Après Nicolas Legendre et son "Silence dans les champs",
une vidéo à voir dans sa totalité.
diffusé le 29/02/2024 à 22h56 Disponible jusqu'au 31/03/2025
Ces trois semaines de colère ont-elles fait vaciller 70 ans de règne ou, au contraire, ont elles renforcé la puissante Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles ?
Secoué par sa base, challengé par ses concurrents, le syndicat numéro un chez les agriculteurs reste en tout cas au centre du jeu. D'un claquement de doigt, son président a ordonné de suspendre les blocages après les aides annoncées par Matignon.
C'est d'ailleurs à l'occasion de cette crise que beaucoup de Français ont découvert le nouveau visage de la FNSEA. Celui de son président, Arnaud Rousseau, 50 ans, céréalier en Seine-et-Marne, mais aussi président du groupe Avril, géant de l'agro-industrie aux neuf milliards de chiffre d'affaires en 2022.
Peut-on être tour à tour paysan, leader syndical et businessman ? Enquête.
Présenté par : Tristan Waleckx
Maison de production : France 2 / France 2 (FR2)
Le film :https://youtu.be/f9kCvSwxuyU
Gros intérêts financiers, soutien sans faille de l’État... Le documentaire « Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État » coproduit par Off Investigation et Reporterre est désormais en accès libre.
Depuis plus de trente ans, la zone humide du Marais poitevin — un milieu écologique extraordinaire — est attaquée et asséchée par l’agriculture industrielle. Et non contente d’avoir réduit à presque néant cet écosystème, voilà que, depuis une dizaine d’années, les grands exploitants développent des « mégabassines », accaparant l’eau des nappes phréatiques pour continuer leurs cultures. Pis, ils présentent ce système comme généralisable, et l’on commence à voir fleurir les mégabassines à travers la France, avec le soutien du gouvernement.
Dès 2017, comme l’a raconté alors Reporterre, paysans et écologistes se sont battus contre cette appropriation d’un bien commun, et la lutte n’a pas cessé depuis de se développer, jusqu’à la terrible répression de la manifestation à Sainte-Soline le 25 mars 2023.
Cette bataille n’a pas été en vain. Des mégabassines sont interdites par la justice, et le mouvement ne faiblit pas. Pour bien en comprendre les enjeux, et les présenter en images, les deux médias Reporterre et Off Investigation se sont associés pour produire une enquête commune : mettre à jour les gros intérêts financiers cachés derrière le discours promouvant les mégabassines. Nous avons ainsi coproduit une enquête fouillée du journaliste Sylvain Lapoix révélant « les vraies raisons des mégabassines » et un film de Clarisse Feletin, Mégabassines, histoire secrète d’un mensonge d’État, reprenant ce travail en l’inscrivant dans l’histoire longue de cette lutte intense.
Le film :https://youtu.be/f9kCvSwxuyU
Avec Off Investigation, nous sommes heureux de vous proposer ce film en accès libre, parce que l’information doit être partagée par toutes et tous.
Provenant du podcast C'est bientôt demain
Antoine Chao raconte cette rencontre.
Les frères Glinec, Jean- François et Olivier, sont éleveurs de vaches laitières à Saint Urbain au bord de la Mignonne, petit fleuve breton qui je jette au fond de la rade de Brest. Ils ont d’abord souscrit aux canons du productivisme, avant de virer radicalement de bord !
Olivier et son frère Jean-François ont repris la ferme de leurs parents dans les années 1990, quelques années plus tard, ils ont dit adieu au maïs, aux pesticides et aux engrais de synthèse.
J’ai appris leur existence et leur façon de faire dans le livre « Silence dans les champs » de Nicolas Legendre, qui a reçu le Prix Albert Londres 2023 pour cette enquête sidérante sur l’agro-industrie bretonne qui prospère en balayant ses détracteurs et en détruisant les écosystèmes.
Aujourd'hui la ferme de Trévarn accueille, une maraichère, un fromager, deux brasseurs et bientôt une boulangerie. Vente directe à la ferme le vendredi en fin de journée.
La Mignonne n'est ni un ruisseau ni une rivière, mais un fleuve, puisque après une vingtaine de kilomètres de méandres depuis sa source elle se jette dans l’eau salée de la Rade Brest. Comme tant d’autres cours d’eau bretons, elle a beaucoup souffert depuis le milieu du XXe siècle de l’usage immodéré de polluants . Une partie de la faune et de la flore a disparu dans la relative indifférence des responsables de cette hécatombe.
Merci à Jean-François et Olivier Glinec de la ferme de Trévarn et à Kristen Falc'hon du média breton d'investigation Splann !
