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15 juillet 2019 1 15 /07 /juillet /2019 16:04

Nous apprenons, en ce début de Juillet 2019, que 17 années d’archives du ministère de l’agriculture concernant les responsabilités dans l’autorisation du chlordécone aux Antilles, ont disparu !

 

 

voir la vidéo

 

Nous avons évoqué le problème du chlordécone aux Antilles dans le livre "Respirer tue, agir contre la pollution de l’air". Nous rappelons ici les passages correspondants.

 

Aux Antilles : silence on empoisonne.

 


Béatrice Ibéné, présidente de l’Association pour la Sauvegarde et la réhabilitation de la Faune des Antilles, vétérinaire, vit et travaille en Guadeloupe. Elle était à Paris le lundi 28 avril 2014, devant le Conseil d’État, pour défendre un référé contre l’arrêté autorisant les épandages aériens aux Antilles. Interrogée par le journal Reporterre, elle expliquait que cette pratique est ancienne et que l’interdiction des épandages aériens depuis 2009 n’y change rien tant les dérogations sont nombreuses. Dernier en date, l’arrêté du 23 décembre 2013 permettait aux producteurs de bananes de continuer les épandages aériens de produits dangereux sur les Antilles pendant douze mois consécutifs.

Les épandages aériens, à quand la fin ?

 

Le gros problème de l’épandage aérien, affirmait-elle, "c’est la dérive des produits car ce mode de diffusion expose tous les êtres vivants aux pesticides. On a des témoignages récurrents de gens qui sentent les émanations à plus de huit cents mètres des zones d’épandage alors que la distance de sécurité imposée en France n’est que de 50 mètres. En Guadeloupe, les habitations ne sont jamais bien loin des bananeraies".

 

Ainsi donc, dans les Antilles comme en métropole, les nuages de pesticides ne respectent pas la frontière des 50m imposée par la loi !

 

Le 6 mai 2014, Béatrice Ibéné et son association remportaient une superbe victoire. Le Conseil d’État suspendait les autorisations d’épandage et condamnait l’État à verser 1000 euros à chacune des associations requérantes.

 

La qualité des mémoires remis par les associations avait emporté la décision mais le Conseil d’État ne pouvait ignorer également le "Rapport d’évaluation des plans d’action chlordécone aux Antilles" présenté en octobre 2009 par des autorités peu soupçonnées d’activisme écologiste telles que le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, l’Inspection Générale des Affaires Sociales, le Conseil Général de l’Agriculture de l’Alimentation et des Espaces Ruraux, l’Inspection Générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la Recherche. En conclusion que nous disaient ces grandes administrations de l’État réunies ?

 

"Aux Antilles françaises, des groupes de population particulièrement exposés (les travailleurs en agriculture, les familles consommant les produits de leur jardin, les pêcheurs etc.) mais aussi, de diverses façons, l’ensemble de la population sont touchés par la contamination des sols par la Chlordécone, les produits phytosanitaires organochlorés, et tous les pesticides quels qu’ils soient (le Glyphosate par exemple).

 

En effet, les milieux naturels sont le réceptacle obligé de toutes les percolations, lixiviations, lessivages et autres formes d’érosion qui entraînent et diffusent ces molécules et leurs produits de dégradation. Alors que l’on pensait qu’elle serait prisonnière des sols des anciennes bananeraies, la molécule de Chlordécone n’est qu’un témoin de ces différentes formes de contamination inévitable...

 

Les Antilles ne font que témoigner un peu plus tôt qu’en métropole, du fait de leur échelle géographique plus réduite, des dangers et des conséquences des pesticides [,,.] Développer "une agriculture sans pesticides" sur tout le territoire devient donc indispensable, et, associée à la préservation des richesses des forêts et de la végétation tropicales dont l’attrait touristique est encore peu mis en valeur, ces objectifs pourront devenir des atouts pour un développement durable de ces îles."

 

Il nous faut parler du chlordécone (ou de la chlordécone, molécule parfois féminisée en fonction des auteurs) comme exemple flagrant de la désinformation en œuvre dès qu’il s’agit de dévoiler un réel scandale environnemental. Une leçon qu’il faudra retenir concernant cette pollution dont on commence à peine à parler : celle de l’air par les pesticides ou les particules fines.

 

Le scandale du chlordécone.

 

Le 15 mars 2014, la chaîne de télévision "Public Sénat" diffusait un documentaire réalisé par Thierry Derouet sous le titre : Chlordécone : poison durable.

 

La présentation annonçait un document sans concession : "L’affaire de la Chlordécone est le scandale sanitaire le plus retentissant de ces dix dernières années aux Antilles françaises. Cette molécule a été épandue sur les bananiers pendant plus de vingt ans, jusqu’en 1993 et sûrement un peu au-delà. Classé comme cancérigène possible, ce pesticide avait été interdit dès 1976 aux États-Unis.". Cette émission télévisée constitue l’un des témoignages les plus objectifs sur ce scandale à chaque fois étouffé dès qu’il revient sur la scène médiatique.

 

Treize années plus tôt, en juillet 2001 était remis, à la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, Dominique Voynet, un "rapport sur la présence de pesticides dans les eaux de consommation humaine en Guadeloupe". La ministre n’ayant pas eu le temps de l’exploiter, car elle quittait son ministère le même mois, il semblait s’être perdu dans l’un ou l’autre des services ministériels. Il méritait pourtant mieux que cet oubli.

 

Il avait pour auteurs Henri Bonan de l’Inspection Générale des Affaires Sociales et Jean-Louis Prime de l’Inspection Générale de l’Environnement. Ce travail leur avait été demandé à la suite des résultats d’une campagne renforcée de contrôle des teneurs en pesticides dans l’eau, menée par la DDASS de Guadeloupe en 1999. Les mesures avaient montré des taux très élevés de pesticides organochlorés (Chlordécone, Dieldrine et β-hexachlorocyclohexane) dans l’eau distribuée et même dans l’eau embouteillée. Pourtant ces produits, utilisés sur les cultures de canne à sucre et surtout de bananes, étaient interdits d’usage depuis, respectivement, 1993, 1972 et 1987. Les taux de pollution mesurés avaient amené la fermeture d’une usine d’embouteillage d’eau de source et de captages alimentant plusieurs communes.

 

Parmi les pesticides retrouvés dans l’eau, les auteurs relevaient particulièrement la pollution par le chlordécone. En vingt ans au moins quatre rapports s’étaient succédés qui en décrivaient la présence et les effets, mais sans aucun succès. Pourtant depuis le grave accident survenu aux USA sur une usine fabricant du chlordécone et son interdiction dans ce pays en 1977, on connaît la nocivité de ce produit considéré comme cancérigène et facteur de troubles neurologiques. On sait aussi qu’il est fortement rémanent, on estime à plusieurs siècles sa persistance dans les sols traités où il contamine les plantes qui y poussent ainsi que les animaux et humains qui les consomment.

 

Informées du contenu du rapport Bonan-Prime les associations de consommateurs et de protection de l’environnement de Guadeloupe et Martinique sont les premières à se mobiliser mais tout est fait pour les dissuader.

 

Aux Antilles la justice coûte cher.

 

Le 24 février 2006, quatre associations guadeloupéennes, l’Union des producteurs agricoles de Guadeloupe, l’Association Agriculture-Société-Santé-Environnement, l’Union régionale des consommateurs, l’Association SOS Environnement Guadeloupe, portaient plainte contre X pour "Mise en danger d’autrui (risque immédiat de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence. Administration de substance nuisible ayant porté atteinte à l’intégrité d’autrui ".

 

Suite à ce dépôt de plainte, chacune a reçu du Doyen des juges d’instruction au tribunal de grande instance de Basse Terre une "Ordonnance fixant une consignation (partie civile)" ainsi libellée :

"Attendu que le plaignant a manifesté l’intention de se constituer partie civile, le plaignant ne bénéficiant pas de l’Aide Juridictionnelle, fixons à 1500 euros le montant de la consignation"

 

Au total ce sont donc 6000 euros qui sont demandés à ces associations, dont les moyens sont limités, pour que leur plainte soit simplement retenue ! Sachant que l’objectif légal d’une telle consignation est de garantir le paiement de l’amende susceptible d’être prononcée contre les associations pour le cas où leur constitution de partie civile serait jugée abusive par le tribunal correctionnel, cette mesure était clairement perçue par les associations comme une tentative de dissuasion.

 

La suite devait confirmer leurs craintes. Les associations ont choisi pour avocat Harry Durimel. Fervent défenseur de l’écologie et de la nature, il a été à la pointe de tous les combats pour la défense de l’environnement, des droits de l’Homme et des libertés. C’est en partie sous son impulsion qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée. Rejoint depuis par une dizaine de ses confrères dans ce combat, il bataille pour vaincre la résistance qu’oppose le Procureur de la République à la recevabilité de ladite plainte.

 

Le 16 Mai 2007, Harry Durimel recevait une convocation pour le 4 Juin 2007 devant un Juge d’Instruction à Pointe-à-Pitre, en vue de son éventuelle mise en examen pour des prétendus faits de violation du secret de l’instruction et entrave à sa bonne marche remontant à Février et Mars 2004, c’est-à-dire plus de 3 ans plus tôt. Une vieille et banale affaire sur fond d’écoutes téléphoniques et dans laquelle l’avocat n’était en rien concerné.

 

De l’avis unanime des avocats qui ont eu accès au dossier, (plus d’une cinquantaine d’avocats se sont constitués pour sa défense), le dossier instruit ne contenait aucun élément probant permettant de mettre en cause leur confrère et s’analysait comme "une violation massive et systématique de toutes les règles de droit". L’ordre des avocats de Guadeloupe décidait de façon unanime d’apporter son soutien inconditionnel à Harry Durimel et appelait l’ensemble des avocats à se mobiliser le lundi 4 juin 2007 en suspendant toutes activités judiciaires quelles qu’elles soient.

 

Leur motion était transmise à la Ministre de la Justice, au Conseil National des Barreaux, à la Conférence des Bâtonniers de France et d’Outremer, au Bâtonnier de Paris, à la Confédération Nationale des Avocats, à la FNTJJA, au Syndicat des Avocats de France (SAF), aux Syndicats d’Avocats de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Sous l’effet de la mobilisation l’affaire finalement se dégonflait.

 

Dans le même temps, en Martinique, une plainte pour empoisonnement était déposée par l’Association de Sauvegarde du Patrimoine Martiniquais (ASSAUPAMAR). Sept ans se sont passés et l’instruction est toujours en cours.

 

Quand l’affaire du chlordécone se transforme en affaire Belpomme.

 

Le 18 septembre 2007, le Professeur Dominique Belpomme, cancérologue, rendait public un "Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique. Conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points."

 

A la demande d’élus et d’associations de la Martinique, le Professeur Belpomme s’était rendu sur place pendant une courte semaine début mai. Il avait pu mesurer la détresse de la population et celle des élus qui malgré les demandes adressées aux autorités métropolitaines constataient le poids d’une Omerta généralisée. Le rapport qu’il rédige alors est essentiellement une compilation de ce qui n’est déjà que trop connu sur la nocivité du chlordécone et la pollution généralisée des Antilles. Tout en regrettant que ces études n’aient pas été menées également en Martinique, il reprend les premières conclusions des études épidémiologiques menées en Guadeloupe : Karu-prostate (sur le cancer de la prostate), Hibiscus (sur le taux de contamination de la population), Timoun (sur les femmes enceintes et les nouveaux-nés).

 

En résumé il conclut que :
"Les Antilles traversent actuellement une crise extrêmement grave liée à l’utilisation massive de pesticides depuis de nombreuses années. Cette crise revêt en Martinique deux aspects principaux :
(1) Au plan agricole, la détérioration progressive des sols avec pour conséquences leur stérilisation et la possibilité de sérieux problèmes alimentaires.
(2) Au plan de la santé publique, la très forte augmentation d’incidence des cancers de la prostate et du sein, et possiblement une augmentation du nombre des cas de malformations congénitales et de pertes de fécondité."

 

Dans l’un et l’autre cas, ajoute-t-il " ces phénomènes risquent d’être à l’origine, dans l’immédiat, de problèmes économiques et sanitaires sérieux et, à terme, d’un dépérissement de l’île et de sa population".

 

D’où son appel à l’action :

 

"Pour sauver les Antilles du désastre économique et sanitaire qui s’annonce et protéger les générations futures, il est urgent d’agir non seulement en gérant efficacement la crise actuelle, mais aussi en faisant en sorte qu’elle ne se renouvelle pas, autrement dit en réformant les pratiques agricoles et économiques actuelles, en vertu du principe de précaution."

 

Rien de bien révolutionnaire. Tout cela a déjà été écrit et publié. Mais le Professeur Belpomme est une personnage "médiatique" qui ne rechigne pas à s’exposer aux feux de la rampe. Par ailleurs, les titres à scandale font recette : "Cancer aux Antilles : publication du rapport Belpomme" titrait un grand hebdomadaire national relayé par ses confrères de la grande presse, par les radios, les télévisions. Les gros titres et les extraits qui les accompagnaient ne rendaient pas réellement compte du contenu du rapport mais le cancer fait parler et fait vendre. Cette publicité surfaite a pourtant atteint son objectif : on ne peut plus ignorer en métropole le drame qui se vit aux Antilles. L’accusation est grave : on a empoisonné la Guadeloupe et la Martinique !

 

Ici commence "l’affaire Belpomme".

 

Rapidement une mobilisation se développe pour discréditer une étude qui pourtant ne mérite pas tant d’honneurs. Le journal Ouest-France, daté du 21 septembre 2007 soit trois jours après la publication du rapport, titre : "Pas de catastrophe sanitaire aux Antilles". Sont interrogés les chercheurs du laboratoire Inserm de Rennes qui mènent les études sur le chlordécone en Guadeloupe. Manifestement la mission est d’étouffer le scandale.

 

Trop de cancers de la prostate ? Réponse des chercheurs : "l’indice élevé de cancers de la prostate se retrouve dans les autres îles caraïbes et dans la population noire américaine. En revanche, il y a moins de cancers du testicule que dans la population blanche". Perte de fertilité masculine ? "les chercheurs ont capturé des rats sauvages vivant sur des sols contaminés : leur reproduction semble partiellement altérée. Mais on ne retrouve pas ce résultat chez les ouvriers dont le sperme a été analysé". Problème sur les femmes enceintes ? "on ne voit pas émerger un facteur de risque qui dépasserait les autres".

 

En résumé : circulez il n’y a rien à voir dans les Antilles. Plus grave, l’article prête à l’un des scientifiques, le professeur Multigner, des propos clairement diffamatoires : "je conçois que des scientifiques puissent avoir des opinions différentes, mais je trouve inadmissible que l’on utilise le mensonge".

 

Mensonge ? Interrogé le 7 novembre 2007 par la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, Luc Multigner ne reprenait pas le propos mais regrettait simplement que "aucune concertation préalable n’ait été faite avec un certain nombre d’experts de santé publique ayant dans leur domaine déjà travaillé sur cette question, tels ceux, par exemple, de l’unité 625 de toxicologie de l’Inserm, de l’unité 292 "Fertilité" du même institut, ou les services de néonatalogie et de pédiatrie du CHU de Pointe-à-Pitre, ou encore des urologues s’agissant de l’évolution des cas de cancers de la prostate". Pas de mensonge donc mais un crime de lèse majesté : on n’avait pas consulté les "experts".

