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15 décembre 2013 7 15 /12 /décembre /2013 15:25

De quand date l’usage du charbon ? Le nom est réputé être issu du latin carbo signifiant braise. Le charbon serait donc une "braise éteinte", à moins qu’une braise ne soit elle-même qu’un "charbon ardent".

 

Une chose est certaine, le charbon qui a accompagné les sociétés humaines dans leur développement matériel était ce que nous distinguons aujourd’hui comme "charbon de bois" pour le différencier de notre "charbon" contemporain qui n’était à l’origine qu’un "charbon de terre" peu valorisé.


Au début était le charbon de bois.

 

En découvrant le feu, les humains ont nécessairement découvert les braises et le charbon de bois. Le charbon des restes des foyers est d’ailleurs la meilleure façon de les dater en utilisant la propriété radioactive du carbone 14.

 

Si la cuisine ou même la poterie pouvaient se contenter de la chaleur d’un feu de bois, les débuts de la métallurgie, ou la fusion du verre, nécessitaient des températures élevées qui pouvaient plus facilement s’obtenir par un feu de charbon de bois alimenté par l’air d’un soufflet.

 

Premier "métal" utilisé par l’homme pour ses outils, ses armes, ses bijoux, le bronze, alliage de cuivre et d’étain est attesté en Egypte dès –2550. Dans la chronologie admise en Europe, les "âges du bronze" européen s’étalent des environs de –2000 jusqu’à –750, date à laquelle commence "l’âge du fer". La fonte du bronze a besoin du charbon de bois pour atteindre les températures, supérieures à 900°C, nécessaires à l’opération.

 

Quand le fer remplace le bronze, les besoins en charbon de bois s’accroissent au même rythme que celui de la diffusion de ce métal.

 

L’industrie métallurgique et la grande époque des charbonniers.

 

Nous ne détaillerons pas ici les techniques de la métallurgie, nous les avons déjà largement évoquées quand nous avons parlé de Stahl, de Lavoisier et de la querelle du Phlogistique. Notons simplement que la métallurgie est d’abord un "art du feu" qui commence par la fabrication du charbon de bois. A l’époque médiévale et jusqu’au 18ème siècle, la proximité d’une forêt était tout aussi nécessaire que celle des minerais pour que s’installent des forges.

 


La construction des meules de charbon de bois
Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751)


 

Dans les clairières fumaient les meules, pyramides recouvertes de terre, dont il fallait mener la combustion de main de maître, pendant plusieurs journées, pour que le bois se transforme en charbon sans se consumer totalement.

 

A la fin du 18ème siècle le développement de la métallurgie crée la pénurie. Pierre-Clément de Grignon est "Maître de Forge" à Bayard sur Marne et Inspecteur Général des usines à feu sous Louis XVI. On lui attribue l’invention du mot sidérurgie. En 1775, regrettant la "perte irréparable" des forêts par des sidérurgistes incompétents, il publie des "Mémoires de Physique sur l’art de fabriquer le fer" dans le but d’y remédier.

 

"Les forêts s’appauvrissent et se détruisent par l’excès d’une consommation abusive. Quel intérêt la société n’a-t-elle pas de découvrir des moyens de conserver un bien si précieux, si nécessaire et si indispensable à nos Manufactures ? L’on y peut parvenir par une sage administration ; mais plus efficacement en économisant le charbon dans les travaux qui ont pour objet la réduction des mines (minerais) et leur métallisation, par la juste application des lois de la pyrotechnie dans la construction des fourneaux qui en consomment immensément ; puisqu’un seul fourneau consomme ordinairement en une année le produit de deux cents arpents de bois de l’âge de vingt-cinq ans : il y a en France près de six cents fourneaux de fonderie, c’est cent vingt mille arpents par an".

 

Un arpent valant sensiblement ½ hectare, ce sont donc soixante mille hectares de bois qui disparaissent chaque année. Il propose donc le plan d’un fourneau permettant d’économiser un cinquième du charbon habituellement utilisé.

