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19 décembre 2023 2 19 /12 /décembre /2023 12:53

Une étude d’une grande ampleur montre que la concentration de CO₂ dans l’atmosphère provoquée par l’humanité est inédite depuis plus de 14 millions d’années. Une évolution aux nombreuses conséquences, à court et à long terme.

Voir : https://reporterre.net/Climat-la-concentration-de-CO%E2%82%82-est-inedite-depuis-14-millions-d-annees?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

 

 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 15:57

 

Jean-Baptiste Van-Helmont (1579-1644) est né à Bruxelles, alors ville des Pays-Bas espagnols. Après des études de philosophie à l’université du duché de Brabant, il étudie l’astronomie, l’algèbre, la géométrie. Il se tourne ensuite vers la médecine. Rejetant les enseignements de Hippocrate et de Galien, il s’inspire de la médecine introduite par Paracelse (1493-1541) et les alchimistes. Celle-ci faisant intervenir des remèdes essentiellement issus du monde minéral.

Van Helmont, qui se disait "philosophe par le feu", occupe une part capitale, soulignée par Lavoisier, dans la naissance de la chimie académique. Pourtant c'est d'abord un adepte de la pensée alchimique. Ce qui lui vaudra, en 1634, d'être inquiété par l'Inquisition, très active dans cette possession espagnole.

L'alchimiste blasphémateur.

Van Helmont fait partie de ces partisans d'une "magie naturelle" qui, sans refuser l'existence de phénomènes étranges, cherche à les expliquer par des raisons "physiques" et non pas mystiques. La raison officielle de son procès pour "hérésie, blasphème, impiété et magie", est l'une de ses publications, "De magnetica", où il est fait mention d'un "magnétisme animal" qui pourrait agir à distance. Inquiétante pour l’Église était, en particulier, sa prétention de vouloir expliquer, ainsi, les guérisons miraculeuses provoquées par les reliques. Celles-ci conserveraient des traces du magnétisme animal de leur ancien propriétaire. Celui-ci serait en permanence réactivé par la foi des croyants. Avec une telle explication, Dieu et les Saints agiraient suivant les lois de la Nature et y perdraient leur pouvoir surnaturel.

La citation à paraître du tribunal de l'Inquisition était sur ce point explicite, le "De Magnetica" de Van Helmont était rempli "d'une quasi-infinité d'exemples pris au domaine même de la magie diabolique qui sont présentés comme naturels […] Il recouvre tout de ténèbres à tel point que l'on ne peut distinguer l'opération de Dieu, de la nature et du diable…"

Étant issu d'une famille de notables, Van Helmont échappera au sort de Giordano Bruno à Rome (1600) et de Lucilio Vanini à Toulouse (1619), tous deux condamnés au bucher pour hérétisme. Il ne finira pas, non plus, sa vie, comme Galilée, dans une prison ecclésiastique.

Son tempérament "hérétique" continuera à se manifester par son refus de l'orthodoxie jusque dans ses opinions chimiques. Ce sont elles qui nous ramènent, après cette digression, au sujet principal de notre récit qui est la traque de ce corps qu'un jour nous désignerons par la formule H2O.

En cette fin de 16ème siècle, l’Église a maintenu la philosophie d’Aristote comme base de son enseignement, traditionnellement désigné par le terme de scolastique. La théorie des quatre éléments en est un des éléments qui ne peut être mis en doute. Et pourtant !


Jean-Baptiste Van Helmont : il n’existe qu’un sel élément, l’Eau.

 

Les « Œuvres de Jean-Baptiste Van Helmont, traitant des principes de médecine et physique pour la guérison assurée des malades » sont publiées en France en 1671 sous la traduction de Jean Le Comte, docteur en médecine.

Il s’y singularise, particulièrement, par son une opposition à la théorie des quatre éléments de Platon et Aristote : "Les Anciens, dit-il, ont établi les quatre éléments pour fondement de la nature, & attribuent toutes leurs opérations aux qualités et aux complexions qui résultent de leur mélange. Comme cette doctrine a été nourrie et continuée dans les écoles de siècle en siècle, pour l’enseignement de la jeunesse au préjudice des mortels, aussi faut-il tâcher d’en réprimer l’abus afin qu’on puisse dorénavant reconnaître les erreurs qui se sont glissées par-là envers la cause des maladies."

 

Que faudrait-il à présent enseigner dans les « écoles » ? Que tous les corps qu’on a cru être mixte, "de quelque nature qu’ils puissent être, opaques ou transparents, solides ou liquides, semblables ou dissemblables (comme pierre, soufre, métal, miel, cire, huile, cerveau, cartilages, bois, écorce, feuilles, etc.) sont matériellement composés de l’eau simple et peuvent être totalement réduits en eau insipide sans qu’il y reste la moindre chose du monde de terrestre".

 

Il ne se contente pas d’affirmer, il entend le prouver ! Notons qu’il est contemporain de Galilée traditionnellement présenté comme le père de la physique expérimentale. Dans le domaine de la biologie, il pourrait lui-même revendiquer ce titre. C’est en faisant appel à l’expérience qu’il entend convaincre ses contemporains.

Ainsi nous révèle son traducteur,  "il prit un grand vase de terre, auquel il mit 200 livres de terre desséchée au four qu’il humecta avec de l’eau de pluie. Puis il y planta un tronc de saule qui pesait cinq livres. Cinq années après le saule, qui avait cru en ladite terre, fut arraché et se trouva pesant de 169 livres et environ 3 onces de plus.

