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8 janvier 2025 3 08 /01 /janvier /2025 20:36

De Galvani à Volta.

La découverte de la pile électrique.

par Gérard Borvon

 

         Qu'est devenue la science électrique à l'orée du 19ème siècle ? Conducteur, isolant, fluides électriques positifs et négatifs, sont devenus des concepts bien établis. Des machines électriques ont été perfectionnées, alimentant des batteries de bouteilles de Leyde. Dans les foires, dans les "cabinets de curiosités", elles ont attiré des foules de badauds. On connaît la nature électrique de la foudre et on sait s'en protéger.

 

Pourtant, après ces premiers succès spectaculaires, l'électricité semble, à nouveau, être venue se réfugier dans le cabinet du médecin. Le seul endroit où elle paraisse utile. Même si la bouteille de Leyde n'a pas répondu aux attentes des paralytiques, un bon "choc électrique" donnera encore l'illusion d'une thérapie efficace.

 

Plus sérieusement cependant, un biologiste curieux peut vouloir comprendre l'influence de l'électricité sur les corps animés et en particulier sur les muscles. Parmi ceux-ci, Galvani.

 

 

Galvani et les grenouilles.

 

         Aloysius Galvani (1737-1798) est professeur d'anatomie à l'université de Bologne. Comme beaucoup de ses confrères physiologistes, il possède une solide formation de chimiste et de physicien. Concernant l'électricité, il y voit l'un des moteurs de la vie animale. Le fluide nerveux ne serait-il pas un fluide électrique ? Galvani, chercheur méthodique, étudie plus généralement les facteurs susceptibles d'exciter les nerfs et de provoquer une contraction musculaire. La grenouille devient dès lors son partenaire principal.

 


 

dessin de Laëtitia B. 1ère S du lycée de l’Elorn à Landerneau. Année 1991-92
 


 

         En débarrassant une grenouille fraîchement tuée de sa peau et en sectionnant son arrière-train, on libère facilement les nerfs qui commandent les muscles de ses cuisses (les nerfs cruraux). Ces nerfs peuvent alors faire l'objet de stimulations diverses, mécaniques, thermiques, chimiques... électriques.

 

         Depuis 1772, Galvani fait régulièrement parvenir le résultat de ses recherches à l'Académie de Bologne. Comptes-rendus sages jusqu'à ce soir de l'année 1780 où le hasard se mêle à la partie. Galvani se trouve alors dans son laboratoire où il répète, avec quelques élèves, certaines des expériences sur l'excitation des muscles de grenouille. Une grenouille a été sacrifiée et son arrière-train repose sur la table du laboratoire.

 

A distance respectable, une machine électrique se trouve sur la même table. Un assistant est justement occupé à l'actionner pour des expériences de physique. En ces années 1780, les machines électriques sont déjà puissantes. Celle conçue par Van Marum, physicien hollandais, utilise un disque de verre frotté, associé à de volumineuses bouteilles de Leyde. Elle autorise la production d'étincelles qui prennent la forme de véritables arcs électriques.

 

Revenons à la cuisse de grenouille. N'a-t-elle pas encore été totalement apprêtée ? Toujours est-il qu'un assistant touche, de la pointe de son scalpel, l'extrémité du nerf qui a été dégagé. Au même moment il observe une exceptionnelle contraction des membres de l'animal comme "pris de convulsions tétaniques".

 

Plus que la violence des contractions, les circonstances de leur production sont extraordinaires. Combien de grenouilles n'a-t-on pas déjà disséquées et combien de fois n'a-t-on pas porté le scalpel sur un nerf sans qu'aucun effet notable ne s'en suive ?

 

 

Expérience de Galvani

(Les Merveilles de la Science)

 

Fort heureusement, à distance, se trouve une personne attentive : la tradition désigne madame Lucia Galvani. Elle n'est pas dans le laboratoire par hasard, c'est une collaboratrice constante de son mari et elle est rompue aux observations scientifiques. C'est donc elle qui sait voir que, le scalpel touchant le nerf, les contractions n'apparaissent qu'au moment exact où une étincelle éclate à la machine ! Madame Galvani, après plusieurs observations répétées en informe alors son mari :

 

"Emerveillée de la nouveauté du fait, elle vint aussitôt m'en faire part. J'étais alors préoccupé de toute autre chose ; mais pour de semblables recherches, mon zèle est sans bornes, et je voulus répéter par moi-même l'expérience et mettre au jour ce qu'elle pouvait présenter d'obscur. J'approchais donc moi-même la pointe de mon scalpel tantôt de l'un, tantôt de l'autre des nerfs cruraux, tandis que l'une des personnes présentes tirait des étincelles de la machine. Le phénomène se produisit exactement de la même manière : au moment même où l'étincelle jaillissait, des contractions violentes se manifestaient dans chacun des muscles de la jambe, absolument comme si ma grenouille préparée avait été prise de tétanos". (mémoire en latin adressé en 1790 à l'académie de Bologne - traduction par Louis Figuier - Merveilles de la Science - tome I -  page 604).

 

L'histoire devient rapidement légende. Dans l'une des versions les plus répandues, madame Galvani est réduite au rôle d'une brave ménagère venue apporter un bouillon de cuisses de grenouilles à son mari enrhumé. Le siècle admet difficilement que des femmes, Madame Lavoisier ou Madame Galvani, puissent avoir joué un quelconque rôle dans le domaine des sciences. Louis Figuier, remarquable vulgarisateur de la fin du 19ème siècle, rapporte que, déjà étant élève de terminale de son lycée, il avait relevé, dans les manuels en usage, 21 versions différentes de cette histoire. Même Alibert dans son "éloge historique de Galvani"   et Arago, dans son "éloge historique de Volta" n'échapperont pas à la mode.

 

 

Il serait certainement amusant de rechercher les nouvelles fantaisies dont la liste aurait pu s'enrichir dans le siècle qui a suivi.

 



La légende de Mme Galvani.(Laëtitia B).


 

Emerveillé lui-même, Galvani consacrera six longues années à étudier le phénomène. Deux éléments entrent en jeu dans l'excitation du nerf : l'étincelle électrique et le corps étranger touchant l'extrémité du nerf.

