions et nuisances. La presse dénonce les voitures et les (rares) ménages qui se chauffent au bois, c’est bien peu. Gérard Borvon, dans un court ouvrage incisif et remarquablement documenté, nous explique pourquoi Respirer tue et comment agir contre la pollution de l’air. Le poison est connu et résulte du productivisme : pesticides, oxydes d’azote, ozone, particules fines, composés benzé- niques…Le ministère de la Santé déplore 42 000 morts chaque année, victimes de la pollution de l’air. La France semble fière d’être dans le peloton de tête des consommateurs de pesticides, aux terribles conséquences, surtout pour les produits classés cmr (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques).

Une pomme subit de 30 à 50 traitements chimiques avant la récolte pour être présentable sur l’étal du supermarché… L’épandage aérien (qui bénéficie de sournoises dérogations accordées par le trio Le Foll-Royal-Touraine) ignore les limites du champ et touche les crèches, écoles et habitations voisines. Les lobbyistes s’activent à Bruxelles pour légalement polluer non seulement le sol, mais aussi le vivant, dont les humains. Les effets mutagènes et cancérigènes des pesticides à base de glyphosate sont dorénavant démontrés, sans pour autant que ces produits soient interdits.


Lu dans Clim’actions.


Vu et entendu sur France 3 Bretagne.

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C’est après le tabac et l’alcool, la troisième cause de mortalité dans notre pays : la pollution de l’air, extérieure mais aussi intérieure serait chaque année responsable de 48 000 décès prématurés en France dont 2000 en Bretagne. L’Heure du débat fait le point dimanche 23 avril.

Par Isabelle Rettig avec E.C. Cliquer sur l’image

La qualité de l’air aurait un impact notable sur notre espérance de vie. Dans le monde, 7 millions de décès seraient imputables à la pollution de l’air.

Transport, chauffage, industrie, agriculture, nous émettons beaucoup trop d’oxydes d’azote ou de particules fines responsables aujourd’hui de nombreux problèmes de santé, de l’asthme aux maladies cardiovasculaires, en passant par des insuffisances respiratoires voire des cancers.

En Bretagne, respire-t-on mieux qu’ailleurs ?

Quelles solutions faut-il mettre en place pour lutter efficacement contre ce mal sournois, devenu aujourd’hui un véritable enjeu de société ?

Pour tenter de répondre à cette question, plusieurs invités prendront la parole sur le plateau de l’Heure du débat, dimanche 23 avril à 11 h : Docteur Isabella Anessi-Maesano, directrice de recherche à l’INSERM, Frédéric Vénien, ancien president d’Air Breizh, l’association chargée de mesurer la qualité de l’air en Bretagne.

Gérard Borvon sera également présent. Ce militant écologiste du Finistère a publié un livre en 2016 : "Respirer tue, agir contre la pollution de l’air". Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes viendra évoquer la pollution des transports, celle des voitures et des mesures qu’il faudrait mettre en place.

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Voir encore :

https://ftv-bo.alchemyasp.com/permalink/v1/4/9451/preview/?token=uPSpXZTL


Lu dans Eau et Rivières de Bretagne

Avril 2017.

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Lu dans la revue Déclic.

« La mesure d’exposition aux particules fines doit être améliorée »Retour ligne automatique
 

Gérard Borvon, auteur de l’ouvrage « Respirer tue »

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Lu dans La Recherche N°520 Février 2017.

Gérard Borvon milite depuis longtemps pour la préservation de l’environnement. Cet enseignant de physique-chimie en Bretagne s’est mobilisé face à la pollution de l’eau. Dans ce livre, il dresse un inventaire de la pollution atmosphérique : pesticides, oxydes d’azote, ozone, particules fines... L’auteur s’alarme du dangereux cocktail que l’air transporte à nos poumons. Il appelle à l’action et rappelle que depuis la loi de 1996, l’État et les citoyens doivent concourir « à la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » .


 

 

Lu sur Ouest-France du 05.01.2017.

 

« Il y a péril dans la biosphère », assure Gérard Borvon. Le scientifique et militant écologiste finistérien dresse, dans un petit ouvrage très pédagogique, un état des lieux préoccupant.

L’ère du méchant air

48 000 décès prématurés par an en France, selon l’agence de Santé publique. Les particules fines empoisonnent notre atmosphère. Jusqu’à produire, comme ce fut le cas durant les fêtes de fin d’année, une « neige de pollution » ! Ancien professeur de physique chimie en lycée et formateur en histoire des sciences à l’IUFM de Bretagne, Gérard Borvon vient de publier un essai au titre volontairement alarmiste : Respirer tue. Il y dresse un bilan inquiétant de la qualité de l’air, y compris en Bretagne et dénonce « les tours de passe-passe des experts et lobbies » pour minimiser ou relativiser le phénomène. Il propose aussi des solutions pour sortir au plus vite de cette « ère du méchant air. »

Les discours et les faits

« L’environnement, ça commence à bien faire , lâchait Nicolas Sarkozy quelques mois après le Grenelle de l’environnement, en 2008. « Le XXe siècle a été celui de l’hygiène bactériologique, le XXIe siècle doit être celui de l’hygiène chimique », professait François Hollande, lors de la Cop 21, à Paris. « Plus le propos est lyrique, plus on mesure le gouffre qui sépare le discours de la politique », écrit Gérard Borvon, constatant que qu’on continue à urbaniser des terres agricoles, à éventrer des espaces boisés qui conduiront encore plus de voitures dans des centres-villes déjà saturés, qu’on continue à épandre des engrais industriels, des lisiers et des pesticides « qui empoisonnent les rivières et rendent insalubre l’air que nous respirons. »

Le cas breton

À l’écoute des militants d’autres régions lorsqu’il siégeait au Comité de bassin Loire-Bretagne et au Comité national de l’eau, Gérard Borvon a pu constater que « la Bretagne n’est pas nécessairement la plus polluée. » Les grandes plaines céréalières, les régions productrices de fruits et les vignobles lui disputent plusieurs records. « Mais peu à peu, la conscience d’une source de pollution encore plus inquiétante que la pollution de l’eau s’est faite jour : celle du dangereux cocktail que l’air transporte jusqu’à nos poumons : pesticides, oxydes d’azote, ozone, particules fines ».

Des mesures insuffisantes

Lutter contre cette pollution, c’est d’abord bien la connaître, explique Gérard Borvon. On ne compte, en Bretagne, que huit points de mesure, dont trois seulement bénéficient du dispositif complet permettant d’établir l’indice de qualité de l’air Atmo, calculé pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants à partir des concentrations de quatre polluants : le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote, l’ozone et les particules de diamètre inférieur à 10 micromètres, les fameux PM 10. Un réseau de contrôle « très insuffisant, car c’est sur l’ensemble du territoire que les habitants respirent un cocktail de pollutions générées par l’industrie, l’agriculture, le chauffage et les transports » rappelle Gérard Borvon. Soulignant aussi, qu’au-delà des pics qui conduisent les pouvoirs publics à prendre des mesures ponctuelles, c’est toute l’année que les populations sont exposées à une « pollution silencieuse » de l’air.

Respirer tue, agir contre la pollution de l’air. Gérard Borvon. Lemieux éditeur. 140 pages. 12 €.Retour ligne automatique

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Sur le Télégramme du 4 décembre 2016.

Maxime Recoquillé

L’écologiste landernéen Gérard Borvon publie : « Respirer tue ».

Il y expose méthodiquement la dangerosité de la pollution de l’air en Bretagne, liée, en partie, à la propagation des pesticides. « En Bretagne, les gens pensent respirer un air sain grâce au vent soufflant fort dans la région, c’est faux ». MIlitant écologiste depuis plus de 40 ans, Gérard Borvon souhaite casser le mythe du bon air pur breton. Pendant longtemps, il s’est intéressé à la pollution de l’eau, au sein de l’association S-Eau-S et du Comité national de l’eau. Mais la cause ayant progressé, l’homme se penche désormais sur un débat plus actuel mais tout aussi épineux : la pollution de l’air.

Son dernier livre, intitulé « Respirer tue », revient de façon académique sur plusieurs épisodes de la recherche bretonne sur la pollution aux pesticides et les raisons pour lesquelles, selon l’ancien professeur de physique-chimie au lycée de l’Élorn, il convient maintenant « d’agir ». Selon Gérard Borvon, c’est en 1995, à Trémargat (Côtes-d’Armor), qu’une première prise de conscience de la dangerosité des pesticides dans l’air a eu lieu. À l’époque, des chercheurs de l’Inra de Rennes (Institut national de la recherche agronomique) ont l’idée de rechercher la trace de pesticides, non plus dans les ruisseaux et rivières, mais dans l’eau de pluie. Résultat : 80 % des échantillons dépassaient la norme maximale européenne. Si l’eau de pluie est contaminée, l’air n’y est donc pas pour rien. « C’est donc en permanence que l’on respire des pesticides en Bretagne », conclut le professeur.

Risques pour le foetus

Puis les scientifiques s’intéressent aux risques. L’étude Pélagie, de l’Inserm, entre 2002 et 2006 a mesuré l’impact des pesticides sur 3.500 femmes enceintes puis leurs enfants, en Bretagne.Retour ligne automatique
Cette fois, on y apprend que la présence de certains agents, même à des niveaux faibles, augmente les risques d’anomalie de croissance dans l’utérus.

Aujourd’hui, la pollution de l’air aux pesticides est notamment mesurée grâce à l’émission de particules fines. Les gens les connaissent sous le nom de PM10. Mais pour Gérard Borvon subsiste encore un problème : « Aujourd’hui, seules les villes de plus de 100.000 habitants ont l’obligation de mesurer la qualité de l’air et ces PM10. Alors qu’en vérité, les campagnes souffrent de la même pollution qu’à Saint-Brieuc ou Rennes », indique t-il, en précisant que « 60 % des émissions de particules fines viennent de l’agriculture ».