Le vaisseau était fort ample, enfoncé en terre, et couvert d’une lame de fer blanc étamé percé, en forme de crible, de force petits trous afin qu’il n’y ait que l’eau de pluie ou l’eau distillée seule (de laquelle la terre du vaisseau était arrosée lorsqu’il en faisait besoin) qui y puisse découler. Les feuilles ne furent point pesées parce que c’était en automne quand les feuilles tombent que l’arbre fut arraché.

Il fit derechef ressécher la terre du vase et la terre ne se trouva diminuée que d’environ deux onces qui s’étaient pu perdre en vidant ou emplissant le vaisseau. Donc il y avait 164 livres de bois, d’écorce et de racines qui étaient venues de l’eau."

 

Si l’excès de poids du saule ne provient pas de la terre, d’où pourrait-il provenir sinon de l’eau. En toute logique, affirme-t-il : "La terre, la fange, la boue, & tout autre corps tangible tirent leur véritable matière de l’eau et retournent en eau tant naturellement que par art".


L’intermédiaire du Gas Silvestre.

Le raisonnement semble imparable. Pourtant, si l'eau est indispensable à la croissance des plantes (qui en contiennent plus de 80% de leur poids), il faudra de longues années avant que le rôle du dioxyde de carbone, notre CO2 atmosphérique, soit reconnu comme étant leur autre aliment dans le processus de la photosynthèse.

C’est pourtant encore une observation de Van Helmont qui mettra plusieurs de ses successeurs, dont Lavoisier, sur la bonne voie. Il observe que tous les corps ne se transforment pas immédiatement en eau. L’exemple le plus remarquable est celui du charbon dont il affirme que, pendant sa combustion, il libère un "esprit sauvage nommé gas". Cet esprit constituerait d’ailleurs l’essentiel du charbon, car, dit-il "soixante deux livres de charbons consumés ne laissent guère plus d’une livre de cendres. Donc les soixante livres de surplus ne seront qu’esprit".

Ce "gas silvestre", cet esprit sauvage, Van Helmont le retrouve dans une multitude d’observations. Il se dégage dans les fermentations du vin, de l’hydromel, du pain qui lève. Il s’échappe de la poudre à canon qui s’enflamme. Ce "gas" fait par ailleurs une entrée peu chaleureuse dans l’univers chimique. C’est à lui que Van Helmont attribue, avec justesse, les effets funestes de la grotte du chien dans la région de Naples, les suffocations des ouvriers dans les mines ou des vignerons dans les celliers où le vin fermente.


 

Du « gas » de Van Helmont au « gaz » de Lavoisier, toute une histoire.


Lavoisier a noté l’intérêt des œuvres de Van-Helmont. Il relève que le mot "gas" vient du mot hollandais ghoast que le français pourrait traduire par « esprit ». Il ajoute que les Anglais "expriment la même idée par le mot ghost et les Allemands par le mot geist". Quant à lui, dans le premier chapitre de son Traité élémentaire de chimie publié en 1789 il en fait l’un des trois états de la matière : "presque tous les corps de la Nature sont susceptibles d’exister sous trois états différents ; dans l’état de solidité, dans l’état de liquidité et dans l’état aériforme […] Je désignerai dorénavant ces fluides aériformes sous le nom générique de gaz". Solide, liquide, gaz, tel sont donc les trois états de la matière reconnus depuis Lavoisier. Quels corps, mieux que l’eau, peut en être l’exemple le plus représentatif.


Pour ce qui est de la théorie de Van Helmont, elle n’aura pas de succès. Celle des quatre éléments est bien ancrée. Parmi ceux-ci, l’eau aura la vie la plus longue. Si nous savons aujourd’hui qu’elle résulte de la composition de deux corps, l’hydrogène et l’oxygène, il faudra encore plusieurs écueils à franchir avant de découvrir l’existence de ces deux corps. Ce sera le résultat d'une "course aux airs" que se livreront les chimistes des siècles suivants.


 


 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 15:26

Si on ne peut citer une date pour les débuts de l'alchimie, on peut citer un lieu : Alexandrie. La ville grecque d’Égypte, créée en –331 par Alexandre le Grand, occupée par les romains avant d'être conquise par les Arabes, est un creuset où fusionnent les traditions issues de l’Égypte, de la Mésopotamie, de l'Assyrie, de la Perse, de la Grèce, voire même de l'Inde et de la Chine.Une tradition largement répandue indique que le nom même de l'alchimie serait d'origine égyptienne. Le mot kemi (terre noire) aurait donné le nom de kemet par lequel les Égyptiens désignaient leur pays. Transmise par les Arabes, la science de la "Terre Noire" serait devenue al-kemi.


 

Le creuset d'Alexandrie.


 

Alexandrie est restée célèbre pour sa bibliothèque. Il se raconte que son premier bâtisseur, Ptolémée 1er (-367 ; -283), général d'Alexandre devenu pharaon d'Égypte, et ses successeurs, faisaient venir, de l'ensemble du monde connu par eux, tous les livres que les marins pouvaient leur apporter afin de les traduire en langue grecque. Au besoin, il se dit aussi qu'ils "empruntaient" pour les recopier tous ceux qu'ils trouvaient sur leurs bateaux. La bibliothèque aurait contenu jusqu'à 700.000 volumes au temps de la conquête de la ville par César. Sa destruction ultérieure laisse le champ libre à de multiples hypothèses. Le conflit entre César et Pompée, des troubles internes à la cité lors de conflits religieux, la conquête de la ville par les Arabes au milieu du septième siècle et son possible incendie… tous ces événements se partageraient la culpabilité de l'avoir réduite au rang de mythe.