 

Mais que nous disaient alors ces "experts" ? Question déontologie le chercheur de l’Inserm aurait pu, lui aussi, recevoir quelques leçons car au moment même où il accusait son confrère de mensonge il avouait que lui même n’était pas en mesure d’affirmer quoi que ce soit : " Dans un an à dix huit mois, nous pourrons répondre aux interrogations les plus urgentes. Personne n’est en mesure d’affirmer qu’il y a catastrophe sanitaire. Il est possible qu’il y ait certains effets, mais personne n’a la réponse". Donc, si on le comprenait bien, l’équipe de l’Inserm ne saurait pas avant un an au minimum s’il y avait, ou pas, "catastrophe sanitaire" aux Antilles mais cela ne l’empêchait pas cependant d’affirmer qu’il n’y en avait pas. Nous verrons par la suite que les résultats définitifs se montreront pourtant bien préoccupants et viendront contredire cet optimisme de commande.

 

Notons que la leçon n’a pas été retenue et que, quelques années plus tard, le même déchaînement médiatique allait s’abattre sur le professeur Séralini et son étude sur les effets du Roundup.

 

L’affaire Belpomme et après.

 

Décrire toutes les études actuellement réalisées aux Antilles sur le problème de la pollution par le chlordécone, rapporter la détresse des populations concernées et la lutte des associations pour obtenir des mesures de protection et de retour à la normale prendrait plusieurs volumes. Contentons nous de jeter un rapide coup d’œil sur ce qui est aujourd’hui avéré.

 

Dans une publication de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) du 22 juin 2010, on lit sous le titre : "Exposition au chlordécone et risque de survenue du cancer de la prostate", l’introduction suivante :


"des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 625 - Groupe d’Étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères, Université Rennes 1), du CHU de Pointe-à-Pitre (Service d’urologie, Université des Antilles et de la Guyane) et du Center for Analytical Research and Technology (Université de Liège, Belgique) montrent que l’exposition au chlordécone, un insecticide perturbateur endocrinien employé aux Antilles françaises jusqu’en 1993, est associée significativement à une augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate."

 

On été suivis, entre 2004 et 2007, des hommes originaires de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Haïti, Dominique). Leur exposition au chlordécone avait été évaluée par une méthode originale d’analyse de la molécule dans le sang. La réponse aux interrogations de 2007 était donc claire et le journal Libération pouvait titrer "Le Chlordécone augmente le risque de cancer", ce que le journal Le Monde traduisait plus tard par "Guadeloupe : monstre chimique" sans risquer cette fois de s’attirer les foudres des "autorités scientifiques".

 

Moments de vérité à l’émission Public-Sénat.

 

Revenons à l’émission de Cécile Everard et Thierry Derouet, sur le " Chlordécone : poison durable". Parmi les personnes interrogées se trouvaient Luc Multigner (Inserm U625, Rennes et Pointe-à-Pitre) et Pascal Blanchet (Service d’Urologie du CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes) deux des coauteurs de l’article cité précédemment.

 

Moments de vérité :

 

Luc Multigner : "le chlordécone était arrivé à contaminer la majorité voire l’ensemble de la population essentiellement par voie alimentaire."

Pascal Blanchet (au sujet du cancer de la prostate) : "c’est un cancer qui est beaucoup plus fréquent que dans les autres régions de France. Deux fois plus de cancers et on en meurt deux fois plus. C’est celui qui saute aux yeux de toutes les familles parce que chaque famille a un membre homme de sa famille qui a été touché et il représente à lui tout seul chaque année 500 nouveaux cas en Guadeloupe 500 nouveaux cas en Martinique ce qui fait la moitié des nouveaux cancers tous sexes confondus. Le chlordécone est un facteur de risque supplémentaire de survenue du cancer de la prostate dans nos deux régions."

 

Luc Multigner : "parallèlement on s’est intéressé aux effets sur l’enfant pendant la vie intra-utérine et pendant la vie extra-utérine ce que l’on appelle le développement postnatal. Ce que nous avons constaté c’est que l’exposition prénatale a une influence sur le développement et en particulier sur deux aspects, l’un que l’on appelle la mémoire récente chez les enfants de 7 ans et puis l’autre ce qu’on appelle la motricité fine, la motricité fine étant la capacité à pouvoir articuler, jouer avec des jeux c’est toute cette capacité d’appréhension des objets. Alors ce que l’on a constaté c’est que plus les mamans étaient exposées au chlordécone plus les scores qu’on pouvait déduire de ces différents tests étaient moins bons. Est-ce que c’est grave docteur ? En soit non. Mais pour nous c’est un signal , une alarme car on sait de plus en plus que des petites modifications subtiles peuvent éventuellement perdurer dans le temps et être des signes précurseurs d’effets, alors cette fois ci d’effets de santé importants qui vont se manifester uniquement à un âge avancé".

 

Ce jour là ces chercheurs ne parlent pas la langue de bois. Sans doute, dans ce moment de vérité, faut-il s’efforcer d’oublier les propos anciens de Luc Multigner à l’encontre de Dominique Belpomme. Certainement faut-il surtout regretter, sans s’en étonner, que son témoignage d’aujourd’hui ne rencontre pas la même couverture médiatique que celui de Belpomme qui, sans avoir le même poids scientifique, avait quand même réussi à alerter l’opinion publique.

 

Luc Multigner est d’ailleurs le premier à stigmatiser l’indifférence hexagonale à ce problème antillais :

 

"Imaginez un instant que le chlordécone, au lieu d’être utilisé aux Antilles, ait été utilisé dans une région comme la région bretonne et que une bonne partie des sols agricoles soient pollués pendant des décennies voire pendant des centaines d’années avec un contaminant qui est quand même d’un potentiel toxique très important et qui contaminerait 90% de la population bretonne. Vous imaginez l’impact ou la perception que cela aurait eu. Alors peut-être que parce que les Antilles sont loin, parce que l’Outremer est loin, on a du mal à percevoir l’étendue de ce problème. Et comme le problème est relativement nouveau il faut faire preuve d’imagination et cette imagination ne doit pas être partagée, seulement par le scientifique, mais par tous les acteurs du dossier et, bien sur, par la puissance publique".

 

Nous reparlerons de la Bretagne qui ne connaît pas le chlordécone mais n’est pas épargnée par d’autres polluants et nous quitterons provisoirement les Antilles en citant le commentaire qui conclut ce superbe moment de télévision :

 

"Avec une échelle géographique réduite les Antilles ne font que témoigner un peu plus tôt qu’en métropole des dangers et des conséquences insoupçonnées de l’emploi des pesticides, Le mal est fait, les générations futures devront se débrouiller avec la nature mais aujourd’hui chaque Antillais porte en lui une parcelle de la pollution dans son sang et dans son âme."

 

Les enfants, premières victimes de la pollution.

 


Retrouvons cette émission télévisée, décidément très riche, de Public-Sénat. Dans le débat qui suit le reportage réalisé aux Antilles, Benoît Duquesne a invité, entre autres, le professeur Narbonne, toxicologue. Pour répondre à l’avocat des associations guadeloupéennes qui déclarait que "si ça s’était passé en Bretagne, les choses n’auraient pas évolué de la même façon", il répondait : "il y a la même contamination en Bretagne. Il y a la même étude qui se fait en Bretagne aujourd’hui sur les femmes enceintes pour regarder les effets de l’exposition aux pesticides puisque la Bretagne est un pays agricole qui a beaucoup utilisé de pesticides. On a vu là aussi les problèmes d’élevage avec les proliférations d’algues, les résidus d’antibiotiques dans l’eau et donc la Bretagne est extrêmement polluée".

 

Et à Benoît Duquesne qui remarquait que dans le film "il y a quelqu’un qui dit regardez ce qui se passe en Bretagne, il suffit qu’il y ait quelques algues vertes, un cheval qui meurt et c’est une affaire nationale ! ", il répondait : "ce n’est pas un hasard si la même équipe d’épidémiologie qui est en train d’étudier ce qui se passe aux Antilles vient de Rennes, Donc ça veut dire que le cœur de l’épidémiologie des effets des pesticides est en Bretagne et qu’on a délocalisé une équipe sur les Antilles".

 

Ainsi donc la Bretagne et les Antilles sont les sujets principaux des épidémiologistes qui étudient les effets de la pollution par les pesticides sur les femmes enceintes et leurs enfants. En Guadeloupe l’étude s’appelle Timoun, un joli mot du créole guadeloupéen signifiant enfant. En Bretagne elle s’appelle Pélagie. Pélagie comme la déesse de la mer ? Non, Pélagie comme "Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance" ! C’est moins poétique mais c’est beaucoup plus parlant.

 

Timoun, grossesse et chlordécone aux Antilles.

 

L’étude Timoun a été menée sur une "cohorte mères-enfants" incluant 1068 femmes (ne pas s’effrayer, la "cohorte" est ici un terme scientifique bien pacifique). Ces futures mères ont été vues en consultation en fin de grossesse dans les maternités de Guadeloupe entre 2004 et 2007. Les données sociodémographiques, médicales et celles concernant l’alimentation pendant la grossesse ont été recueillies par questionnaire et dans les dossiers médicaux. La concentration de chlordécone a été mesurée dans le sang maternel recueilli à l’accouchement.

 

Conclusion : "Nos résultats suggèrent un impact possible de l’exposition chronique par le chlordécone sur une diminution de la durée de gestation. Elle est plausible compte tenu de l’action du chlordécone sur les récepteurs aux œstrogènes et/ou à la progestérone in vitro et in vivo, lesquels jouent un rôle déterminant dans le déclenchement de l’accouchement. Cette association est observée après prise en compte des autres facteurs de risque de prématurité et ce risque, s’il est avéré, est susceptible de contribuer au taux de prématurité élevé présent dans cette population. Des recommandations ont été mises en place depuis plusieurs années en vue de réduire les apports alimentaires en chlordécone et donc l’imprégnation globale de la population".

 

Et les nouveaux nés ?

 

Sur le site de l’Inserm un article de septembre 2012 indique que 153 nourrissons, garçons et filles, ont fait l’objet d’un suivi à l’âge de 7 mois. La conclusion mérite d’être citée :

 

"L’exposition prénatale au chlordécone a été estimée par son dosage sanguin dans le sang du cordon. L’exposition post-natale a, quant à elle, été estimée par son dosage dans le lait maternel ainsi que par la fréquence de consommation par les nourrissons de denrées alimentaires susceptibles d’être contaminées par le chlordécone. Puis, la mémoire visuelle, l’acuité visuelle et le développement moteur des nourrissons ont été testés."
 

Les scientifiques notent un lien entre exposition prénatale au chlordécone et perturbations de l’attention et de la motricité du nouveau né. L’exposition postnatale, quant à elle, a été retrouvée associée à des troubles de la mémoire visuelle et de la capacité d’attention.

 

"En conclusion, l’exposition prénatale au chlordécone ou postnatale via la consommation alimentaire est associée à l’âge de 7 mois a des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons".

 

Les chercheurs rapprochent ces troubles de certaines particularités décrites dans le passé chez des adultes exposés professionnellement au chlordécone et caractérisées par un appauvrissement de la mémoire à court terme. Ils et elles s’interrogent aussi sur la possibilité que ces observations, faites chez les nourrissons à l’âge de 7 mois, puissent annoncer de troubles permanents à un âge plus avancé. Pour Sylvaine Cordier et Luc Multigner, "seul le suivi des enfants au cours des années à venir permettra de répondre à ces interrogations". Les enfants de la cohorte Timoun font l’objet actuellement d’un suivi à l’âge de 7 ans.

 

Aux Antilles : savoir et après ?

 


Sans doute n’y a-t-il pas une région française où la connaissance de la pollution et de ses effets soit mieux connue qu’aux Antilles. L’affaire du chlordécone s’y est traduite par les programmes d’étude Karuprostate, pour le cancer, ou Timoun pour l’effet sur les femmes enceintes et leurs enfants. On ne peut donc pas ignorer que les hommes contaminés par le chlordécone ont un risque accru de cancer de la prostate et que les femmes enceintes risquent de mettre au monde des enfants prématurés, de faible poids ou de développement cérébral perturbé. Mais que leur propose-t-on ? Des moyens supplémentaires sont-ils déployés dans les Antilles pour traiter ces cancers spécifiques ? Les femmes dont les enfants ont été classés "à risque" en ont-elles été informées ? Des mesures spécifiques sont-elles prévues pour les aider et suivre leurs enfants dans leur développement physique et intellectuel. Ne leur laisse-t-on, en échange de leur participation volontaire à l’étude qui les concernait, que le poids d’un sentiment de culpabilité impuissante ? Et pour ce qui concerne les femmes en désir d’enfant, faut-il leur conseiller de faire analyser au préalable leur sang pour y détecter le taux des polluants qui imprègnent leur corps. Peut-on leur indiquer un moyen de s’en débarrasser ou existe-t-il un moyen d’en prévenir les effets. Savoir sans rien pouvoir ne serait-elle pas la pire des épreuves ?

 

Et la culpabilisation ne s’arrête pas au seuil de la maternité. Comment nourrir sa famille dans une région dont on découvre que les sols sont contaminés pour des siècles.

 

Visite au jardin créole.

 

Dans les îles de la Caraïbe, le "jardin créole", qui fournit aux populations une part de leur autonomie alimentaire, est un héritage des civilisations amérindiennes et africaines. Cet élément incontournable du paysage rural et culturel des Antilles est un concentré d’agro-écologie. Sur à peine 200m2, fourmillent une multitude de plantes vivrières, fruitières, aromatiques, médicinales, destinées principalement à l’autoconsommation familiale. Comme dans une forêt, les espèces sont agencées de manière à occuper une "niche écologique" permettant leur coexistence et leur coopération. Sur un même carré de terre on voit pousser cinq légumes différents : du choux paumé, des carottes, de la patate douce, de l’igname, du céleri... Chacun attire des insectes différents qui se neutralisent les uns les autres. Certaines plantes offrent des services à leur voisine : elles peuvent capter l’azote de l’air pour le fournir aux autres plantes, ou encore couvrir le sol et éviter l’érosion et la pousse de plantes indésirables. Des chercheurs du centre Inra Antilles-Guyane, des agronomes, des mathématiciens, des informaticiens, des écologues étudient les associations végétales de ces jardins créoles et les techniques traditionnelles qui y fleurissent.

 

Et pourtant les jardins créoles sont aujourd’hui présentés comme un danger dont il faut se prémunir. Installés à proximité des zones bananières ou sur des sols ayant été occupés par cette culture, certains sont gorgés de chlordécone. Pendant des années personne ne s’en est préoccupé mais quand a éclaté "l’affaire Belpomme", c’est à dire la tempête médiatique déclenchée par les révélations du cancérologue, la ministre de la santé Roselyne Bachelot, s’était précipitée pour annoncer le renforcement des LMR (limites maximales de résidu) les faisant passer de 50 microgrammes à 20 microgrammes par kilogramme d’aliment. Sous le prétexte de chercher à étouffer le scandale enfin dénoncé en métropole, elle raidissait les normes à défaut de pouvoir éliminer la pollution. Elle créait, ainsi, une panique dans la population antillaise : que consommer de son jardin, que vendre sur les marchés ?

 

Pour enterrer un problème politique on crée une "commission", pour noyer un problème environnemental, on rédige un "programme". Dans le cas présent le programme s’appelle JAFA (programme de santé Jardins Familiaux). Il a pour but de dissuader les Antillais de consommer les produits de leur jardin.

 

Une présentation de ce programme par le "Comité Guadeloupéen d’Éducation pour la santé" et les Directions de "la Solidarité et du Développement Social" de Guadeloupe et Martinique montre des cartes où de larges plages de points rouges ciblent les zones contaminées. L’objectif est clairement annoncé : "amener 50% des personnes à risque s’alimentant à partir de jardins familiaux ou de circuits courts de distribution, à limiter la fréquence de consommation de légumes racines (madère, patate douce, igname) à 2 fois par semaine maximum - Amener 20% des personnes à risque s’alimentant à partir de jardins familiaux à diversifier leurs cultures avec d’autres alternatives telles que : fruit à pain, poyo, banane, pois d’Angole, giromon".