 


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Plan d’un fourneau économe en charbon de bois.
Grignon, Mémoires de Physique sur l’art de fabriquer le fer, 1775.


Grignon est aussi un spécialiste en fabrication de charbon de bois. "Il en est de durs, de doux, de violents" écrit-il. Ils n’ont pas le même comportement selon qu’ils sont issus du chêne ou d’autres essences, qu’ils ont poussé sur des coteaux calcaires ou des montagnes granitiques. Le métallurgiste devra en tenir compte.

 

Mais qu’est-ce que le charbon ? Le chimiste viendra bientôt au secours du manufacturier.

 

Les chimistes et le charbon.

 

Avec Stephen Hales (1677-1761) nous avons rencontré le chimiste qui, le premier, a "distillé" du bois, des huiles et une multitude de matières organiques pour en extraire les "airs" qui, pensait-il, y étaient fixés et en constituaient la part essentielle. A la fin de cette opération, un résidu noir solide restait dans la cornue. Ce produit avait la propriété de pouvoir se consumer dans l’air sans flamme et en produisant une forte chaleur. C’est à ce corps que Hales donnait le nom de charbon.

 

Pour Macquer (1718-1784) le charbon est du "phlogistique fixé" : "une partie du Phlogistique contenu dans les matières animales et végétales, lorsqu’on fait brûler ces matières en les empêchant de s’enflammer, se joint intimement avec leur partie terreuse les plus fixes, et forme un composé qui ne peut se consumer qu’en rougissant et scintillant à l’air libre, sans jeter de flamme : on a donné à ce composé le nom de charbon".

 

Propriété essentielle de ce charbon pour l’adepte de Stahl qu’est Macquer : "il est très-propre à transmettre à d’autres substances le Phlogistique qu’il contient".

 

Lavoisier, adversaire du Phlogistique, y voit, quant à lui, un nouvel élément chimique. Contrairement à Hales et Macquer, il conservera le nom de charbon pour la matière brute ainsi nommée dans le commerce. Il désignera, dans un premier temps, par "substance charbonneuse" "le charbon dépouillé d’air inflammable aqueux, de terre et d’alcali fixe". Nous avons vu qu’il donnera ensuite à cette "substance charbonneuse" le nom de carbone.

 

Nous avons cité Stahl comme le premier à avoir noté le rôle "chimique" du charbon dans la réduction des minerais en métaux. (voir : Georg Ernst Stahl, l’élément Feu et le Phlogistique.)

 

Une observation ancienne aurait pu amener aux mêmes conclusions : celle du caractère explosif de la poudre noire et du rôle du charbon dans ce phénomène. Car, avec la métallurgie, la fabrication de poudre a été l’une des principales opérations industrielles liées au charbon de bois.

 

Lavoisier, le charbon et la poudre noire.

 

La poudre noire a été inventée en Chine et est connue pour avoir été utilisée comme arme aux alentours du 7ème siècle. Elle est réputée avoir été importée en occident par Marco Polo au 13ème siècle. C’est un mélange explosif de salpêtre, de soufre et de charbon de bois.

 

La poudre noire intéresse directement Lavoisier qui occupait la fonction de régisseur des poudres à une époque où, déjà, la science acceptait de se mettre au service de la guerre.

 

Dans un texte daté de 1793, et destiné à être publié dans l’Encyclopédie Méthodique, Lavoisier traite donc "Du charbon considéré chimiquement". Ce texte est une bonne synthèse des connaissances auxquelles il est parvenu sur le carbone et sur sa combinaison avec l’oxygène.

 

Dans cet article, qui s’adresse en priorité aux artilleurs et aux ingénieurs des manufactures de poudre, le mot "charbon" est encore utilisé, à la place de carbone. Il précise donc qu’on donne le nom de charbon "à une substance combustible noire qui reste de la distillation du bois, et en général des végétaux, ou bien qu’on en retire en les brûlant à l’air libre, et en arrêtant la combustion par suffocation".