 

Principaux accusés de cette destruction, ce sont pourtant les lettrés de langue arabe tel le Perse Avicenne (Ibn Sina ; 980-1037) ou l'Andalou Averroes (Ibn Rushd ; 1126-1198) , qui, en traduisant dans leur langue les textes rescapés, feront connaître ce qui avait pu être sauvé de l'héritage égyptien et grec. En particulier nombre de recettes artisanales, de modèles de la matière, de symboles astrologiques, de textes ésotériques ou religieux... qui alimenteront ce qui deviendra l'alchimie. Ce n'est donc pas un hasard si c'est à l'arabe "al kemi" ou encore "al kimiya" qu'est attribuée l'origine du terme alchimie. En Europe, il apparaît dans le latin médiéval sous la forme alchimia ou chimia.

Chimie et alchimie, écrites encore Chymie et alchymie, seront longtemps synonymes. Les "chymistes" médiévaux n'utilisaient d'ailleurs pas couramment le terme et se décrivaient plutôt comme philosophes ou physiciens. Ce sont leurs successeurs du 18ème siècle qui, se déclarant seuls chimistes authentiques, choisiront de faire la promotion de leur discipline en faisant du mot alchimie le symbole de la confusion qu'ils attribueront, souvent injustement, à leurs prédécesseurs. En effet, transformer le plomb en or : telle est l’image qui, encore à notre époque, est associée aux alchimistes et marque la frontière entre alchimistes et chimistes. Si elle rejette les premiers dans les ténèbres de la magie, force est, pourtant, de reconnaître que leur héritage est loin d’être négligeable.


Outre son nom, l'origine arabe de l'alchimie se manifeste encore dans notre vocabulaire contemporain par quelques mots rescapés : alcool, élixir, alcalin, soude, ammoniaque, nitre, natron… et surtout le nom d'un instrument majeur : l'alambic. Car c'est d'abord un laboratoire que nous livre l'alchimie. L’alambic qui permet les distillations y occupe la première place.

Le fourneau qui équipe la laboratoire de Lavoisier (1789), à droite,

n'est pas très différent de celui de l'alchimiste Glauber (1659), à gauche.

Les eaux, liqueurs, huiles, flegmes… le principal héritage de l’alchimie.


 

La recherche illusoire de la transmutation du plomb en or a certes discrédité les alchimistes qui s'y livraient, mais n'y aurait-il pas une certaine ingratitude à renier ces prédécesseurs qui ont transmis à leurs héritiers le mode préparatoire de la préparation d'une multitude de corps utiles, en particulier, sous forme d’esprits, d’eaux et d’huiles. Et d’abord nombre d'acides essentiels pour la "dissolution" des corps et l'obtention de sels propres à de multiples usages. Ainsi leur devons nous l'acide chlorhydrique (esprit de sel), l’acide sulfurique (huile de vitriol), l'acide nitrique (eau forte). Le mélange de ces deux derniers donnant "l'eau régale" capable de dissoudre l'or.

Les symboles, l’autre héritage. 

Noter aussi que si la chimie est l’univers des « formules » nous le devons à l’alchimie dont les symboles ont traversé les siècles. Elle les a reçus d'antiques traditions issues de la Mésopotamie, de l'Assyrie, de la Perse, de l’Égypte et même la Chine ou l'Inde.

Notons d’abord sa représentation des quatre éléments par une série de triangles : le Feu et l’Air (pointe vers le haut) , l’Eau et la Terre pointe vers le bas .


 


 

Nous pouvons y ajouter les trois principes métalliques supposés être les composants nécessaires à la pierre philosophale : le soufre , le mercure , le sel , ainsi que les métaux eux-mêmes, représentés par les signes représentant les Planètes.


 


 

Il est certain que l'un des objectifs de ce symbolisme était de rebuter le profane. Glauber, proposant de donner la recette de "La teinture de l'or ou véritable or potable" l'annonce d'emblée :

"je ne veux pas jeter les perles devant les pourceaux, j'en veux seulement montrer le chemin aux étudieux, et qui cherchent le travail de Dieu et Nature ; et sans doute ils entendront mes écrits, mais non point un ignorant et qui n'est point expert" (Glauber Jean-Rudolphe, La teinture de l'or ou véritable or potable, Paris 1659)

Ces symboles seront conservés par les chimistes jusqu'à la fin du 18ème siècle. On les trouve même encore représentés dans la "Méthode de Nomenclature Chimique", nouvelle bible de la chimie moderne, publiée en 1787 par Guyton de Morveau, Lavoisier, Berthollet et Fourcroy.  

Méthode de nomenclature chimique ( Extraits, 1787)

La représentation des corps chimiques sous forme de symboles, est donc bien l'un des acquis de l'alchimie, même si nous sommes encore bien loin des formules introduites par le Suédois Jöns Jacob Berzelius au début du 19ème siècle.

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 14:22

La théorie des quatre éléments d'Aristote aurait-elle eu la même postérité si, avec Hippocrate (IVème siècle avant notre ère) et Galien (IIème siècle) elle n'avait eu son équivalent dans la médecine. Hippocrate est contemporain de Platon dont la théorie des quatre éléments a été plus tard reprise, modifiée et complétée par Aristote. Avec Hippocrate l’élément « eau » prend un relief particulier. On a essentiellement retenu de lui sa théorie des quatre "humeurs".  Humeurs, au sens primitif de liquides, qui sont supposées circuler dans l'organisme humain. Chacune se verra attribuer les qualités de l'un des éléments d'Aristote :

  • la bile jaune, chaude et sèche comme le feu.

  • la bile noire (encore appelée mélancolie ou atrabile), froide et sèche comme la terre.

  • le flegme (pituite ou lymphe), froid et humide comme l'eau.

  • le sang chaud et humide comme l'air.