 

Le paradis antillais serait donc devenu l’équivalent d’un Tchernobyl ou d’un Fukushima où il faut se munir d’un compteur Geiger avant d’aller faire son marché. Là-bas, le menu de la semaine doit être programmé en fonction de la radioactivité ingérée. Ici faudra-t-il établir, chaque semaine, le bilan du chlordécone absorbé par les membres de la famille. Sommes nous les observateurs d’une nouvelle diététique qui aurait pour fonction non plus de choisir le meilleur de l’alimentation mais d’en éliminer le pire.

 

Limiter la consommation de produits du jardin ? Mais ce sont les familles les plus modestes qui en sont les premières consommatrices. Que trouve-t-on parmi les propositions qui leur sont faites pour remplacer les moyens qu’elles s’étaient données de subvenir à leur besoins : l’assistanat sous forme de portage de repas ou d’épicerie sociale... et, cerise sur le gâteau, dans le document qu’elles ont rédigé, ces directions chargées "d’éducation à la santé" et de "développement social", osent proposer, afin d’éviter les pratiques nutritionnelles à risque, le "remplacement des ignames par des chips" !

 

Du jardin jusqu’au champ.

 

Côté agriculteurs, la situation est de même nature. Un arrêté préfectoral du 20 octobre 2003 régit les conditions de plantation et de culture de certaines productions végétales en Guadeloupe. Il rend obligatoire l’analyse du chlordécone dans le sol avant mise en culture pour tous les producteurs de produits vivriers et maraîchers (légumes racines, ignames, dachines, madères, patates douces... ). Si les résultats sont négatifs, l’agriculteur peut mettre en place sa culture sans condition. Dans le cas contraire, il est incité à choisir une autre production et, s’il persiste dans son intention, il est tenu de faire analyser ses produits avant sa mise en marché et de les détruire s’il y trouve du chlordécone.

 

Ce sont donc les agriculteurs, et eux seuls, qui doivent assumer la responsabilité de produire des légumes exempts de pollution au chlordécone. Ce que dénonce l’Union des Producteurs Agricoles de la Guadeloupe (UPG). Ils ne contestent pas la nécessité d’informer sur la présence de cette substance dans les sols, dans l’eau, les denrées alimentaires, les végétaux, les animaux. Mais il est inadmissible, disent-ils, que, aujourd’hui, "les agriculteurs soient les seuls pointés du doigt par la population dans ce problème. Il faut clairement établir les responsabilités de chacun et les divulguer car les agriculteurs sont des victimes dans cette affaire. Ce ne sont pas eux qui ont autorisé la mise en marché de cette molécule ni eux qui l’ont produite !!! ". En autorisant l’usage du chlordécone dans les Antilles, constatent-ils, "les arrêtés ministériels et les règlements phytosanitaires de 1972 appliqués en métropole ont été bafoués par des administratifs de plus haut lieu afin que les lobbies locaux commerçants puissent mettre en marché ce produit dangereux interdit depuis 1973 en métropole. L’État a commis une faute grave et par conséquent doit la réparer".

 

Réparer d’abord en indemnisant les agriculteurs pénalisés et ils rappellent les sommes allouées aux agriculteurs bretons pour réduire leurs épandages sur les zones où prolifèrent les algues vertes. Réparer en aidant à la reconversion des cultures. Réparer en établissant une cartographie précise des sols contaminés. Réparer en donnant tous les moyens humains et financiers à la recherche pour leur décontamination. Pourtant, nous le savons, la réparation devra tenir compte du temps de réaction des éléments naturels. Au moins pourrions nous accélérer le processus en appliquant la recommandation du rapport d’évaluation des plans d’action chlordécone aux Antilles présenté en octobre 2009 :

 

"Développer "une agriculture sans pesticides" sur tout le territoire devient donc indispensable".

 

A condition qu’on leur apporte toute l’aide nécessaire, nos compatriotes des Antilles, ayant subi, plus que d’autres, les effets de molécules chimiques qui affecteront plusieurs générations, peuvent gagner ce combat pour la suppression totale de l’usage des pesticides chez eux. Une première victoire qui devrait inspirer les autres régions métropolitaines.

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12 juin 2019 3 12 /06 /juin /2019 12:27

Au moment où le tramway et les voitures électriques font l’actualité parisienne couplés avec le problème de la pollution de l’air et celui de la lutte contre l’effet de serre, il peut être instructif de se pencher sur l’histoire des débuts de la locomotion automobile qui, comme nombre de nouveautés, commence à Paris.

 

Une période où la principale pollution parisienne était due au crottin de cheval, où le pétrole servait essentiellement à alimenter les lampes et où les tenants du "progrès" espéraient beaucoup de la traction électrique.

 

(première mise en ligne 22 février 2007.)

 


Les premiers Tramways : le choix de l’électricité.

 

Parlons d’abord du Tramway.

 

Ce n’était pas une invention nouvelle : des voitures sur rail transportant de nombreux voyageurs et tractées par des chevaux circulent déjà sur des lignes exploitées par plusieurs compagnies privées. Cependant, à partir de 1892, la préfecture de Paris autorise les compagnies exploitantes à adopter des véhicules pourvus d’une traction autonome.

 

L’air comprimé

 

La "Compagnie générale des omnibus" qui exploite les lignes Cours-de-Vincennes-saint-Augustin, Louvre-Versailles et Louvre-Saint-Cloud, choisit des moteurs à air comprimé qui fonctionnent déjà sur les tramways nogentais. Une méthode non polluante dont on parle encore aujourd’hui sans oser l’adopter massivement alors qu’elle est tout à fait réaliste.

 

L’électricité

 

La "Compagnie des tramways de Paris et du département de la Seine" adopte la traction électrique sur les lignes qui lui sont concédées à savoir : Madeleine-Saint-Denis, Neuilly-Saint-Denis, Saint-Denis-Châtelet.

 

Ces élégantes voiture de 56 places disposent d’une impériale couverte. Chacun de ses essieux sera muni d’une dynamo Gramme ou Siemens de 15 chevaux et seront autorisées à rouler à une vitesse de 12 km/h à Paris et de 16 km/h au-delà des fortifications.

 

Les voitures fonctionneront sur batteries d’accumulateurs. La station centrale pour la charge des accumulateurs est établie à Saint Denis, au dépôt des tramways route de Gonesse. Un frein électrique puissant permettra d’arrêter le véhicule sur une distance de 3 mètres. Sécurité et respect de la qualité de l’air font partie des impératifs du moment.

 

En 1898 la Compagnie exploite une nouvelle ligne joignant République à Aubervilliers et à Pantin. L’alimentation se fait par accumulateurs en ville et par trolleys aériens extra muros. L’usine d’alimentation électrique se trouvant à Aubervilliers.

 

 

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2007. Le tramway revient à Paris.
 
Quand le moteur remplace les chevaux des fiacres.

 

Entre le 1er et le 12 Juin 1898, l’automobile club de France organise un "concours de fiacres automobiles". Le programme impose un parcours varié, au minimum de 60 km par jour sur une durée de 16 heures. Il est précisé que tous les véhicules doivent offrir le confort maximum aux passagers, qu’ils doivent être munis d’un compteur kilométrique, de deux freins (l’un progressif, l’autre instantané) et d’une marche arrière.

 

Sur les 26 véhicules inscrits, 16 sont électriques, 10 à essence de pétrole. Après 11 jours de tests sévères, une parade est prévue pour le 12 Juin jusqu’à Versailles avec retour par le bois de Boulogne. Le 15 juin ils seront livrés à l’admiration de parisiens dans une des premières expositions automobiles.

 

Le premier jour du concours seules 12 automobiles seront au rendez vous : 11 électriques et une seule à pétrole.

 

La voiture à essence de pétrole a fonctionné correctement avec une vitesse supérieure à celle indiquée mais elle ne reçoit aucun prix : elle consomme de trop à un moment où l’essence de pétrole coûte cher. D’autre part, son prix de construction est très élevé.

 

"Il semble désormais acquis par l’expérience que le fiacre à moteur à essence de pétrole ne saurait constituer un système d’exploitation de voitures publiques dans une grande ville" devait déclarer le jury.

 

Un propos que, cent ans après et pour d’autres raisons, nous pouvons reprendre à notre compte : le moteur à essence n’a plus sa place dans une grande ville. Dans moins de cent ans il n’aura d’ailleurs plus sa place nulle part car il n’y aura plus de pétrole. Moins de deux siècles auront suffi pour transformer une richesse accumulée dans le sol pendant des millions d’année en un dangereux déchet atmosphérique.

Les voitures électriques sur le podium.

 

Le premier prix de 1000 francs a été attribué à deux constructeurs. M. Kriéger pour un "coupé à galerie" et M. Jeantaud pour un "cab". Il s’agit encore de voitures à chevaux, coupé ou cabriolet, mais sans chevaux. Elles en ont gardé la forme et le nom.

 

 

Le fiacre de la compagnie des transports automobiles a reçu le second prix de 600 francs. On imagine déjà pour l’année suivante un concours d’accumulateurs afin d’améliorer le poids et l’autonomie des véhicules. Pour le moment le champion est l’accumulateur "fulmen" du constructeur Brault.

 

Une affaire sérieuse

 

Il ne faut pas un an avant que les premiers fiacres électriques roulent à Paris. La "compagnie générale des voitures" a mis au point un modèle de série dont l’originalité réside dans le fait que les accumulateurs sont amovibles. Au lieu de les recharger sur le véhicule lui-même, et donc d’immobiliser celui-ci, ils le sont à l’usine. La capacité des accumulateurs est de 135 ampère-heure et permet un trajet de 60 km. Un simple passage par l’usine sur le trajet permet de ne pas interrompre le service.

 

L’usine est construite à Aubervilliers, rue du pilier, sur un terrain de quatre hectares. Près de l’usine de charge des batteries, un circuit parsemé d’obstacle permet de former les conducteurs. La piste est formée des sections de nature variable : pavés de bois, de grès, macadam, asphalte, bitume, pavés gras… avec des rampes de 5, 8 et 10%. Sur la route des silhouettes de femmes, d’enfants, une poussette, une bicyclette…

 

Les industriels initiateurs du projet ont fait un pari. Bientôt se tiendra à Paris l’exposition universelle de 1900 qui devrait être le clou du siècle. Ils espèrent mettre 1000 véhicules en circulation.

 

La première voiture de tourisme est, elle même, électrique

 

Un public riche et "moderne" existe pour des véhicules autonomes à faire parader au bois de Boulogne. Les constructeurs sauront répondre à cette demande.

 

 

La voiture électrique ci-dessus peut même se recharger en chemin. Dans le coffre, un petit moteur à pétrole permettra de recharger la batterie défaillante.

 

La suite de l’histoire ?

 

Le moteur à explosion a, lui aussi une vieille histoire. C’était d’ailleurs l’objet principal de la recherche du français Nicéphore Niepce, plus connu pour avoir "inventé" la photographie.

 

Dès le début du siècle il avait été capable de faire circuler sur la Tamise une barque propulsée par une hélice reliée à un moteur à explosion. Si le principe était bon, il manquait le combustible commode. Niepce pour sa part utilisait les spores très fins d’un champignon, le lycopode, dont la poudre, très inflammable, était utilisée au théâtre pour simuler la foudre.

L’invention eut peu de succès mais l’idée n’était pas perdue. Vers 1890 des mécaniciens habiles imaginaient d’utiliser les vapeurs d’essence de pétrole pour déclencher l’explosion. En 1896, un certain Diésel proposait un moteur astucieux.

 

Ces moteurs bruyants et malodorants avaient un avantage : ils autorisaient des véhicules plus légers et plus rapides. Exactement ce qu’il fallait pour organiser, hors des villes, les premières grandes courses automobiles.

 

Rapidement, la faveur de ces courses amènera à améliorer les performances des moteurs. A la sagesse du transport en commun urbain allait succéder la folle aventure de la vitesse et du tourisme et l’emballement du transport routier.

 

A présent qu’un nouveau cycle commence, qui verra la fin de l’ère du tout pétrole, la "belle époque" semble vouloir nous faire un clin d’œil.

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Une voiture électrique en 2007 qui garde bien des caractéristiques de son ancêtre de 1898.

Mieux encore. L’alliance de deux inventions des années 1900 : la bicyclette et la voiture électrique.

 

Un vélo-taxi "hybride" (moitié sueur, moitié kwh), croisé dans Paris le 3 juillet 2008.



Voir encore :

diaporama

ou :

1925, voiture électrique, le retour.


 

Voiture électrique ou voiture nucléaire ?

 

Pour alimenter les voitures électriques faudra-t-il de nouvelles centrales nucléaires ?

 

 

Ne peut-on lier le développement des voitures électriques avec celui de l’électricité renouvelable ?

 

Par exemple avec des voitures solaires ?

 

 

Pour lutter contre l’effet de serre ne faudrait-il pas plutôt limiter les voitures individuelles et développer les transports en commun ?

 

Le débat est ouvert.


Voir aussi :

 

Histoire de l’électricité. L’exposition Internationale d’électricité de 1881, à Paris.


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On parle aussi des premières voitures électriques dans :

 

Histoire du carbone et du CO2.
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Dérèglement climatique, fonte des glaces, cyclones, sécheresses…,


coupable : le dioxyde de carbone.

 

Pourtant sans ce gaz il n’y aurait aucune trace de vie sur Terre.

 

L’auteur nous fait suivre la longue quête qui, depuis les philosophes de la Grèce antique jusqu’aux chimistes et biologistes du XVIIIe siècle, nous a appris l’importance du carbone
et celle du CO2.

 

L’ouvrage décrit ensuite la naissance d’une chimie des essences végétales qui était déjà bien élaborée avant qu’elle ne s’applique au charbon et au pétrole.

 

Vient le temps de la « révolution industrielle ». La chimie en partage les succès mais aussi les excès.

 

Entre pénurie et pollutions, le « carbone fossile » se retrouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. De nombreux scientifiques tentent maintenant d’alerter l’opinion publique.
 

Seront-ils entendus ?

 

Un livre chez Vuibert.

 

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4 mai 2019 6 04 /05 /mai /2019 10:38

A Landivisiau, un projet de centrale électrique sous haute tension

3 mai 2019 Par Christophe Gueugneau // Mediapart

Le chantier d’une future centrale à gaz a commencé fin janvier dans le Finistère. Les opposants s’activent pour retarder les travaux. Mais la répression est féroce : militants gardés à vue, amendes, convocations… et une manifestation prévue samedi qui risque d’être interdite. Sur le front juridique, une audience décisive a lieu vendredi à Nantes.

Landivisiau (Finistère), de notre envoyé spécial. – C’est un face-à-face récurrent depuis quelques semaines : côté route, sur le bas-côté, une dizaine de militants sortent les sardines en boîte et les sandwichs, le café et le jus de pomme pour un pique-nique improvisé ; de l’autre côté du fossé, un maître-chien marche de long en large. Entre les deux : une barrière de deux mètres de haut qui encercle le terrain d’une future centrale électrique fonctionnant au gaz. Depuis la fin janvier, les premiers coups de pelleteuse ont résonné sur le vaste terrain retenu pour le projet. Et depuis ce jour, les opposants n’ont de cesse de montrer leur détermination.