 

La suite du mémoire traitera de la qualité des différents charbons de bois. En l’occurrence il doit combattre un préjugé. Le seul charbon autorisé pour la préparation de la poudre royale était celui réalisé avec le bois de "Bourdaine" :

 

"On a longtemps employé le saule, écrit-il, et on y avait été déterminé sans doute par sa légèreté et par la facilité de s’en procurer ; mais une ordonnance du Roi du 4 avril 1686 prescrit de n’employer à l’avenir que la bourdaine. La rareté de ce bois dans quelques provinces a obligé le conseil à prendre des précautions particulières pour assurer à l’administration des poudres les quantités de ce bois qui lui sont nécessaires ; mais il y a quelque lieu de craindre que le choix prescrit par l’ordonnance de 1686 n’ait pas été déterminé par des expériences assez décisives".

 

Ces expériences qui manquaient, il les réalise et après avoir testé la qualité calorifique de différents charbons, il aborde la question suivante : quel est le rôle du charbon dans la poudre noire ? La réponse nous ramène à la propriété expansive des gaz. Dans la réaction violente du carbone avec l’oxygène du salpêtre, Lavoisier explique que la rapide expansion des gaz qui en résulte, et en particulier celle du dioxyde de carbone, est responsable du phénomène d’explosion.

 

"Rien n’est plus facile d’après ce qu’on vient d’exposer que d’expliquer ce qui a lieu dans la détonation du nitre et, en général, dans toute détonation. Ce phénomène consiste dans la conversion subite et instantanée d’un corps solide en un fluide élastique aériforme"

 

Des évaluations faites des volumes gazeux obtenus, "on peut conclure, dit-il, sans rien exagérer, que le fluide élastique qui se dégage de la détonation tend à occuper à l’instant de l’inflammation un espace au moins 2000 fois plus grand que n’occupait le salpêtre".

 

La poudre n’a pas nécessairement une application militaire. Elle est utile à l’exploitation de mines et des carrières. On tentera aussi de l’utiliser dans le cylindre des premiers moteurs à "explosion".

 

Au moment où Lavoisier rédige ce mémoire ce sont d’abord les armées qui en réclament.

 

Un "rapport du comité de salut public sur la nécessité d’augmenter la fabrication d’armes, de salpêtre et de poudre, pour accroître tout à coup, dans une grande proportion, les moyens de défense de la République et d’exterminer ses ennemis", daté du 1er février 1794, se félicite d’avoir " rassemblé les hommes les plus éclairés de Paris dans la chimie et dans les arts chimiques". Un "nouvel art" de fabriquer la poudre "est sorti, disent-ils, tout entier et presque porté à sa perfection de la réunion fraternelle et patriotique ainsi que des veilles des artistes et des savants." (voir p.246).

 

Pourtant, le savant de Paris, le plus éclairé "dans la chimie et les arts chimiques", le régisseur des poudres qui avait fait de sa fabrication un "art" industriel, mourait sur l’échafaud trois mois plus tard, le 8 mai, emporté par le tourbillon révolutionnaire.

 


L’explosion de la poudrerie de Grenelle le 31 août 1794, quelques mois après la mort de Lavoisier, fera 1000 morts. (document ministère de l’écologie)

 

 

 

Coup d’œil sur le charbon de bois aujourd’hui.

 

Pour en revenir au charbon de bois, essentiellement utilisé aujourd’hui, dans les sociétés industrialisées, pour alimenter le barbecue des jours d’été, il y a retrouvé une image plutôt sympathique. Mais serait-il menacé ? Le Journal Officiel de la République française du 20 janvier 2011 publie une question écrite d’un sénateur des Côtes-d’Or adressée à la "Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable" au sujet de l’industrie française du charbon de bois. Son intervention, dont le but est, entre autres, de faire la promotion d’une entreprise de son département, débute par un éloge appuyé :

 

"Excellent réducteur, le charbon de bois "haut de gamme" carboépuré, conforme à la norme AFNOR, à destination de la restauration et des barbecues, est à nouveau très demandé, de même que pour la production "d’aciers écologiques ". En effet, le charbon de bois est une ressource renouvelable qui, en brûlant, libère moins de dioxyde de carbone que le charbon fossile. Le secteur du charbon de bois à usage industriel est donc en plein essor".