 

 

Leur équilibre est la condition d'une bonne santé. L'excès de l'une d'entre elles induit quatre "tempéraments" : colérique (bile jaune), mélancolique (bile noire), flegmatique (flegme) ou sanguin (sang). Des remèdes découlent du modèle. Au "sanguin" on déconseillera la chaleur du vin, surtout pendant l'été, saison pendant laquelle domine le caractère cholérique de la bile jaune. Au mélancolique froid et sec, de caractère terrestre, on conseillera des aliments chauds et humides, de caractère aérien, dont le choix dépendra de l'inspiration et de la notoriété du prescripteur. En effet, les plantes, elles-mêmes n'échappent pas aux quatre éléments. L'orge, humide et froide, est la base de nombreux régimes alimentaires. Dans les épices le feu dominera, l'oignon aura le caractère aérien, chaud et humide, le melon tiendra de l'eau, la betterave de la terre...Se diffuse ainsi une diététique des quatre éléments, ignorant glucides, lipides, protides et vitamines mais dont le principe, "l'aliment est le premier des médicaments", retrouve une certaine vigueur aujourd'hui.

Si un bon régime alimentaire est la base d'une bonne santé, celui-ci n'exclut pas la maladie. Celle-ci étant supposée résulter d'un déséquilibre des humeurs il importait de le rétablir. La méthode la plus simple consistant à évacuer les humeurs excédentaires. Purger par le haut et par le bas. Pratiquer des saignées. Le remède étant, hélas, souvent pire que le mal. La doctrine et ses méthodes se sont pourtant imposées des siècles durant. Elle s'est diffusée largement à partir du deuxième siècle par l'intermédiaire de Galien, né à Pergame, ville d'Asie Mineure et haut lieu de la médecine non seulement à cause de sa bibliothèque, riche en particulier des écrits hippocratiques, mais aussi de son temple consacré au dieu de la médecine Asclépios (Esculape). En Occident elles se diffusent en traduction latine. En Orient, à Alexandrie, Pergame, Constantinople, elles ont continué a être lues en grec avant d'être traduites en syriaque et en arabe. Ce sont par ces traductions qu'elles nous reviennent, en particulier par le creuset du monde Andalous. Deux noms méritent d'être associés à la diffusion de la pensée hippocratique : Avicenne (Ibn Sina) et Averroes (Ibn Rochd).

La doctrine a perdu sa valeur médicale. Elle a cependant laissé des traces. Dans notre vocabulaire contemporain, le mot "tempérament" désigne une tendance psychologique. Le mot "humeur", ne désigne plus un liquide mais l'état psychique du moment. Se "faire une bile noire", avoir un comportement "flegmatique", ou encore se sentir "mélancolique", sont un héritage de l'ancienne doctrine.

Dürer. La Mélancolie. 1514.

Un condensé de symbolisme pythagoricien, platonicien, hippocratique, alchimique…


 


 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 13:53

 


 

Aristote (-384 ; -322) est un personnage qu'on ne peut évoquer en quelques lignesRetenons simplement qu'il a été le disciple de Platon à l’Académie et le précepteur de Alexandre le Grand. Avoir eu un tel maître et un tel élève indique assez sa position dans la société de son temps.

Il expose ses idées sur les propriétés de la matière dans son traité "de la Génération et de la corruption".

 

Des quatre éléments aux quatre qualités :


 

Bien que considérant, comme ses prédécesseurs, Empédocle et Platon, qu'il existe quatre éléments fondamentaux, il critique la façon dont ils les conçoivent. Rechercher les principes des corps, affirme-t-il, c’est rechercher ceux qui sont sensibles aux sens. Et parmi ceux-ci seul le toucher peut parvenir à une bonne information. Qu’apprenons nous en touchant un corps ? Les sensations que nous recevons se décrivent toujours, dit-il, par des oppositions. Ce corps est-il "chaud ou froid, sec ou humide, lourd ou léger, dur ou mou, visqueux ou friable, rugueux ou lisse, épais ou fin" ?

 

De tous ces couples, Aristote demande de ne retenir que le chaud et le froid ainsi que l’humide et le sec car, dit-il, "les autres oppositions dérivent de ces premiers contraires". Il est évident pour lui que "le visqueux relève de l’humide, puisque le visqueux est une sorte de liquide ayant subi une certaine action, comme par exemple l’huile. Mais le friable relève du sec, puisqu’il est complètement sec, au point que sa rigidité peut être considérée comme un effet du manque d’humidité". De même le mou relève de l’humide et le dur du sec. Aussi conclut-il : "Il est donc évident que toutes les autres différences peuvent être ramenées aux quatre premières qui, elles, cependant, ne peuvent pas être réduites à un plus petit nombre car le chaud n’est pas la même chose que l’humide et le sec, ni l’humide la même chose que le chaud ou le froid, pas plus que le froid et le sec ne sont subordonnés ni entre eux ni au chaud ou à l’humide. Il n’y a donc nécessairement que ces quatre différences premières".


 

Ainsi décrète Aristote. Et il ajoute que six couples de ces qualités premières sont possibles  mais qu'on ne peut en retenir que quatre car, dit-il, "Comme il y a quatre éléments, et que les combinaisons possibles entre quatre termes sont au nombre de six ; comme, cependant, les contraires ne peuvent pas être combinés entre eux, le chaud et le froid, le sec et l’humide ne pouvant se confondre en une même chose, il est évident qu’il n’y aura que quatre combinaisons d’éléments, à savoir celle du chaud et du sec, du chaud et de l’humide, du froid et de l’humide, de froid et du sec.  Ceci est une conséquence logique de l’existence des corps qui apparaissent simples, le feu, l’air, l’eau et la terre. Le feu, en effet, est chaud et sec, l’air est chaud et humide, étant une sorte de vapeur, l’eau est froide et humide, le terre est froide et sèche".