Lundi 29 avril, les militants découvrent éberlués qu’une deuxième rangée de barrière est en cours d’installation. « On dirait les douves d’un château », grince l’un d’eux. « On avait déjà les vigiles, les maîtres-chiens, la vidéosurveillance, et voilà donc qu’ils en rajoutent une couche », ajoute un autre. Un film plastique noir est ensuite tendu sur la seconde barrière – sans qu’on sache si cela sert à masquer aux yeux extérieurs ce qui se passe à l’intérieur ou, au contraire, à cacher à la vue, de l’autre côté, tout rassemblement extérieur. Plus glaçant encore, un panneau fixé à la barrière extérieure annonce : « Chantier interdit au public – Site placé sous vidéo protection – Traçage ADN - intervention sur site ».

Alors que la France, son président en tête, se veut « championne du climat », les chantiers récents, dénoncés comme non climato-compatibles ou polluants, poussent à l’abri des barrières. Comme à Bure et son futur site d’enfouissement de déchets nucléaires – il s’agit-là d’un mur ; comme en banlieue de Strasbourg – le chantier de l’autoroute du « grand contournement ouest » ; comme à Romainville en banlieue parisienne – une forêt sauvage remplacée par une base de loisir. Il faudrait rajouter l’adjectif « enclos » à l’expression « grands projets inutiles et imposés ».



À Landivisiau, les barrières « protègent » pour l’instant une friche. Ici devrait voir le jour une centrale à cycle combiné gaz d’une puissance de 446 MW (mégawatts). L’appel d’offres a été remporté en 2012 par Direct Energie, allié pour la circonstance à l’industriel Siemens. La Compagnie d’électricité de Bretagne (CEB) a été créée pour l’occasion. Le coût estimé de l’opération est d’environ 490 millions d’euros. Mais il faut ajouter à cela un gazoduc de 20 km pour l’alimenter, un autre de 111 km pour renforcer le réseau, et une ligne très haute tension pour acheminer l’électricité produite vers le poste de La Martyre, à 18 km. Direct Energie a depuis été rachetée par Total.

Le début du chantier le 21 janvier, après beaucoup de retard, a réveillé les opposants. Par petits groupes, ils tentent depuis de ralentir les travaux, en empêchant les camions et autres tracteurs de rentrer ou de sortir. Une manifestation, le 23 février, a rassemblé mille personnes (Landivisiau compte 9 000 habitants). Une partie de la barrière est tombée ce jour-là. Et trois jours plus tard, des militants ont tenté de s’opposer à ce qu’elle soit remise en place.

Jean-Yves Quéméneur est un grand gaillard avec un large ciré rouge. Il est président de Force 5. L’association – environ 160 membres à jour de cotisation – a obtenu depuis peu, devant la justice, la reconnaissance de son droit à agir, qui lui était contesté. Son président se retrouve depuis lors particulièrement visé par la riposte des autorités. Le 20 mars, avec d’autres camarades, il a tenté de bloquer la circulation à proximité du chantier. Quelques palettes, une quinzaine de personnes. Les gendarmes ont foncé, à quatre pour l’extraire. Sept heures de garde à vue plus tard – dont deux heures en « chambre de sécurité », dit-il – le voici convoqué au tribunal le 17 janvier prochain.

Loïc Le Polles, de l’association « Landi doit dire non à la centrale » (LDDNC, environ 400 adhérents mais une centaine d’actifs et un noyau dur d’une trentaine) : « Le sénateur Jean-Luc Fichet [Finistère, socialiste – ndlr] a appelé le préfet, qui lui a confirmé que Jean-Yves était particulièrement dans le collimateur. »

De fait, il n’est pas le seul dans le collimateur. Jeudi 2 mai, une réunion à la préfecture en vue d’une manifestation prévue samedi 4 mai ne s’est pas bien déroulée. Arguant que la sécurité du cortège n’était pas bien assurée, la préfecture a en effet décidé d'interdire un périmètre autour de la centrale. À 48 heures de l’événement, déjà annoncé, c’est un coup dur pour les opposants. Mais ce n’est pas le seul de ces dernières semaines. Après l’action en mars, outre Jean-Yves Quéméneur, une dizaine de personnes ont été convoquées par les gendarmes. Les convocations tombent parfois un peu au hasard : « Certains, qui étaient là, ne reçoivent rien, d’autres, qui n’étaient pas là, en reçoivent parce que leur plaque a été relevée », s’agace un opposant.

À une demi-heure de Landivisiau, le petit village de Saint-Rivoal dans les monts d’Arrée. Ici, un autre foyer d’opposants attire particulièrement l’attention gendarmesque. Olivier, 66 ans, les cheveux en bataille et les mains pleines de cambouis, lève la tête du moteur de sa voiture. Il a fait 8 heures de garde à vue pour la manifestation où les barrières sont tombées. Arrêté à Sizun, emmené toutes sirènes hurlantes et à 140 km/h à Plourin-lès-Morlaix, il est accusé de dégradation de matériel et même de violences sur agents. « Un gendarme dit que je l’ai attrapé par le gilet pare-balles, moi je dis que ce sont eux qui ont chargé. » Pour l’instant aucune suite, pas de convocation au tribunal. Pendant sa garde à vue, une trentaine de personnes se regroupent devant la gendarmerie, donnant lieu à une nouvelle arrestation. « Ensuite le lendemain, ils ont débarqué ici, dans cette maison de Saint-Rivoal. »

C’est Gwenno, jeune saisonnier agricole qui habite là, qui poursuit : « Ils ont débarqué le matin à une quinzaine. Comme ils étaient dans le cadre d’une enquête de flagrance, ils sont entrés et ont jeté un œil dans chaque pièce de la maison. Ils ont distribué des convocations à tous les gars qui se trouvaient là, au fur et à mesure que ceux-ci se réveillaient. On nous reproche une dégradation avec la circonstance aggravante d’avoir eu le visage dissimulé. » Depuis, la maison de Saint-Rivoal voit régulièrement passer les gendarmes.

« Aujourd’hui la situation est difficile »

Quand il ne s’agit pas de répression judiciaire, les autorités frappent aussi au portefeuille. Une ordonnance a été prise par le tribunal, autorisant un huissier à distribuer des amendes de 5 000 euros pour les personnes tentant de s’opposer au bon déroulement du chantier. Le 5 avril, un groupe essaie de barrer la sortie à un tracteur. L’huissier est là. Il demande leur identité aux militants qui refusent de la donner. Un contrôle de gendarmerie plus tard, ils sont une dizaine à recevoir le fameux papier et risquent tous d’avoir à payer 5 000 euros d’amende. Sur la liste des personnes visées, des choses étonnent, comme la mention « figure au FPR [fichier des personnes recherchées – ndlr] – ne pas attirer l’attention », à côté du nom d’un militant, ou bien à côté d’une autre, le fait qu’elle est la compagne d’Untel.

Même les rassemblements devant la gendarmerie donnent lieu à un festival d’amendes : qui pour un stop glissé, qui pour un clignotant défectueux, qui pour un pneu lisse. « C’est bien pour ça qu’on répare nos bagnoles », se marre Olivier. Une autre militante s’est vu verbaliser pour distribution d’imprimés sur la voie publique. « On découvre des trucs juridiques tous les jours », philosophe Gweno.

Une autre encore a pris une amende parce qu’elle n’avait pas ses papiers, elle habitait pourtant à 100 mètres et se proposait d’aller les chercher. Sans succès.



« Ça étonne tout le monde, le poids du judiciaire et du policier dans ce dossier », affirme Christine, militante EELV de la région, présente au pique-nique. « L’opérateur veut nous intimider, il a l’État derrière lui », ajoute Émile. Loïc Le Polles, qui gère avec sa femme une production de plantes aromatiques à quelques kilomètres de Landivisiau, insiste quant à lui sur l’unité des opposants après des années de lutte malgré leur diversité : « Ici, il y a des jeunes avec des vieux, des gens qui viennent là par la santé, d’autres par le climat, d’autres par le gaspillage d’argent public, un communiste pur jus qui fraternise avec un catho convaincu, jusqu’à devenir son meilleur ami. On tient la dragée haute à Total alors qu’on n’est qu’une cinquantaine, on tient quelque chose de fort, là. » « Ça a créé une fraternité, complète Jean-Yves Quéméneur, on est une cinquantaine, d’horizon et de profils divers, face à la gendarmerie, face aux vigiles. »

Lundi soir, une quinzaine d’opposants se retrouvent chez Loïc, autour d’une soupe et d’un verre de bière. Dans la grange en face de la maison, une longue table est installée. Tout le monde prend place. Il y a là Christiane, trésorière de l’association LDDLC – « je suis Picsou ! » – , qui s’est engagée d’abord pour la santé. Tout comme Monique, qui vient de Lampaul-Guimiliau – « au village, on me prend pour une toquée ».

Il y a Aline, jeune femme qui « donne un coup de main » depuis janvier parce que sa sœur, Mélanie, habite à Landivisiau. Mélanie, elle, a mis un peu de temps à s’impliquer mais est très active depuis quelques mois.

On retrouve Angélique, aperçue au pique-nique et qui « lutte depuis le tout début », d’abord au sein du conseil municipal, où elle était élue d’opposition, puis à partir de 2014 au sein de l’association LDDNLC. À côté d’elle, Josée, qui était contre ce « projet d’arrière-garde » alors même qu’on ne savait pas encore où il devait se faire et qui est « encore plus d’arrière-garde après toutes ces années ». Jean Corbel, ancien d’EDF, passé par la centrale au charbon de Cordemais, puis par le siège parisien, s’oppose au projet depuis qu’il est sorti « éberlué » d’une séance de présentation au conseil municipal de Landivisiau, choqué que le seul choix offert aux citoyens, soit celui « des arbres et des fleurs qui entoureront la centrale ». Il est depuis peu porte-parole de l’association Bretagne vivante. Pour lui, c’est clair : « C’est un projet polluant, coûteux et inutile. »

Isabelle Chaillou, compagne de Loïc Le Polles, a vécu ce projet de centrale « comme une agression ». « Ce que je ne comprends pas, c’est que malgré le fait que ce projet soit en complète contradiction avec ce qu’il faudrait faire aujourd’hui, les décideurs soient capables de continuer », dit-elle. Et d’ajouter : « Aujourd’hui la situation est difficile parce qu’on n’arrive pas à se faire entendre, on passe pour des terroristes. »

Plus jeunes, Ewen Jaouen et sa compagne, Pauline, sont éberlués de voir les politiques tellement déconnectés. Sa compagne vient de Landerneau, elle parle à qui veut l’entendre de cette centrale, un projet « vraiment mal connu ». À leur côté se trouvent Adrien, qui habite à 21 km de Landivisiau avec Morgane (et leur petit bébé Corentin), bien présente : lui s’intéresse aux moyens alternatifs de produire de l’énergie, elle, ne comprend pas qu’alors même que la Bretagne est confrontée à des pics de pollution, il se trouve encore des politiques pour défendre le projet.

Présent pour la première fois, Briac. Fait intéressant, celui-ci vient de monter une branche d’Extinction Rebellion – ce nouveau mouvement pour le climat venu d’Angleterre qui prône la désobéissance civile – à Morlaix. Il est venu pour bâtir des passerelles, réfléchir au mouvement climat et à l’articulation entre « les demandes générales mondiales et les luttes locales ». Une formation à l’action non violente a déjà eu lieu dans le coin il y a quelques jours, l’idée est à présent de savoir quoi en faire.

La lutte se veut aussi politique. En 2014, une liste d’opposants s’est présentée à la mairie de Landivisiau, elle n’a échoué qu’à une centaine de voix. Les opposants rencontrent également les députées, en l’occurrence, Graziella Melchior et Sandrine Le Feur. Toutes deux ont été élues avec l’étiquette LREM, dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron. Et toutes deux défendent la centrale. Une rencontre récente avec Graziella Melchior a d’ailleurs laissé un goût amer, les arguments en faveur du projet paraissant plus que légers.

Manne financière pour Total

Le principal d’entre eux consiste à agiter le spectre du « black-out » en Bretagne : le risque d’une coupure généralisée de courant dans un moment de grande tension. « Le risque du black-out, c’est un mensonge », grince Émile. L’ancien d’EDF Jean Corbel sort ses documents : « RTE indique clairement que le réseau n’est pas en danger et qu’il n’y a pas non plus de risque de black-out. » Il a raison. Dans une note de 2018, Réseau de transport d’électricité écrit : « La mise en service en 2017 du Filet de sécurité Bretagne, une ligne électrique souterraine de forte puissance, contribue fortement à l’équilibre des flux dans la zone. Ainsi, malgré la fermeture récente de centrales de production au fioul sur le site de Cordemais (Pays de la Loire), la consommation électrique ayant cessé de croître, la situation électrique de la Bretagne peut aujourd’hui être considérée comme stabilisée. » Corbel rappelle également que la France est exportatrice nette d’électricité.

Pourquoi maintenir la centrale de Landivisiau dans ce cas ? Tout simplement parce qu’elle était prévue. En 2010, l’État, la région Bretagne, RTE, l’Ademe (l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et l’ANH (agence nationale de l’habitat) ont signé un « pacte électrique breton ». Celui-ci reposait sur plusieurs leviers : maîtrise de la consommation, développement des sites de production (énergies renouvelables et centrale de Landivisiau) et renforcement du réseau électrique. En 2019, ce pacte s’avère beaucoup moins utile. Le réseau a été renforcé, la consommation d’électricité en Bretagne est stable. Pour Me Alexandre Farro, avocat de l’association Force 5, c’est aujourd’hui « une tarte à la crème ».

L’avocat devait le rappeler vendredi 3 mai devant la cour administrative d’appel de Nantes. Car la bataille se joue aussi sur le terrain juridique. Après plusieurs péripéties, l’association Force 5 s’est vu reconnaître son intérêt à agir. Vendredi matin, rendez-vous était donné à 10 h 30 aux opposants à Nantes, pour soutenir Me Farro. Celui-ci conteste au nom de Force 5 l’arrêté du 6 mai 2015 pris par le préfet autorisant la CEB à créer et exploiter l’installation de production d’électricité à Landivisiau. En première instance, le 27 octobre 2017, Force 5 a vu sa requête rejetée.

Le recours porte sur l’ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement). « Sous ce nom barbare se cache la plus importante autorisation à obtenir pour un projet industriel. C’est l’autorisation d’exploitation que l’on attaque », explique Me Farro. « Le tribunal va regarder notamment comment s’est déroulée l’enquête publique, l’étude d’impact – sur l’environnement, sur le milieu, le paysage », ajoute l’avocat.

Les opposants ne manquent pas d’arguments. Ils estiment tout d’abord que le préfet n’a pas pu prendre une décision éclairée puisque, alors que c’est obligatoire, la CEB n’a pas présenté de solution de substitution au projet lors de l'étude d'impact. Or, des solutions existent, et notamment le projet de liaison électrique Finistère-Irlande, dénommé CELTIC Interconnector, qui consiste à créer une liaison souterraine et sous-marine de 700 mégawatts (MW) entre le poste électrique de La Martyre et le poste électrique de Knockraha. Ce projet avait d’ailleurs donné lieu à une drôle de lettre du préfet de région Bretagne, Patrick Strzoda (oui, le même que dans l’affaire Benalla), en avril 2014, adressée à RTE. Alors que ce dernier voulait lancer des études sur cette interconnexion, Strzoda lui a gentiment demandé de reporter son projet, de peur d’envoyer un « mauvais signal pour l’avenir de la centrale de Landivisiau » (lire notre article de l’époque).

Par ailleurs, les opposants dénoncent le fait que l'enquête publique n'a pas pris en compte un nombre important de courriers parce qu'ils émanaient d'opposants déclarés au projet. D’un point de vue environnemental, ils accusent la CEB d’avoir biaisé ses mesures de pollution en choisissant sciemment des périodes de faible pollution. La ville est en effet sous le coup de plusieurs sources de pollution : la pollution d’origine agricole, la présence de la base aéronavale, et surtout, la RN12 qui longe la ville. « Landivisiau, bien que commune de petite taille, compte un niveau de pollution équivalent à celui d’une métropole comme Brest », rappelle Force 5. Or la CEB n’a pas effectué ses mesures à proximité de la 4 voies, alors que le site de la centrale y sera.