 

Les premières expériences portent sur le corps étranger. Après avoir multiplié les tests, Galvani constate qu'il doit simplement être conducteur. On ne s'étonnera pas de ce résultat aujourd'hui où nos toits sont hérissés d'antennes conductrices, captant et transformant en courants électriques les ondes électromagnétiques diffusées à distances par des émetteurs divers (ce rôle étant joué ici par la machine produisant des étincelles, le scalpel tenant lieu d'antenne).

 

La seconde série d'expériences porte sur la nature de l'étincelle. Qu'elle soit issue d'une machine ou d'une bouteille de Leyde. Qu'elle soit extraite d'un corps chargé positivement ou négativement, le résultat est le même.

 

Poussant sa recherche jusqu'à l'extrême, Galvani imagine de ne pas cantonner son observation à la modeste étincelle produite par une machine mais, à l'image de Franklin, de tester la foudre. Galvani fait élever une pointe de fer au-dessus de sa maison, un fil métallique partant de cette tige est amené dans son laboratoire jusqu'au crochet soutenant l'arrière train d'une grenouille. Galvani sait-il qu'en 1753, un tel montage a foudroyé le physicien Richmann ? On peut le penser, mais la curiosité scientifique fait bien souvent oublier la prudence. La tentative en valait d'ailleurs la peine car le succès est au rendez-vous. Quand un orage approche, la chute, à distance, d'un éclair, même modeste, provoque la contraction du muscle de grenouille.

 

Il semble, même, que de faibles variations de l'état électrique de l'atmosphère puisse avoir de l'influence. Pour s'en assurer Galvani se propose un montage simple : il consiste à suspendre, par un crochet (qui se trouve être de cuivre), une cuisse de grenouille à la balustrade de fer de son logement. Le 20 septembre 1786, le ciel est résolument bleu et rien ne se passe. Pourtant, dans la vie de Galvani, tout bascule.

 

 

 

Galvani teste l'électricité atmosphérique.

(Les Merveilles de la Science)

 

Lassé d'observations sans succès et prêt à renoncer, Galvani frotte le cuivre du crochet contre le fer du balcon, dans le but, semble-t-il, de rendre le contact plus efficace. Aussitôt les pattes de la grenouille se contractent. Il en est ainsi à l'occasion de chaque nouveau contact. Le phénomène se reproduit également dans le laboratoire avec une plaque de fer et un crochet de cuivre bien décapés.

 

Sur le balcon de Galvani. (Laëtitia B).

 

Aucun besoin d'une machine électrique, inutile d'attendre un éclair d'orage ! L'électricité responsable de la contraction peut donc également ne résulter que d'une cause interne au montage utilisé. Une cuisse de grenouille, un crochet de cuivre, une plaque de fer se suffisent à eux mêmes !

 

Pour Galvani, physiologiste à la recherche de la nature de l'influx neveux, le doute n'est pas permis. Seul le muscle de la grenouille est capable de produire cette électricité. L'expérimentateur s'est contenté de découvrir le dispositif le plus favorable à sa circulation. Et ce dispositif est simple : il suffit de constituer un arc conducteur entre le nerf et l'extérieur du muscle. Le fer et le cuivre, pense Galvani, n'ont pas d'autre rôle que celui de fermer le circuit. Un simple et unique fil métallique semble d'ailleurs convenir même si son efficacité est très faible. Le meilleur résultat, cependant, demande un montage complexe : il faut entourer l'extrémité du nerf d'une feuille d'étain, les muscles d'une feuille d'argent et relier ces métaux par un fil de cuivre. Nous le savons aujourd'hui, Galvani réalise ainsi une superbe "pile" du type de celle qui nous agace quand nous touchons l'or d'une couronne dentaire avec la pointe d'une fourchette d'acier.

 

Mais Galvani suit son idée et ne cherche pas à tirer parti de l'observation qu'il fait de la meilleure efficacité d'une chaîne de métaux différents. Le muscle et le nerf, seuls, l'intéressent et l'interprétation lui semble évidente : le muscle est une "bouteille de Leyde" dont le nerf serait en relation avec l'armature interne et dont la surface serait l'armature externe. "Il y a une telle identité apparente de causes, dit-il, entre la décharge de la bouteille de Leyde et nos contractions musculaires, que je ne puis détourner mon esprit de cette hypothèse". Le "muscle - bouteille de Leyde", se chargerait par un processus biologique pour se décharger brutalement après l'établissement d'un circuit conducteur externe. Ce courant de décharge étant à l'origine de la contraction musculaire.

 

L'idée d'une électricité d'origine biologique n'est pas nouvelle. Dès la découverte de la bouteille de Leyde, plusieurs physiciens, dont Musschenbroek lui-même, en avaient comparé les effets à ceux de la "Torpille". Depuis l'Antiquité on connaît ce poisson particulier de la famille des raies et dont le contact produit, sur ses victimes, un choc suivi d'une étrange "torpeur". On sait aujourd'hui que, même si les tensions mises en jeu sont inférieures aux dizaines de milliers de volts de la bouteille de Leyde, elles sont cependant de l'ordre de 500 volts. Tension suffisante pour secouer un homme adulte et pour assommer le menu fretin d'une pêche électrique  garantie "biologique".

 

L'idée d'un "muscle - bouteille de Leyde" n'est pas, non plus, totalement fausse. On sait aujourd'hui qu'il existe bien une différence de potentiel entre l'intérieur et l'extérieur d'un muscle au repos. Mais elle est, au plus de quelques dizaines de millivolts et ne peut procurer les contractions observées.

 

Galvani fait connaître l'ensemble de ses travaux dans les "Mémoires de l'Académie de Bologne" publiés en l'année 1791. A cette occasion il énonce l'hypothèse d'une "électricité animale" responsable des phénomènes vitaux. La théorie est séduisante. Elle rencontre l'adhésion des physiologistes qui, déjà, soupçonnent l'importance des phénomènes électriques dans le fonctionnement des organismes animaux. Elle fait le bonheur des médecins qui imaginent pouvoir justifier, avec plus de force, la présence de machines électriques dans leur cabinet. Peut-être, un jour, l'électricité fera-t-elle réellement marcher des paralytiques, peut-être soulagera-t-elle un cœur fatigué, peut-être rendra-t-elle l'audition aux sourds et la vue aux aveugles ?

 

L'hypothèse se heurte, aussi,  à de solides oppositions. Surtout de la part des physiciens. Dans le couple "métal/muscle", leur spécialité les amène à privilégier les métaux plutôt que les tissus vivants.

