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23 octobre 2021 6 23 /10 /octobre /2021 11:51

 

Henri Becquerel, Marie Curie : la découverte de la radioactivité.

 

Cette histoire commence en France avec le physicien Henri Becquerel alors qu’il étudie la phosphorescence à partir de composés particulièrement actifs : des sels d'uranium. L'Uranium est connu depuis 1789 quand le chimiste prussien Martin Heinrich Klaporth découvre dans la pechblende, un minerai présent dans certaines mines d'argent, un corps auquel il donne le nom d'Urane en référence à la planète Uranus découverte quelques années plus tôt. Son intérêt pratique est limité. On l'utilise essentiellement pour donner au verre une légère fluorescence verte. C'est pourtant cette modeste propriété qui le fera entrer, avec Henri Becquerel, dans la grande Histoire.

 

En décembre 1895, Wilhelm Röntgen fait connaître au monde l'existence des rayons X dont la propriété est de traverser les corps opaques et de pouvoir impressionner une plaque photographique. L’année suivante Henri Becquerel annonce qu’il a lui même observé que des sels d'uranium enfermés dans une enceinte de plomb peuvent impressionner une plaque photographique placée à proximité. Vient le temps de Marie Sklodowska, jeune Polonaise récemment mariée à Pierre Curie.

 

Elle a décidé de consacrer sa thèse universitaire à la découverte de Becquerel en cherchant à savoir si des corps autres que les composés de l'uranium présentaient la même propriété. C'est ainsi qu'en juillet 1898 elle annonce la découverte d'une nouvelle substance "radio-active" (le terme est d'elle) à laquelle elle donne le nom de polonium en hommage à son pays d'origine. Puis vient la découverte du radium, un composé dont l'activité est alors estimée à 100 000 fois celle de l'uranium.

 

Le Radium apparaît comme un produit miracle. Les rayons X ont déjà été utilisés dans le traitement du cancer, le rayonnement du radium est encore plus efficace. Une nouvelle branche de la médecine va se développer : la médecine nucléaire. En 1909 sera créé en France l'Institut du Radium. Devenu par la suite Institut Curie, il se consacre aux recherches sur l'application de la radioactivité au diagnostic et à la guérison des maladies, en particulier celle du cancer.

 

De la radioactivité à la structure de l'atome.

 

Au moment où se découvre la radioactivité, les atomes ne sont encore considérés que comme des sphères pleines d'une matière qu'on ne puisse plus diviser. Ce sont les expériences menées à partir des corps radioactifs qui amènent rapidement au modèle actuel, celui d'un noyau constitué de particules massives : les protons portant de l'électricité positive, et les neutrons électriquement neutres. Autour de ce noyau, un "nuage" de légères particules négatives, de nombre égal à celui des protons : les électrons.

 

L'ensemble de la science moderne, physique, chimie, biologie, découle de ce modèle. Évènement rare, Marie Curie se verra honorée, pour ses découvertes, de deux prix Nobel l’un en physique, l’autre en chimie. Si la connaissance de la structure de la matière s'était arrêtée à ce stade l'humanité n'aurait pu que s'en réjouir. La légitime curiosité des scientifiques allait cependant ouvrir de dangereux horizons qu'eux mêmes ne pouvaient prévoir. 

 

Quand naît la physique nucléaire.

 

Parallèlement à ces découvertes une nouvelle branche de la science se développe : la physique nucléaire. Chaque élément chimique est d'abord caractérisé par le nombre des protons qui constituent le noyau de ses atomes. Cependant certains atomes d'un même élément chimique peuvent se distinguer par un nombre différent de neutrons. Deux corps de cette nature sont appelés isotopes. Ils ont les mêmes propriétés chimiques mais certaines propriétés physiques différentes. C'est le cas de l'Uranium qui comporte deux isotopes principaux : l'uranium 238 (92 protons et 146 neutrons), le plus courant (99,28%) et l'uranium 235 (0,72%) (seulement 143 neutrons). Les deux sont radioactifs.

 

Rapidement les physiciens se sont souvenus du vieux rêve des alchimistes : transformer le plomb en or. Ne serait-il pas possible d'obtenir cette transmutation en modifiant la composition du noyau des atomes. Par exemple en bombardant les noyaux d'atomes massifs, comme l'uranium, par des neutrons. Ils ne savent pas encore qu'ils se préparent à ouvrir une boîte de Pandore.