Informer davantage

Alors pour respirer mieux, l’auteur propose plusieurs pistes, comme privilégier le bio ou développer les transports en commun. Mais surtout, il appelle à informer davantage, en mesurant encore et encore la qualité de l’air, sur tout le territoire. « Si l’on a un pic de pollution à Brest, pourquoi penser que Landerneau n’est pas touché ? », souffle-t-il. Impossible de le savoir à l’heure qu’il est. Pour plus de données sur la qualité de l’air, des solutions existent, comme à Rennes, où, pendant deux ans, des citoyens, à l’aide de petits capteurs, vont effectuer eux-mêmes des mesures en centre-ville dans le cadre de l’opération Ambassad’Air. Ils en publieront les résultats librement, en open data. De quoi permettre d’informer un peu plus sur un fléau qui, selon l’Agence de santé publique, causerait la mort de 48.000 personnes par an.


Sur "L’Ecologiste" de décembre 2016.

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Vous pouvez trouver le livre chez votre libraire habituel ou, à défaut, en vous adressant à l’auteur :Retour ligne automatique
Gérard Borvon 20 rue des frères Mazéas 29800 LanderneauRetour ligne automatique
En joignant un chèque de 15€ (12€ +3€ port) à votre demande.

En bibliothèque :

Sudoc ; Worldcat ; Catalogue Collectif de France


Sur France Culture 25 septembre 2016 :

Respirer, est-ce encore bien vivre ?

Respirer, est-ce encore bien vivre ? C’est la question que nous allons poser, en compagnie de nos invités, Robert Barouki, toxicologue, directeur de l’unité INSERM « pharmacologie, toxicologie et signalisation cellulaire »,co-auteur du livre Toxique ? Santé et environnement : de l’alerte à la décision , paru chez Buchet-Chastel. Avec par téléphone, depuis Genève, le Dr Maria Neira, directeur du Département Santé publique et environnement à l’Organisation Mondiale de la Santé, à Genève depuis septembre 2005, ancienne Vice Ministre de la Santé et Présidente de l’Agence espagnole de Sécurité sanitaire des Aliments au Ministère espagnol de la Santé. Et en duplex de nos studios de Quimper (France Bleue Breizh Izel) , nous serons pour en parler en compagnie de Gérard Borvon, ancien enseignant de physique-chimie en lycée et formateur en histoire des sciences à l’IUFM de Bretagne. Il est l’auteur de Respirer tue. Agir contre la pollution de l’air Lemieux éditeur.

Intervenants

Gérard BorvonRetour ligne automatique
Robert Barouki : Toxicologue, directeur de l’unité INSERM « pharmacologie, toxicologie et signalisation cellulaire »Retour ligne automatique
Maria Neira : directeur du Département Santé publique et environnement à l’Organisation Mondiale de la Santé, à Genève (Suisse)Retour ligne automatique
Guilhem Lesaffre : naturaliste


 

 

 

Sur Babelio. 3 octobre 2016

marinecaquineau, 18 ans.

C’est le tout premier livre que je lis sur l’écologie. Je dois dire que je suis conquise...

et d’autres critiques et citations sur Babelio.

Junie21 octobre 2016

Cet excellent thriller de Gérard Borvon ne fait pas dans la dentelle : il s’agit de démasquer un serial killer dont les victimes se comptent par centaines, non, pire que ça, par milliers ! Chez nous, en France, en 2016 !

Mais que fait la police ? que fait le gouvernement ? l’assassin court toujours, depuis des années....

Ce scélérat tue ses victimes par asphyxie, et ses méthodes sont implacables. le crime parfait, qui ne laisse pas de traces, car le procédé est légal, et invisible.Retour ligne automatique
Tous les jours, nous respirons un air de plus en plus toxique, ce qui entraine environ 48 000 décès prématurés par an EN FRANCE. Et couterait plusieurs milliards d’euros à l’Etat selon un rapport du Sénat en 2015.

Les substances en cause viennent de l’industrie, du trafic routier, mais aussi de l’épandage des produits généreusement pulvérisés sur nos belles campagnes : champs de céréales, vignobles, vergers, dont un important pourcentage se disperse dans l’air ambiant.

Vous vouliez quitter les miasmes de la ville pour respirer l’air pur de nos campagnes ? c’est raté si votre chaumière se trouve au milieu de zones cultivées. Retour ligne automatique
Sachez aussi que si la qualité de l’eau est très contrôlée depuis 1964, celle de l’air n’a eu droit à une loi qu’en 1996, en instituant des normes et des points de contrôle sur le territoire. Mais les crédits sont dérisoires et les moyens très insuffisants. Cinquante millions/an pour l’air, deux milliards pour les agences de l’eau. Huit points de mesure par exemple, pour toute la Bretagne !

Respirer un air sain est pourtant le premier besoin fondamental des êtres humains. Nous inhalons chaque jour, sans le savoir, des substances toxiques à doses très faibles, qui nuisent à notre santé. Cancers, maladies cardiaques et respiratoires, perturbation du système hormonal.

Ce phénomène est connu, prouvé, et pourtant des tonnes de pesticides sont toujours déversées, le trafic routier augmente, les industries polluent impunément.

Aaaaaaaaaaaaah, je crois que le serial killer essaie d’entrer chez moi par la fenêtre, vite, mon masque à gaz.....


Revue Sans Transition !

92% de la population mondiale respire un air trop pollué : c’est la principale conclusion d’un rapport, intitulé Pollution de l’air ambiant : une évaluation globale de l’exposition de la charge de morbidité, publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mardi 27 septembre. Ce livre de Gérard Borvon, militant breton pour la protection de l’environnement, fait écho à cette situation alarmante.

De la Bretagne aux Antilles

Particules fines, résidus de pesticides ou encore composés benzéniques : Agir contre la pollution de l’air détaille les substance nocives qui passent, bien malgré-nous, dans nos poumons. Au travers des cas concrets antillais et bretons, le livre dresse l’incapacité des pouvoirs publics à agir efficacement pour lutter contre les pollutions, notamment issues de l’agriculture. Mais il ne manque pas aussi de souligner que des citoyens ou des villes ont su se mobiliser et obtenir des résultats positifs en matière d’amélioration de la qualité de l’air. Des résultats qui ne pourront être généralisés que si l’on change de modes de consommation. Et si l’on ouvre davantage la gestion des risques à la société civile.

A lire :

Respirer tue, Un livre pour s’informer et agir contre la pollution de l’air, Gérard Borvon, 2016, Lemieux Editeur, 144 p. 12 euros


Sur France Bleu Breizh Izel.

Interrogé par Michel Pagès le dimanche 16 octobre.

https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-du-dimanche-midi/breizh-izel/l-invite-du-dimanche-midi-du-dimanche-16-octobre-2016


Respirer Tue : La sélection de Consogloble 

accompagnant un article sur la pollution en chine.

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27 janvier 2018 6 27 /01 /janvier /2018 08:16

 

" Qu'est-ce que l'électricité ? " La question a-t-elle trouvé sa réponse ?

 

L'histoire commence avec éclat quand Gilbert rencontre la propriété "magique" de l'ambre dans des matières aussi banales que le verre ou le soufre. Il franchissait ainsi les premières étapes de la construction d'une nouvelle branche du savoir : l'électricité.

 

Un nouveau pas est franchi quand la "vertu" électrique se concrétise sous la forme d'un "fluide" et quand Stephen Gray puis Dufay et Franklin établissent les notions de conducteur et d'isolant.

 

Un seul fluide comme le pensent Franklin et ses successeurs ? Deux fluides comme proposé par Dufay ? Il faudra plus d'un siècle et demi pour que l'existence de deux espèces d'électricité s'impose et que chacune trouve sa place respective dans l'atome : la négative dans les électrons, la positive dans les protons du noyau. Enfin un résultat stable !

 

Entre temps se sera posée la question de l'action externe de ce fluide. Gilbert avait su établir la barrière entre magnétisme et électricité et voilà que ces deux propriétés se rejoignent dans les propriétés électromagnétiques des courants électriques.

 

Et à nouveau revient la question des actions à distance qui avait opposé "newtoniens" et "cartésiens" dans le domaine de la mécanique céleste. Les premiers acceptant une action sans contact matériel. Les seconds imaginant d'invisibles engrenages sous forme de "tourbillons" de cet "éther" mystérieux dont on emplira l'espace à chaque fois qu'on voudra en exclure le vide.

 

Newton et ses successeurs avaient su imposer leur schéma d'actions à distance. Coulomb avait appliqué le modèle avec succès dans le domaine de l'électrostatique. Ampère en avait fait de même dans celui des effets électromagnétiques des courants. L'affaire semblait entendue : les actions électromagnétiques sont des actions "à distance".

 

C'est alors que Faraday vient, à nouveau, peupler l'espace d'un "éther" structuré en lignes de "champ". C'est en coupant ces lignes de champ, dit-il, et non par une action à distance qu'un conducteur est le siège d'une force électromotrice.

 

Quand Maxwell aura établi l'équation de propagation, dans ces champs, d'ondes progressant à une vitesse égale à celle de la lumière, faisant du même coup de l'onde lumineuse un cas particulier d'onde électromagnétique, quand Hertz aura produit et étudié ces ondes, il ne sera plus possible de douter de leur existence et de celle des champs. Il existe donc alors deux entités bien définies : les charges électriques portées par les atomes d'un côté, les champs électriques issus de ces charges et portés par l'éther de l'autre.

 

Et pourtant à peine validées les ondes rencontrent un problème : l'éther n'existe pas. Or une onde demande un support. C'est le mouvement successif de chaque point de ce support à partir d'une source qui est le propre d'une onde. Les ondes lumineuses, les ondes hertziennes, n'auraient donc aucun support ? Comment alors parler encore d'ondes électromagnétiques ? Faut-il abandonner ce modèle ? Il décrit si bien la réalité observée qu'il faudra plutôt faire une entorse au "réalisme" et s'accommoder d'ondes sans support matériel même si l'intuition immédiate s'y refuse.