 

Parmi ceux-ci, un confrère italien de Galvani : Alexandre Volta (1745-1827).

 

Volta et la pile électrique.

 

         Volta est un professeur de physique qui enseigne d'abord à Côme puis à Pavie. C'est un scientifique "voyageur". On le trouve en Suisse où il rencontre Voltaire, en hollande où Van Marum lui présente sa célèbre "machine électrique", en Angleterre où il est reçu par Priestley, à Paris où il travaille avec Lavoisier.

 

Il est aussi l'auteur d'une abondante correspondance académique qui lui vaut un succès d'estime dès ses premiers travaux. Son "pistolet électrique" est particulièrement célèbre. Conçu vers 1777, il est constitué d'un tube traversé par deux électrodes et fermé par un bouchon à l'intérieur duquel on emprisonne un mélange d'air "inflammable" (hydrogène) et d'air "vital" (oxygène). Quand une étincelle est provoquée entre les deux électrodes, une explosion se produit qui expulse le bouchon avec violence. Plus tard ce dispositif prendra la forme plus sage d'un "eudiomètre" permettant la mesure des volumes gazeux intervenant dans ces réactions explosives. Volta l'utilisera ainsi pour étudier la combustion du "gaz des marais", c'est à dire du méthane recueilli dans le fond vaseux des marécages.

 

Volta, comme tous ses confrères européens, est fasciné par les observations de Galvani et son hypothèse de l'électricité animale. Après vérification, il adopte dans un premier temps les vues de son collègue de Bologne. Pourtant, rapidement, sa formation de physicien reprend le dessus. Là où Galvani voyait de "l'électricité animale", il trouvera de "l'électricité métallique. "Lorsque deux métaux sont en contact l'un avec l'autre, par suite de ce contact, par l'effet de cette hétérogénéité de nature, il y a développement d'électricité", estime-t-il.

 

Nous ne donnerons pas ici le détail de la lutte acharnée entre Galvani, Volta et leurs disciples respectifs. Si Volta vérifie la production d'électricité métallique en testant la série la plus étendue possible de couples métalliques, Galvani lui répond en obtenant la contraction d'une cuisse de grenouille tout simplement en recourbant le nerf et en l'appliquant sur la partie externe du muscle. Aucun besoin d'un métal : match nul !

 

Pourtant la victoire finira par tomber de façon éclatante dans le camp de Volta le jour où il imaginera la "pile" qui le rendra célèbre.

 

Mais avant d'aller plus loin, évoquons deux "inventions" de l'habile expérimentateur qu'est Volta. D'abord l'électromètre à brin de paille : deux brins de pailles sont suspendus ensemble dans un flacon bien sec à une tige conductrice. Celle-ci traverse le bouchon et supporte un plateau métallique. Quand on touche le plateau d'un corps chargé d'électricité, les deux pailles s'écartent. Amélioré, ce montage, déjà très sensible, deviendra électromètre à feuilles d'or.

 

Citons ensuite l'électrophore qui deviendra "condensateur", nom attribué par Volta à deux disques de laiton soigneusement poli et recouverts d'un vernis isolant, placés l'un sur l'autre, face isolante en regard. Sans entrer dans le détail de son fonctionnement, disons que le "condensateur" permet de charger plusieurs fois de suite l'un de ses plateaux par l'action à distance d'un corps électrisé sans avoir à décharger celui-ci. Associé à un électroscope, il permet de multiplier et donc de mieux observer les effets d'une infime charge électrique.

 

Muni de ces deux appareils, Volta est donc bien armé pour explorer le délicat mécanisme mis en jeu dans l'expérience de Galvani. C'est ainsi qu'il affirme constater que deux métaux différents, mis simplement en contact, se trouvent chargés l'un négativement, l'autre positivement, quand on les sépare.

 

Explication ? Volta imagine que les métaux sont non seulement conducteurs du fluide électrique mais encore "moteurs" de ce fluide. Ce fluide est, pour Volta, le fluide unique de Franklin. Pour le faire circuler, inutile de s'encombrer d'une machine : le simple contact entre deux métaux différents suffit à le faire passer de l'un à l'autre. Tous les couples n'ont d'ailleurs pas la même efficacité. Parmi ceux testés par Volta le couple Argent/Zinc lui semble le plus efficace. Quand on associe ces deux métaux le fluide électrique "passe de l'Argent au Zinc"  de telle sorte qu'une "tension électrique" positive se crée dans le zinc pendant qu'une "tension" négative apparaît dans l'argent.

 

Une "tension " : un mot nouveau vient enrichir le vocabulaire électrique en même temps que le terme de "électromoteur", par lequel Volta désigne le couple des deux métaux siège d'une "force électromotrice".

 

Les choses se passent-elles vraiment si simplement ? En réalité, pour observer les tensions positives ou négatives des métaux de ses couples, Volta est bien souvent obligé d'user d'un artifice : une rondelle de carton ou de feutre humide entre le métal et la plaque de cuivre de l'électroscope.

 

Ce simple conducteur n'influe en rien sur le phénomène, affirme Volta, mais a uniquement pour rôle de renforcer le contact électrique.

 

L'usage de ce "conducteur" humide permet aussi d'associer en série plusieurs couples métalliques en intercalant une rondelle imbibée de liquide entre deux couples successifs. Avec 2,3 ou 4 couples ont augmente les tensions entre les métaux extrêmes dans les mêmes proportions. Et pourquoi s'arrêter à quatre ?

 

Posez, dit Volta, une pièce d'argent sur une pièce de zinc, puis une rondelle de carton ou de feutre humide sur le zinc et poursuivez par couches successives jusqu'à vingt ou plus de couples. Vous obtenez ainsi une "colonne" formée d'éléments empilés. Une "pile" dira-t-on bientôt.

 


La "pile" de Volta. (Laëtitia B).

 

Si cette colonne, nous dit Volta, "parvient à contenir environ vingt de ces étages ou couples de métaux, elle sera déjà capable, non seulement de faire donner des signes à l'électromètre de Cavallo, aidé du condensateur au-delà de dix ou quinze degrés, de charger ce condensateur au point de lui faire donner une étincelle, mais aussi de frapper les doigts avec lesquels on vient toucher ses deux extrémités."