 

Tout commence en Allemagne quand deux chimistes, Otto Hahn et Fritz Strassmann, observent que des noyaux d'uranium 235 ayant capturé des neutrons se scindent en deux parties en émettant de l'énergie. C'est la découverte de la fission nucléaire. Lise Meitner et son neveu Otto Frisch calculent le dégagement d’énergie accompagnant la réaction. Elle est énorme ! L'aventure ne s'arrête pas là. A Paris, Frédéric Joliot et Irène Curie constatent que lors de cette fission plusieurs neutrons sont émis qui produiront à nouveau la fission de noyaux voisins, d'où une réaction en chaîne qui peut être explosive. Chacun parmi les physiciens a compris que le monde va entrer dans une nouvelle ère.

 

L'entrée dans l'ère de la violence nucléaire.

 

Une course aux publications et aux brevets est lancée. Frédéric Joliot et ses collaborateurs, Hans Alban, Lew Kowarski, Francis Perrin, déposent trois brevets le 4 mai 1939. L'un d'entre eux expose le détail de la réaction en chaîne et annonce clairement son usage militaire. "On a cherché, conformément à la présente invention, à rendre pratiquement utilisable cette réaction explosive, non seulement pour des travaux publics ou des travaux de mine, mais encore pour la constitution d'engins de guerre (souligné par nous), et d'une manière très générale dans tous les cas où une force explosive est nécessaire".

 

Quatre mois après ce dépôt, l'Allemagne envahit la Pologne, la France et l'Angleterre lui déclarent la guerre. La demande de brevet est mise en sommeil mais une large publicité lui a déjà été faite. Dès le deuxième semestre de 1939 la revue de vulgarisation scientifique française "La Nature" publiait un texte allant même jusqu'à donner des indications quant à la masse critique nécessaire pour déclencher une explosion : une sphère de rayon 0,65m correspondant à 10 tonnes d'oxyde d'uranium. L'article décrivait l'apocalypse qui s'en suivrait (voir) : "On s'imagine aisément quelle catastrophe représenterait une pareille déflagration portant sur 10 tonnes d'uranium ; et équivalant au dégagement instantané de l'énergie de combustion de 25 millions de tonnes de charbon ; l'effet serait sans doute celui d'un violent tremblement de terre ou d'une grande éruption volcanique : tout serait détruit dans un grand rayon autour du foyer de l'explosion". Le scénario de l'entrée dans l'ère de la violence nucléaire était écrit.

 

Hiroshima.

 

On connaît la suite. La fuite des chercheurs européens vers l'Angleterre et les USA. La lettre de plusieurs d'entre eux signée par Einstein et adressée au président Roosevelt. Le projet Manhattan et sa conclusion avec les bombardements de Hiroshima et Nagasaki. "Succès" que le parti communiste s'empresse de revendiquer pour les scientifiques français dans un article du journal l'Humanité en soulignant "la part qu'ont prise les savants français, et en particulier Frédéric Joliot-Curie, dans les travaux et les recherches qui ont permis cette conquête monumentale de l'homme". Conquête monumentale ? Seul Albert Camus sauvait l'honneur des intellectuels français dans un article resté célèbre du journal Combat. Après avoir constaté que "la civilisation mécanique" venait de parvenir "à son dernier degré de sauvagerie", il affirmait qu'il y avait "quelque indécence à célébrer ainsi une découverte qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles".

 

Hiroshima bombardée.

 

Le nucléaire : une obsession française.

 

Qui pouvait alors entendre son message ? A la sortie de la guerre, le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire, n'a qu'une obsession : rétablir la "grandeur" de la France. Le nucléaire qui dispose encore des meilleurs spécialistes du domaine devient, dans son esprit, le principal moyen d'effacer la honte de la défaite et de rejoindre le clan des "grands". Deux mois après Hiroshima était créé le C.E.A (Commissariat à l'énergie atomique) avec pour mission de poursuivre les recherches sur l'utilisation de l'énergie atomique dans les domaines "de la science, de l'industrie" et aussi "de la défense nationale". Sous la direction de Joliot le nouvel organisme s'attachait en priorité aux applications civiles mais en coulisse le lobby militaire s'y préparait à la fabrication de la bombe et obtenait finalement l'éviction de Joliot hostile à cette orientation. Le retour de De Gaulle au pouvoir accélère le processus et amène à l'explosion de la première bombe nucléaire française dans le Sahara. 

 

Du nucléaire militaire au nucléaire "civil".

 

Il est indispensable de souligner l'imbrication totale des programmes "civils" et "militaires" de l'industrie nucléaire. Une phrase n'est pas passée inaperçue dans le discours de Emmanuel Macron en décembre 2020  au Creuzot : "Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil". L'aveu est de taille !