 

Même si les ondes électromagnétiques deviennent ainsi un être sans aucun lien autre que mathématique avec les phénomènes physiques dont elles portent le nom, l'électricité peuple encore deux univers séparés : celui de la matière où se trouvent et circulent les "charges" électriques, celui de l'espace immatériel qui est le domaine des champs et des ondes électromagnétiques.

 

 

Et voilà que Einstein, étudiant l'effet photoélectrique, revient à un modèle corpusculaire de l'onde lumineuse et que, dans une démarche inverse, De Broglie imagine un modèle ondulatoire des corpuscules matériels. Voilà que les ondes lumineuses se matérialisent en photons pendant que les électrons se diluent en ondes. Voilà que, avec Heisenberg, naît un être nouveau, le quanton, objet insaisissable enfanté par les concepts d'onde et de matière et doué du don d'ubiquité.

 

Qu'en déduire ? Que, aussi spectaculaires que soient les applications de l'électricité, aussi prodigieuse que soit la façon dont elles ont transformé notre univers, l'histoire de la science électrique ne serait donc que celle d'une succession d'erreurs ?

 

Pourtant ces "erreurs" sont encore de solides vérités pour tous ceux dont l'électricité est le quotidien, qu'ils soient professionnels ou simples utilisateurs. On n'a pas trouvé mieux que les électrons pour expliquer ce qui se passe dans un circuit électrique ou électronique. Mieux que les ondes électromagnétiques pour décrire ce qui se transmet entre les multiples émetteurs et récepteurs qui peuplent notre quotidien. Dans les énormes accélérateurs dont se dotent les modernes physiciens, ce sont bien encore des particules qu'ils nous disent vouloir accélérer.

 

L'enseignement de l'électricité, lui-même, ne serait donc que l'enseignement d'erreurs successives ? A-t-on le droit, à travers les programmes d'enseignement, ou dans les revues de vulgarisation, de continuer à enseigner des modèles dépassés ?

 

D'autant plus que certaines de ces "erreurs" ont laissé des traces durables. Comment, sans faire passer la science électrique pour un bricolage approximatif, expliquer, par exemple, que le sens "conventionnel" du courant dans un conducteur est inverse de celui du déplacement des électrons. Ou encore qu'un ion négatif est une particule portant plus d'électricité que l'atome correspondant.

 

Comment ? En faisant appel à Dufay, à Franklin, à Symmer. En n'oubliant pas l'histoire qui, seule, peut expliquer ces "cicatrices" dans l'enseignement des sciences et la diffusion de la culture scientifique.

 

 

Pas de science sans son histoire.

 

Une loi physique n'est pas une vérité "révélée", c'est une création humaine. Connaître les tâtonnements, les réussites, les avancées et les doutes des hommes et des femmes qui s'y sont investis est aussi passionnant que d'apprendre à mettre en œuvre les lois et les méthodes qu'ils nous ont transmises.

 

Etudier les sciences à travers leur histoire, c'est aussi leur donner une place, au côté de l'art ou de la littérature dans l'aventure culturelle de l'humanité. Lire un Mémoire de Dufay sur l'électricité, c'est établir une connivence, aussi forte que celle qui passe par l'émotion poétique ou artistique, avec un homme qui nous invite à partager sa passion. Lire une communication de Marie Curie à l'Académie des Sciences c'est, à la fois, vivre au jour le jour l'éclosion d'un nouveau et fantastique domaine scientifique, y compris dans ses moments de doute, mais aussi découvrir une femme qui réussit à imposer son énergie et son intelligence dans le milieu misogyne du monde scientifique de son époque.

 

Les sciences, à condition de ne pas occulter leur histoire, peuvent être le socle d'une culture qui franchisse les frontières. Les savoirs scientifiques, peut-être plus que d'autres, sont le résultat d'échanges permanents entre civilisations. La science "moderne" qui s'est développée dans l'espace européen, à partir du 17ème siècle, est aussi l'héritière des sciences nées en Chine, dans l'Inde ou dans le monde arabe. Le vocabulaire des sciences lui-même a emprunté à de multiples cultures. Aujourd'hui, enseignées et pratiquées dans les mêmes termes dans le monde entier, elles construisent un langage universel.

 

Elles participent aussi, ce faisant, à la "mondialisation" de nos société humaines, y compris dans leurs moments de crise.

 

Ce n'est qu'un début, l'histoire continue.

 

Crise environnementale, crise économique, crise sociale… . Le mot "crise" semble être celui qui devrait marquer les premières années de ce XXIe siècle. Les sciences physiques n'y échappent pas. Témoin l'interpellation à la une de la revue Sciences et Vie de février 2009 : "La physique quantique rend elle fou ?". Titre assorti du commentaire : "Etre à Paris et Marseille en même temps, ou à la fois en voiture et dans le train : impossibles à priori, ces situations ne le sont pas dans le monde quantique ! Face à ce constat, la raison vacille… et d'abord celle des physiciens." Le propos est volontairement provocateur mais révélateur du trouble qui agite le milieu des chercheurs et celui des "médiateurs" scientifiques.

Déjà Heisenberg, l'un des "pères" de la physique quantique, avouait sa difficulté à comprendre ce que décrivaient ses équations : "La nature peut-elle vraiment être aussi absurde qu'elle nous semble l'être dans ces expériences atomiques ? " écrivait-il, il y a un demi siècle. La nouveauté est cependant que, si Heisenberg et ses contemporains raisonnaient sur des expériences "virtuelles" qu'ils illustraient d'images exotiques comme celle du "chat de Schrödinger" à la fois mort et vivant, aujourd'hui des expériences de plus en plus nombreuses, dans la lignée de celle imaginée par l'équipe de Alain Aspect, prouvent que l'impensable est devenu réalité.

Alors que les sciences se fixaient l'objectif d'élaborer une vision unifiée du monde et qu'un pas essentiel avait été franchi par Einstein en réunissant les notions de masse et d'énergie, d'onde et de particule, les expériences récentes introduisent une réalité non descriptible dans le monde réel. "Mon cerveau reptilien n'est pas câblé pour comprendre la quantique", déclare Jean-Michel Raimond, directeur du département de physique de l'École Normale Supérieure, dans cet article de Sciences et Vie, tout en souhaitant que le temps et l'effort finissent par étendre les bizarreries quantiques jusqu'aux "zones d'intuition" de ses étudiants et des futures générations de physiciens. "Aujourd'hui les physiciens manipulent le formalisme quantique sans même comprendre à quoi ça renvoie", ajoute Mioara Mugur-Schäfer, spécialiste de physique quantique qui fut collaboratrice de Louis de Broglie.

Pourtant certains commentateurs n'hésitent pas à annoncer une seconde révolution quantique. Dans les laboratoires, des équipes, comme celle de Serge Haroche, lauréat 2009 de la médaille d'or du CNRS, imaginent déjà les applications possibles de "l'intrication" quantique dans les systèmes d'information et de cryptage. Un nouveau chapitre de l'histoire des sciences commence à s'écrire et on imagine assez facilement l'enthousiasme des jeunes chercheurs engagés dans cette aventure qui nous rappelle celui des Rutherford, Wilson, Langevin… regroupés par J.J Thomson au sein du Cavendish Laboratory au moment où ils allaient être les acteurs de la première révolution quantique.

 

Pour en revenir au sujet de ce livre, "l'électricité", qui sait ce que ce mot signifiera pour les générations à venir et quel sera leur étonnement devant la façon dont, aujourd'hui, nous concevons ce que nous appelons "électricité".

 

Nous ne pouvons conclure cette histoire de l'électricité sans évoquer une autre révolution à venir : celle de l'utilisation et de la production de l'énergie électrique. Les vulgarisateurs de la fin du XIXème siècle, tels que Louis Figuier, ne s'étaient pas trompés : l'électricité a bien répondu à l'attente des savants, ingénieurs et industriels rassemblés à l'occasion de l'exposition internationale d'électricité de 1881. Elle éclaire les villes, elle alimente les moteurs industriels et domestiques, après le son elle transmet les images. Par contre, nous devons aussi nous rappeler que s'ils imaginaient une électricité produite par les forces naturelles, les barrages hydrauliques, le vent, les courants marins, la réalité a été toute différente.

L'essentiel de l'énergie électrique est aujourd'hui produite pas des centrales thermiques consommatrices d'énergies fossiles, charbon, gaz, pétrole dont les ressources arriveront à expiration avant la fin du siècle et dont on connaît l'impact négatif sur le réchauffement de la planète par l'émission de gaz carbonique. La production d'électricité a aussi été le prétexte au développement d'une industrie nucléaire dont l'objectif principal reste encore souvent la production d'armes de destruction massive et dont on mesure le danger de la version "civile" à la lumière des accidents de Three Mile Island, de Tchernobyl, de Fukushima, ou à celle des problèmes de gestion des déchets radioactifs dont l'héritage pèsera pendant des millénaires.

 

Aujourd'hui l'accord se fait pour un changement radical du modèle de consommation de l'énergie. Celui-ci passera d'abord pas la recherche de la sobriété et par le développement des énergies renouvelables. Parmi celles-ci l'énergie solaire. Découvert en 1839 par Antoine Becquerel, retrouvé sous une autre forme en 1887 par Hertz, expliqué en 1905 par Einstein, l'effet photovoltaïque est devenu le thème de recherche d'une multitude de laboratoires qui s'emploient à augmenter les rendements et à diminuer les coûts de panneaux photovoltaïques. "Solaire, pourquoi on peut enfin y croire" titrait le numéro de Sciences et Vie de mai 2009. Quoi de plus élégant, en effet, que ces cellules capables de transformer de façon immédiate la lumière en courant électrique. Quoi de plus satisfaisant que de pouvoir produire localement l'énergie nécessaire à la plupart de ses activités quotidiennes.