 

Mais alors où est le problème ?

 

Les producteurs de charbon de bois utilisent essentiellement les "dosses" des scieries. Ce sont les premières et dernières planches couvertes d’écorce et inutilisables en menuiserie. Mais voilà : avec le développement du bois-énergie, les scieurs installent des broyeurs et commercialisent ces dosses sous forme de copeaux ou de granulés. La matière première manque donc aux charbonniers.

 

Réponse prudente de la ministre, c’est "l’Europe" qui impose cette politique : "L’importance croissante du bois comme source d’énergie s’inscrit dans le plan national en faveur des énergies renouvelables établi en application de l’article 4 de la directive 2009/28/CE de l’Union européenne. Dans ce contexte qui s’impose à la France, celle-ci a fait le choix d’un développement raisonné et encadré des énergies renouvelables". Noter les prudents "raisonné" et "encadré".

 

Pour "articuler le développement des énergies renouvelables avec la pérennité des filières existantes, notamment de production de matériaux, de chimie du végétal (c’est nous qui soulignons) ou de carbonisation" la ministre annonce donc "la mobilisation de la ressource sylvicole de 21 millions de mètres cubes de bois supplémentaires à l’horizon 2020".

 

La Forêt, nouveau pétrole de la France ? "Trois tonnes de bois d’élagage équivalent à une tonne de fioul ; une tonne de bois consommée en substitution du fioul correspond à une tonne de CO2 évitée" indique une publication de l’Agence Régionale de l’Environnement de Haute-Normandie. La "mobilisation de la ressource sylvicole" équivalente, en moyenne, à une production de 12 millions de tonnes de bois ferait donc économiser 4 millions de tonnes de fioul, à comparer aux quinze millions de tonnes de fioul domestique actuellement consommés annuellement en France. Rendez-vous est pris en 2020 !

 

A noter aussi, dans la question du sénateur, la référence à la production "d’aciers écologiques" par du charbon de bois.

 

Ecologique ? On se souvient de l’Angleterre déboisée par sa sidérurgie au 18ème siècle et de Grignon, Maître de Forge, en France, déclarant en 1775 que "les forêts s’appauvrissent et se détruisent par l’excès d’une consommation abusive". On sait aussi qu’il existe, encore, des installations sidérurgiques importantes fonctionnant au charbon de bois. C’est le cas du Brésil, 9ème producteur mondial d’acier, qui reste le seul pays au monde à produire 35% de la fonte et de l’acier qui sort de ses fours, à partir de ce charbon issu, pour l’essentiel, des forêts amazoniennes ou de plantations d’eucalyptus. On estime, cependant, que 60% de ce charbon est produit par des structures "clandestines" dans des conditions sociales dégradées et dans une forêt déjà menacée par un déboisement en faveur des productions agricoles à vocation industrielle. Ce "verdissement" industriel serait-il vraiment "écologique" ?

 

N’oublions pas, cependant, que le charbon de bois est encore, avec le bois, une des sources essentielles de combustible domestique dans une large partie de la Planète. La FAO (Organisation des Etats-Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture) nous indique que la production mondiale de bois de chauffage s’est élevée à 1 891 millions de m³ en 2011 et que près de 49 millions de tonnes de charbon de bois ont été produits la même année. (voir rapport)

 

 

Deux milliards de personnes dépendent du bois comme source de chauffage. En Afrique, le bois, brut ou sous forme de charbon, représente de l’ordre de 70% de l’énergie utilisée. La consommation de charbon de bois de cette région représente 59% de la production mondiale et supplante peu à peu le bois. Cette énergie renouvelable est donc indispensable. On constate pourtant déjà qu’elle devra être exploitée avec mesure. On imagine aisément les effets, là aussi, d’une déforestation accélérée sur l’économie et l’écologie de ces pays et la nécessité d’y développer des sources d’énergies renouvelables complémentaires ou alternatives comme le recours à l’énergie solaire.