 

La première pile, Zoe, qui entre en fonctionnement en décembre 1948 en France n'a qu'une faible puissance électrique mais elle permet de produire les premiers milligrammes de Plutonium, l'élément nécessaire à la fabrication de bombes nucléaires. Ici un mot sur le plutonium. L'uranium utilisé dans les réacteurs est constitué essentiellement d'uranium 238 non fissile et d'une proportion plus ou moins grande d'uranium 235 fissile. Lors de la réaction de fission de ce dernier, des neutrons viennent frapper les noyaux de l'uranium 238 et produisent un nouvel élément, absolument absent sur terre avant le début de l'industrie nucléaire : le plutonium 239. Celui-ci est lui même susceptible de réaction en chaîne avec une masse critique bien plus faible que celle de l'uranium. (8kg, la taille d'un gros pamplemousse). C'est une bombe au plutonium qui sera larguée sur Nagasaki. Obtenir du plutonium deviendra alors la principale finalité des premières centrales nucléaires construites en France.

 

Le choix par de Gaulle de l'armement nucléaire n'a pas laissé inactifs les adversaires de la force de frappe. Parmi ceux-ci, Joliot investi dans le Mouvement de la Paix, lié au parti communiste alors opposé à la bombe avant de s'y convertir en 1977. En 1963 se crée le Mouvement contre l'armement atomique (MCAA) qui deviendra par la suite le Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (MDPL). Le "cri d'indignation et d'espoir" du biologiste Jean Rostand, son président d'honneur, massivement diffusé sous forme d'un disque 33 tours, a largement popularisé le mouvement de résistance. Dans ce contexte de contestation de la bombe nucléaire, la construction de centrales électriques nucléaires a largement été présentée par ses promoteurs comme "un atome pour la paix", version civile opposée à la version militaire. Publicité efficace qui convaincra même, dans un premier temps, les plus attachés à la défense de l'environnement. Ce sera en particulier le cas en Bretagne lors de la construction de la petite centrale de Brennilis en 1962.

 

EDF commence alors la construction d'une série de réacteurs utilisant l'uranium naturel comme combustible, le graphite comme modérateur et le gaz carbonique sous pression comme fluide caloporteur : la filière graphite-gaz. Ainsi se succèdent, à partir de 1957,  sur le site de Chinon trois prototypes (EDF1, EDF2 et EDF3) puis deux autres à Saint-Laurent-des-Eaux (EDF4 et EDF5) suivis d'un autre à Bugey qui sera le dernier de la série.

 

Avant Tchernobyl et Fukushima, quand la France a frôlé le pire.

 

L'accident nucléaire de Tree Mile Island, en 1979 aux USA, avait largement fait la une des médias internationaux. Il avait donné lieu à une forte mobilisation en France, et en particulier en Bretagne engagée contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff. (voir)

 

 

 

 

Qui aurait pu alors imaginer l'accident survenu le 17 octobre 1969 au premier réacteur de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. Gardé secret pendant quarante-deux ans, il ne sera connu qu'en 2011 après une enquête du journal Le Point publiée sous le titre "Le jour où la France a frôlé le pire". Une mauvaise manipulation lors du chargement du cœur entraîne la fusion de 50 kilos d'uranium. "Je suis allé ramasser l'uranium fondu sous le réacteur avec une raclette. La radioactivité était tellement forte qu'on ne pouvait pas rester plus de deux minutes. En ressortant, on avait pris la dose autorisée pour un an." rapporte un des nettoyeurs parmi les centaines envoyés sur le site. Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Le 13 mars 1980, au moment même où à Plogoff se termine l'enquête publique, une deuxième fusion se produit sur le réacteur n°2. Des centaines de liquidateurs sont à nouveau contaminés, des effluents radioactifs sont évacués dans la Loire. Parmi ceux-ci du plutonium dont on sait que la dose mortelle par contamination se mesure en millionièmes de gramme. Qui alors aurait pu imaginer les accidents de Tchernobyl puis de Fukushima ?

 

centrale de Fukushima après l'explosion.

 

Et qui pourrait imaginer les catastrophes futures, avec des installations nucléaires vieillissantes et mal protégées dans un monde de plus en plus instable ? Pourtant rien ne réussit à faire douter la nucléocratie française qui entend poursuivre son programme.

 

La démocratie bafouée.

 

Ni la population, ni les parlementaires n'ont été consultés quand la décision a été prise d'abandonner la filière française pour celle américaine des PWR de Westinghouse. Pierre Messmer, éphémère premier ministre après le décès de Pompidou, a profité de ce moment d'inter-règne pour lancer le fameux programme qui fera de la France le pays proportionnellement le plus nucléarisé du monde avec ses 58 réacteurs produisant les trois quart de l'électricité consommée.