 

Révolution dans les concepts, révolution dans les modes de production et d'utilisation… Ce n'est qu'un début, l'histoire de l'électricité continue.

 

 

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26 janvier 2018 5 26 /01 /janvier /2018 16:58

La Nature est généreuse. En dotant le soufre et le verre de la propriété d’attraction, elle a permis à tout un chacun de s’emparer du phénomène électrique. Le plus simple bâton de soufre ou le plus banal des tubes de verre donnent déjà de beaux effets. Mais ces matériaux se prêtent surtout à la fabrication de " machines " qui viendront compléter les " cabinets de curiosités ", attraction obligatoire de toute demeure noble ou bourgeoise qui se respecte, dès la deuxième moitié du 17ème siècle.


Otto de Guericke (1602-1686)

Parmi les constructeurs, un premier nom émerge, celui de Otto de Guericke. Il est le descendant d’une famille de notables de la ville franche de Magdebourg. Son père et son grand-père y ont tous deux occupé la fonction de bourgmestre, contribuant à en faire une cité prospère et populeuse. Il étudie d’abord à l’université de Leipzig puis rejoint Leyde pour compléter son instruction dans les langues ainsi que dans l’art des fortifications et des machines de guerre.

En 1626, il regagne Magdebourg où ses connaissances deviennent rapidement utiles car, en 1631, la cité protestante est assiégée par les armées de l’Empereur d’Allemagne en conflit avec la Suède dont la ville est alliée.

Le 20 mai, à l’aube, les troupes de mercenaires catholiques du seigneur de guerre Tilly, composées d’Espagnols, d’Italiens, de Français, de Polonais et d’Allemands pénètrent dans la ville. La population résiste de façon héroïque mais ne parvient pas à repousser les assaillants. Commence alors ce qui est resté dans les mémoires comme le "massacre de Magdebourg" : en quatre jours, vingt mille civils sont passés au fil de l’épée ou brûlés vifs dans l’incendie de leur maison.

Une fois la paix revenue, Otto de Guericke contribue à relever la ville de ses ruines et en devient maire. Dans cette fonction, il représente Magdebourg au congrès de paix qui, en 1648, clôt cette "guerre de trente ans". Bon négociateur, il obtient pour sa ville, la reconnaissance de ses anciens privilèges. Cette mission l’amène à siéger à la Diète impériale. C’est à l’une de ces réunions, à Ratisbonne, en 1654, qu’il choisit de révéler les capacités de la pompe à vide qu’il a récemment mise au point.

L’expérience dite des "hémisphères de Magdebourg " est bien connue. Elle fait suite aux expériences de Torricelli (1608-1647) sur la pression atmosphérique.

En 1643, pour répondre au problème posé par les fontainiers de Florence qui avaient des difficultés à pomper l’eau dans leurs puits au-delà de 32 pieds (environ 10 mètres), Toricelli avait renversé un tube plein de mercure sur une cuve contenant le même liquide. Il avait pu constater que le mercure descendait dans le tube pour se stabiliser à une hauteur de 28 pouces (76cm) au-dessus de la surface libre. Il démontrait ainsi l’existence de la pression atmosphérique mais aussi celle du vide dont, prétendaient ses adversaires, la Nature avait "horreur".

Le sujet passionne Otto de Guericke qui entreprend avec succès, la mise au point d’une pompe capable de faire le vide dans un récipient plein d’air. Après avoir tenté de vider un tonneau qui ne résista pas à l’expérience, Guericke fait fabriquer une sphère de cuivre, composée de deux demi-sphères jointives, et munie d’un robinet. Devant un nombreux public, il fait le vide dans cette sphère imposante d’une aune de diamètre (1,19 mètre). Vingt-quatre chevaux attelés aux hémisphères sont incapables de rompre l’adhérence entre les deux parties.

Cette expérience inaugure avec éclat la pratique de la "science spectacle" dont la popularité sera également déterminante dans l’avancement de la science électrique.

L’expérience des "Hémisphères de Magdebourg" est un repère dans l’histoire de la mécanique. La place de Guericke dans celle de l’électricité est plus modeste. Son apport dans ce domaine était d’ailleurs resté ignoré de la plupart de ses contemporains. Pourtant, près d’un siècle plus tard, plusieurs physiciens, et en particulier le français Dufay, constatent qu’on aurait gagné à considérer ses expériences avec plus d’attention.

Guericke, en réalité, ne s’intéresse qu’incidemment à l’électricité. Il ne la rencontre qu’à travers les questions qu’il se pose sur le fonctionnement de l’Univers. Il s’interroge d’abord sur celui de la terre. Parmi les "vertus" qu’il attribue à notre globe, deux lui semblent fondamentales. D’abord une vertu "conservative" : la terre attire à elle tous les matériaux qui sont nécessaires à sa formation, l’eau, les roches... Ensuite une vertu "expulsive" : elle repousse tout ce qui peut la détruire. Le feu, par exemple, dont la flamme monte vers le ciel.

Guericke en propose une spectaculaire démonstration. Prendre, dit-il, un ballon de verre de la taille de la " tête d’un enfant", le remplir de soufre finement moulu, chauffer jusqu’à fusion du soufre, laisser refroidir, casser le verre et recueillir le globe de soufre. Munir la boule d’un manche et la placer sur un support de bois. Frotter cette boule vigoureusement d’une main bien sèche.


La "machine électrique" de Otto de GuerickeRetour ligne automatique
(Louis Figuier, Les Merveilles de la Science)


La boule manifestera alors plusieurs des vertus terrestres. La vertu "conservative" d’abord, en attirant à elle des objets légers.

Plus étonnante est l’observation de la vertu "expulsive" ! Le globe repousse parfois ce qu’il a d’abord attiré. Une plume, par exemple, après avoir touché le globe en est repoussée. Ainsi suspendue dans l’air, elle peut être promenée dans toute la pièce. Mieux : quel que soit le mouvement du globe elle semble lui présenter toujours la même face. Exactement comme la lune vis à vis de la terre.

Guericke, qui a lu Gilbert, ne peut douter un seul instant que la vertu attractive de la terre ne soit tout simplement de nature électrique. Quant à la vertu répulsive, personne avant lui ne semble l’avoir notée. Il lui attribue une cause différente et l’imagine uniquement propre aux éléments constitutifs de la terre et parmi ceux-ci au soufre. Il passe, ainsi, à côté d’une vérité qui restera longtemps occultée jusqu’à ce que le Français Dufay en fasse l’étude approfondie et montre que l’électricité possède également une "vertu répulsive" !

Les récits de Guericke recèlent d’autres riches intuitions. Pour prouver que l’air n’est pas le véhicule de l’attraction, il montre que cette vertu peut se transmettre par l’intermédiaire d’un fil de lin, long de plus de un mètre, tendu à partir de la surface du globe. Cette première observation de la "conduction" électrique restera, elle aussi, sans lendemain. Il appartiendra à l’Anglais Gray de la redécouvrir près d’un siècle plus tard.

Même si son titre de gloire reste la fameuse expérience des hémisphères et si son apport théorique dans le domaine de l’électricité est resté limité, le talent d’observateur et d’expérimentateur de Guericke, reconnu par ses successeurs, mérite la place qui lui est réservée dans le Panthéon des électriciens.

Hauksbee ( ?- 1713)

L’électricité et le vide font également bon ménage dans les machines imaginées par Francis Hauksbee.

On connaît mal les premières années de sa vie. Autodidacte, il est remarqué par Newton. En décembre 1703, le célèbre physicien, auteur de la loi de gravitation universelle, devient président de la Royal Society of London, la plus importante Académie scientifique anglaise. Il engage Hauksbee comme son expérimentateur principal. Jusqu’en 1705, celui-ci anime donc les séances de l’Académie. En particulier par des expériences classiques sur le vide inspirées de Guericke.

A partir de cette date il s’oriente vers l’étude de la phosphorescence "mercurielle" ou "barométrique". Depuis 1675, une observation faite de façon fortuite intrigue les physiciens. Quand on bouscule, dans l’obscurité, un tube barométrique disposé dans les conditions de l’expérience de Toricelli, une lueur phosphorescente apparaît dans le vide libéré à la partie supérieure du tube. Au moment où Hauksbee s’attaque au problème, il est généralement admis que cette lueur provient d’une émanation du mercure. Pour sa part il choisit d’user de méthode et d’étudier les rôles respectifs du vide, du verre et du mercure.

Le vide ? Hauksbee emplit partiellement de mercure un ballon dans lequel il fait le vide. L’ensemble reste obscur tant que le liquide reste immobile. Il est donc clair que le vide n’est pas suffisant mais que, par contre, le frottement, provoqué par le mouvement, est indispensable.

Frottement sur le mercure ou sur le verre ? A partir de novembre 1705 Hauksbee utilise, pour répondre à cette question, un montage qui fait abstraction du mercure. Il s’agit d’une sphère de verre munie de deux pièces de cuivre diamétralement opposées lui servant d’axe. Cette sphère peut être mise en mouvement rapide en la plaçant sur une machine inspirée d’un tour de menuisier. Mais sa propriété essentielle est d’avoir été conçue pour qu’on puisse y réaliser le vide. Hauksbee a pris la précaution de ménager un robinet dans une des pièces de l’axe qui peut être relié à une pompe à vide.



La machine électrique de Hauksbee. Un robinet permet d’y faire le videRetour ligne automatique
(Louis Figuier, Les Merveilles de la Science)


La sphère, vidée de son air, est mise en mouvement et frottée par la main de l’expérimentateur. Soudain, dans l’obscurité, la sphère s’emplit d’une forte lueur diffuse. Un mur situé à dix pieds en est éclairé. Un livre tenu à proximité du globe peut être lu. Quand un doigt s’approche de la sphère, la lumière se concentre en filaments qui semblent attirés par ce doigt. La lumière diminue progressivement quand, peu à peu, on laisse entrer l’air dans le tube.