 

 

La "croix" d’Aristote rencontrera un succès durable.


 

 

Le modèle pourra même être enrichi de la dualité masculin/féminin. Ainsi le feu, sec, chaud, sera le caractère masculin, tandis que l'eau, humide, froide, sera féminine.


 

"Il faut dire maintenant de quelle manière s’opère la transformation réciproque et s’il est possible que tout corps simple naisse de tout corps simple, ou si cela est possible pour certains corps et impossible pour d’autres. " poursuit Aristote.


 

Tout se transforme.


 

Et il ajoute qu'il considère comme "évident qu’en général tout élément peut être engendré naturellement de tout élément, et il n’est pas difficile désormais d'observer comment le phénomène a lieu pour chaque élément particulier. Tous viennent en effet de tous". Illustration : « Ainsi le feu se transformera en air par le changement de l’une des deux différences. L’un est en effet chaud et sec, l’autre chaud et humide, de façon qu’il suffit que le sec soit dominé par l’humide pour qu’il y ait de l’air. L’air à son tour se transformera en eau quand le chaud est dominé par le froid, puisque l’un est chaud et humide et l’autre froid et humide, de telle sorte qu’il suffit que le chaud change pour qu’il y ait de l’eau. De la même manière l’eau peut se transformer en terre et la terre en feu, car les deux couples d’éléments ont des rapports réciproques. L’eau est en effet froide et humide, la terre froide et sèche, de façon qu’il suffit que l’humide soit dominé par le sec pour qu’il y ait de la terre. D’autre part le feu étant sec et chaud, la terre froide et sèche, si le froid est détruit, de la terre viendra du feu » .

 

 

Si les polyèdres de Platon qui, comme nos modernes "mécanos" ou légos", se démontent et se recombinent en d’autres figures, peuvent prêter à sourire, les éléments d'Aristote semblent décrire une réalité observable. Chauffer de l’eau, c’est à dire y faire agir la chaleur du feu, ne donne-t-il pas de l’air (la vapeur d’eau invisible dont on voit les bulles rejoindre l'atmosphère). La chauffer encore et le "sec" du feu fera apparaître de la terre (le dépôt solide qu’on ne manquera pas de trouver à la fin de l’opération dans le vase ayant contenu le liquide). Nous verrons que le modèle traversera les siècles et qu’il a fallu Lavoisier, plus de deux millénaires plus tard, pour prouver que l’eau ne peut pas se transformer ni en air, ni en terre.


 

Un modèle d'une grande puissance évocatrice.


 

Pendant près de vingt siècles, ce modèle restera effectivement en vigueur dans le monde occidental. Il faut reconnaître qu'il présente une force évocatrice indéniable. Comment "théoriser" le simple travail d'un potier ? Il utilise la terre : celle, d'abord, dont il construit son four. Celle, ensuite, qu'il sait choisir pour en faire naître des objets utilitaires ou rituels. Il la combine à l'eau afin d'en obtenir une pâte à la consistance idéale. Il sait faire agir le feu et doser l'air du soufflet. Il connaît le rôle exact de chacun des éléments ainsi que la manière de les utiliser.


 

Le verrier, le métallurgiste, à des variantes près, procèdent de même. En 1556, L'Allemand Georg Bauer, dit Agricola, publie sous le titre De re metallica le premier ouvrage d'importance sur le travail du métallurgiste. Décrivant l'art de la fusion, il se réfère explicitement à la théorie classique :

"Cela est la manière de procéder fondeurs qui excellent à maîtriser les quatre éléments. Ils ne jettent pas dans le fourneau, plus qu'il ne convient, de minerai mêlé de terre ; ils versent de l'eau chaque fois qu'il en faut ; ils règlent avec justesse le souffle des soufflets ; ils placent le minerai dans le feu, à l'endroit où il brûle bien."


 

 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 13:14

Platon (-428 ; -358), figure majeure de la philosophie antique, a choisi de mettre en scène sa pensée au travers de dialogues. Dans celui désigné sous le titre de Timée, il met en scène quatre personnages :  Socrate, Critias, Timée et Hermocrate. "L’intelligence est le partage des dieux, et, parmi les hommes, d’un bien petit nombre" déclare-t-il. A l’évidence ces quatre personnages font partie des heureux élus. En particulier Timée qu’il présente comme "citoyen de la république très policée de Locres en Italie, ne le cédant pour la fortune et la naissance à aucun de ses concitoyens" et plus encore ayant "été revêtu des plus hautes dignités de sa patrie" et étant parvenu "au point le plus élevé de la philosophie".


 

Écoutons donc Timée.

 

Rompant avec l'anarchie des anciens dieux réfugiés sur l'Olympe, il nous instruit d’abord de l’existence d’un Dieu unique auteur et père de de l’Univers. Quelle est sa nature ? "C’est une grande affaire que de le découvrir, dit-il, et après l’avoir découvert, il est impossible de le faire connaître à tous". Certainement ne chercherons-nous pas à faire partie des heureux élus appelés à cette connaissance, tant de brillants cerveaux s’étant employés, au fil des siècles, à décrypter le message de Timée. Retenons que ce Dieu de Platon, règne d'abord sur l'Univers des Idées inaccessibles à la pensée commune et dont le monde matériel ne révèle qu'une faible illustration. 