 

Le 5 octobre 1977, un rapport de la commission des finances de l’assemblée nationale s’attaquait clairement aux choix nucléaires. Le rapporteur général en état M. Edouard Schloesing. Il mettait l'éclairage sur le poids des "grands corps" d’État dans le choix de ce programme : "On sait, disait le rapport, que toute la politique nucléaire française est élaborée et proposée par la commission de production d’électricité d’origine nucléaire (commission dite PEON). Or cette commission est constituée pour une large part par les représentants d’EDF et du CEA ainsi que par les représentants des industriels intéressés à la réalisation du programme. Cette composition en elle-même fait problème. On n’imagine pas que la politique des constructions scolaires soit pour l’essentiel élaborée par les entreprises du bâtiment." On ne pouvait être plus clair.

 

Au même moment, Philippe Simonot dans "Les Nucléocrates" montrait l’emprise des ingénieurs de ces "grands corps", qu’ils noyautent la fonction publique ou qu’ils dirigent le secteur privé. Sur 15 fonctionnaires de la commission PEON, 11 étaient des polytechniciens du corps des mines ou de celui des Ponts. Sur 13 personnalités du secteur privé (Thomson, Péchiney, Alsthom, CGE, Framatome, Creuzot-Loire...) 9 étaient encore polytechniciens. "Les nucléocrates échappent à tout contrôle" soulignait-il "Leur existence et leur pouvoir ouvrent une faille gigantesque dans la démocratie française. Les choix qu’ils ont faits et qui engagent la France au moins jusqu’en 1985, ils n’en répondront devant aucune Assemblée...".


 

Ce sont leurs successeurs qui monopolisent encore les hauts postes dans les ministères et à la tête des grandes entreprises. Ce sont eux qui dictent leur choix au pouvoir politique et qui ont obtenu le lancement du programme EPR qui s'illustre avec le fiasco de la première centrale construite à Flamanville. Ce sont eux qui se mobilisent à nouveau, en cette fin d'année 2021, pour une relance du nucléaire en France.


A nouveau le temps du mépris.

 

Mardi 8 décembre 2020. Illustration de son mépris pour la population comme pour les institutions parlementaires, Emmanuel Macron a choisi le site de la forge de Framatome pour "dire à la filière nucléaire tout le bien qu’il pensait de cette énergie (Le Monde)" et annoncer son projet de relance d'un nouveau programme de construction de centrales nucléaires EPR.


 

En préalable à sa visite au Creuzot il avait donné un interview, destiné à un jeune public, dans le média internet Brut. Comment leur faire parvenir un message pro-nucléaire ? L'argument de l'indépendance énergétique ne tient plus. Les importations de pétrole et de gaz naturel n'ont jamais été aussi importantes. Quant à l'uranium, faut-il rappeler que la sécurisation de ses sources en Afrique, implique la France dans des conflits armés dont personne ne peut prévoir l'issue. Oubliée donc l'indépendance énergétique.


 

Pour influencer une jeunesse sensibilisée par la lutte contre le réchauffement climatique Emmanuel Macron n'hésitait pas à tirer sur la dernière des grosses ficelles imaginées par le lobby nucléaire  : "La France produit une électricité qui est parmi les plus décarbonée au monde. Grâce à quoi ? Grâce au nucléaire", osait-il. Message auquel il était très facile d'en opposer un autre par cette jeunesse, mieux informée que le président ne l'imaginait : "La France est en retard dans le développement des énergies renouvelables. La faute à quoi ? La faute au nucléaire !". Car oui, la France peut se passer du nucléaire pour répondre au défi climatique.


Les énergies renouvelables, nous en avions rêvé.

 

Le moment est venu de rappeler qu’en décembre 1979 était publié le "Projet Alter Breton" pour une Bretagne sans pétrole et sans nucléaire. L’équipe de rédacteurs était composée de scientifiques de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Institut d’études marines (IEM), du Centre national pour l’exploitation des océans (CNEXO), de l’Université de Bretagne occidentale (UBO). Ce plan s’appuyait sur un triptyque qui est toujours d’actualité : économies d’énergie, efficacité énergétique et recours aux énergies renouvelables (vent, soleil, biomasse et marées) dans un cadre décentralisé. "Il est temps décidément de tuer des mythes qui ont la vie dure", celui d’un "modèle de développement industriel" sensé apporter le bonheur à l’humanité. Un modèle de société qui "transforme l’ensemble des secteurs de l’économie pour réaliser un objectif : la croissance par la production massive de biens industriels. On produit et on vend n’importe quoi pourvu que ça rapporte. Qu’importe si les matières s’épuisent, si certaines régions sont véritablement laminées par ce rouleau compresseur...". A la place était proposée une société capable de satisfaire ses besoins tout en stabilisant sa consommation. Une société qui ne fasse pas de la croissance un critère de réussite économique et sociale. Une société qui s’affirme solidaire de tous les peuples du monde.