Même quand la pression atmosphérique est atteinte, on peut encore arracher quelques lueurs au globe. Elles sont externes cette fois, et se présentent sous la forme nouvelle d’étincelles. Hauksbee hésite encore mais pour Newton, la cause est entendue : La lumière ne provient ni du vide, ni du mercure mais du verre !

Nous savons, à présent, que si c’est bien le verre qui est électrisé, la lueur, elle, provient de l’air. Dans le globe "vide", il reste encore du gaz résiduel et celui-ci est "ionisé" sous l’effet du champ électrique créé par la friction du verre. Il devient, par ce fait, lumineux, à l’image du néon dans un tube d’éclairage. Naturellement cette interprétation était impossible à qui n’avait ni la connaissance de la nature de l’air, ni, à plus forte raison, de l’existence et de la constitution des atomes.

Cette "phosphorescence électrique" continuera à obséder des générations de physiciens. Son étude amènera aux tubes cathodiques qui ont équipé nos premiers écrans de télévision et d’ordinateurs. La découverte des rayons X, celle des électrons, celle de la radioactivité, seront également au bout de cette aventure que nous évoquerons par la suite.

Pour le moment, les démonstrations de Hauksbee, à la fois spectaculaires et inquiétantes quand elles se font dans l’obscurité d’un cabinet, deviennent les expériences vedettes des spectacles de physique.

Tube ou globe ?

Une chose est sûre : à ceux qui considéraient le verre comme un matériau secondaire et de peu d’effets électriques, et qui continuaient à lui préférer l’ambre, le soufre ou la cire, Hauksbee oppose un démenti convaincant.

Le verre s’impose donc, mais sous quelle forme ? Hauksbee lui-même pour ses démonstrations classiques renonce à ses sphères et n’utilise qu’un tube de flint-glass, ce verre au plomb utilisé pour l’optique et dont les Anglais sont les spécialistes. Avec un tube long de un mètre et de trois centimètres de diamètre, il attire de fines feuilles de cuivre à plusieurs dizaines de centimètres de distance. Ces feuilles de cuivre, ou mieux : d’or, plus sensibles que des morceaux de ficelles ou de papier, deviendront le matériau classique des laboratoires d’électricité. Pour les mettre en mouvement, un tube de verre est largement suffisant.

Le globe, monté sur un tour, sera oublié pendant trente ans jusqu’au moment où, vers 1733, un physicien allemand, Bose, en reprenne l’idée.

Bose (1710-1761)

Georg Matthias Bose, né à Leipzig, s’intéresse aux nouveautés de la physique et des mathématiques tout en poursuivant ses études de médecine. En 1738 il est nommé sur une chaire de "philosophie naturelle" à l’université de Wittenberg. De ce poste, il établit des relations suivies avec tout ce que l’Europe compte comme personnes de renom, aussi bien scientifiques que hommes de lettres, de religion ou de politique. L’aspect magique de l’électricité le séduit. Quand ses lectures l’amènent à rencontrer les expériences électriques de Gray et Dufay (deux personnages de première importance dont nous reparlerons), et en particulier celles sur les conducteurs et les isolants ; quand, de plus, il retrouve la description du globe de Hauksbee, il sait qu’il a trouvé, à la fois, sa vocation et son public.

Il complète d’abord le dispositif de Hauksbee par un montage qui deviendra le standard de tous les laboratoires européens. Un tube de fer, qui prend parfois la forme d’un canon de fusil, est suspendu horizontalement à deux cordons de soie. Il effleure, sans pourtant le toucher, le globe de verre frotté. Ce "premier conducteur" servira ensuite à distribuer le "fluide électrique", par l’intermédiaire de chaînes ou de conducteurs divers vers les dispositifs expérimentaux qui l’entourent.

Bose organise alors des "fêtes électriques" qui ne se limitent pas à son public d’étudiants. Imaginez un repas où vous avez convié tous les notables les plus en vue dans votre ville. Les pieds de la table ont été isolés par des galettes de cire de même que la chaise que vous vous êtes réservée. De la machine électrique que vous avez actionnée et que vous avez dissimulée, un fil conducteur est amené jusqu’à proximité de votre main. Au moment où vos convives voudront saisir leur fourchette, il vous suffira d’établir le contact avec la table pour qu’un choc électrique vienne les faire bondir sur leur chaise. Au dessert vous mettrez le feu à une coupe de liqueur alcoolisée simplement par l’approche de l’un de vos doigts d’où seuls les plus proches spectateurs auront vu sortir une étincelle. Vos invités seront alors tout disposés à vous suivre dans le cabinet de curiosités où vous les transporterez dans un univers à la fois merveilleux et terrifiant.

Merveilleux ! Des galettes de cire épaisse sont disposées sur le sol. Chaque participant monte sur l’une d’entre elles et tend la main à ses voisins, formant ainsi une chaîne dont le premier maillon tient fermement le canon de fusil suspendu au-dessus du globe de la machine. Quand le globe est mis en mouvement, la personne située à l’autre extrémité de la chaîne tend la main au-dessus de feuilles d’or placées sur une coupelle. Chacun voit alors les feuilles s’élever d’un vol léger, comme attirées par une volonté magique, vers la main ouverte de l’expérimentateur. Eteignons les bougies qui éclairent ce salon aux volets fermés et tendons le doigt vers le conducteur de la machine, nous en verrons jaillir de lumineuses étincelles. Sous forme d’apothéose on pourra proposer la démonstration de la "béatification électrique". La plus aimable personne de l’assemblée est conviée à monter sur un gâteau de cire et à saisir le conducteur. Quand la machine est vigoureusement actionnée ses cheveux se déploient en une auréole qui s’éclaire, dans l’obscurité, des milles lueurs de la sainteté.

Terrifiant ! L’homme qui a le courage de faire couler quelques gouttes de son sang les voit scintiller comme des perles de feu dans l’obscurité au moment où il se saisit du conducteur. Les doigts tendus d’une personne reliée à la machine peuvent tuer les pauvres mouches vers lesquelles on dirigera l’étincelle. Ne pourra-t-on demain faire de plus conséquentes victimes ? De telles manipulations auraient certainement valu le bûcher à leurs auteurs aux temps, encore proches, de l’Inquisition !

Terrifiant et traître ! Aussi belle soit la jeune personne auréolée par le contact de la machine, il ne faudra pas s’aviser de vouloir en approcher les lèvres pour un baiser. La "Vénus électrisée" défendra sa vertu par une sérieuse secousse électrique.


Electricité de salonRetour ligne automatique
(Louis Figuier, Les merveilles de la science)


Les nouvelles de ces merveilles parviennent en France et en particulier à l’abbé Nollet qui est alors le plus en vue des électriciens européens. Il avoue n’avoir pu dormir avant d’avoir lui-même construit et perfectionné une machine qui devient alors un meuble volumineux.

L’abbé Nollet (1700-1770)

Le globe, de un pied de diamètre, utilisé par Nollet, est en verre épais. La roue qui l’entraîne au moyen d’une courroie passant par une poulie fixée sur son axe, doit avoir au moins quatre pieds de diamètre et être munie d’une manivelle qui permette à deux hommes de l’actionner. Nollet préfère frotter le globe à la main mais de nombreux physiciens européens ont choisi de lui adjoindre un coussin de cuir.


La Machine électrique de l’Abbé Nollet (1747)Retour ligne automatique
(Louis Figuier, Les Merveilles de la Science)


Les machines à plateau.

Cette volumineuse machine équipera la plupart des cabinets de physique jusqu’à ce que l’Anglais Ramsden (1735-1800) construise la première machine à plateau en 1768. La machine à plateau se perfectionne rapidement et deviendra vraiment efficace quand apparaîtront les premières machines " à influence électrique ", c’est à dire ne nécessitant aucun frottement. La célèbre machine inventée par l’Anglais Wimshurst en 1883, équipe encore les laboratoires de nos lycées.

La machine de Van Marum construite en 1784 est encore une attraction remarquée au pavillon des Pays-Bas de l’Exposition Internationale d’électricité de Paris en1881. (La Nature, 1881)


On peut trouver un développement de cet article dans ouvrage paru en septembre 2009 chez Vuibert : "Une histoire de l’électricité, de l’ambre à l’électron"

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Commentaire du Bulletin de l’Union des Physiciens :

Voici un ouvrage à mettre entre toutes les mains, celles de nos élèves dès lesRetour ligne automatiqueclasses de premières S et STI de nos lycées, et entre les mains de tous les futurs enseignantsRetour ligne automatiquede sciences physiques et de physique appliquée (tant qu’il en reste encore !).

L’auteur est unRetour ligne automatiquecollègue professeur de sciences physiques, formé à l’histoire des sciences, et formateur des enseignantsRetour ligne automatiqueen sciences dans l’académie de rennes. Bref quelqu’un qui a réfléchi tant à l’histoire de saRetour ligne automatiquediscipline qu’à son enseignement et sa didactique, et cela se sent. Le style est fluide et imagé, brefRetour ligne automatiqueplaisant au possible.

la suite

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26 janvier 2018 5 26 /01 /janvier /2018 10:34

Émanation, fluide, particule, onde… quelle est l’identité de cette chose insaisissable mais bien présente dont la quête remonte à vingt-cinq siècles et dont la réalité nous échappe dès qu’on pense l’avoir cernée ?