 

Quoi qu’il en soit, le bois et le charbon de bois, énergies des temps anciens, ont encore un bel avenir dans une société plus sobre et plus soucieuse de la qualité de son environnement naturel.

 

Ne pas oublier aussi un produit de la distillation du bois : le gaz d’éclairage.

 

XXXXXXXXXXXXX

 

Du bois pour les gazogènes. De l’éclairage jusqu"aux automobiles.

 

L’observation du dégagement "d’esprits" lors de la distillation de bois a été signalée, dès la fin du 17ème siècle par plusieurs scientifiques. Nous citerons à nouveau Stephen Hales et sa Statique de Végétaux (1735). Considérant que l’air fournissait l’essentiel de la matière des plantes, il avait entrepris d’en distiller une multitude. Exemple : un morceau de chêne.

 

"Un demi pouce cubique ou 135 grains d’un cœur de chêne fraichement coupé d’un arbre vigoureux et croissant, produisit 128 pouces cubiques d’air ; c’est-à-dire, une quantité égale à 216 fois le volume du morceau de chêne".

 

Comme il le souhaitait, de nombreux chimistes poursuivirent ses recherches sur les "airs" dégagés dans ces distillations.

 

Philippe Lebon invente le gazogène.

 

On rapporte qu’en l’année 1791, un jeune ingénieur issu de l’école des Ponts et Chaussées, Philippe Lebon (1767-1804), ayant placé une fiole de verre contenant de la sciure de bois sur un feu vif, observa que la "fumée" qui sortait de l’orifice du flacon s’enflammait quand on en approchait une bougie.

 

L’observation n’était pas nouvelle mais l’idée d’en faire une application industrielle mit le jeune homme dans un véritable état d’exaltation. Dans la cour de la maison de son père, à Brachay en Haute-Marne, il réalisa l’équivalent d’une cornue, construite de briques et fortement chauffée par un fourneau placé au-dessous. Les vapeurs qui se dégageaient étaient conduites dans une première cuve pleine d’eau, qui y recueillait les produits solubles et les goudrons, avant de sortir à l’air libre. Les gaz, enflammés donnaient une flamme très vive. Encouragé par ce premier résultat il perfectionna sa méthode et, en 1799, obtenait un brevet "pour exploiter un système d’éclairage désigné par le terme de thermolampe". Faute d’obtenir des pouvoirs publics un soutien suffisant il décidait d’en équiper son domicile et d’inviter les Parisiens à venir le visiter.

 

Après le succès de cette publicité, une première installation industrielle était réalisée dans la forêt de Rouvray, prés du Havre. La méthode commençait à faire ses preuves quand le jeune inventeur perdait la vie dans des conditions dramatiques. Ayant été invité, en tant qu’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, au sacre de Napoléon 1er le 2 décembre 1804, il était assassiné en traversant ce qui est aujourd’hui les Champs Elysées mais qui était alors un espace malfamé.

 


La mort de Lebon. Louis Figuier, Les Merveilles de la science.T4.


 

Ainsi se terminait en France une première expérience d’éclairage au "gaz hydrogène carboné", ainsi que l’avait nommé Lebon. Elle devait nous revenir d’Angleterre quelques années plus tard mais à partir de la houille. Nous en reparlerons.

 

Gazogène à bois, le retour.

 

Le gazogène à bois, tel qu’inventé par Philippe Lebon, avait l’avantage, sur celui utilisant la houille, de ne faire appel qu’à une énergie disponible, bon marché, renouvelable et utilisable en période de pénurie.

 

Des moteurs à explosion, des véhicules, ont été équipés de gazogènes. Ils pouvaient avoir une chance de succès à un moment où "l’essence de pétrole" était encore une denrée rare.