 

Plusieurs projets n'attendaient que d'être mis en œuvre après l'abandon de Plogoff, comme celui de l’association "Plogoff-alternatives" porteuse d’un projet de "maison autonome". On avait des raisons d'y croire après l’élection de François Mitterrand, peu avare de promesses en ce sens dans une lettre datée du 24 avril 1981 adressée au comité de défense de Plogoff.

 

"La politique de l’énergie que je mettrai en place reposera sur la recherche d’une croissance d’économie en énergie et sur la diversification de nos sources d’approvisionnement. Les crédits économisés par la réduction du programme nucléaire permettront d’augmenter fortement les moyens accordés aux économies d’énergie et aux énergies nouvelles. Ces investissements, à la différence du programme nucléaire, sont décentralisés, fortement créateurs d’emploi et réduisent tout de suite nos importations."

 

On connaît la suite. Plogoff c'est fini annonce Louis Le Pensec, ministre de la mer, à l’issue du premier conseil des ministres du gouvernement Mauroy, le 28 mai 1981. Mais hélas, hormis Plogoff, le programme nucléaire entamé par Giscard sera mené jusqu'au bout par le nouveau pouvoir socialiste. Oubliées les promesses de loi-cadre et de référendum sur la politique énergétique. Les travaux reprendront à Golfech, à Chooz, à Flamanville, à la Hague. Nous y étions pour protester aux côtés des militantes et militants locaux. Nous nous sommes encore mobilisés jusqu’à la victoire quand reviendront sur le tapis des projets de centrales nucléaires en Bretagne, à Saint-Jean-du-Doigt (29), à Plouézec (22), au Carnet (44) près de Saint-Nazaire et les projets d’enfouissement de déchets nucléaires à Quintin (22) et Fougères (35).

 

Et les énergies nouvelles ? Oubliées elles aussi. Rien pour le financement du projet de maison autonome de Plogoff. Rien pour aider les centres de recherches associatifs nés pendant la lutte. Rien pour aider les pionniers tentés par l’énergie éolienne. Les nucléocrates au sommet de l’Etat et leurs relais dans les partis majoritaires ne laisseront aucun espoir aux partisans des alternatives.

 

Quarante ans après, la France peine à combler son retard sur les pays voisins. Il a fallu attendre 2015 pour que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l'Ademe) et la Direction générale de l’énergie et du climat du ministère de l’écologie publient un rapport qui prouve qu’il est possible en France de sortir du nucléaire et d’arriver, à moyen terme, à un mix électrique 100 % renouvelables. Lueur d’espoir tout de même, la conscience d'une nécessaire alternative aux énergies fossiles et nucléaire progresse enfin dans la population.

 

Ce n'est qu'un début, le combat continue.

 

Malgré les forces de répression déployées à chaque manifestation, malgré la collusion de l'ensemble des partis institutionnels favorables au programme nucléaire, droite et gauche confondus, la mobilisation s’est développée. La répression violente de la manifestation de Malville n'a pas arrêté la contestation sans laquelle la fermeture du surrégénérateur Super-phénix n'aurait pas été obtenue en 1997. La poursuite des Travaux à Flamanville n'a pas découragé les militants du CRILAN qui ont empêché que les déboires de la construction de l'EPR ne soient restés occultés. Sans les incursions de Greenpeace sur les sites nucléaires que saurions nous de leur fragilité et des risques qu'ils font courir en cas de malveillance. Comment sans le CRIRAD aurait été dénoncée la fable du nuage de Tchernobyl s'arrêtant à nos frontières. Sans la mobilisation transfrontalière, la centrale de Fessenheim serait-elle arrêtée aujourd'hui. Sans la pression de l'opinion publique les gouvernements successifs se seraient-ils engagés à la réduction de 75 % à 50 % du poids du nucléaire d’ici 2025. La mesure est insuffisante, bien éloignée de l'engagement de nos voisins allemands de sortir définitivement du nucléaire. On peut douter de sa sincérité après l'annonce de la relance des EPR.

 

Mais la fin de l'histoire n'est pas encore écrite. La sortie du nucléaire reste l'objectif. Avec l'espoir qu'un accident majeur ne viendra pas, auparavant, confirmer nos craintes. 

 


 

 

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