Dans son étude d’impact, l’opérateur estime qu’en fonctionnant 8 000 heures par an, la quantité annuelle de CO2 émise atteindrait quasiment les 1,5 million de tonnes, et près de 1 100 tonnes pour les oxydes d’azote. De quoi inquiéter les familles de Landivisiau, dont les enfants vont faire du sport sur un terrain situé à quelques centaines de mètres à peine de la centrale. Ces niveaux de pollution pourraient par ailleurs avoir une autre conséquence : les paysans bio basés à proximité pourraient se voir retirer leur label.

Les opposants reprochent également à la CEB de n'avoir rien fait pour protéger l'espèce protégée de l'escargot de Quimper. Lors de l'étude d'impact, la société chargée d'évaluer la présence de cet escargot sur le site se serait rendue coupable d'un faux, puisque, en ayant trouvé, elle a sciemment affirmé le contraire, selon le témoignage d'un ancien salarié produit par Me Farro.

Pour l’avocat, joint par Mediapart quelques jours avant l’audience, « si l’on a affaire à un juge qui applique les règles du droit, je suis confiant. Après, je ne connais pas la longueur du bras de Total ». Il ajoute : « Ce que je remarque, c’est que l’on a échangé, avec Direct Energie, quatre mémoires en appel, et que le ministère de l’écologie ne répond plus ! Les juges peuvent interpréter ça comme un signal : le ministre ne défend plus le dossier. » En cas d’annulation de l’ICPE, tout serait à refaire pour Direct Energie : « On se met au minimum 8 ans dans les gencives. ».

En face, Total Direct Energie n’est cependant pas près de lâcher l’affaire. Et pour cause : la centrale de Landivisiau, c’est l’assurance de recevoir une manne de l’État pendant au moins 20 ans. L’accord prévoit que la CEB touche 40 millions par an. Pour l’opposante Morgane, « c’est un cadeau à Total point barre, sauf qu’on n’a plus le temps de faire des cadeaux à Total ».

Une autre question reste posée : d’où viendra le gaz brûlé dans la centrale ? Récemment, l’Observatoire des multinationales a révélé coup sur coup que du gaz de schiste américain était importé en France, puis que Total venait d’annoncer un investissement de 700 millions dans un nouveau projet de gazoducs et de terminal d’exportation de gaz de schiste en Louisiane. Les autorités françaises auront bon dos de vanter le caractère « propre » de la centrale à gaz au vu de ces informations.

Reste une derrière barrière à faire tomber pour les opposants. Mentale celle-ci. Dans une zone de Bretagne sinistrée du point de vue industriel (la fermeture de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau est encore dans toutes les têtes), la question de l’emploi que pourrait créer la centrale – soit directement, soit par appel d’air, selon ses promoteurs – continue de peser dans le débat. Pourtant, rappelle Loïc Le Polles, la centrale elle-même, une fois en fonctionnement, ne nécessiterait que 40 emplois, dont une grosse partie de spécialistes de ce genre de centrale, « ça m’étonnerait qu’ils les trouvent dans le coin ».

« Certes, explique Gwenno, il y a dans le coin une situation sociale qu’on ne peut négliger. Mais nous, on a fait des argumentaires sur les retombées en termes d’emploi sur isolation des maisons et tout, et ça ne prend pas. Les politiques, ils se disent investis pour développer l’emploi, et pourtant on les a pas beaucoup vus lors de la fermeture de Gad. » Olivier secoue la tête et lance, un sourire en coin : « Avec tous les vigiles qu’ils ont dû embaucher à cause de nous, on a déjà créé de l’emploi en fait. »

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14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 17:07

 

relevé sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Christophe_Valmont_de_Bomare

 

t. 1 abeille - chungar, Paris, Didot, 1764-1768, 644 p. (lire en ligne [archive]) ;

tome 2, t. ciboule - hétich, 659 p. (lire en ligne [archive]) ;

tome 3, t. hibou - nymphe, 606 p. (lire en ligne [archive]) ;

tome 4, t. oaille - rhyncolithes, 659 p. (lire en ligne [archive]) ;

tome 5, t. riche - zygene, 716 p. (lire en ligne [archive]).

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13 avril 2019 6 13 /04 /avril /2019 09:51

Gérard Borvon

 

Dans les mémoires de l’académie des sciences pour l’année 1719, on trouve, à la page 21, la relation d’un coup de tonnerre dont la mémoire ne s’est pas perdue.


 

Un coup de tonnerre historique.

 

L’auteur de cet article est André-François Boureau Deslandes (1690-1757).

 

Né à Pondichéry en 1690, il vient en France à l’âge de 13 ans. En octobre 1708 il est nommé contrôleur de la marine à Brest puis commissaire de la marine en 1716.

 

Il est souvent qualifié de "philosophe mondain". En témoignent plusieurs des titres des nombreux ouvrages qu’il publie : L’apothéose de beau sexe, Réflexions des Grands Hommes qui sont morts en plaisantant, L’Art de ne point s’ennuyer...

 

Nous retiendrons ici le scientifique, reçu élève géomètre à l’Académie des sciences en février 1712, membre de l’Académie des sciences de Berlin et auteur de plusieurs ouvrages scientifiques, en particulier sur la marine.

 

Malgré une oeuvre considérable, c’est d’abord par sa modique contribution à l’observation du tonnerre, qu’il se retrouve dans différentes publications.

 

La foudre a toujours terrorisé ou fasciné.

 

Dans les religions antiques elle est le symbole de la puissance des dieux et l’instrument effrayant de leur justice. La tradition se maintient dans les cultes plus récents. Au siècle des lumières encore, on se préserve de la foudre en faisant sonner les cloches aux clochers des églises.

 

En témoigne la relation du coup de tonnerre qui frappe le Nord-Finistère en ce début de 18ème siècle.

 

Nous sommes en avril de l’année 1718.

 

A.F Boureau Deslandes est alors à Brest. Après plusieurs jours de pluie et d’orage, un coup de tonnerre extraordinaire ébranle toute la région. Il en rend compte à l’Académie des sciences qui publie un résumé de sa lettre.

 

"...enfin vint cette nuit du 14 au 15 qui se passa presque toute en éclairs très vifs, très fréquents et presque sans intervalle. Des matelots qui étaient partis de Landerneau dans une petite barque, éblouis par ces feux continuels, et ne pouvant plus gouverner, se laissèrent aller au hasard sur un point de la côte, qui par bonheur se trouva saine. A quatre heures du matin, il fit trois coups de tonnerre si horribles que les plus hardis frémirent.

 

Environ à cette même heure, et dans l’espace de côte qui s’étend depuis Landerneau jusqu’à Saint Paul de Léon, le tonnerre tomba sur 24 églises et précisément sur des églises où on sonnait pour l’écarter. Des églises voisines où on ne sonnait point furent épargnées.

 

Le peuple s’en prenait à ce que ce jour là était celui du Vendredi Saint où il n’est pas permis de sonner. Mr Deslandes en conclut que les cloches qui peuvent écarter un tonnerre éloigné, facilitent la chute de celui qui est proche, et à peu près vertical, parce que l’ébranlement qu’elles communiquent à l’air dispose la nue à s’ouvrir.

 

Il eut la curiosité d’aller à Gouesnou, village à une lieue et demie de Brest, dont l’église avait été entièrement détruite par ce même tonnerre.

 

On avait vu trois globes de feu de trois pieds et demi de diamètre chacun, qui s’étant réunis avaient pris leur route vers l’église d’un cours très rapide. Ce gros tourbillon de flamme la perça à deux pieds au-dessus du rez de chaussée, sans casser les vitres d’une grande fenêtre peu éloignée, tua dans l’instant deux personnes de quatre qui sonnaient, et fit sauter les murailles et le toit de l’église comme aurait fait une mine, de sorte que les pierres étaient semées confusément alentour, quelques-unes lancées à 26 toises, d’autres enfoncées en terre de plus de deux pieds.

 

Des deux hommes qui sonnaient dans ce moment là, et qui ne furent pas tués sur le champ, il en restait un que Monsieur Deslandes vit. Il avait encore l’air tout égaré, et ne pouvait parler sans frémir de tout son corps. On l’avait retrouvé plus de quatre heures après enseveli sous les ruines et sans connaissance. Mr Deslandes n’en put tirer autre chose sinon qu’il avait vu tout d’un coup l’église toute en feu et qu’elle tomba en même temps. Son compagnon de fortune avait survécu 7 jours à l’accident, sans avoir aucune contusion, et sans se plaindre d’aucun mal que d’une soif ardente qu’il ne pouvait éteindre."

 

La foudre, le croyant, le savant et les cloches.

 

Chacun se fait de la Foudre une image adaptée à sa culture. L’homme du peuple ne peut douter qu’il s’agisse d’une manifestation divine. Le lettré imagine une accumulation dans les nuages de matières inflammables. On notera, cependant, que l’utilité de sonner les cloches, malgré la preuve évidente du danger, n’est absolument pas mise en doute. Ni par la population qui explique l’échec par le sacrilège commis un Vendredi Saint. Ni par le "savant" qui continue à considérer qu’un tonnerre éloigné aurait été écarté par les cloches.

 

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Jusqu’à la fin du siècle, malgré les vigoureuses campagnes des autorités et l’interdiction régulièrement rappelée de sonner les cloches les jours d’orage, la pratique se poursuivra accompagnée de son cortège d’accidents.

 

Témoin, un arrêt du parlement du 29 juillet 1784 "qui fait défense à toutes personnes de sonner les cloches pendant le temps des orages".

 

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C’est le tonnerre des hommes qui détruira l’église de Gouesnou en 1944.


On peut lire aussi :

Quand le tonnerre de Brest faisait du bruit dans Landerneau.

Histoire de l’électricité. La découverte du paratonnerre.


Cette histoire se trouve aussi dans :

 

Histoire de l’électricité, de l’ambre à l’électron. Gérard Borvon,Vuibert, 2009.

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13 mars 2019 3 13 /03 /mars /2019 16:03

Dans le Finistère, Total ambitionne de construire une centrale au gaz d’une puissance de 446 mégawatts. Le projet comprend aussi la construction d’un gazoduc et d’une ligne à très haute tension. Les opposants contestent l’utilité de cet investissement — en partie public — et s’inquiètent des pollutions qu’il provoquerait.

  • Landivisiau (Finistère), reportage

Les dernières bourrasques de la tempête Freya assaillent le lieu-dit Le Drennec, à Landivisiau (Finistère). Emmitouflées dans leurs cirés, une vingtaine de personnes pique-niquent le long d’un chemin cabossé, bordé de panneaux grillagés. Dans la bonne humeur et les effluves des thermos de café, elles bloquent pacifiquement les entrées du site de la future centrale au gaz de Landivisiau où le groupe Total, qui doit exploiter l’installation, vient de démarrer les travaux préparatoires.

« Les premiers ouvriers et la tractopelle sont arrivés sur le champ à la mi-janvier, explique Mélanie, du collectif Landivisiau doit dire non à la centrale.Depuis, nous sommes sur le qui-vive et nous manifestons quotidiennement sur le site pour empêcher l’avancée des travaux. » Ce lundi 4 mars, l’opération de blocage est rondement menée. Les ouvriers préposés au déminage du chantier ne peuvent accéder à leur tractopelle et au théâtre de leurs opérations. Les agents de sécurité scrutent les mouvements des opposants et guettent d’éventuelles intrusions sur le site.« On gagne notre croûte », se justifient-ils en haussant les épaules. Devant les grilles, Cécile et Anne-Marie, retraitées, s’assurent que tous leurs camarades mangent à leur faim. Olivier, à quelques pas, est absorbé par une partie de mölkky. « Nous luttons depuis huit ans et nous n’arrêterons pas, affirme-t-il en réajustant son bonnet jaune. Cette centrale, construite avec de l’argent public, symbolise la poursuite d’une société de surconsommation dangereuse pour notre santé et notre futur. »

Les opposants à la centrale jouent au mölkky.

Porté par l’État et la région Bretagne, le projet de centrale à cycle combiné gaz s’inscrit dans les aménagements dictés par le pacte électrique breton. Ce traité, signé en 2010, était destiné à anticiper une augmentation de la consommation énergétique bretonne, à pérenniser l’approvisionnement de la région en électricité et ainsi éviter des black-out, c’est-à-dire des coupures d’électricité généralisées, durant les périodes les plus froides.

« Le risque de “black-out” breton est aujourd’hui écarté »

Si elle voyait le jour, l’unité de production électrique de Landivisiau présenterait une puissance de 446 mégawatts (MW), alimentée en gaz naturel par un nouveau gazoduc reliant Saint-Urbain et Landivisiau. L’électricité produite par la centrale serait ensuite transportée de Landivisiau à La Martyre par une ligne à très haute tension (THT) de 225.000 volts. Lors de l’appel d’offres lancé par l’État en juin 2011, Direct Énergie a été retenu comme maître d’ouvrage. Le fournisseur et producteur d’électricité, qui n’avait jamais construit de centrale à gaz, a été racheté en 2018 par Total.

La tractopelle, « prisonnière » du fait du blocage du site de construction par les opposants à la centrale.

Un débat public contradictoire autour du projet, réclamé auprès de la Commission nationale du débat public (CNDP), a toujours été refusé aux opposants. Motif invoqué : le projet n’atteignait pas le seuil financier requis.« Le projet a été saucissonné, déplore Yves, artisan-boulanger à Landivisiau. Le gazoduc, la THT et la centrale ont été traités séparément : le coût global du projet a ainsi été découpé et nous n’avons pas pu saisir la CNDP. Ce n’est pas logique, puisque la centrale ne peut pas se faire sans le gazoduc et la THT ! »

Dans une lettre envoyée le 27 février dernier au président du conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, 17 associations de protection de l’environnement, de défense des consommateurs et de producteurs bretons ont contesté l’utilité du projet : « La question de l’autonomie énergétique de la Bretagne semblait pour vous motiver la légitimité du projet, écrivent-elles. Or, le risque de “black-out” breton est aujourd’hui écarté, au regard des évolutions des consommations et du développement des énergies renouvelables alternatives. »

Les associations s’appuient notamment sur les chiffres du Réseau de transport d’électricité (RTE). « Ces données montrent que la consommation s’est stabilisée depuis 2012, dit Yves. Or, la centrale devait pallier une augmentation de la consommation. Elle n’a donc pas raison d’être, il n’y a plus de risque de black-out ! D’autant qu’en janvier 2018, la région s’est déjà dotée d’une liaison souterraine de 225.000 volts entre Lorient et Saint-Brieuc. »

Afin de contester l’urgence et la nécessité de construire la centrale, le collectif Garantir l’avenir solidaire par l’autonomie régionale énergétique (Gaspare) a produit un scénario électrique alternatif breton. « Le pacte électrique breton ne tient pas compte des parcs éoliens ni de l’interconnexion franco-irlandaise à venir, explique le conseil collégial de Gaspare. Il anticipait la fermeture des turbines à combustion (TAC) de Dirinon et de Brennilis pour 2015, alors que lesdites fermetures ne sont pas d’actualité. Ces TAC sont certes plus polluantes qu’une centrale à cycle combiné gaz, mais ces dernières années, malgré des périodes froides, elles n’ont fonctionné en moyenne qu’une soixantaine d’heures par an. »

« Il est d’intérêt général d’agir » 

Sur le sentier qui jouxte les 17 hectares dédiés à la future centrale, Morgane berce son bébé de six mois. La jeune maman et son petit, assidus, viennent quasiment tous les jours. « Ce projet représente plus d’un million de tonnes de CO2 par an, dit-elle. Je n’ai pas envie que mon fils grandisse dans un environnement local encore plus pollué, sur une Terre où l’on émet toujours plus de gaz à effet de serre en dépit de l’urgence climatique. Si je ne fais rien, il me le reprochera plus tard et il en paiera les conséquences. L’État se targue d’être un acteur contre le changement climatique, mais il fait totalement l’inverse : nous n’allons pas l’attendre pour lutter. »

Morgane.