 

C'est par une lettre adressée le 20 mars 1800 à Joseph Banks, président de la Royal Society de Londres, que Volta fait part au monde des électriciens de la naissance de ce nouvel enfant de la science électrique. Dès les premiers mots Volta soigne sa mise en scène :

 

La pile de Volta

(Les Merveilles de la Science, y lire aussi la lettre de Volta)

 

" Après un long silence dont je ne chercherai pas à m'excuser, j'ai le plaisir de vous communiquer, Monsieur, et par votre moyen à la société royale, quelques résultats frappants auxquels je suis arrivé en poursuivant mes recherches sur l'électricité excitée par le simple contact des métaux de différentes espèces...

 

Le principal de ces résultats, et qui comprend à peu près tous les autres, est la construction d'un appareil qui ressemble par ses effets (c'est-à-dire pour les commotions qu'il est capable de faire éprouver dans les bras", etc.) aux bouteilles de Leyde, et mieux encore aux batteries électriques faiblement chargées, qui agiraient cependant sans cesse, et dont la charge, après chaque explosion, se rétablirait d'elle-même ; qui jouirait en un mot dune charge indéfectible, d'une action sur le fluide électrique , ou impulsion, perpétuelle...

 

Oui, l'appareil dont je vous parle, et qui vous étonnera sans doute, n'est qu'un assemblage de bons conducteurs de différentes espèces, arrangés d'une certaine manière. Vingt, quarante, soixante pièces de cuivre, ou mieux d'argent, appliquées chacune à une pièce d'étain, ou, ce qui est beaucoup mieux, de zinc et un nombre égal de couches  d'eau ou de quelque autre humeur qui soit meilleur conducteur que l'eau simple, comme l'eau salée, la lessive, etc. ; ou des morceaux de carton, de peau, etc., bien imbibés de ces humeurs... "

 

Suit une description précise de l'appareil et de ses effets. L'empilement peut d'ailleurs être plus commodément remplacé par un autre dispositif comme le propose Volta lui-même dans ce qu'il nomme un "appareil à couronne de tasses". Nous présenterons, dans un prochain chapitre, quelques dispositifs de ce type. Cependant, le succès du mot "pile" est tel qu'il se maintiendra dans le vocabulaire électrique jusqu'à nos jours même si une "pile alcaline", une "pile à combustible" ou une "pile photovoltaïque" sont bien loin de correspondre à un quelconque empilement !

 

La lettre de volta est lue devant les membres de la Royal Society le 26 juin mais dès le mois d'avril son contenu était connu des membres de la société. On imagine facilement la perplexité des savants réunis et l'agitation de leurs laboratoires dans les jours qui ont suivi. Dès le mois de Juillet, le "Journal philosophique de Nicholson" publiait à la fois la lettre de Volta et le récit d'une multitude d'expériences aussitôt exécutées par ceux qui en avaient été informés.

 

En France, l'Académie des Sciences, institution royale, a été remplacée par l'Institut National des Sciences. Volta est invité à y présenter son mémoire  en public. Cette lecture occupe trois séances consécutives les 16, 18 et 20 brumaires de l'an IX (Novembre 1800). Après chaque séance, Volta exécute les expériences décrites dans son mémoire. La seconde séance, à laquelle assiste Bonaparte provoque chez celui-ci un profond sentiment d'admiration pour le savant italien qu'il conservera toute sa vie. Au moyen d'une pile de quarante quatre couples, Volta produit de fortes commotions mais aussi des étincelles, la combustion d'un fil de fer et même la décomposition de l'eau.

 

Il fait également réaliser l'expérience du pistolet électrique, parfaitement adaptée au célèbre militaire auquel il s'adresse. Deux électrodes traversent la paroi d'une éprouvette à gaz, de la forme d'un pistolet, renfermant un mélange "tonnant" d'hydrogène et d'oxygène dans les proportions déterminées par Lavoisier. L'étincelle provoquant l'explosion, habituellement générée par une machine à friction, comme celle de Van Marum qui équipait le laboratoire de Lavoisier, est cette fois déclanchée par la pile. Le bruit de l'explosion et la violence avec laquelle fut expulsé le bouchon fermant le "pistolet" réveillèrent un auditoire qui n'était pas nécessairement uniquement composé de "savants".

 

Les appareils de Volta (Revue "La Nature", 1881)

 

La séance étant finie, Bonaparte, lui-même membre de l'Institut, propose de décerner à Volta une médaille d'or qui "servirait de monument" et marquerait l'époque de sa découverte. Il demande également qu'une commission soit nommée pour répéter toutes les expériences présentées par Volta. Parmi les membres de cette commission le "citoyen Coulomb" aura ainsi la chance de voir s'ouvrir une nouvelle branche de la science électrique au moment ou se termine sa propre carrière.

 

Le rapport de la commission est lu par Biot à la séance du 11 frimaire an IX (décembre 1800). L'exposé utilise, en particulier, les notions de "tension" et de "force électromotrice" introduites par Volta et qui survivront dans le vocabulaire électrique. Conformément au vœu de Bonaparte une médaille d'or de l'Institut est attribuée au savant italien ainsi qu'une somme de 6000 francs pour ses "frais de route".

 

 


Bonaparte enthousiaste. (Laëtitia B.)

 

Bonaparte, conscient de l'avenir de cette nouvelle science, souhaite accélérer son développement. Le 26 prairial an X (juin 1801), il adresse d'Italie à Chaptal, alors ministre de l'intérieur, une lettre dans laquelle il demande à l'Institut de créer un prix de 3000 francs "pour la meilleure expérience qui sera faite dans le cours de chaque année sur le fluide galvanique" ainsi qu'un prix de 60 000 francs "à celui qui, par ses expériences et ses découvertes, fera faire à l'électricité et au galvanisme un pas comparable à celui qu'on fait faire à ces sciences Franklin et Volta".

 

Napoléon, précise : "Les étrangers de toutes les nations seront également admis au concours".

 

Quelques dizaines de rondelles d'argent ou de cuivre, autant de rondelles de zinc, de carton ou de feutre, de l'eau, (de préférence acidulée), suffisent pour entrer dans ce nouveau monde encore jamais exploré du "courant continu" avec la certitude d'en rapporter quelques brillantes pépites..

 

C'est d'Angleterre que partiront les premiers aventuriers.

 

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Voir aussi : La pile électrique, toute une histoire, par Hélène Bernicot.

                   Eloge de Volta par Arago

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Cet article est extrait d'un ouvrage paru chez Vuibert en juin 2009.