 

Dieu, donc, a créé le monde réel à partir des quatre briques élémentaires annoncées par Empédocle. Mais, nous prévient Platon, quand "Dieu entreprit d’organiser l’univers, le feu, l’eau, la terre et l’air offraient bien déjà quelques traces de leur propre forme,mais étaient pourtant dans l’état où doit être un objet duquel Dieu est absent. Les trouvant donc dans cet état naturel, la première chose qu’il fit, ce fut de les distinguer par les formes et les nombres".

 

Un dieu géomètre et mathématicien.

 

Le dieu de Platon est celui que nous avait déjà annoncé Pythagore. Il est géomètre et mathématicien. La légende veut que, au fronton l'Académie, l'école qu'il avait créée à Athènes, Platon ait fait inscrire la phrase " Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre".  Ce Dieu affectionnerait particulièrement les nombres et les figures géométriques.  Parmi celles-ci, le nombre 3 et le triangle qui sont, par ailleurs, des symboles forts dans de nombreuses cultures et religions. La beauté étant, avec le bonté, la caractéristique de Dieu, Parmi ces triangles Platon en désigne deux comme les plus beaux.

 

Le premier est le triangle rectangle isocèle. Angle droit, deux côté égaux, c’est aussi la figure d'un carré, autre belle figure, divisé par sa diagonale. Quant à l’autre : "nous jugeons que parmi cette multitude de triangles il y a une espèce plus belle que toutes les autres, et pour laquelle nous les laissons toutes de côté, savoir celle dont deux forment un troisième triangle qui est équilatéral". Le triangle équilatéral, avec ses trois côtés et ses trois angles égaux est certainement l’une des figures de triangle les plus remarquables. Divisé en deux par une de ses hauteurs, il se présente sous forme de deux triangles rectangles dont le grand côté, l'hypoténuse, est le double du plus petit des côtés de l'angle droit. C’est à ce triangle rectangle particulier et au triangle équilatéral que Platon attribue la beauté suprême.

 

Pourquoi ce choix ? "c’est ce qui serait trop long à dire" avoue Platon par la voix de Timée "mais si quelqu’un découvre et démontre que cette espèce n’a pas la supériorité, il peut compter sur une récompense amicale". Le pari a-t-il été relevé ? Quelqu'un a-t-il osé contester la suprême beauté d’un triangle rectangle isocèle ou celle d’un triangle équilatéral ? Pour Platon la cause est entendue : c’est à partir de ces belles figures que Dieu ne pouvait manquer de structurer le monde.

 

Un corps c'est d'abord un volume. Quels beaux volumes la géométrie nous offre-t-elle ? Pythagore,ses disciples et ses successeurs, ont déjà exploré ce territoire et fait connaître les polyèdres réguliers, c’est à dire ces volumes dont toutes les faces sont identiques. Ils sont au nombre de cinq.

 

Ce sont des triangles équilatéraux qui servent à construire les trois premiers. Le plus simple, le tétraèdre, est une pyramide à quatre faces. Vient ensuite l’octaèdre à huit faces puis l’icosaèdre à vingt faces.

 

 


 

 

 

 

 

 

 

Viennent ensuite le cube à six faces carrées et le dodécaèdres à douze faces pentagonales.

 

 

 

De ces solides, nous dit Timée, "celui qui a le moins grand nombre de bases doit nécessairement être le plus mobile, le plus tranchant et le plus aigu de tous et aussi le plus léger", c’est donc la forme du feu. Le second sera celle de l’air et le troisième celle de l’eau. En quatrième position vient le cube, ou hexaèdre, aux six bases carrées. "Donnons à la terre la figure cubique", propose Platon. "En effet, des quatre genres la terre est la plus stable, de tous les corps c’est le plus facile à modeler, et tel devait être nécessairement celui qui a les bases les plus sûres


 

Ainsi se présentent les quatre éléments qui constituent l'ensemble des corps. Pour répondre à qui prétendrait ne pas avoir observé ces différentes formes dans la nature, Il faut "se représenter tous ces corps comme tellement petits que chacune des parties de chaque genre, par sa petitesse,échappe à nos yeux, mais qu’en réunissant un grand nombre, leur masse devient visible" ajoute Timée/Platon.

 

Tout se transforme.

 

Il imagine aussi une transmutation possible entre ces différents corps. Ainsi, "lorsque le feu est renfermé dans de l’air, de l’eau ou de la terre, mais en petite quantité relativement à la masse qui le contient, si, entraîné par le mouvement de ces corps et vaincu malgré sa résistance, il se trouve rompu en morceaux, deux corps de feu peuvent se réunir en un seul corps d’air". L’arithmétique est respectée : les huit triangles équilatéraux issus des deux tétraèdres de feu peuvent se convertir en un octaèdre d’air. De même "si l’air est vaincu et brisé en petits fragments, de deux corps et demi d’air un corps entier d’eau peut être formé". Chacun peut vérifier que le compte en terme de triangles équilatéraux est respecté.

Il n'est pas interdit d'en sourire, même si l’observation du changement d’état des corps, l’eau s’évaporant et devenant "air" sous l’effet de le chaleur (du feu) puis se condensant à nouveau en eau pouvait s’accorder à une telle proposition. Soyons indulgents, notre science contemporaine, elle même, s’accorde parfois avec des images tout aussi osées qui feront sourire les générations à venir.

Comment ne pas sourire ensuite en lisant le discours sur la nourriture. Se nourrir, pour Platon, se résume en un conflit entre "triangles". Ceux de l'aliment et ceux du corps qui les absorbe. De l'issue de ce combat résulte la jeunesse ou la vieillesse et finalement la mort. "Quand la constitution de l'animal est récente encore, les triangles qui, venus du dehors se trouvent compris dans la masse du corps lui-même, sont vaincus et divisés par ces triangles neufs que le corps lui impose, et l'animal grandit, parce qu'il se nourrit de beaucoup de triangles semblables.