En considérant l’hypothèse d’un fonctionnement de 8.000 heures par an, d’après l’étude d’impact, la quantité annuelle de CO2 émise par la centrale frôlerait les 1,5 million de tonnes. La quantité d’oxydes d’azote (NOx) rejetée serait de 1.100 tonnes. De plus, l’édification du gazoduc et de la ligne à très haute tension aurait des conséquences sur la biodiversité environnante : ces installations pénétreraient la vallée de l’Elorn, classée zone Natura 2000.

« Il est d’intérêt général d’agir, presse Jean-Yves Quéméneur, président de l’association Force 5. Il est impensable de laisser passer un projet qui saccage une zone Natura 2000, menace la qualité de l’air et ralentira la lutte contre le changement climatique. Le tout subventionné à hauteur de 50 millions d’euros par an, versés dans les poches de Total. Et qui paiera ? nous ! Directement sur nos factures d’électricité, via la contribution au service public de l’électricité [CSPE]. Cette somme devrait plutôt être allouée aux économies d’énergie, à l’isolation des logements et aux énergies renouvelables. Ce projet est un non-sens. »

« Une fois l’installation érigée, on ne pourra plus lutter. Alors, on s’accroche » 

L’association Force 5, agréée pour la protection de l’environnement, a lancé plusieurs recours en justice pour stopper le projet de centrale, le gazoduc entre Saint-Urbain et Landivisiau et la ligne THT entre Landivisiau et La Martyre. Le lundi 25 février dernier, le Conseil d’État a estimé que l’association était fondée à agir en justice en annulant un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes. Cette dernière écartait, pour irrecevabilité, la demande de l’association d’une annulation de l’arrêté ministériel du 10 janvier 2013, autorisant Direct Énergie (Total) à exploiter une centrale de production d’électricité à Landivisiau. L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes, pour être jugée sur le fond, et l’État condamné à verser 3.000 euros à Force 5.

« C’est une victoire encourageante pour les opposants, mais le recours n’est pas suspensif, regrette Mélanie. La centrale peut être construite d’ici là, Total n’arrêtera pas les travaux. Et une fois l’installation érigée, on ne pourra plus lutter. Alors, on s’accroche. »

Quelques heures plus tôt, ce jour-là, une cinquantaine de manifestants se sont rassemblés devant la gendarmerie de Plourin pour soutenir quatre opposants. « Nous sommes convoqués pour une enquête sur la dégradation de grilles, le samedi 23 février, lors d’une manifestation contre le projet de centrale, explique Gwenno, l’un des quatre citoyens convoqués. C’est une tentative d’intimidation du mouvement d’opposition, ils cherchent à atteindre notre détermination. Mais on ne va rien lâcher. »Leur entrée dans la caserne Adjudant Le Jeune, vers 9 heures du matin, a été accompagnée d’une haie d’honneur et d’un chant « Nous sommes tous des terroristes ». Ils sont ressortis au compte-goutte, une heure à une heure et demie plus tard. De son côté, Jean-Yves Quéméneur, président de Force 5, est sommé de se présenter le mercredi 13 mars à la gendarmerie de Landivisiau. Deux autres convocations sont tombées au cours de la semaine.

Jean-Yves Quéméneur et Olivier, devant la caserne de gendarmerie de Plourin pour soutenir quatre opposants.

« Cette escalade de répression n’est plus tenable et le climat de tension maintenu par l’État ne présage rien de bon, a commenté Landivisiau doit dire non à la centrale, sur ses réseaux sociaux. Nous revendiquons notre mouvement comme pacifiste et déterminé. La réponse de l’État est disproportionnée et plutôt que de chercher à apaiser la situation, au contraire il la crispe davantage. »

 

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Source : Alexandre-Reza Kokabi pour Reporterre

Photos : © Alexandre-Reza Kokabi/Reporterre
. chapô : Mélanie, du collectif Landivisiau doit dire non à la centrale.



Documents disponibles

  Lettre des 17 associations au président du conseil régional de Bretagne.  L’étude d’impact du projet de centrale au gaz.  Décision du Conseil d’État du 25 février concernant l’association Force 5.

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10 mars 2019 7 10 /03 /mars /2019 13:27

17 associations de protection de l’environnement, de défense des consommateurs et du cadre de vie, de producteurs de Bretagne se sont réunies pour adresser une lettre au Président du Conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, lui demandant de renoncer à la construction d’une centrale électrique à cycle combiné gaz (CCG) à Landivisiau.

La lettre a également été adressée au ministre de la Transition Ecologique et Solidaire et au Président de la République dans le cadre du Grand Débat.

Monsieur le Président du Conseil Régional de BretagneLoïg Chesnais-Girard

courrier transmis à M. le Président de la République et M. le Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, dans le cadre du Grand Débat.

copie pour information : Mme La Préfète de Région Michèle Kirry

Les associations soussignées vous demandent de renoncer à la construction d’unecentrale électrique à cycle combiné gaz (CCG) à Landivisiau.

Monsieur le Président,Lorsque vous avez reçu le 30 novembre dernier les représentants du collectif pour une transition écologique et solidaire de Bretagne, vous avez été interpellé sur l’aberration desoutenir un projet de centrale à gaz à Landivisiau, alors que nous étions tous autour de la table à échanger à propos de la nécessaire transition écologique, qui pour faire face à l’urgence climatique, doit s’affranchir de toute énergie clarbonée.

Sur ce point, vous nous aviez invité à vous faire parvenir nos arguments, démontrant en quoi,ce projet est non seulement inutile, infondé, mais aussi contraire aux grandes orientations dela politique énergétique de demain. La question de l’autonomie énergétique de la Bretagne semblait pour vous, motiver la légitimité du projet. Or, le risque de « black out » breton est aujourd’hui écarté, au regard des évolutions de consommations et du développement des énergies renouvelables alternatives.

Vous trouverez donc dans ce document, tous les éléments justifiant le rejet de cette centrale,qui est aujourd’hui dépassée et d’un autre temps. La Bretagne doit regarder en avant, etpromouvoir une démarche économe décarbonée et renouvelable de production et deconsommation de l’énergie.

Monsieur le Président, vous avez l’occasion sur ce dossier d’initier la rupture que vous appelez de vos vœux, en cohérence avec les grandes orientations de la Breizh-Cop « un monde à vivre ».

Veuillez recevoir Monsieur le Président, nos sincères salutations

Pour voir le texte complet : https://bit.ly/2GY7CQO

Sa conclusion :

Concernant le projet de centrale électrique à gaz à Landivisiau.

C’est pour répondre au risque de black out que le Pacte estimait que la maîtrise de cerisque passait "nécessairement par l’installation de production mobilisable le plus àl’ouest possible de la Bretagne". Le moyen de production choisi étant un "cyclecombiné gaz (CCG) dont la localisation la plus pertinente se situerait dans l’aire deBrest". L’appel d’offre conduisait aux choix de l’entreprise Direct-Énergie,actuellement rachetée par Total, pour construire une centrale CCG à Landivisiau.

Suite aux recours, portés par les associations, auprès de tribunaux administratifs,contestant la conformité de l’autorisation d’exploiter attribuée à Direct-Énergie, lestravaux n’ont pas encore réellement commencé.

Plusieurs éléments devraient amener les autorités françaises, à l’initiative duprojet, à renoncer à la poursuite de ce projet..

.Le risque de black out, qui était la seule raison déclarée pour la construction de lacentrale, est définitivement écarté.. Retour ligne automatique
.Avec les différents rapports du GIEC publiés depuis 2010 sur l’urgence climatique,la responsabilité de l’usage des énergies fossiles a été publiquement révélée..Retour ligne automatique
.La France, organisatrice de la COP 21 en 2015 s’est affirmée commeparticulièrement attachée à la lutte contre le changement climatique et à la sortie desénergies fossiles.Retour ligne automatique
.Cet engagement a été confirmé sur le plan international par le président de la république, Emmanuel Macron, qui a annoncé l’arrêt de la construction de toute nouvelle centrale thermique en France*****. Le porte-parole du gouvernement,Benjamin Griveaux, ayant précisé "donc centrales à gaz"******.Retour ligne automatique
.Ajoutons que, au moment où la sensibilité de nos concitoyennes et concitoyens à la nécessité d’une action résolue pour sauver le climat s’exprime de façon massive, il apparaît comme contraire aux engagements de la France de financer par des fonds publics, à raison de 50 millions d’euros par an pendant 20 ans, une production électrique à base d’énergie fossile. Rappelons que au regard des directives européennes, les aides d’État dans le cadre du mécanisme de capacité "ne doivent pas constituer une subvention déguisée en faveur d’une technologie spécifique, comme les combustibles fossiles". Ce qui apparaît comme étant le cas dans le projet de la centrale de Landivisiau.

Pour toutes ces raisons, les associations soussignées vous demandent de renoncer à la construction d’une centrale électrique à cycle combiné gaz (CCG)à Landivisiau.

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FR3 Bretagne : Centrale à gaz de Landivisiau : une lettre ouverte au président de région pour demander l’arrêt du projet

Centrale à gaz de Landivisiau : une lettre ouverte au président de région pour demander l’arrêt du projet.

Dix-sept associations bretonnes ont conjointement adressé une lettre au président de la région Bretagne pour demander l’arrêt du projet de centrale à gaz de Landivisiau, dans le Finistère.

La requête des dix-sept associations bretonnes signataires de la lettre ouverte adressée au Président de la Bretagne est claire : "que la région se positionne contre la construction de la centrale électrique à cycle combiné gaz à Landivisiau".

Réunis ce mercredi devant le chantier de la centrale, les représentants d’associations anti-centrale ont insisté sur un point : "la région Bretagne a demandé cette centrale, aujourd’hui, c’est à elle d’arrêter le projet" .

Denez Lhostis, de France Nature Environnement et Gérard Borvon, Président de SeauS, ont pris la parole pour dénoncer le recours à "ce type de production polluante, inutile, dépassée et très coûteuse", alors que "l’heure est aux énergies renouvelables".

Par le biais de cette lettre ouverte, les dix-sept associations anti-centrale de Landivisiau tentent de donner plus d’ampleur à ce dossier et espèrent stopper ce projet qu’elles jugent avant tout comme "un choix plus politique qu’énergétique".


20 minutes :

Bretagne : La contestation monte contre le projet de centrale à gaz de Landivisiau

Extraits :

Une lettre envoyée au président de région

L’arrivée des premiers engins sur le champ de 17 hectares fin janvier n’est pas passée inaperçue et a ravivé la contestation sur place. Depuis, les opposants manifestent quasi quotidiennement sur le site pour perturber l’avancée des travaux. « Ce projet est inutile, c’est avant tout un choix politique plus qu’énergétique », affirme le collectif d’opposants à la centrale, qui a adressé ce mercredi une lettre au président de la région Bretagne pour réclamer l’arrêt pur et simple du projet.

« On a voulu nous faire croire au risque de black-out. Mais on n’en a jamais vu la couleur ! », ironise Gérard Borvon, président de l’association écologiste S-eau-S. « Surtout que la consommation énergétique a baissé depuis cette date en Bretagne et qu’en janvier 2018, la région s’est dotée d’une liaison souterraine de 225.000 volts entre Lorient et Saint-Brieuc », poursuit le militant.

Le Conseil d’Etat donne raison aux opposants

A l’heure où l’urgence climatique est déclarée, la pollution que pourrait engendrer le site passe également mal chez les opposants. « On parle là d’un projet qui rejetterait plus d’un million de tonnes de CO2 par an dans l’atmosphère, c’est énorme », assure Gérard Borvon. Dans leur combat, les opposants ont obtenu une petite victoire en début de semaine. Le Conseil d’État a en effet donné raison lundi à l’association Force 5, reconnaissant son intérêt à agir dans ce dossier.Retour ligne automatique
C’est désormais la cour administrative d’appel de Nantes qui devra se prononcer sur le fond de l’affaire. L’association écologiste attaque notamment l’arrêt ministériel signé le 10 janvier 2013 autorisant Direct Energie, depuis racheté par Total, à exploiter la centrale sur un site se trouvant en zone Natura 2000.


Une vidéo de la totalité de la conférence de presse.

https://youtu.be/t79udSHGzY8


Un rappel :

La troisième Conférence Bretonne de l’Énergie (CBE)de septembre 2010 avait pour objet "la présentation du contenu du Pacte électrique breton, tel que le Préfet et le Président du Conseil régional en avaient fait l’annonce à la conférence du 6 juillet".

Révisé avant 2010 ?

"Le Président du Conseil régional précise que le Pacte sera révisé d’ici 2020 pourRetour ligne automatique
s’adapter au niveau de consommation mesuré et aux possibilités de technologiesRetour ligne automatique
EnR offertes"

C’est justement cette révision que demandent les associations !

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2 mars 2019 6 02 /03 /mars /2019 10:04

Le 1er mars 1869 est considéré comme la date d’une découverte qui devait changer le cours de la science dans le monde. Ce jour-là, Dmitri Mendeleïev a achevé ses travaux sur le tableau périodique des éléments, qui allait jouer un rôle fondamental pour l’avenir de la chimie, de la physique, de la biologie, de l’astronomie et de la géochimie, mais aussi de ce qu’on appelle aujourd’hui le développement durable.

Natalia Tarasova et Dmitri Mustafin

2019 a été proclamée par l’ONU Année internationale du tableau périodique des éléments chimiques, pour marquer le 150e anniversaire de la publication, dans la Revue de la Société russe de chimie, du premier modèle de tableau périodique de l’illustre savant russe Dmitri Mendeleïev, considéré comme l’un des pères de la chimie moderne. À cette époque, alors que les connaissances sur la structure de l’atome comportaient une large part d’imprécision, la loi périodique ne pouvait être formulée que par un homme doué d’un pouvoir de prédiction hors du commun, d’une intuition de génie.

Pourtant, dans la bibliographie de Mendeleïev, moins d’un dixième de ses recherches est consacré à la chimie. L’écrasante majorité de ses travaux concerne d’autres domaines scientifiques parmi lesquels l’aéronautique, la météorologie, l’exploration de l’Arctique, la conception du brise-glace, l’éducation populaire, la dénonciation du spiritisme, l’expertise judiciaire, l’économie, pour ne citer qu’une partie des questions auxquelles cet esprit encyclopédique s’intéressait.

Beaucoup de ses recherches étaient consacrées à ce que nous appelons aujourd’hui concept de développement durable, gestion rationnelle des ressources naturelles et écologie. Si, à l’évidence, ces domaines de connaissance et disciplines universitaires n’existaient pas encore à l’époque de Dmitri Mendeleïev, le savant avait ressenti la nécessité de prévenir contre l’exploitation excessive des ressources naturelles, d’informer du caractère épuisable des minéraux, d’appeler à une consommation parcimonieuse du pétrole, de l’eau, du charbon. Il a insisté sur le besoin de privilégier la gazéification du charbon et de modifier les méthodes d’extraction et d’acheminement du pétrole. Il a prôné l’exploitation respectueuse des sols en vue d’améliorer sa fertilité. Il a réfléchi à la modernisation de la Russie.

