« Je vais vous dire qui est mon adversaire. Mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu. Et pourtant il gouverne. »
« Cet adversaire, c’est le monde de la finance. »
La phrase allait propulser François Hollande, lors de son meeting du Bourget, vers la victoire aux présidentielles. Chacun pouvait alors imaginer que les lobbies, en particulier ceux de l’énergie, allaient devoir compter avec le nouveau président.
Quatre mois après son élection à l’Élysée, le 14 septembre 2012, il inaugurait la première des conférences environnementales dont il annonçait la reconduction chaque année. Plus fort que Sarkozy ! Il ne s’agissait surtout pas, insistait-il, de refaire un Grenelle où « l’ambition initiale a été perdue au fil du temps et une nouvelle fois l’économie a été opposée à l’écologie ».
On n’allait pas faire dans la demi-mesure !
« L’enjeu, celui qui nous rassemble, c’est de faire de la France la Nation de l’excellence environnementale.
C’est un impératif pour la planète. Comment admettre la dégradation continue des ressources et du patrimoine naturel du monde, comment ne pas voir les effets du réchauffement climatique qui n’est pas une opinion ou une hypothèse, mais un fait scientifique ? Comment ne pas comprendre que le creusement des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres constitue à l’échelle du monde un risque majeur ? Comment rester impassible face aux atteintes irréversibles à la biodiversité ? Comment laisser croître notre dette écologique envers les autres ? La question se résume finalement ainsi : serons-nous solidaires des générations à venir ou trop cupides, trop avides pour laisser à nos enfants un fardeau encore alourdi du poids de nos égoïsmes ? »
L’Europe s’est engagée à réduire à l’horizon 2020 les émissions de gaz à effet de serre de 20 %, à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie et à réduire la même consommation d’énergie de 20 %. Insuffisant ! Je suis prêt, déclare-t-il à aller plus loin : « Une stratégie ambitieuse sur un objectif de réduction de 40 % en 2030 puis de 60 % en 2040, telle est la position que je défendrai dans le cadre des prochaines discussions au sein des instances européennes. » A nouveau, donc, la France et son président allaient donner des leçons au Monde !
L’excellence environnementale, version Hollande/Ayrault.
En mai 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait nommé Nicole Bricq ministre de l’Écologie, une sénatrice connue pour son combat contre le gaz de schiste. Un signe positif vis-à-vis de ses alliés écologistes entrés au gouvernement. Mais la lune de miel n’allait pas durer longtemps. Un mois plus tard elle était débarquée. La raison : elle avait voulu geler les permis de forages pétroliers en Guyane et réformer le code minier.
Immédiatement, les lobbies pétroliers, les élus guyanais et le Medef étaient montés au créneau. Elle était rapidement exfiltrée vers le ministère du Commerce extérieur. Mauvais départ pour le champion de « l’excellence environnementale ».
Place à Delphine Batho.
Nommée à son tour à l’écologie, Delphine Batho était présente au moment de la première conférence environnementale. Inévitablement le problème des gaz de schiste se devait d’être à l’ordre du jour : « Reste le sujet des hydrocarbures non conventionnels : le gaz de schiste, qui soulève bien des passions, bien des questions. J’entends les arguments économiques, ils existent et les considérations, souvent exagérées, sur l’ampleur des gisements. Mais soyons clairs, dans l’état actuel de nos connaissances, personne, je dis bien personne, ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huile de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et pour l’environnement.
C’est pourquoi, j’ai demandé à Delphine Batho, ministre de l’Écologie, de prononcer - sans attendre davantage - le rejet des sept demandes de permis déposées auprès de l’État, et qui ont légitimement suscité l’inquiétude dans plusieurs régions de France. S’agissant de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, telle sera ma position durant le quinquennat. »
Delphine Batho prend bonne note du mandat que lui a donné le chef de l’État.
Munie d’une telle feuille de route, Delphine Batho n’avait pas à hésiter : finis les gaz de schiste. Cependant la presse faisait déjà état d’informations indiquant que le gouvernement pourrait « entrouvrir la porte » à l’exploration expérimentale de gaz de schiste et qu’il pourrait « donner un gage à Total et aux industriels » en créant une commission réunissant toutes les parties prenantes, qui serait chargée de définir les conditions d’une telle exploration expérimentale. « Ce sont des spéculations imaginaires qui sont sans fondement » avait tranché Delphine Batho.