 

 

 

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Une vidéo du site Ampère-CNRS

 

 

 

 

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1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 16:14

Loin de l'agitation du monde, il existe toujours un lieu où se poser.

photo Annaïck Chauvet.

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 18:26

Alors qu'avec les classes de seconde du lycée de l'Elorn de Landerneau, nous avions engagé un travail autour de la chimie des algues, nous avons eu connaissance, par la voie du rectorat, de l'existence d'un concours européen autour de l'enseignement des sciences chimiques. Après un premier essai infructueux le second a valu à la classe de seconde C d'être classée première au niveau français en 1999 et donc de représenter la France au niveau européen. Leur travail valait alors le deuxième prix à cette classe

 

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Commentaire du jury : "Un projet très bien organisé couvrant la chimie dans la vie quotidienne. Bonne coopération industrielle avec une industrie chimique à proximité de l'élève. Classe entière impliquée dans les travaux pratiques du projet. Bonne présentation incluant une excellente vidéo."

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17 décembre 2024 2 17 /12 /décembre /2024 16:31

En complément de l'article Histoire de la chimie des algues en Bretagne. De la soude à l'iode jusqu'aux alginates.

nous présentons ici les caractérisations et dosages des éléments présents réalisés au laboratoire.

 

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5 décembre 2024 4 05 /12 /décembre /2024 12:05

 

 

Sur France Culture.

 

 

 

 

 

Newton est l'un des mathématiciens les plus illustres au monde. On ne sait pas forcément qu'il est aussi philosophe, alchimiste, ami des "Platoniciens de Cambridge" et qu'il s'intéresse aussi, dans son 18e siècle, à la théologie et à la religion. Autant d'aspects à découvrir dans ce documentaire.
 

 

 

 

 

 

 

 

Avec

 

    Michel Blay Philosophe et historien des sciences
    Bernard Joly Professeur émérite de philosophie et d'histoire des sciences à l'université de Lille 3
    Jean-François Baillon Professeur de civilisation britannique à l’Université Bordeaux Montaigne

 

 

Isaac Newton, né en 1642 et mort en 1727, est une figure emblématique des sciences, s'inscrivant dans la lignée de Galilée. Alchimiste, philosophe de la nature, il fait partie de la deuxième génération des physiciens qui vont construire la nouvelle physique, celle qui va remplacer la physique aristotélicienne.

 

 

Fondateur de la mécanique classique, de la gravitation universelle, créateur du calcul infinitésimal, de la théorie de la décomposition de la lumière par un prisme, ses travaux sont à la base de bien des piliers de notre monde moderne. Il existe toutefois un Newton plus méconnu : qui lit ses œuvres littéraires ? Sait-on qu'il fut le contemporain et l'ami des "Platoniciens de Cambridge", l'un des courants les plus réactionnaires et les plus audacieux du 17e siècle européen ? Qu'il a développé tout au long de sa vie des réflexions théologiques ? Pour en parler, ce documentaire réunit quatre spécialistes de Newton : Jean-François Baillon, Michel Blay, Jean-Louis Breteau et Bernard Joly.
L’entourage intellectuel de Newton : Les Platoniciens de Cambridge

 

 

Jean-Louis Breteau rappelle les caractéristiques de la pensée des Platoniciens de Cambridge : "Ils popularisent en Angleterre les idées de Descartes, en qui ils voient un penseur et un philosophe, qui va permettre de rendre de façon satisfaisante des pensées scientifiques. Ils s'en écartent par la suite, mais leur intérêt pour les sciences les pousse à s'impliquer dans la création de la Royal Society, en 1660, dont Newton sera ensuite le président."
 

 

Les principes mathématiques de la philosophie naturelle

 

 

En 1687, Newton publie l'un des textes les plus importants de toute l’histoire mondiale de la pensée scientifique, Philosophiae naturalis principia mathematica. Michel Blay résume son contenu : "Le livre se compose de trois parties. La première est consacrée à la théorie des forces centrales ; la deuxième, à ce qu’on appellerait aujourd’hui la mécanique des fluides et la troisième, au système du monde, avec la loi de la gravitation universelle."

 


Newton alchimiste ?

 

 

Comment un pilier de la science moderne a-t-il pu consacrer une partie de sa vie à l'alchimie ? Bernard Joly remet les choses en perspective : "L’alchimie, au 17e siècle, c’est tout simplement la chimie de l’époque. Les chimistes ou alchimistes travaillent dans des laboratoires et se livrent à toutes sortes de recherches sur ce qu’on appelle les acides, sur les alcalis, sur les métaux. Ce sont des "natural philosophers" comme on dit en anglais, des philosophes de la nature, qui veulent comprendre comment marche la matière, trouver comment elle est constituée. C’est pourquoi on parle de la pierre philosophale : ce sont des philosophes tout simplement. Les alchimistes se considèrent eux-mêmes comme appartenant au clan de la "philosophie naturelle" c’est-à-dire la philosophie qui veut comprendre la matière, la nature. Et Newton s’intéresse à la chimie de son temps, parce qu’il s’intéresse à tout."

 

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1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 19:13

Gérard Borvon

 

Extrait de : refuser l'arme nucléaire.

 

 

 

 

Quand les premières pages de ce livre ont été écrites, rien ne laissait penser que le président de la Russie, Vladimir Poutine, allait déclarer la guerre à l’Ukraine. Qui pouvait imaginer de voir à nouveau des populations écrasées sous les bombes et subissant les  exécutions sommaires, tortures, viols, qui accompagnent toutes ces guerres modernes qui visent d’abord les civils.  Encore moins était-il envisageable que le président Russe menace d’utiliser son armement nucléaire. Une menace qui s’adressait à l’Ukraine, mais aussi aux pays qui avaient choisis de répondre à la demande d’aide du Président Ukrainien Zelensky.
 

 

Les objectifs annoncés des frappes nucléaires russes étant les sites militaires adverses, nous voilà revenus aux premières pages de cet écrit quand les habitants de la presqu’île de Crozon refusaient d’être la cible d’une frappe nucléaire « préventive ». Que penser de la réponse faite au président Russe par le ministre français des affaires étrangères, Jean Yves Le Drian : « Je pense que Vladimir Poutine doit aussi comprendre que l’alliance atlantique est une alliance nucléaire ». Comment ne pas s’interroger sur le fait que ce soit un ministre français, pas particulièrement bien placé pour le faire, qui choisisse d’évoquer une possible réponse nucléaire de l’OTAN. N’était-ce pas plutôt de sa part une façon de rappeler que la France est elle même une puissance nucléaire qui affiche régulièrement sa prétention à être le « parapluie » nucléaire de l’Europe ? Être ainsi remis en lumière n’avait rien de rassurant pour la population du « bout du monde ».