Mendeleïev opposait une critique virulente à ce que nous appelons aujourd’hui l’oligarchie et la corruption. Il estimait qu’il fallait éradiquer toute possibilité de monopole des ressources naturelles, mais ces mises en garde ne furent entendues ni à son époque, ni au XXe siècle, lorsque la Russie procéda à la privatisation de ses gisements pétroliers et miniers. Au XIXe siècle, la puissante oligarchie du pétrole et du charbon mena un combat implacable et victorieux, hélas, contre Mendeleïev, visant à prouver qu’il n’avait rien d’un grand savant.

Même les membres de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg finirent par lui préférer Fedor Beilstein (dont seuls quelques fins spécialistes se souviennent aujourd’hui), lorsqu’il leur fallut accueillir un nouveau confrère au sein de leur institution. Ils invoquèrent alors le petit nombre de recherches que Mendeleïev avait réalisées dans le domaine de la chimie.

Nul n’est prophète en son pays, les prophéties de Dmitri Mendeleïev en matière de gestion des ressources naturelles et du développement durable en général sont tout aussi importantes que la loi périodique et le tableau périodique des éléments, qui ont hissé le nom de Mendeleïev au rang des savants russes les plus connus.

L’Année internationale 2019 et la reconnaissance mondiale de la loi sur la périodicité des propriétés chimiques des éléments soulignent une fois de plus la nécessité de dégager un système dans notre monde chaotique. Après tout, c’est le système qui nous permet de comprendre l’idée même de régularité et c’est lui qui nous confère la capacité de prédiction nécessaire à relever les défis du développement durable.

Dmitry Mustafin

Chimiste russe et professeur à l’université de technologie chimique D. Mendeleïev de Russie, Dmitri Mustafin est auteur, présentateur, éditorialiste scientifique et expert invité à de nombreux programmes télévisés et de films destinés au grand public.

Natalia Tarasova

Coprésidente du Comité de gestion inter-unions de l’Année internationale du tableau périodique, la scientifique russe Natalia Tarasova est directrice de l’Institut de chimie et des problèmes de développement durable à l’université de technologie chimique D. Mendeleïev de Russie. Elle figure parmi les pionniers de la recherche en matière de développement durable en Russie.

   
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19 janvier 2019 6 19 /01 /janvier /2019 10:05

Extrait de "Respirer tue, agir contre la pollution de l'air", Gérard Borvon, éditions Lemieux.

 

Trémargat est un village du Centre Bretagne qui mérite qu'on le visite. Là, des agriculteurs, jeunes et dynamiques, s’obstinent à ne pas vouloir appliquer les règles de l’agriculture industrielle et, donc, se refusent à utiliser des pesticides.


 

Des pesticides dans l'eau de pluie.

En 1995 des chercheurs de l’INRA de Rennes (institut national de la recherche agronomique) ont eu l’idée de rechercher la trace de pesticides, non plus dans les ruisseaux et rivières qui en sont saturés, mais dans l’eau de pluie. Trémargat se prêtait bien à une première mesure. Surprise : le prélèvement révélait des taux en atrazine, en alachlore et en dinoterbe (pesticides aujourd'hui interdits) proches ou même supérieurs aux maximas admissibles dans l'eau de boisson. Au total six pesticides étaient détectés dans une eau dont on aurait pu attendre la pureté la plus totale.


 

Des mesures effectuées plus à l’Ouest (Pont-l’Abbé) et à l’Est (Rennes) confirmaient que les pesticides imprégnaient l’ensemble de l’atmosphère bretonne. Le niveau de pollution était étonnamment élevé : 80% des échantillons d'eau de pluie dépassaient la norme maximale européenne pour l'eau de boisson pendant la période des épandages. Ce niveau restait encore élevé trois mois après la fin des traitements. C’est donc en permanence que l’on respire des pesticides en Bretagne comme dans de nombreuses régions car, nous le verrons, la Bretagne est loin d'être la seule concernée.


 

La France est le premier consommateur de pesticides en Europe et le quatrième dans le monde après les États Unis, le Brésil et le Japon. La Bretagne étant la première région de production animale, a orienté ses cultures vers les céréales, blé, maïs, orge, essentiellement destinées à l'alimentation du bétail. Ce sont leurs produits de traitement qui se retrouvent de façon régulière dans les eaux de pluie, de surface et souterraines. Mais aussi, et en premier lieu, dans l'air.


 

Depuis 2002, Air Breizh, association agrée pour la surveillance de la qualité de l'air en Bretagne, mène des campagnes de mesure des pesticides au printemps et en été, périodes où l'air en est particulièrement chargé. Un suivi a été réalisé dans la commune de Mordelles, une commune en zone périurbaine de Rennes. Le canton environnant est essentiellement consacré à la culture de fourrage et de céréales. En 2010, un bilan des mesures effectuées depuis 2005 a été publié. Sur les 95 pesticides recherchés dans l'air en Bretagne depuis 2008, 37 composent le cocktail de ceux qui se retrouvent à des fréquences diverses dans l'air de Mordelles. Six d'entre eux sont détectés chaque année au début de la campagne de mesures dont le lindane. Cet "organochloré", que l'on retrouve dans 82% des mesures, a été interdit en France pour ses effets cancérigènes, depuis 1998. Mais comme de nombreux corps de la même famille, il est extrêmement persistant.


 

Au peloton de tête s'ajoutent une trentaine d'autres ingrédients aux noms barbares souvent classés comme C.M.R, c'est à dire cancérigènes (C), mutagènes (M) et donc susceptibles de provoquer des anomalies dans la descendance, ou encore reprotoxiques (R), dont les effets sont avérés sur la perte de fertilité humaine. Ajoutons que, si l'on commence à percevoir la toxicité de chacun de ces produits, l'ignorance est quasi totale sur le résultat de leur mélange. Surtout doit-on y ajouter l'effet des solvants et adjuvants associés (formaldéhyde, phénols, alcools, glycols, hydrocarbures aromatiques) dont le nocivité peut être tout aussi forte, sinon plus, que celle des produits actifs.

 

On sait aujourd'hui que la contamination de l'air par les pesticides a d'abord lieu au moment de l'application des traitements. Seule une faible fraction du produit atteint la cible, le reste se répand sur le sol et surtout se diffuse dans l'air (il est admis que, dans certains cas limites, 90% des pesticides épandus s'y retrouvent). Plus tard, une partie de ce qui a été recueilli par le sol ou les plantes, rejoint l'air par évaporation ou est transporté par les poussières. Les pesticides, associés à leurs produits de dégradation, se diffusent ensuite loin du lieu de traitement.


 

Pas de normes pour l'air.

Avant de parler de résultats des mesures, notons d'abord que, contrairement à l'eau et aux aliments pour lesquels la communauté internationale a fixé des valeurs limites de consommation, de telles valeurs n'existent pas pour l'air. D'ailleurs comment pourraient-elles exister ? Comment imaginer qu'on puisse interdire de respirer un air dont le taux en pesticides serait trop élevé ? On peut être contraint à boire de l'eau embouteillée si l'eau du robinet est polluée, on peut choisir de ne manger que des aliments produits par l'agriculture biologique mais là où nous vivons nous n'avons pas d'air de rechange !


 

Pas de normes de pesticides, donc, pour l'air. Si nous voulons, cependant, juger de la qualité de l'air que nous respirons, nous pouvons considérer les taux de pesticides mesurés dans l'eau de pluie en les comparant aux normes fixées pour l'eau de boisson. Rappelons que, dans les eaux destinées à la consommation humaine, la norme fixe à 0,1 µg/l (1 microgramme =1µg=1millionième de gramme) la limite de qualité pour chaque type de pesticide et à 0,5 µg/l la limite de qualité pour la concentration totale en pesticides.


 

Quand, en 1995, l'INRA a mesuré le taux de pesticides dans l'eau de pluie bretonne, toutes les analyses de simazine (interdit depuis 2003) y dépassaient le seuil des 0,1µg/l. Un rapport du Sénat du 18 mars 2003 sur les pesticides dans l'eau de pluie notait même que, en Bretagne, "les concentrations pour l'atrazine et l'alachlore, qui sont les deux principaux pesticides du maïs, peuvent atteindre 10, 20, voire plus de 200 fois les normes tolérées pour l'eau potable ! ".


 

Quelles quantités respirons-nous ?

Le rapport 2010 de Air Breizh notait que certains pesticides, mesurés directement dans l'air, pouvaient dépasser le taux de 10 nanogrammes par mètre cube d'air (1 nanogramme, 1ng, est égal à 1milliardième de gramme). Une question se pose alors : quelle quantité de pesticides respirons nous par jour ?


 

Ne nous laissons pas effrayer par le simple calcul qui va suivre. Il est admis qu'un adulte ayant un poids corporel de 70kg absorbera, en fonction de son activité, entre 10m3 et 15m3 d'air par jour. Si nous considérons un volume minimum inspiré de 10m3, un adulte respirant un air contenant 10ng/m3 de pesticides en absorbera 100ng par jour soit 0,1µg, le maximum de la dose admissible par litre d'eau de boisson. Nous pouvons donc considérer comme fortement pollué par un pesticide, un air en contenant 10ng/m3. Noter qu'un jeune enfant présente un taux d'inhalation de deux à quatre fois plus élevé que celui d'un adulte, les effets en sont d'autant plus néfastes sur un organisme en cours de formation.


 

Quelle quantité de ces pesticides reste fixée dans les alvéoles pulmonaires ? Quelle quantité passe dans le sang ? Quelle est leur action ? Les résultats des premières études menées sur le sujet n'ont pour le moment trouvé que peu d'écho auprès des autorités publiques responsables. Pourtant, en additionnant toutes les concentrations en pesticides et autres polluants qui composent le cocktail respiré, comment ne pas faire l'hypothèse que l'air puisse être une source majeure de contamination, supérieure même à celle de l'eau de boisson dans la mesure où l'essentiel des pesticides qu'elle contient est éliminé par le traitement dans les usines de potabilisation et par le fait de la grande consommation d'eau de source embouteillée dans les régions de pollution chronique.


 

En Bretagne et, plus encore, ailleurs.

La Bretagne, terre d'agriculture intensive, est régulièrement pointée comme étant représentative des pollutions diverses qui affectent notre territoire. Pourtant elle est loin d'être la plus mauvaise élève de la classe. Un rapport de la cellule "prospective et stratégie" du ministère de l’environnement constate que la pollution de l’air par les triazines et les organochlorés est devenue chronique en France bien que l'usage de ces produits soit à présent interdit.


 

L'association Airparif a réalisé un premier état des lieux sur la présence de pesticides dans l’air francilien au printemps 2006. Plus de 5000 analyses de 80 d'entre eux ont été réalisées sur 5 sites de mesure différents. L’Île-de-France est, en effet, une région agricole remarquable par ses grandes cultures consommatrices d'intrants chimiques. 3200 tonnes de pesticides y sont épandues par an dont 93% pour usage agricole. Les résultats montrent une constante par rapport aux autres régions de France. Un record de 305ng/m3 de chlorothalonil y est même observé. Ramené à 10m3 d'air respiré par jour, cela correspond à 3,05µg de ce pesticide qui traverse les poumons du riverain moyen soit 30 fois la dose admissible par litre d'eau de boisson.

 

Regarder également du côté des régions viticoles ou arboricoles. Elles sont parmi les plus consommatrices de pesticides. Depuis 2002, "Air Pays de Loire", l'association agréée pour le suivi de la qualité de l'air, y mène un programme d'étude de la pollution atmosphérique par les produits phytosanitaires. Après le maraîchage et la viticulture, l'association s’est intéressée à une autre activité agricole spécifique de la région : l'arboriculture fruitière.

 

Une campagne de mesure a été menée en 2007 dans le Maine-et-Loire, où sont localisés les deux tiers des vergers de la région. Parmi les 50 molécules phytosanitaires recherchées dans l’air des vergers du site étudié, deux molécules utilisées en arboriculture se sont révélées prédominantes : le captane (fongicide) et le chlorpyriphos éthyl (un insecticide). Un maximum de 30ng/m3 de ce dernier pesticide, neurotoxique pour l'homme a été mesuré début août. Respirer pendant les jours d'épandage de ce produit est une activité à haut risque sanitaire !

 

"Pesticides, peut-on encore manger des pommes ? " est le titre d'un reportage télévisé de l'émission "Envoyé Spécial" du 5 mars 2015. Pour produire des fruits d'une esthétique attirante il ne faut pas moins de trente à cinquante traitements avant la récolte suivis d'un conditionnement chimique assurant leur conservation pendant un an. L'analyse des cheveux de riverains cernés par les vergers où sont produits ces fruits et d'un technicien agricole chargé des épandages révèle une contamination chronique par plusieurs pesticides. En 2014, 280 professionnels de santé du Limousin ont lancé un appel contre les pesticides. Une patricienne généraliste témoigne "on a vu une espèce d'épidémie de maladies neurologiques" concernant non pas des personnes âgées mais des gens bien plus jeunes et aussi "un nombre de cancers de la prostate très important". Un lien entre cancers et pesticides que confirme un rapport de l'Inserm de 2013. "Ne rien faire dans ces cas là, moi j'appelle cela non-assistance à personne en danger" conclut-elle.

 

Quant aux vignes ! On commence à savoir que les premiers touchés sont les vignerons eux-mêmes et leurs familles mais comment ignorer la population voisine, surtout quand les produits de traitement sont répandus par voie aérienne. Malgré son interdiction depuis 2009, la méthode se maintient sous forme de dérogations préfectorales. Un article du journal Reporterre du 22 avril 2014 relate la lutte des associations de protection de l'environnement de Bourgogne contre la dérogation accordée par le préfet pour un épandage par hélicoptère dans la région de Mâcon.

 

Car, si la loi interdit l'épandage aérien, dérogations il y a ! Que penser du sens des responsabilités des ministres de l'agriculture, de l'écologie et de la santé qui signent, le 15 septembre 2014, un arrêté qui fixe "les conditions dans lesquelles peuvent être accordées des dérogations provisoires à l'interdiction de procéder à ces épandages".

 

Parmi ces conditions : "lors des épandages aériens, l'opérateur respecte une distance de sécurité qui ne peut être inférieure à 50 mètres vis-à-vis des lieux suivants" :
a) Habitations, jardins et lieux accueillant du public ou des groupes de personnes vulnérables.

b) Bâtiments et parcs où des animaux sont présents.

c)Parcs d'élevage de gibier, parcs nationaux, espaces classés, réserves naturelles".

 

Il est par ailleurs précisé que "L'opérateur prend toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que les produits phytopharmaceutiques appliqués ne sont pas entraînés en dehors de la zone traitée."

 

Qui peut imaginer que, comme le nuage de Tchernobyl, les particules de pesticides vont s'arrêter à la frontière de 50m fixée par la directive ministérielle. Qui peut laisser croire qu'un "opérateur" peut s'engager à ne pas laisser les produits épandus être dispersés par le vent alors que chacun sait qu'on les retrouve de façon régulière à des dizaines de kilomètres de leur lieu d'émission.

 

 

Les associations mobilisées rappelaient que, l'année précédente, elles avaient été les seules à prendre l'initiative de prévenir les écoles afin qu'elles ne laissent pas les enfants sortir dans les cours de récréation.

 

 

Une prise en compte tardive.

Les associations comme Air Breizh, Air Parif, Air Pays de Loire, déjà citées, sont regroupées dans la fédération Atmo. Nous reparlerons de cette fédération et de ces associations. Dans une de ses publications, datée de 2009, on lit un article sous le titre "Contamination de l'air par les pesticides : nouvelle composante de la pollution de l'air".