Brefs tours de piste au ministère de l’Écologie.
Les lobbies des énergies fossiles n’avaient pourtant pas renoncé à leur projet et restaient très actifs dans les couloirs ministériels. En juillet 2013 elle était à son tour débarquée. Officiellement pour avoir contesté publiquement le budget de son ministère. Argument peu crédible car bien avant elle d’autres ministres, Arnaud Montebourg, Cécile Duflot, avaient tenu des propos bien plus irrespectueux de la solidarité gouvernementale. En réalité elle dérangeait. Interrogée par le journal en ligne Reporterre elle s’interrogeait sur le rôle qu’avait joué sur son licenciement Philippe Crouzet, patron de l’entreprise Vallourec fortement impliquée dans le gaz de schiste, et dont l’épouse, Sylvie Hubac était directrice du cabinet du Président de la République. Elle faisait état des propos tenus par celui-ci, quinze jours avant son limogeage, devant des patrons américains, qui évoquaient déjà son départ. Rumeur largement commentée dans les milieux parisiens « bien informés ».
Elle est brièvement remplacée par Philippe Martin, député du Gers, qui s’emploiera à détricoter le travail de sa prédécesseure avant d’être remplacé, le 2 avril 2014,par Ségolène Royal qui n’arrive pas au ministère avec l’intention de faire figuration.
L’écologie permissive de Ségolène Royal.
Pour frapper les esprits et se démarquer de ces écologistes antinucléaires, antipesticides, antibagnoles, il lui fallait un slogan et elle l’a trouvé : « non à l’écologie punitive ». AREVA, EDF, Monsanto, Total... ne pouvaient qu’applaudir, ils n’en demandaient pas tant. Place donc à « l’écologie permissive ». Même si officiellement les recherches de gaz de schiste étaient abandonnées, on apprenait qu’en septembre 2015 les ministres de l’Écologie, Ségolène Royal, et de l’Économie, Emmanuel Macron, accordaient trois nouveaux permis de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux en Seine-et-Marne, dans le Bas-Rhin et dans la Marne. Dans le même temps ils prolongeaient deux autres autorisations jusqu’à fin 2018, en Moselle et sur l’île de Juan de Nova, entre Madagascar et le Mozambique.
Mais le moment fort du ministère de Ségolène Royal sera sa gestion calamiteuse de la crise de l’écotaxe. Interrogée pendant la crise des gilets jaunes, elle ne manquait pas de rappeler son refus de cette écologie consistant à augmenter les taxes sur les carburants et en particulier le gasoil.
Fort heureusement, les médias lui rappelaient le temps où elle se félicitait d’avoir été la ministre à l’origine de l’augmentation de ces mêmes taxes, en particulier celles sur le gasoil.
Quand Ségolène Royal taxait le gasoil.
« Diesel et “écologie punitive” : les amnésies de Ségolène Royal », titrait le journal Le Monde du 24 octobre 2018. Celui-ci se souvenait que, en janvier 2016, interrogée à l’Assemblée nationale sur sa politique énergétique, elle avait rappelé que, en 2015, étant ministre de l’Écologie, elle avait étendu la taxe carbone à l’ensemble des produits pétroliers avec une augmentation plus importante pour le gazole que pour l’essence et une hausse supplémentaire, spécifique au gazole, de 2 centimes d’euros par litre afin de financer les investissements dans les transports propres. Au total, concluait-elle, « la hausse s’élève, pour le gasoil, à 4 centimes par litre ». Cette évolution, ajoutait-elle,« amorce une convergence entre la fiscalité du gasoil et celle de l’essence ».
Ces gilets jaunes que, trois ans plus tard, elle s’emploie à flatter, se souviennent-ils qu’elle est la responsable de la taxe sur l’essence et le gasoil contre laquelle ils manifestent. Cette taxe qu’elle avait instaurée pour remplacer la fameuse « taxe poids lourds » qu’elle avait supprimée. C’est ce que nous allons leur rappeler dans les pages suivantes.
Les Tartuffes et le climat. Des bonnets rouges aux gilets jaunes.
Un scandale politique et environnemental : l’affaire de l’Écotaxe.
Les années Hollande c'est aussi Sivens et la mort de Rémi Fraisse.
Voir : Rémi Fraisse, 10 ans après : l’État meurtrier n’a pas étouffé le feu de la révolte
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Pour aller plus loin voir :
De Chirac à Macron. Les Tartuffes et le Climat.