 

Le 5 mars 2022 la chaîne de télévision Tébéo, liée au journal Le télégramme, rendait compte de cette inquiétude dans une émission titrée : « Menace nucléaire, la Bretagne en première ligne ». « Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine agite la menace nucléaire. Un signal qui résonne fort en Bretagne, puisque l'un des sièges stratégiques de la dissuasion nucléaire se trouve à l'Île Longue », annonçait le préambule de l’émission. L’invité était le président de « l’Université Européenne de la Paix », une association qui milite activement depuis trente ans pour le renoncement par la France à son armement nucléaire et qui est membre du Collectif finistérien pour l’Interdiction des Armes Nucléaires (CIAN 29).

 


 

 

Si on peut comprendre une sensibilité particulièrement forte dans cette pointe de Bretagne, l’agression de l’Ukraine par la Russie a été ressentie comme une menace par l’ensemble de la population en France qui a vu s’effondrer le dogme de la dissuasion : la preuve est faite que la paix n’est nullement garantie par  l’équilibre de la terreur. Comme le signale Benoît Pelopidas, fondateur du programme d’étude des savoirs nucléaires de Sciences Po, dans son  livre « Repenser les choix nucléaires », en situation de crise, une escalade incontrôlée ou un tir non autorisé peuvent aboutir à une explosion nucléaire dont les conséquences sont facilement imaginables.

 


 

 

Il note surtout que, en dehors même des périodes de tension, une catastrophe nucléaire d’origine militaire est toujours possible. Il met ainsi en évidence le rôle de la chance dans le  fait qu’aucune explosion nucléaire  accidentelle n’ait encore eu lieu. Parmi plusieurs exemples, il cite cette dislocation d’un B-52 en 1961 dans le ciel de Caroline du Nord au moment d’un ravitaillement en vol. Deux bombes de 3,8 mégatonnes – plus de 250 fois Hiroshima – se sont trouvées en chute libre. Un simple interrupteur a empêché l’explosion. Il aurait suffit d’une simple décharge électrique pour que la bombe explose en arrivant au sol.

 

C’est encore en 1980 l’incendie du moteur d’un B-52 sur une base du Dakota du Nord. A bord se trouvaient des armes nucléaires, très sensibles au feu, qui auraient pu exploser si, après trois heures d’intervention des pompiers, l’incendie n’avait pas été arrêté avant qu’il atteigne le compartiment contenant les armes.

 

C’est aussi le cas largement médiatisé de l’officier radar Stanislav Petrov, « l'homme qui a sauvé le Monde d'une guerre nucléaire ». Après avoir vu apparaître sur ces écrans ce qui semblait être la marque de cinq missiles ennemis, il a décidé de ne pas déclencher la procédure d’alerte qui aurait pu mener à une réplique nucléaire immédiate. A côté de ces quelques cas connus, combien d’autres restent dissimulés sous le « secret défense », y compris en France ? Alors que faire face à ces risques incontrôlés.

 

 

Un autre exemple retrouvé dans d'anciennes archives personnelles.
Voir

 

« Exigez de vos gouvernements un désarmement nucléaire total ». Tel est l’appel que nous adressaient Stéphane Hessel et Albert Jacquard dans le court ouvrage qu’ils ont publié en 2012. Qui mieux qu’eux a mis en lumière le non-respect par les états signataires du TNP, dont la France, de leurs engagements en matière de désarmement nucléaire, en particulier de l’article VI du TNP, entré en vigueur en 1970 : « chacune des parties du traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire à une date approchée ».

 


 

 

Désarmement nucléaire à une date approchée ? Un demi siècle plus tard avons nous vu des progrès ? Le traité n’a été qu’un leurre, constatent les deux auteurs, car fondé  sur une base « d’une part, injuste et, d’autre part, perverse ». Base injuste car quelle justice y a-t-il, de la part des états détenteurs d’armes nucléaires, de demander aux autres pays d’y renoncer quand eux-mêmes présentent leur possession comme l’indispensable garantie de leur sécurité. Base perverse quand le TNP prévoit, en contrepartie de ce renoncement, d’aider les pays signataires à développer chez eux le nucléaire « civil »,  proposition qui est une excellente opportunité pour les pays nucléarisés d’ouvrir des marchés lucratifs à leur propre industrie nucléaire. Ce faisant ils ne peuvent ignorer que ce nucléaire « civil » est la voie vers le « militaire » car, comme l’a reconnu explicitement le président français Emmanuel Macron le 8 décembre 2020, «  Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil » . C’est ainsi que l’Inde, le Pakistan, Israël, la Corée de Nord ont développé leur propre force de frappe nucléaire, rendant de ce fait le monde encore plus dangereux. Alors, « exiger » de nos gouvernements un désarmement nucléaire total ? Que pouvons nous exiger de présidents de la république française dont le premier geste après leur élection est de venir se faire adouber, à bord d’un sous-marin nucléaire, à l’Île-Longue dans la presqu’île de Crozon.

 


Face à l’inaction des « politiques », ce sont donc des organisations non-gouvernementales qui se sont regroupées en 2007 dans une « Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires (ICAN) ». Loin d’être utopique, leur action, qui a été reconnue par un prix Nobel de la paix en 2017, est à l’origine de l’adoption par 122 pays, en juillet 2017, d’un traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).  Après sa ratification par 50 pays, le traité est entré en vigueur le 22 janvier 2021.
 

 

Son premier article résume à lui seul l’esprit du traité. « Chaque État partie s’engage à ne jamais, en aucune circonstance [.] mettre au point, mettre à l’essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ». Réaction des puissances nucléaires ? Le gouvernement français affiche sa réponse sur le site du ministère des affaires étrangères. La France ne le signera pas car, ose affirmer son communiqué, le TIAN « ne servira [.] pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera ». Aucun ne le signera ? Faudra-t-il attendre que les USA et la Russie se mettent d’accord pour se dénucléariser alors que nous voyons leur rivalité se réveiller à chaque occasion ?
 