 

Ses auteurs remarquent d'abord que jusqu'à présent la pollution par les pesticides a été essentiellement étudiée dans l'eau pour laquelle des normes existent. La pollution de l'air a été oubliée. Pourtant, note le rapport, pendant l'épandage des pesticides, suivant les conditions météorologiques et les modes d'application, "de 25% à 75% des produits phytosanitaires ne se déposent pas sur les aires traitées, ce taux pouvant même atteindre 90% sur des sols humides." Or ajoutent ses rédacteurs "Outre le risque sanitaire direct que représentent les pesticides, de par leur nature, dans l’atmosphère, ils peuvent subir des dégradations chimiques ou photochimiques et participer ainsi au mécanisme réactionnel atmosphérique en produisant
des aérosols et des polluants secondaires tel que l’ozone."

 

Pourtant, note la fédération Atmo,"La contamination de l’air par les produits phytosanitaires reste encore mal renseignée par rapport aux autres composantes de la pollution primaire. Ceci est dû, en partie, à la récente prise de conscience de cette forme de pollution, à l’absence de normes des pesticides dans l’air mais aussi à la diversité des molécules actives utilisées et aux difficultés techniques liées à leurs modes de prélèvement et d’analyse."


 

Mal renseignés sur la nature et la quantité des polluants, nous le sommes aussi sur leurs effets. Comment se diffusent-ils dans le corps humain ? Où agissent-ils ? Où se fixent-ils ? Quel est leur action à long terme, en particulier sur les enfants contaminés ? Si trop peu d'études ont été menées jusqu'à présent, les premiers résultats de celles qui ont été faites sont déjà particulièrement inquiétants. Nous en parlerons dans les chapitres qui vont suivre.

 

Voir la vidéo sur les pisseurs involontaires de glyphosate ; les PIG

https://www.youtube.com/watch?v=v_j-ovoFXwI

 

https://nousvoulonsdescoquelicots.org/

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8 janvier 2019 2 08 /01 /janvier /2019 20:05

translated from : histoire de l'électricité, de l'ambre à l'électron.

 

 

Two kinds of electricity or one? We saw that until the end of the 19th century two systems coexisted.
 
The one initiated by Dufay of the two kinds of electricity: vitrous or positive, resinous or negative.
 
Franklin's: a single species of electricity charging the bodies more or less.
 
It is true that the choice is not necessary when one studies electricity in the static state.
 
Does the problem arise differently when one considers the circulation of this or these fluid (s), ie when one is interested in the electric "current"?

The question will be asked very quickly and we will allow ourselves to travel the time that will take us from Dufay to J.J. Thomson, through Ampère and Maxwell, to discover the different answers that will be provided.
 

From charges to electrical currents.
 
The concept of electric current is already in germ in Franklin's letters to his correspondents. By defining electricity as a fluid that can accumulate on a body or be extracted from it, by designating by the term "conductor" the bodies capable of transmitting this fluid, the idea of a flow is necessarily introduced. The word "current" is also used by Franklin to describe the "effluve" that escapes from drivers. M.E Kinnersley, one of his correspondents, who has already had the opportunity to report the differents effects of  glass and sulfur, offers him a first fitting to  do this fluid circulating :

"If a globe of glass is placed at one end of the conductor, and a globe of sulfur to the other, the two globes being in good condition, and in an equal movement, we can not shoot any spark from the driver because one of the globes attracts (the electric fluid) of the conductor as fast as the other provides it! "

The same Kinnersley observes the calorific effect of the electric current. He connects by an archal wire (another name for brass, zinc alloy and copper), the two extremities of a battery of Leiden jars (we will soon talk about these first electric capacitors): "the archal wire was heated to red ". The interpretation of the phenomenon is very "modern":

 

"It can be inferred from this that, although the electric fire has no sensible heat when in a state of rest, it can by its violent movement and by the resistance which it experiences, produce heat in other bodies, when passing through them. A large quantity would pass through a big archal wire without producing any sensible heat, while the same quantity passing through a small wire, being restricted by a narrower passage, and its particles being tighter on each other, and experiencing greater resistance, it will warm up this little archal wire  until  being red and even it could melt."

 

As for wondering about the direction of circulation of this current of electric fluid, the question is never asked by the proponents of the unique fluid as the answer is obvious: it circulates necessarily through the conductor of the body that carries "in more "to the one who wears" in less ".
 

The same point of view is expressed by the French Jean-Baptiste Le Roy (1720 - 1800) who prefers to speak of electricity "by condensation" and electricity "by rarefaction". He describes his electric machine as an "electric pump" which pushes it from its positive pole (the rubbed glass tray) and draws it to its negative pole (the leather cushions responsible for friction). The circulation of the fluid is clearly described:

 

"If the fluid is rarefied on one side and condensed on the other, it must form a stream from the body where it is condensed towards the one where it is rarefied".
 
For the proponents of the theory of the single fluid, the definition of the direction of circulation of the electric current owes nothing neither to chance nor to any convention. It is imposed by the chosen model: it is from "more" to "less".
 
The machines of Jean-Baptiste Le Roy are an attempt on the way of the electric generators, it will however be necessary to await the beginning of the XIXth century and the construction of the first electric battery by Volta so that the study of the electric currents and their effects became more important that static phenomenas. To follow this story to its tentative conclusion, let's begin our excursion to closer periods of our present.

 

From Volta's pile to Ampère's Bonhomme.

 

We will not detail here the observation published in 1791 by Luigi Galvani and which was to bring Volta to the discovery of the electric battery. We will come back to it. Let's just say, for the moment, that by assembling copper and zinc washers alternated and separated by cardboard washers impregnated with an acid solution, Volta realizes a generator capable of circulating an electric current in an outer conductor (metallic wire  or conductive solution).
 
This current is, for Volta, constituted of a unique fluid such as that described by Franklin. A fluid that flows, outside the "pile", from its positive pole to its negative pole. But the partisans of the two fluids do not disarm: the battery produces positive fluid at one of its poles and negative fluid at the other, they say. Two currents in the opposite direction, one of positive fluid, the other of negative fluid, therefore circulate in the conductor which connects the two poles.

 

It is first the chemists who seize the voltaic pile, and they do not take care of the quarrel. Extraordinary phenomena are emerging at the level of the electrodes connected to the poles of the cell when immersed in the multiple conductive solutions tested. The nature and the direction of circulation of the electric fluid are not their first concern. They are already sufficiently occupied by the study of the properties of the multitude of new bodies that electrolysis has just made them discover.
 

It was not until 1820 that Oersted restored the interest of physicists in the currents passing through metallic conductors by highlighting their magnetic and mechanical effects.

 

Oersted: the pile and the compass.

 

Despite the opposition established by Gilbert, the hypothesis of the common nature of electricity and magnetism has not been totally abandoned. The magnetization of rods of iron under the action of lightning is already reported in the works of Franklin as well as the movement of a magnetized needle on the occasion of the discharge of a bottle of Leiden. Unfortunately, this research was doomed to failure until its authors had a continuous source of electricity.
 
Hans Christian Oersted (1777-1851), professor of physics at the University of Copenhagen is the one to whom luck will smile. Busy during the winter of 1819, showing his students the heat effect of the Volta pile, he observed the movement of a magnetic needle near the conductor through which the electric current flowed. A careful study shows him that the effect is maximum when the conductor wire is placed parallel to the magnetic needle. This then tends to a position of equilibrium perpendicular to the wire. The direction of this movement depends on the order in which the poles of the stack have been connected to the conductor.

 

We will come back to this experience, birth date of electromagnetism. For the moment let us see how it intervenes in the definition of "the" sense of electric current.
 
Interpreting this experiment we would say today that the direction of the deviation of the needle depends on the direction of the electric current. Oersted is adept of the model of the two fluids. The positive fluid and negative fluid currents, he thinks, move in opposite directions along the conductor. Heir to Cartesian theories, he describes them in the form of two "whirlwinds": The "negative electric matter describes a spiral on the right and acts on the North Pole" while "the positive electric matter has a movement in the opposite direction and has the property of generator on the South Pole ". When we reverse the poles of the generator to which the conductor is connected, we reverse the direction of each of the currents and therefore their effect on the compass.
 
Oersted easily succeeds in bringing his interpretation into his theoretical framework. The theory of the two fluids resists!

 

Ampere: the conventional sense.

 

We know that from the announcement, in France, of the observations done by Oersted, Ampère (1775-1836) began the series of experiments that will lead him to the development of the theory of "electromagnetism". Everyone knows the famous " ampère's man" placed on the wire so that the electric current enters through his feet. One would think that with Ampère the single current finally prevailed. Fault ! Ampère is a firm supporter of both fluids. He recalls it in his "Exposé des Nouvelles Découvertes on Electricity and Magnetism" published in Paris in 1822:
 
"We admit, according to the doctrine adopted in France and by many foreign physicists, the existence of two electric fluids, capable of neutralizing each other, and whose combination, in definite proportions, constitutes the natural state of matter. This theory provides a simple explanation of all the facts and, subject to the decisive test of calculation, gives results which are in accord with experience. "

 

On the other hand, he rejects the terms vitrious and resinous electricity, he prefers those of positive and negative, provided that these terms retain only the meaning of a convention:
 
"When we admited the existence of the two fluids, we should have said: they have the opposite properties of the positive and negative magnitudes of geometry with respect to each other: the choice is arbitrary, as we choose arbitrarily the side of the axis of a curve where its abscissae are positive, but then those on the other side must necessarily be considered as negative, and the choice once made, as it is with to the two electric current senses, we must not change it anymore".

 

Logically, the battery produces these two types of electricity:
 
"In the isolated pile, each electricity is manifested at one end of the apparatus, the positive electricity at the zinc end, and the negative electricity at the copper end." (Ampere respects here the polarities proposed by Volta and of which we will see that they were erroneous).
 
The conclusion is natural:
 
"Two currents are always established when the two ends of the pile are put to communicate."
 
The positive current of electricity starts from the positive pole and the negative electricity from the negative pole. As the magnetic phenomena are reversed when we change the sense of these two currents it is necessary, however, to identify these senses. This is the opportunity for Ampère to propose a convenient convention:

 

 
"It is sufficient to designate the direction of the transport of one of the electric principles, to indicate, at the same time, the direction of the transport of the other, which is why, by employing from now on the expression "sense of the electric current" to designate the the direction in which the two electricities move, we will apply this expression to the positive electricity, implying that the negative electricity moves in the opposite direction ".
 

 

Here is finally this famous "conventional sense". In reality, what he describes is not the meaning of the current but that of currents. In choosing to call "the direction of the current" that of the circulation of the positive fluid, Ampère  found a vocabulary common to the "English" and "French" hypotheses. From then on, the famous "Ampère man" can serve as a tool for both models:

 

"To define the direction of the current relative to the needle, let us conceive of an observer placed in the current, so that the direction from his feet to his head is that of the current, and his face is turned towards the needle : the austral pole of the magnetised needle is brought to the left of the observer so placed ".
 
The Ampere observer does receive the positive fluid from the feet but also receives the negative fluid through the head.

 

With the Ampère choice, it is the theory of the two currents that prevails in France and in most European countries, it is still classic in textbooks of the early twentieth century and requires teachers real educational prowess. It is indeed not convenient to expose how the two fluids can cross without neutralization.


 
The comeback of Franklin.

 

England has generally remained faithful to Franklin and to the unique fluid. Maxwell (1831-1879), for example, wants great caution with regard to the very notion of electric fluid:
 
"As long as we do not know whether positive or negative electricity, or if electricity itself is a substance, until we know whether the speed of electric current is several millions of leagues per second, or one hundredth of an inch. on time, or even if the electric current runs from positive to negative or in the opposite direction, we will have to avoid talking about electric fluid ". (Maxwell, elementary treatise of electricity - Paris - Gautier Villars - 1884).
 
Despite this caution, we must choose one of the models to interpret the electromagnetic phenomena, it is then the unique fluid and the model of Franklin who will have his preference:

 

"If there is a substance penetrating all the bodies, whose movement constitutes the electric current, the excess of this substance in a body, beyond a certain normal proportion, constitutes the observed charge of this body".
 
No ambiguity with the model of the "screw" (or the "corkscrew", as the French prefer it) proposed by Maxwell to describe the Oersted experiment: it advances, along the wire, in the direction of the current :
 
"Suppose a straight screw moves in the direction of the current, turning, at the same time, through a solid body, ie in the direction of clockwise, the North Pole of the magnet will always tend to rotate around the current in the direction of rotation of the screw, and the south pole in the opposite direction ".

 

We can finish this brief history with J.-J. Thomson (1856-1940). In 1897, he too acknowledged that nothing so far has been able to separate the "dualist theory" of electricity from the "unitary theory":
 
"The fluids were mathematical fictions, intended only to provide a spatial support for the attractions and repulsions that occur between electrified bodies ... As long as we limit ourselves to questions that involve only the forces laws manifesting itself between electrified bodies and the simultaneous production of equal amounts of positive and negative electricity, the two theories must give the same result, and there is nothing that allows us to choose between the two ... Only when we wear our investigations on phenomena involving the physical properties of the fluid, which we are allowed to hope to make a choice between the two rival theories.

 

Thomson, at this period of his life, studies the "radiation" that crosses a tube emptied of its air and whose "cathodic" tubes equipped, not so long ago, the screens of receivers of television and computers .

 

At the moment when, in this radiation, he discovers the "corpuscle of electricity" that will later be called "electron", he thinks he can, in a certain way, observe the triumph of his national colors. Noting that the cathode rays are made up of "grains" of negative electricity of mass more than a thousand times smaller than that of the smallest atom, that of hydrogen, he can not doubt to have assured the victory of his camp. Remembering that Franklin considered that "the electric matter is composed of extremely subtle particles", he writes:

 

"These results lead us to a conception of electricity that bears a striking resemblance to Franklin's" unitary theory ".
 
The triumph however is not total:
 
"Instead of considering, as this author did, the electric fluid as being positive electricity, we consider it as negative electricity ... A positively charged body is a body that has lost some of its corpuscles ".
 
It remains, indeed, this bad initial choice: the rubbed glass does not take electricity, it loses some!

 

 

Situation blocked.
 
Here we are at the moment the situation freezes. For a century and a half Franklin's conventions have permeated electrical science, Ampère has embedded this footprint by setting a conventional sense of current flow. The discovery of electrons, then protons, imposes a new interpretation of electrical conduction. 

Both positive and negative charges exist and it is true that in electrolysis two opposite charge currents cross each other in the electrolyte solution.
 
In metal conductors, on the other hand, only negative charges are mobile. The positive fluid remains immobilized in the fixed nuclei of the atoms. The electric current must now be considered, in a metal circuit, as a current of electrons moving from the negative pole of the generator to its positive pole.

 

Is this discovery a sufficient event to provoke a revolution in electrical conventions? It must  note that we will accommodate with these electrons that move in the opposite direction of the "conventional" sense. This move is not spectacular. We can now answer Maxwell's question. The speed of the current of electrons in a continuous current is not several millions of leagues per second and if it is nevertheless greater than one hundredth of an inch per hour, it does not exceed a few centimeters an hour . This result speaks little to the imagination. This slow current of electrons goes badly with the observed power of electrical phenomena. This is perhaps why we prefer to continue reasoning about the mythical current of the early times of the electricity that rushes from the positive pole where it was concentrated towards the negative pole where it had been rarefied.
 
There remains a certain astonishment and sometimes irritation when we present to the beginner this contradiction in electrical science. What? More than a century has passed and the mistake is still not repaired?
 
In a certain way this "error" is beneficial: it breaks the linear discourse, it forces the interrogation and forces a return on the history of science. At least apprentice electricians will remember that scientific activity is a human activity, a living activity, and that sometimes there are scars of past mistakes.

 


 

 

 

 

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