Mais quand la pointe de ces triangles s'émousse à cause de ces nombreux combats qu'ils ont soutenus pendant longtemps contre de nombreux triangles, ils ne peuvent plus diviser ceux de la nourriture qui entre et se les assimiler, tandis qu'eux-mêmes sont facilement divisés par ceux qui viennent du dehors. Alors l'animal vaincu dépérit tout entier et cet état se nomme la vieillesse.

Enfin, lorsque les liens qui unissent ensemble les triangles de la moelle, distendus par la fatigue, ne peuvent plus résister, ils laissent échapper à leur tour les liens de l'âme, et celle-ci, rendue à sa liberté naturelle, s'envole avec joie".

 

Platon géomètre ? La géométrie n'est-elle pas plus simplement pour lui le support d'un délire poétique ?

 

La cinquième essence.

 

Reste un cinquième polyèdre régulier, le dodécaèdre. Il a des propriétés mathématiques plus riches. Il comporte 12 faces comme le nombre des signes du zodiaque. Chacune étant un pentagone régulier, figure particulièrement symbolique avec sa variante, l’étoile à cinq branches.

 

 

Il est facile, au moyen d’une règle et d’un compas de construire un triangle équilatéral, un carré, un hexagone, un octogone. Tracer un pentagone régulier pose un tout autre problème et n’est à la portée que d’habiles géomètres. Disons, sans développer davantage, qu’il fait intervenir des rapports entre longueurs de segments laissant apparaître le "nombre d’Or", le nombre, supposé divin, tardivement attribué aux philosophes et bâtisseurs des temps antiques soit (1+51/2)/2 = 1,618... .

 

Le dodécaèdre est donc à lui seul un condensé de rapports magiques. Platon lui confie un rôle à la hauteur de ce statut : "il restait une seule et dernière combinaison, dieu s’en est servi pour tracer le plan de l’Univers". Derrière cette formule ambiguë certains voudront trouver l’esprit pensant, la force vitale, l’énergie motrice ou tout autre concept illustrant l’animation de la matière. On en fera aussi le symbole de la cinquième essence, la "quinte-essence" (quintessence), la substance qui, désignée encore sous le nom "d’éther", était supposée occuper l’univers des étoiles. Cet "éther", lumineux, électrique et même quantique, qui reviendra de façon cyclique dans le vocabulaire des physiciens quand il leur faudra, comme au temps des premiers philosophes, nommer l’inexplicable.

 

L’Héritage.

 

Même s’il n’ont rien apporté au développement des sciences de la matière, l’image des polyèdres de Platon aura durablement inscrit la théorie des quatre éléments dans la pensée occidentale. Leur "beauté" a particulièrement inspiré les artistes de la Renaissance, tel Léonard de Vinci. Le mystérieux dodécaèdre a, par ailleurs, été régulièrement soumis à une foule de doctrines ésotériques.

 

Le dodécaèdre de Léonard de Vinci.


 

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 12:54

 

« Connais premièrement la quadruple racine de toute choses : Zeus aux feux lumineux, Héra mère de vie, et puis Aidônéus, Nestis enfin, aux pleurs dont les mortels s'abreuvent ». Ainsi parlait Empédocle.
 
Empédocle (-490 ; -430), né dans la ville grecque d'Agrigente en Sicile, ne peut laisser indifférent. D'abord par la forme poétique des fragments qui nous sont parvenus de ses paroles. Par leur contenu ensuite. Ernest Renan, visitant Agrigente, le décrit comme "Philosophe, savant, ingénieur, musicien, médecin, prophète, thaumaturge". La légende a surtout retenu sa mort. Il aurait choisi, dit-on, de s'immoler par le feu en se jetant dans l'Etna, ne laissant en témoignage, sur le bord du cratère, que ses sandales. Des sandales "d'airain" précise même la légende. Le mythe a alimenté une abondante littérature. Dans "La psychanalyse du feu", Bachelard, appelant la mythologie grecque à son secours ne pouvait manquer de rencontrer Empédocle.
 
Naissance des quatre éléments.
 
Revenons à Empédocle. Connais,  nous dit-t-il, Zeus, Héra, Aidônéus, Nestis, dépositaires des "quadruples racines de toutes choses". Faut-il, afin d'obéir à cette si poétique injonction, nous engager dans le dédale des dieux grecs, de leur généalogie, de leur vie et de leurs pouvoirs  ? Fort heureusement, Empédocle a lui-même décrypté son message. "Écoute d'abord les quatre racines de toutes choses, le feu, l'eau, la terre et l'éther immensément haut ; c'est de là que provient tout ce qui a été, est et sera".

Tout a été dit. Platon, Aristote et la majorité des lettrés des siècles à venir ne feront que commenter, développer ou agrémenter la proposition. Seule modification, l'air remplaçant l'éther. Il se dit que, chez les anciens grecs, Ether était d'abord un dieu à la généalogie complexe qui, entre autres attributions personnifiait le ciel. Plus tard l'éther deviendra la matière emplissant les espaces, au delà de la lune, occupés par les astres et les dieux tandis que, dans les parties inférieures de l'univers, se trouvera l'air respiré par les mortels pour lesquels les "quatre racines de toute chose" deviendront alors : le feu, l'air, l'eau et la terre.
 