 

« Nos parents et grands-parents nous ont laissé les bombes nucléaires en héritage. Nous ne voulons pas laisser ce cadeau empoisonné à nos enfants » écrivaient quatre étudiants dans la préface de « Nucléaire, un mensonge français », le livre de l’ancien ministre de la défense Paul Quilès. Alors que nous laissons déjà à nos descendants le poids du dérèglement climatique et celui de la perte de la biodiversité, comment accepter, sans agir, que s’y ajoute la menace permanente de l’apocalypse nucléaire.  

 


 

 

Que faire ? Pour renouer avec la tradition humaniste qui a été la sienne dans une période de son histoire, la France peut donner le signal de la marche vers un monde débarrassé de la menace nucléaire en étant le premier pays à renoncer volontairement à son armement nucléaire.

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21 novembre 2024 4 21 /11 /novembre /2024 13:40

La Terre au Carré.

photo Nicole et Félix le Garrec

Après-guerre, en Bretagne surtout, et dans une moindre mesure dans les zones moins bocagères, les haies ont été arrachées à coups de bulldozer, les talus arasés, et les vergers réduits à néant. C'est ce qu'on a appelé le remembrement et voici son histoire oubliée racontée dans une BD.
Avec Inès Léraud Journaliste

 

En mai 1978, Gildas Le Coënt, emprisonné neuf mois en hôpital psychiatrique, est libéré. Cette affaire marque un nouvel épisode de la bataille bretonne contre le remembrement. Elle reflète une réalité vécue par des milliers de paysans à travers la France pendant les décennies de modernisation agricole. Inès Léraud est journaliste, et lanceuse d’alerte en 2019 face à l’omerta des algues vertes. Elle publie aujourd'hui « Champs de bataille, l'histoire enfouie du remembrement », sa deuxième BD, une enquête avec Pierre van Hove, publiée chez La Revue Dessinée et les Éditions Delcourt.

 

 

Des blessures toujours vives dans la mémoire collective

 

 

Les témoignages recueillis révèlent des traumatismes profonds. Comme le rapporte Jacqueline Goff née en 1953 : "Je revois l'apparition des bulldozers, ce saccage qui détruit tout, les arbres, les talus. Ce n'était pas un remembrement, un démembrement, c'était le chaos." sur France Culture. Cette mémoire douloureuse se transmet encore dans les villages, où certaines familles ne se parlent plus depuis cette époque.
 

 

Une modernisation imposée qui a divisé les campagnes

 

 

Le remembrement, lancé après la Seconde Guerre mondiale, visait à adapter l'agriculture française aux enjeux de productivité et de concurrence internationale. "C'était une société paysanne qui n'était pas dans une logique de l'argent" explique Inès Léraud, "il s'agissait de regrouper les parcelles, d'arracher les arbres, les talus, pour avoir des champs facilement cultivables par des machines". Cette politique crée alors des tensions durables, opposant les "gagnants", appelés "profiteurs" et les "lésés" du remembrement.

 

 

Ce qui frappe Inès Léraud et Léandre Mandard en travaillant sur le sujet du remembrement, c'est l'ampleur des résistances et des conflits liés à cette question. Un mouvement contestataire qu'on aurait difficilement imaginé vu le peu de cas qu'en ont fait les sociologues ruraux et les historiens jusque-là. "Or, dans les archives départementales, les cartons de réclamation, de recours, de lettres, de mécontentement. Il y en avait partout, dans toutes les archives départementales où je suis allée sur le territoire français. Les bulldozers du remembrement ont dû être accompagnés des forces de l'ordre pour intervenir" explique Inès Léraud.

 

 

Un impact environnemental majeur qui persiste

 

 

Les conséquences de cette transformation radicale des paysages se font encore sentir aujourd'hui. "Il y a 23 000 kilomètres de haies qui disparaissent chaque année, il y en a 3 000 qui sont replantées, donc on perd 20 000 kilomètres de haies chaque année", souligne Inès Léraud. Cette destruction massive du bocage, associée à la diminution drastique du nombre d'agriculteurs (passé de 7 millions en 1946 à 400 000 aujourd'hui), illustre l'ampleur des changements opérés. "Certains chercheurs parlent même d'éthnocide, on a perdu 90% des paysans." explique Inès Léraud.

 

La suite est à écouter...

 

 

Inès Léraud et Léandre Mandard, agrégé d’histoire et doctorant au Centre d’histoire de Sciences-Po (CHSP). Après avoir étudié le mouvement militant gallo au XXe siècle, il s’intéresse à l’histoire sociale, culturelle et environnementale de la modernisation agricole en Bretagne.
 

 

Sa thèse, qu’il soutiendra en 2025, sous la direction d'Alain Chatriot, s'intitule « Révolution dans le bocage. Genèse, exécution et contestations du remembrement rural en Bretagne (1941-2007) ». Il a travaillé avec Inès Léraud comme « conseiller historique ». Il avait également collaboré à l’ouvrage « Algues Vertes, l’histoire interdite » en proposant une version en gallo, titrée « Limouézeries, l’istouère defendue » Inès Léraud, et Léandre Mandard sont tous deux membres de « Splann ! » (« clair », en breton), un média en ligne indépendant consacré à l'investigation en Bretagne (Inès Léraud en est cofondatrice).

 

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 Ils reconstruisent les paysages détruits par le remembrement.

 

extrait de S-eau-S, l'eau en danger.

 

 

Ils sont quelques « fêlés » à vouloir remonter le cours du temps :
 

 

Décembre 1992, dans un champ au dessus de la rivière Elorn une trentaine de personnes s’occupent à reconstruire un talus à l’ancienne dans un champ travaillé par Goulven Thomin, agriculteur bio. Le maître d’œuvre, Mikael Madec, est bien connu en Bretagne comme le collecteur assidu des gestes et des mots de la vie traditionnelle. Auteur d’un livre en breton sur la construction des talus, il a su mettre la main à la pâte et retrouver les méthodes anciennes. Sous sa direction donc, une équipe découpe les mottes, une autre les véhicule avec précaution, la troisième se livre au délicat travail de l’assemblage. En trois heures, malgré la pluie fine, une centaine de mètres d’un beau talus arrondi est monté. Il ne reste plus qu’à s’attabler devant le solide casse - croûte qui est de tradition quand Goulven invite ses amis à un « grand chantier ».