 

Cette rareté s’est particulièrement fait sentir pendant et après les guerres du début du 20ème siècle. On retrouve alors la vertu du bois, transformé en charbon de bois, pour l’alimentation de moteurs en "gaz pauvre". En réalisant une combustion du charbon dans une atmosphère sous-oxygénée on obtient du monoxyde de carbone CO qui peut donner un mélange explosif avec l’oxygène de l’air dans le cylindre d’un moteur en se transformant en dioxyde de carbone CO2.

 

La revue La Nature de mars 1922 consacre un article au gazogène Cazes, l’un des plus célèbres de l’époque.

 

Principaux atouts avancés : sa faible consommation. Un camion de quatre tonnes de charge utile consomme "seulement" entre 80 et 100 kg de charbon de bois aux 100 kilomètres et de 75 à 100 litres d’eau pour la vaporisation et le lavage des gaz.

 

Il semble surtout intéressant pour les gros porteurs. Il équipe par exemple les tracteurs Latil. Utilisés pendant la guerre de 1914-1918 pour tracter les canons, ils ont été reconvertis dans le civil. Un tracteur Latil de 20 tonnes utilisé pour transporter du bois et équipé d’un gazogène aurait fait économiser 40 000 francs de l’époque à son propriétaire.

 


Tracteur Latil équipé d’un gazogène.
Collection Christian Latil


 

Les produits pétroliers, dont la France est particulièrement dépourvue, restent coûteux. Le gazogène continuera donc à apparaître comme une solution.

 

La Direction Générale des Eaux et Forêts est particulièrement intéressée à la promotion de ce système. Tous les ans, de 1921 à 1939, elle organise, avec l’Automobile Club de France, des concours et des raids de véhicules à Gazogène. En 1925, la Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Orléans et le Comité de la Forêt du Loir-et-Cher, organisaient un "Congrès du bois et du charbon utilisés comme carburants". En 1929 c’est la Compagnie de Chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) qui organise à son tour à Lyon un "Congrès du carbone végétal". L’un des intervenants y expose que la production française de charbon de bois est de 300 000 tonnes dont plus de 100 000 sont exportées et affirme qu’une meilleure utilisation des bois de petit diamètre permettrait de multiplier la production par cinq. En 1936, la société Panhard fait la publicité d’une "automotrice à gazogène à charbon de bois".

 


 


On ne compte plus les initiatives pour populariser ce type de carburant. En 1937, vingt véhicules dont sept camions lourds s’affrontent sur un circuit de 1700 kilomètres à l’occasion du Rallye des Eaux et Forêts. En 1938 on dénombre 6000 véhicules à gazogène, 19 autorails, plusieurs dizaines de péniches, plus de 3000 moteurs fixes.

 

Le système fait le bonheur des colonies françaises. Jusqu’en 1950 des gazogènes fournissent la vapeur qui fait tourner les génératrices électriques qui alimentent les villes de Conakry et Abidjan.

 

La guerre de 1939-45 donne un nouvel essor aux gazogènes. A la fin du conflit, sur les 100 000 véhicules utilitaires qui fonctionnent encore en France, 89 000 sont équipés de gazogènes. On estime que pendant la période de guerre, l’utilisation du bois a permis l’économie de 1 500 à 1000 tonnes de produits pétroliers.


Véhicule à gazogène pendant la guerre 39-45.


Retour aux sources ?

 

Le retour du bois-énergie se fait également sous forme de gaz mais, plutôt que d’utiliser du charbon de bois pour fabriquer du "gaz pauvre", on préfèrera la méthanisation qui, en utilisant des déchets organiques sans valeur marchande, fait travailler gratuitement des bactéries et permet une cogénération chaleur/électricité. On commence même à voir, dans certaines villes, des bus dont les moteurs utilisent le méthane issu des déchets urbains.

 


pour aller plus loin voir :

 

 

Un livre chez Vuibert.

 

JPEG - 77.7 ko

Dérèglement climatique, fonte des glaces, cyclones, sécheresses...

 

Coupable : le dioxyde de carbone. Pourtant sans ce gaz il n’y aurait aucune trace de vie sur Terre.

 

L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone
et celle du CO2.

 

L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.

 

Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.

 

Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.

 

Seront-ils entendus ?
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