 

 

Au fil d’un récit imagé – celui d’une succession de phénomènes généralement discrets qui, sous le regard d’observateurs avertis, débouchèrent sur des applications spectaculaires – nous croiserons des dizaines de savants, d’inventeurs et de chercheurs dont les noms nous sont déjà familiers : d’Ampère à Watt et de Thalès de Milet à Pierre et Marie Curie, ce sont aussi Volta et Hertz, Ohm et Joule, Franklin et Bell, Galvani et Siemens ou Edison et Marconi qui, entre autres, viennent peupler cette aventure.

On y verra l’ambre conduire au paratonnerre, les contractions d’une cuisse de grenouille déboucher sur la pile électrique, l’action d’un courant sur une boussole annoncer : le téléphone, les ondes hertziennes et les moteurs électriques, ou encore la lumière emplissant un tube à vide produire le rayonnement cathodique. Bien entendu, les rayons X et la radioactivité sont aussi de la partie.

De découvertes heureuses en expériences dramatiques, l’électricité reste une force naturelle qui n’a pas fini de susciter des recherches et de soulever des passions.


Table des matières

__________________________________________________________________

 

Quand est née l’électricité ?

L’ambre.

Une matière attirante.

Le long sommeil du succin.

William Gilbert, le premier électricien.

La naissance de l’électricité.

L’électricité est une propriété générale de la matière.

Les premières machines électriques.

Otto de Guericke (1602-1686).

Francis Hauksbee (? – 1713).

Tube ou globe ?

Georg Matthias Bose (1710-1761).

L’abbé Nollet (1700-1770).

Les machines à plateau.

Gray, Dufay, Franklin et la conduction électrique.

Tardives et fabuleuses découvertes.

Dufay : premier classement.

Corps électriques et non-électriques, quelle différence ?

Benjamin Franklin : le vocabulaire.

 

De Dufay à Ampère : des deux espèces d’électricité aux deux sens du courant électrique.

 

Dufay (1698-1739) et la répulsion électrique.

Un discours de la méthode.

La répulsion rejoint l’attraction.

La loi de Dufay.

Benjamin Franklin (1706-1790) : un vocabulaire neuf pour un fluide unique.

Entre Dufay et Franklin : les bas de soie de Robert Symmer.

Des charges jusqu’aux courants électriques.

De la pile Volta au bonhomme d’Ampère.

Oersted : la pile et la boussole.

Ampère et le sens conventionnel.

Le retour de Franklin.

Une situation bloquée.

 

La bouteille de Leyde : la puissance cachée de l’électricité.

 

De terribles nouvelles venues de Leyde

Ce premier condensateur électrique, comment fonctionne-t-il ?

Une bouteille miracle.

 

A la conquête du feu céleste : le paratonnerre.

Retour ligne automatique
La longue histoire du tonnerre.

Un coup de tonnerre dans le ciel parisien.

Coulomb et le temps de la mesure.

La loi de Coulomb

De Galvani à Volta : la découverte de la pile électrique.

Galvani et les grenouilles.

Volta et la pile électrique.

Electricité et chimie.

Humphry Davy (1778-1829).

Une course aux nouveaux éléments.

L’autre pierre magique : l’aimant.

L’héritage chinois.

Pierre de Maricourt (XIIIe siècle).

William Gilbert.

Coulomb et la mesure.

Oersted, Ampère et la naissance de l’électromagnétisme, Retour ligne automatique
ou quand l’ambre retrouve l’aimant.

Hans Christian Oersted (1777-1851).

Ampère (1775-1836).

Un montage ingénieux.

La Terre est un électroaimant.

Du cadre mobile au solénoïde.

Du solénoïde à l’aimant droit.

Faraday et les champs.

Michael Faraday (1791-1867).

Du moteur à la génératrice.

Lignes de force et champs.

La loi de Faraday.

Maxwell (1831-1879), la mise en équations.

Maxwell et les ondes : au rendez-vous de la lumière et de l’électricité.

L’éther lumineux.

L’éther électromagnétique et la nature de la lumière.

Construire un système cohérent d’unités électriques.

Etablir les équations de propagation d’une perturbation électromagnétique.

Hertz et la réalité des ondes électromagnétiques.

A la conquête des hautes tensions : la bobine de Ruhmkorff.

Vers la découverte des ondes hertziennes.

L’éther existe donc ? L’expérience de Michelson et Morley.

Branly, Marconi et le début de la radiophonie.

Le temps des ingénieurs : l’Exposition internationale d’électricité de 1881.

L’époque des génératrices électriques.

L’exposition internationale d’électricité à Paris.

La lumière électrique.

Les nouvelles génératrices.

La force motrice de l’électricité.

Après l’exposition de 1881.

Le côté sombre de la force électrique.

Quel futur pour l’électricité ?

Les unités électriques, ou quand les électriciens font naître un langage universel.

Le système métrique décimal.

Naissance des unités électriques.

Avant 1881 : des systèmes nationaux différents.

1881 : premier congrès international des électriciens et preemier système international.

Un succès remarqué.

Les suites du congrès de 1881 : le joule, le watt…

Des mécaniciens dépassés.

Vers le système MKSA.

Une étrange lumière : le rayonnement cathodique.

William Crookes et la matière radiante.

Röntgen et les rayons X.

Röntgen et la découverte

L’épopée des rayons X.

Les rayons X, le dernier cri de la mode.

Le revers de la médaille.

Un monument à la mémoire des victimes des radiations.

Un nouveau rayonnement : le rayonnement radioactif.

Henri Becquerel : la découverte du rayonnement radioactif.

Marie Curie et les premières hypothèses.

Le polonium.

Le radium.

Vie et mort de l’électron.

Thomson et la découverte de l’électron.

L’électron et l’atome, de Thomson à Rutherford.

Planck, Einstein et la naissance du photon.

L’atome de Bohr.

Louis de Broglie et la nature ondulatoire de l’électron.

Quand l’incertitude devient un principe.

Et l’électricité, l’électron, la charge électrique dans tout cela ?

Histoire à suivre.

Pas de science sans son histoire.

Ce n’est qu’un début, l’histoire continue.

Bibliographie.
Index des noms ; Index des matières. Les dates de l’électricité.
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25 janvier 2018 4 25 /01 /janvier /2018 10:43

Page du journal de Sébastien Le Braz, Chirurgien de Marine à Brest au temps de la guerre d'indépendance américaine.

 

Landerneau. Janvier 1777.

 

Le hasard d'une visite à l'Hôpital Royal de Brest me fit entrer dans une salle où un professeur de médecine, dont l'attitude affichait celle d'un personnage détenteur d'une science supérieure, faisait la démonstration à un groupe d'étudiants du traitement par l'électricité de patients atteints d'infirmité.

 

La machine qu'il utilisait était d'un modèle récent du type de celle construite par Jesse Ramsden, le constructeur anglais d'instruments scientifiques. Un disque de glace de deux pieds de diamètre, actionné par une manivelle placée à son centre, est mis en mouvement entre quatre coussinets de cuir, diamétralement disposés. Le fluide électrique ainsi libéré par le frottement est reçu entre deux "peignes" constitués de deux tubes de laiton courbés en forme de fer à cheval et armés intérieurement de dents. Ceux-ci sont reliés à un gros tube de laiton horizontal, isolé par un pied en verre et terminé par une sphère conductrice, constituant le réservoir de l'électricité.

 

Machine de Ramsden

 

Le patient sur lequel le démonstrateur s'acharnait était soumis alternativement à un traitement par l'étincelle le long de son membre inerte suivi de la décharge d'une batterie électrique fortement chargée du type de celle construite par Franklin.

 

batterie électrique.

 

Le choc électrique était accompagné du cri de douleur du patient et du mouvement involontaire de son membre. Je savais, pour l'avoir entendu lors des séances publiques de l'Abbé Nollet au collège de Navarre, que ce traitement, dont on avait pu espérer un temps le succès, était depuis longtemps abandonné faute d'autre résultat que celui de torturer la personne qui le subissait. Pourtant la méthode n'avait pas été abandonnée par des médecins souhaitant ajouter au prestige de leurs sentences latines celui d'un "modernisme" aussi spectaculaire qu'inefficace. En dehors des riches amateurs de "cabinets de curiosité", ceux-ci étaient donc les meilleurs clients de ces constructeurs de machines électriques.

 

Cette anecdote a eu cependant le mérite de faire resurgir de ma mémoire un épisode ancien de ma jeunesse bretonne qui, à n'en pas douter, avait orienté mes études ultérieures.

 

J'avais à peine plus de onze ans en ce mois de novembre de l'année 1764 quand mon père et ma mère m'ont accompagné dans cette ville de Quimper dont la réputation, sulfureuse pour les habitants de mon prude Léon natal, pouvait attirer le jeune homme rêvant d'aventures que j'étais alors. Le moment était venu d'entrer au collège où, espéraient mes parents, je prendrai l'élan pour une vie plus riche que celle qui attendait la plupart de mes compagnons de jeu des quais de l'Elorn à Landerneau.

 

Le collège de Quimper était une très ancienne institution. Nos maîtres se plaisaient à nous rappeler qu'il en était fait mention dès 1317 quand le clerc breton, Nicolas Galeron, avait institué une bourse pour cinq écoliers méritants. Ils évoquaient aussi le Concile de Trente qui avait imposé à chaque évêché de se doter d'un collège et de l'évêque de Quimper, Charles de Liscoët, ancien élève des Jésuites du Collège de Clermont, aujourd'hui Louis le Grand, qui avait reçu du pape Grégoire XIII l'ordre d'établir à Quimper un collège de la Compagnie de Jésus. Ils nous parlaient peu des années obscures des guerres de la Ligue. Elles avaient été particulièrement violentes en Cornouaille - où sévissait Guy Eder de la Fontenelle - et avaient ruiné tout projet d'élargissement de l'établissement. Des années de prospérité allaient suivre et quelques privilégiés se voyaient montrer les lettres patentes reçues de Louis le treizième en 1621. Depuis cette date, le collège ne connut que le succès. Ceci d'autant plus que l'enseignement y est gratuit avec un droit d'inscription modéré. Outre l'évêché de Cornouaille, on y vient des évêchés du Léon, de Vannes et même de Tréguier et de Saint-Brieuc. On y a compté jusqu'à 1000 élèves avec des classes dépassant les 50 élèves..