 

Naturellement l’opération est symbolique. Cette parcelle avait jadis été remembrée de force. Son propriétaire, Jean Tanguy, s’était placé devant les engins venus araser ses talus, il avait fallu faire intervenir la gendarmerie.

 

Il s’agissait donc de rappeler à tous ceux qui semblaient les avoir oubliées, les multiples fonctions des talus : remparts contre les vents dominants, barrières contre le ruissellement, pièges pour les nitrates et les pesticides, refuges pour les plantes et les animaux « sauvages », facteurs d’équilibre biologiques.

 

Bien sûr, 100m de talus reconstruits n’allaient pas inverser à eux seuls la tendance. Les bulldozers du remembrement en avait détruit 200 000 km !

 

Sur la parcelle voisine, pour parfaire la démonstration, un tracto-pelle travaillait lui aussi à remonter un talus. Chacun pouvait apprécier la meilleure qualité esthétique du talus « fait main » mais reconnaissait cependant que le travail mécanique faisait quand même moins mal aux reins. Il ne s’agissait pas de « retourner à la marine à voile », comme le faisait remarquer Jean-Yves Kermarrec, un des pionniers de la lutte pour la protection de l’environnement dans le secteur. Les nouveaux paysans ont une vision très « nouvelle » de la vie. L’informatique, internet, ne leur font pas peur, pas plus que le tracteur, quand il est manié de façon conviviale. Ce qu’un engin a démoli, un autre engin peut le reconstruire !

 

Restait à espérer que la course engagée entre ceux qui redressent les talus et ceux qui les détruisent tournerait à l’avantage des premiers.

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15 novembre 2024 5 15 /11 /novembre /2024 14:16

 

 

 

https://x.com/i/status/1856814797477597281

 

 

A l'échelle de l'histoire humaine il est minuit moins quelques secondes. Lorsque minuit sonnera, dans quelques décennies, nous entrerons dans un monde qu'aucun humain n'aura jamais connu. Mais dont quelques-uns dans les bidonvilles du Sud on commencé à expérimenter les effets. Les mauvaises nouvelles ne cessent de tomber. L'organisation météorologique mondiale annonce que, contrairement aux engagements pris lors de la COP21 de limiter les émissions de gaz à effet de serre, leur niveaux ont encore augmenté en 2023. Avec une hausse de plus de 10% de CO2 en deux décennies.

 

L'objectif de limiter à 2° le réchauffement climatique à la fin du siècle est devenu tout à fait irréaliste. Les projections raisonnables tablent désormais sur une augmentation de 4°. Et même le double comme c'est de plus en plus probable si on exploite et brûle dans les prochaines décennies la totalité des réserves d'énergies fossiles connues.

 

Il est presque minuit et nous avançons vers l'abîme comme des somnambules balbutiant les pauvres mots de nos faux semblants, transition écologique, développement soutenable, crédits carbone, ignorant les Cassandre, les insultants parfois, ces porteurs de mauvaises nouvelles rendus responsables des malheurs qu'ils annoncent.

 

Et n'oublions pas que l'empreinte carbone des 1% des habitants les plus riches de la Terre représentent 175 fois l'empreint carbone des 10% les plus pauvres. Tous les terriens ne sont pas également responsables de la catastrophe à venir.

 

Voir aussi :

Grand entretien avec Philippe Descola : Je suis intéressé par les ZAD.

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23 octobre 2024 3 23 /10 /octobre /2024 10:09
Première publication 09/10/20022
"Le philosophe Bruno Latour, figure de proue de la pensée écologiste, est mort à l'âge de 75 ans

Le philosophe, sociologue et anthropologue Bruno Latour, considéré comme l'un des plus grands intellectuels contemporains français, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l'âge de 75 ans."

 

Tel est le titre de l'article que lui consacre France-info.

 

Pluie d'éloges après des décennies de silences dans les médias français. En janvier 2022 il nous offrait sa dernière pensée dans un "Mémo sur la nouvelle classe écologique" aux éditions "les empêcheurs de tourner en rond". Il en parlait dans "La Terre au Carré".

 

Écouter sur la Terre au Carré.

 

 

 

Sur France Inter

Il était aussi interrogé sur France-Inter. Une superbe illustration de  l'actualité et de l'avenir possible de l'écologie politique malgré la multiplication des questions pièges du journaliste.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=SgUWKUPKm-g&ab_channel=FranceInter

 

Sa réponse aux attaques du journaliste contre les écologistes : "je ne m'adresse pas aux activistes, eux il font  un boulot magnifique".

 

Effectivement, son livre ne s'adresse pas aux journalistes en attente de "bons mots" propres à alimenter la médiasphère mais aux "Membres des partis écologiques et leurs électeurs présent et à venir".

A l'évidence le journaliste ne fait pas partie de cette catégorie.

 

Plus d'informations sur le site de La Découverte :

 

Écouter sur la Terre au Carré.

 

 

Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même ? Avec le philosophe Bruno Latour.

 

Dans son dernier livre "Mémo sur la nouvelle classe écologique. Comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même " Bruno Latour appelle les écologistes à tirer toutes les conséquences politiques du Nouveau Régime Climatique.

 

Écouter les entretiens avec Bruno Latour sur ARTE.TV

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Un bémol cependant ?

Faut-il vraiment imaginer une "lutte des classes" sur le modèle marxiste avec toutes les dérives observées depuis (voir la Chine et la Corée du Nord qui prétendent s'en réclamer encore) ? L'avenir ne serait-il pas plutôt aux démarches "libertaires" qui naissent spontanément ici et là. Et, ceci, sans besoin de théoriser. 

Ne pas oublier que, dans cette éventuelle "lutte des classes", l'arbitre ne sera pas un groupe humain quelconque mais la Nature terrestre dans son ensemble.

Voir aussi :

"L'Homme est la Nature prenant conscience d'elle même". Vraiment ?

Autre bémol :

Bruno Latour n'a rien à dire sur la relance du nucléaire !!!

Ce qui donne à son discours un côté "hors sol".

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2 octobre 2024 3 02 /10 /octobre /2024 18:43
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  • : Comme l'art ou la littérature,les sciences sont un élément à part entière de la culture humaine. Leur histoire nous éclaire sur le monde contemporain à un moment où les techniques qui en sont issues semblent échapper à la maîtrise humaine. La connaissance de son histoire est aussi la meilleure des façons d'inviter une nouvelle génération à s'engager dans l'aventure de la recherche scientifique.
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