Mais Empédocle ne peut ignorer que, bien avant lui, Thalès de Millet (-625 ; -546) considérait l'eau comme premier et seul élément. Que pour Anaximène (-585 ; -525), cet unique élément était l'air et que pour Héraclite d'Ephèse (-544 ; -480) c'était le feu. Aussi en appelle-t-il aux dieux et aux muses pour trancher le différent entre lui et ces autres prétendants. "Détournez, ô dieux, cette folie de ma langue, faites couler une source pure de mes lèvres sanctifiées. Et toi, vierge au bras blanc, Muse que poursuivent tant de prétendants, je ne demande que ce qu'il est permis d'entendre aux éphémères humains. Prends les rênes du char sous les auspices de la piété. Le désir des fleurs brillantes de la gloire, que je pourrais cueillir auprès des mortels, ne me fera pas dire ce qui est défendu".

 

Pas de naissance, pas de fin, mélange et dissociation.
 
 
Empédocle ne peut en douter : les dieux et les muses l'ont jugé seul digne de recevoir leur message. Et ce message est : "Il n'y a pas de naissance d'aucune des choses mortelles, il n'y a pas de fin par la mort funeste, il n'y a que mélange et dissociation de mélange". Pas de naissance, pas de fin, seulement mélange et dissociation... Rien ne se crée, rien ne disparaît, tout se transforme...

 

Isolés par la Haine, réunis par l'Amour.

 

Et pour être plus précis sur le mécanisme de ces transformations : "Allons, considère ce qui confirma mes premières paroles, vois s'il y a, dans ce que j'ai dit, quelque forme omise : le soleil, brillant source de toute chaleur, L'éther épandu que baignent les blanches lueurs, la pluie, sombre et froide entre toutes choses, la terre d'où provient tout ce qui est solide et pesant. Dans la Haine, ils sont tous isolés et défigurés, mais l'Amour les réunit par un désir réciproque. C'est d'eux que se forme tout ce qui a été, est ou sera jamais, que poussent les arbres, les hommes et les femmes, les bêtes, les oiseaux, les poissons que l'eau nourrit, et les dieux à la longue vie, à qui appartiennent les suprêmes honneurs. Tous ces êtres sont ces mêmes choses, qui circulent au travers les unes des autres, apparaissent sous divers aspects, que la dissociation fait varier".
 
Ainsi en est il de la théorie des quatre éléments d'Empédocle. Plus de deux millénaires plus tard elle inspire encore les philosophes, les poètes, les artistes et même parfois même les scientifiques. Elle a surtout inspiré ses successeurs. Et parmi les premiers, Platon et Aristote.

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18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 12:32

Après une histoire de l'oxygène, une histoire du carbone et du CO2, deux éléments chimiques régulièrement mis en lumière dans notre paysage environnemental, proposons ici la fin d'une trilogie avec cette histoire de l'eau.

 

L'eau des philosophes de la Grèce antique.

L'eau, le troisième des quatre éléments d'Empédocle.

L'eau. L'octaèdre de Platon.

L'eau humide et froide d'Aristote.

L'eau des Quatre Humeurs d'Hippocrate.

 

L'eau des alchimistes.

Les eaux fortes des alambics alchimistes.

Van Helmont (1579-1644), l'Eau et le Gas Silvestre.

 

Quand naissent l'hydrogène et l'oxygène.

 

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17 décembre 2023 7 17 /12 /décembre /2023 19:03
 
 
Avec le changement climatique, un tiers de la population mondiale devrait se retrouver confrontée à la raréfaction de la ressource en eau. Cela ne va pas sans susciter des tensions croissantes, à l’international comme à l’échelle locale, et interroge la façon dont nous gérons et utilisons la ressource en eau.

 

Début octobre 2023, le président français Emmanuel Macron était en visite d’État de deux jours en Suisse, avec à son agenda une négociation d’un genre particulier : le chef d’État venait demander très officiellement d’augmenter le débit du Rhône, dont le « robinet » se trouve en Suisse et est contrôlé par le barrage du Seujet, en plein cœur de Genève. « Le débit du Rhône est un sujet extrêmement sensible, car une bonne partie de la chaîne hydronucléaire de la France en dépend », explique Stéphane Ghiotti, géographe au laboratoire Acteurs, ressources et territoires dans le développement1 de Montpellier. Outre le transport fluvial, l’irrigation des cultures et l’alimentation en eau potable de grandes villes comme Lyon, la France a en effet besoin de l’eau du Rhône pour refroidir ses quatre centrales nucléaires présentes le long du fleuve et alimenter une vingtaine de centrales hydroélectriques… et ce alors que le niveau du Rhône baisse de manière préoccupante, notamment durant la période estivale.

 

 

Voir :

https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-guerre-de-leau-aura-t-elle-lieu?utm_source=pocket-newtab-fr-fr

 

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14 décembre 2023 4 14 /12 /décembre /2023 14:23
 


Y a-t-il de l’eau dans le cosmos ? Y a-t-il de l’eau dans le système solaire ailleurs que sur Terre ? D’où vient l’eau présente sur Terre ? Était-elle déjà là lors de la formation de notre planète ?

Toutes ces questions passionnent depuis longtemps nombre de scientifiques : des astrophysiciens et des astronomes, qui scrutent avec des instruments toujours plus puissants les confins de l’espace afin d’élaborer des théories cohérentes expliquant la genèse et l’évolution de l’Univers ; des géologues également, qui n’ont de cesse de faire parler les roches de toutes provenances, terrestre ou extraterrestre.

L’eau est présente dans tout le cosmos, sous forme de glace ou de vapeur. Elle est même relativement courante à l’état de vapeur. Mais d’eau liquide, point, en dehors du système solaire où notre chère planète est la seule à jouir, au grand jour, du charme de l’eau liquide.









 


L’eau dans le cosmos

L’eau dans le système solaire

   
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  • : Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine. La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.
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