 

La chapelle du collège

Trop nombreux pour loger tous au Collège, les élèves logent souvent chez l'habitant. Mon oncle Guillaume Mazéas, lui même ancien élève du collège, m'avait recommandé auprès de l'un de ses condisciples, Yves-Marie Le Coz. Installé comme notaire dans la rue Kéréon, il occupait une de ces récentes maisons de pierre construites après l'incendie de la rue dont les traces étaient encore visibles. Ce tuteur m'avait dès le début mis en garde à l'encontre de ces collégiens, issus de la riche bourgeoisie de Quimper et des ports de la côte, dont la corporation était souvent à l'origine de nombreux troubles dans la ville. Gourdins, épées et armes à feu faisant partie des accessoires des plus turbulents d'entre eux. J'avoue que le timide jeune homme du Léon que j'étais alors avait plus d'une fois envié l'insouciance et la gaieté de ces étudiants cornouaillais et avait souvent regretté de ne pas pouvoir partager leurs sarabandes.

 

Rue Kéréon

Il fallait savoir lire avant d'entrer au Collège et fort heureusement l'enseignement que nous dispensait notre mère avait fait de ses enfants des lecteurs assidus. Par contre les débuts en latin, langue dans laquelle nous étions instruits, furent plus laborieux et sans l'aide du notaire Le Coz les premiers moments auraient été difficiles. Le grec, qui était pour moi nouveau, devint vite une passion. Mais la vraie découverte a été celle de la physique enseignée en plus de l'arithmétique, de l'algèbre et de la géométrie.

L'enseignement le la physique était récent quand j'arrivais au collège. Il y avait été introduit par le directeur, Denis Bérardier, qui avait été nommé à ce poste après l'expulsion de jésuites deux ans avant mon arrivée. Je dois à cet excellent professeur mon intérêt, sans cesse renouvelé, pour les sciences. Il avait été élevé par son aïeul fondateur, dans le quartier de Locmaria, de la faïencerie qui fait aujourd'hui la célébrité de la ville. Après des études en Sorbonne et son titre de docteur en théologie il était revenu dans sa ville natale avec le désir d'y enseigner une science qui faisait alors fureur dans la capitale : la physique et plus particulièrement l'électricité. De ses propres deniers il avait équipé un cabinet de physique d'après les plans de l'abbé Nollet dont il avait assisté aux démonstrations de physique expérimentale à Paris. Les ouvrages de ce maître figuraient en bonne place dans la bibliothèque de l'école mais seuls quelques élèves, remarqués pour leur assiduité, pouvaient les consulter. J'avais cette chance et je ne manquais pas d'en profiter.

 

Denis Bérardier.

Au centre du cabinet de physique régnait la machine électrique, un monstre porté par un solide socle de chêne qui effrayait les moins hardis d'entre nous, marqués par le souvenir de quelques vigoureuses secousses. L'âme de la machine résidait dans un globe de verre de un pied de diamètre et d'une épaisseur de deux lignes, monté sur un axe horizontal dont l'une des extrémité portait une poulie taillée dans un vieux buis. Le corps de l'appareil consistait en une lourde roue de cinq pieds de diamètre. Deux manivelles, fixées à chaque extrémité de son axe, permettaient à deux vigoureux assistants de lui donner un mouvement de rotation qui entraînait une corde de boyau de l'épaisseur d'une plume à écrire passée dans une gorge creusée à la surface de sa jante. Cette corde, reliée à la poulie du globe donnait à celui-ci un rapide mouvement de rotation. L'abbé Bérardier nous avait fait remarquer qu'un habile croisement de la corde inversait le sens du mouvement du globe par rapport à celui de la roue. Ainsi la roue était actionnée en poussant les manivelles pendant qu'il était commode de frotter le globe de verre en appliquant les mains à sa partie inférieure. C'est en effet par ses mains nues et rugueuses, de pédagogue qui ne dédaignait pas le travail manuel, que notre professeur frottait le globe. Pour notre part, il exigeait que nous utilisions un coussin de cuir appliqué au verre car, disait-il, il arrivait qu'un globe puisse éclater entre les mains d'un manipulateur malhabile.

La machine de l'abbé Nollet

Mettre en mouvement la grande roue de la machine était un exercice qui nécessitait une grande force physique. Les plus solides gaillards de notre groupe se disputaient la faveur de s'y faire valoir. Il avait fallu tout l'art des menuisiers pour que l'ensemble supporte la fougue de ces jouteurs qui concourraient à savoir combien de tours il leur suffirait pour faire atteindre à la roue sa vitesse de croisière.

Un détail attirait également l'attention de ceux pour qui le cours de physique était surtout occasion de distraction.

Si l'abbé Bérardier se flattait d'avoir strictement respecté les plans, proportions et matériaux conseillés par l'abbé Nollet, il avait également noté que celui-ci attachait une particulière attention à la beauté du meuble. La base de celui de notre collège était constituée de vastes tiroirs aptes à recevoir tout la matériel nécessaire aux démonstrations. L'abbé Bérardier, qui avait fait ses premiers pas dans la faïencerie de son aïeul, avait choisi d'en décorer les devantures par des céramiques illustrées de scènes copiées des ouvrages de l'abbé Nollet. L'une en particulier avait la faveur des collégiens. Elle représentait le groupe animé de jeunes femmes et de jeunes hommes entourant une élégante demoiselle couchée sur un plateau suspendu au plafond par des cordons de soie. Un homme à la tenue plus sévère, sans doute un abbé, tenait au dessus de sa chevelure un tube de verre que, par expérience, nous savions avoir été frotté par la main vigoureuse de l'expérimentateur. D'une de ses fines mains la jeune femme attirait des feuilles d'or placées sur un plateau, de l'autre elle faisait tourner à distance, par le seul pouvoir du fluide électrique, les feuilles d'un livre placé sur un tabouret. Un jeune homme risquait son doigt à proximité du nez de la jeune personne et nous imaginions le cri et les éclats de rires qui suivraient l'éclatement d'une étincelle entre ces deux jeunes gens. Nous savions que dans les salons parisien, le jeu de la "vénus outragée" faisait fureur. La jeune femme, placée sur un plateau de cire, défendait sa vertu en gratifiant d'un choc électrique le galant qui voudrait lui voler un baiser. Attraction et répulsion, le fluide électrique échauffait l'imagination des adolescents que nous étions et nous faisait rêver de ces cabinets parisiens où le frôlement des étoffes et les parfums capiteux tranchaient avec la tristesse du local où l'abbé nous faisait ses démonstrations.

Le bouquet final du cours d'électricité se réalisait dans la cour du collège. Chaque classe devait se soumettre à l'épreuve du choc électrique délivré par la terrible bouteille dont l'extraordinaire propriété s'était manifestée pour la première fois à Leyde entre les mains du professeur Musschenbroek.

Imaginez un flacon droit de verre mince empli de feuilles d'or sommairement froissées et dont la partie inférieure est couverte d'une feuille d'étain. Le col étroit est fermé par un bouchon de liège enduit de cire et percé d'une tige de fer dont la longue pointe effilée plonge dans les feuilles d'or et dont la partie externe est recourbée sous forme d'un crochet. Cette forme a son importance.

 

La terrible bouteille de Leyde

Il faut ici signaler un canon de mousquet suspendu horizontalement, par le moyen de deux cordons de soie, au dessus de la sphère de verre de la machine. Par l'une de ses extrémités, proche à moins d'un pouce de la surface de la sphère, cette tige recevait de la sphère le fluide électrique libéré par le frottement. La forte charge électrique qui s'y accumulait était disponible pour de multiples expériences. Ainsi, en y suspendant la bouteille par son crochet on faisait prendre à celle-ci une forte charge électrique.

Nous descendions alors dans la cour au centre du collège, notre maître tenant précieusement, par son fond recouvert d'étain, la bouteille préalablement chargée. Prenant la main du plus proche d'entre nous il invitait notre groupe à former une ronde qui se fermait à proximité de la bouteille. Les anciens, attirés par l'événement se massaient aux fenêtres, s'amusant à nous prédire une dangereuse issue. On se battait pour ne pas être le dernier jusqu'au moment où un plus hardi, voulant donner le spectacle de son courage, prenait résolument la tête de la file. Le moment était solennel. L'abbé Bérardier exigeait le silence. Chacun regardait alors avec angoisse la main de notre intrépide camarade s'approchant timidement de la boule qui terminait le crochet de la bouteille. Nous nous préparions à le voir écarter vivement la main après avoir senti la piqûre de  l'étincelle habituelle. Quelle n'était pas alors notre surprise quand tous ensemble nous recevions une violente secousse qui nous secouait le corps et nous coupait la respiration. Le cri lancé en chœur et répercuté par les voûtes du cloître était alors suivi par l'éclat de rires des anciens mimant en grimaçant et en gesticulant le réjouissant spectacle que nous leur avions offert.

La leçon se terminait par une évocation de la foudre dont la décharge électrique libérée par la "bouteille de Leyde" représentait le modèle réduit. L'abbé nous mettait alors en garde vis à vis du danger qu'il y avait à nous réfugier sous un arbre les jours d'orage. Il évoquait aussi cette dangereuse tradition de sonner les cloches pour écarter la foudre des villages. Bien des paroissiens en avaient fait la douloureuse expérience mais la vieille routine avait encore cours chez des populations qui voyaient toujours dans l'éclair l'instrument de la vengeance divine. Il regrettait que les autorités ecclésiastiques aient rejeté son conseil de dresser un paratonnerre au sommet de l'une des tours de la cathédrale de Quimper dédiée à Saint Corentin, ce qui, à n'en pas douter, aurait aidé à vaincre cette superstition.

L'enseignement de l'abbé m'a accompagné quand j'ai rejoint le collège de Navarre à Paris où j'ai eu la chance extrême d'avoir pour professeur l'abbé Nollet. Dans l'amphithéâtre construit pour lui, six cent personnes pouvaient assister à des démonstrations réalisées à partir de son propre matériel où le mariage du bronze, de l'or, de l'ivoire et de l'ébène, ajoutaient encore au merveilleux des phénomènes électriques. Invités parfois aux démonstrations publiques les collégiens que nous étions n'avaient d'yeux que pour les jeunes femmes qui se disputaient les premiers rangs et dont les tenues colorées et les rires sonores exaltaient notre imagination.

Entre la sévère rhétorique et la si brillante physique, mon choix avait été rapidement fait. Les sciences seraient mon univers.

 

Démonstrations de l'abbé Nollet au Collège de Navarre.

xxxxxxxxxxxxxxxx

Voir aussi : Le premier condensateur électrique : la bouteille de Leyde.

Pour l'ensemble du journal voir : Fragments d'un journal trouvé dans le grenier d'une antique maison du quai du Léon à Landerneau.


 

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23 janvier 2018 2 23 /01 /janvier /2018 21:03

L’actualité est riche en contestation des ondes électromagnétiques, qu’elles soient issues des lignes à haute tension, des antennes radio, radar ou téléphoniques.

Pourtant il fut un temps où des médecins transformaient leurs patients en antennes afin de les soumettre à ces ondes supposées bénéfiques.


première mise en ligne : octobre 2012.


Difficile d’imaginer, aujourd’hui, un monde sans radio, sans télévision, sans téléphone portable, sans internet, toutes techniques reposant sur l’émission et la réception d’ondes électromagnétiques.

Théorisées par Maxwell et observées pour la première fois par Hertz, en 1889, elles ont été considérées comme l’un de ces fabuleux cadeaux apportés à l’humanité par la fée électricité.

Electricité et médecins.

A chaque étape de son développement, l’électricité a éveillé l’intérêt de médecins, persuadés qu"un tel fluide ne pouvait qu’être bénéfique au traitement de leurs patients.

William Gilbert (1544-1603), qui a inventé le mot "électricité" à partir du mot grec "elektron" qui désignait l’ambre, était lui-même médecin. En effet, l’ambre faisait encore partie de l’arsenal thérapeutique de son temps et, même si son efficacité était déjà contestée, l’idée d’utiliser ce "fluide électrique" obtenu par le frottement le l’ambre mais aussi de corps aussi ordinaires que le verre et le soufre, était tentante.

Des machines électriques ont été construites dont l’une chassait la précédente dans le cabinet du médecin.

En l’année 1885, la revue La Nature décrit l’installation d’un concentré de machines électriques supposées soigner les patients de l’hôpital de la Salpêtrière à Paris.



Le docteur Romain Vigouroux (1831-1895) qui officiait dans ce service pouvait ainsi "traiter", à la chaîne, 200 personnes par séance.

Notons ici que bains électriques et piqures électriques étaient administrés sous forme de courant continu, négatif ou positif suivant l’imagination du praticien.

Bientôt, les courants alternatifs de haute fréquence mis au point par Tesla, et les ondes électromagnétiques émises par les circuits parcourus par ces courants, allaient trouver de nouveaux adeptes.

Tesla et les courants de hautes fréquence.

Dans une communication faite en mai de 1891, Nicolas Tesla décrivait le procédé d’obtention de ces ondes et quelques unes de leurs propriétés.

L’une, en particulier, était spectaculaire. En tenant, à proximité de l’émetteur, un tube contenant un gaz raréfié, on voyait celui-ci s’illuminer alors que ses extrémités n’étaient reliées à aucun conducteur.


Reproduction de l’expérience de Tesla.


Un siècle plus tard, l’expérience est régulièrement répétée avec un tube d’éclairage au néon à proximité des lignes à haute tension, prouvant ainsi l’existence d’un champ électrique notable dans leur voisinage . Ce qui, en général, n’est pas pour plaire aux riverains.

Darsonval et la "Darsonvalisation"

Jacques Arsène d’Arsonval (1851-1940) est médecin et électricien. Concepteur du premier téléphone homologué par le minsitère des PTT en France, il est le fondateur en 1894 de l’Ecole Supérieure d’Electricité et, dans le même temps, membre de l’Académie de Médecine.

Il met au point une méthode thérapeutique au moyen des courants de haute fréquence qui prendra le nom de "Darsonvalisation". Celle-ci est décrite dans l’ouvrage de son collègue H. Bordier,précis d’électrothérapie, dont il écrit la dédicace.

Dans l’un des dispositif, utilisé par le docteur Bordier, le patient est placé au coeur même de ce qui peut être considéré comme un émetteur d’ondes électromagnétiques de haute fréquence.

Pour répondre aux inquiétudes des populations soumises aux ondes électromagnétiques on trouve toujours, aujourd’hui, une "commission d’experts" pour nous affirmer que ces effets sont imaginaires.

D’Arsonval, quant à lui s’emploie à vouloir prouver que, bien au contraire, les effets sont réels et spectaculaires. Il combat en ce sens l’opinion de ses confrères qui, dit-il, s’ils"n’osent plus contester les vertus curatives de l’électricité, en donnent volontiers encore une explication qui en constitue la négation détournée - Dans la plupart des cas, disent-ils, l’électricité guérit par suggestion.

Cette objection spécieuse n’est plus soutenable, ajoute-t-il. "Pour la réfuter, il fallait montrer par des preuves objectives, de nature exclusivement physique et chimique, que le fonctionnement de la machine animale est profondément modifié par certaines formes de l’énergie électrique."

Le docteur Bordier décrit la méthode de d’Arsonval.

Dans l’Autoconduction " les tissus sont placés dans un champ électrique oscillant, créé par un solénoïde qui entoure de toute parts l’individu. Les tissus vivants sont alors le siège de courants induits extrêmement énergiques, grâce à la fréquence de la source électrique ; ils se comportent comme des conducteurs fermés sur eux mêmes, et sont parcourus par des courants d’induction de grande intensité."

La preuve "objective" d’un effet physique ?

si l’on continue à soumettre, pendant un temps assez long, le sujet à l’auto-induction, on voit la peau se vasculariser et se couvrir de sueur". Par ailleurs " comme l’ont bien établi les expériences de M. d’Arsonval, à l’aide de sa méthode calorimétrique, aussi précise qu’élégante, les courants de haute fréquence augmentent la quantité de chaleur produite par l’homme et les animaux soumis à leur action."

Sur le plan physique, l’observation n’a rien d’étonnant. Les fours à micro-ondes sont l’exemple même des effets possibles de tels courants poussés à leur extrême. Il se dit d’ailleurs que l’ingénieur Percy Spencer, qui a inventé les fours à micro-onde, a eu cette idée alors qu’il travaillait à la construction de magnétrons, éléments des antennes des radars. Etant à proximité d’un radar en activité, il constata qu’une barre chocolatée avait fondu dans sa poche. Plus tard il fera éclater des pop-corns et cuire un oeuf à proximité de la même antenne.

Sans aller jusqu’à cuire son patient, une action thermique de "l’antenne Darsonval" est donc constatable mais pour le reste que peut-on guérir par une telle méthode ?

Tout ! Et particulièrement les maladies "nerveuses" qui sont "à la mode" de l’époque et font le bonheur des Charcot, Freud et autres thérapeutes. Nous n’en donnerons pas ici le détail.

Les modes changent rapidement et bientôt une spectaculaire panacée envahira les cabinets des médecins. Des ondes produites par une simple ampoule à vide et capables de traverser le corps humain : les rayons X !

(voir : Les Rayons X et les rayonnements radioactifs, quand on ne parlait pas encore de principe de précaution..

Pour autant la médecine décrite comme "électrothérapie" fera encore le bonheur de nombreux médecins.


Une installation de Darsonvalisation, La Science et la Vie 1916.


voir aussi :

La maison de la rue Blanche du docteur Félix Allard


Voir aussi :

La reconnaissance de l'électricité médicale et ses "machines à guérir" par les scientifiques français (1880-1930) par Christine Blondel.

Ci dessous, le docteur Vigouroux à la Salpètrière (gravure de Daniel Verge)

 

_______________________________________________________________________

 

Et aujourd’hui ?

La Darsonvalisation a encore ses adeptes :

Voir, par exemple, cette publicité : L’Equilios est un générateur d’ondes électromagnétiques pulsées à haute fréquence de dernière génération.

Cette action électromagnétique fut aussi appelée “darsonvalisation” et utilisée jusqu’au début des années 50. Elle tomba en désuétude avec l’avènement des grands laboratoires pour renaître ensuite avec l’Equilios.

Avec toujours les mêmes propositions miracles des marchands de "pseudo-science".


Que dit la législation ?

INRS :

Imperceptibles, les champs électromagnétiques peuvent avoir des effets sur la santé de l’Homme. Il est donc important de rappeler quelques notions afin d’évaluer le risque lié à l’exposition aux champs électromagnétiques au poste et dans l’environnement de travail. Cette évaluation sert de base pour la mise en place de mesures de prévention permettant de réduire les expositions professionnelles.

Réglementation et risques liés aux champs électromagnétiques :

Voir aussi sur le site de la société française de radioprotection :

Radiosensibilité : variabilité individuelle et tests prédictifs

et son club histoire

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18 janvier 2018 4 18 /01 /janvier /2018 17:00

Monsieur Jean-Jacques Kress a rassemblé et restauré une magnifique collection d'appareils électriques anciens. Il nous a autorisés à en présenter ici l'album photographique. (voir lien).

 

 

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