Les portes ouvertes de la ferme de Trévarn, en présence de Nicolas Legendre (et sans la Mano Negra ;) se dérouleront le week-end du 29 juin.
Le tournage du film "Nous serons toujours là !" a commencé en septembre 2021.
Publié le 12/02/2024 Sur FR3.
Pendant trois ans, à la fin des années 70, les habitants de Plogoff dans le Finistère vont se battre contre un projet de centrale nucléaire à la pointe bretonne. Une révolte environnementale emblématique qui se retrouve au cinéma dans le film "Nous serons toujours là ! Plogoff 1980". Interview de son réalisateur.
"On est dans l’éveil environnemental. C’est une lutte de territoire qui est devenue une lutte internationale." Nicolas Guillou est le réalisateur du film "Nous serons toujours là !" Une fiction qui revient sur le combat de Plogoff, cette révolte bretonne emblématique contre le nucléaire. "C’est très actuel. On se pose encore aujourd’hui les mêmes questions."
Un projet commun avec les gens du territoire
"On a construit le projet avec les gens du territoire, explique le réalisateur. Ils ont aidé à l’écriture et à la mise en scène." 40 ans après, il est allé "frapper aux portes des habitants pour réaliser le film avec eux. On a rencontré les anciens, parfois bretonnants pour réécrire l’histoire ensemble." Nicolas Guillou tenait à rester "accroché à l'histoire".
Le tournage du film a commencé en septembre 2021. Des figurants locaux ont pu participer. "Il y a eu des moments épiques, se souvient-il. Notamment quand on les a mis en scène devant les gendarmes de l’époque. Certains ont revécu l’évènement et il a fallu les calmer ! C’était assez chaud."
Nous serons toujours là ! Plogoff 1980 Bande-annonce VF
"Les luttes d’aujourd’hui ressemblent à celle qu’il y avait il y a 44 ans. C’est un peu dommage de voir que beaucoup de problèmes ne sont pas encore réglés."
Nicolas Guillou. Réalisateur du film "Nous serons toujours là !"
Plogoff symbole de la désobéissance civile
À la fin des années 70, les habitants de Plogoff se battent et résistent contre le projet d’implanter une centrale à l'extrémité du Cap-Sizun. Une lutte qui a duré 3 ans et qui a marqué la Bretagne mais pas seulement. "Le film s’appelle "Nous sommes toujours là !" C’est un clin d’œil à la mémoire des humains et à l’engagement qu’on a, développe Nicolas Guillou. Ces luttes sont constantes."
"L’environnement n’est plus une question de territoire. Elle est globale. Elle est actuelle. Elle est intéressante pour la France mais aussi pour le monde entier", conclut-il.
Le film était projeté en avant-première à Trégueux le samedi 10 février. La sortie officielle de "Nous sommes toujours là !" sera le 27 mars prochain.
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Voir aussi : «La détestation viscérale d’une partie du monde paysan à l’égard des écologistes est entretenue par certains acteurs agro-industriels»
Il s’agit d'évaluer la mise en œuvre et l’efficacité de l'action publique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, développer les puits de carbone, réduire l’empreinte carbone et développer l’adaptation au changement climatique du système alimentaire. Il s’agit également d’aborder les impacts socio-économiques, environnementaux et sur la santé de ces différentes politiques publiques.
L’AGRICULTURE ET L’ALIMENTATION JOUENT UN RÔLE CENTRAL DANS L’ATTEINTE DES OBJECTIFS CLIMATIQUES DE LA FRANCE. L'ALIMENTATION REPRÉSENTE 22 % DE L'EMPREINTE CARBONE DE LA FRANCE. AU SEIN DU SYSTÈME ALIMENTAIRE, LES ÉMISSIONS DE GAZ A EFFET DE SERRE DE L’AGRICULTURE ONT PEU DIMINUÉ PAR RAPPORT AUX AUTRES SECTEURS D’ÉMISSION EN FRANCE ET À SES VOISINS EUROPÉENS. ACCÉLÉRER LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE L’ALIMENTATION ET DU SECTEUR AGRICOLE, TOUT EN SOUTENANT LES PRODUCTEURS ET INDUSTRIELS DU SECTEUR, ET EN PRÉSERVANT ET EN AMÉLIORANT L’ALIMENTATION ET LA SANTÉ DES CONSOMMATEURS, IMPLIQUE DE DÉVELOPPER UNE VISION D’ENSEMBLE CLAIRE D’UN SYSTÈME ALIMENTAIRE DÉCARBONÉ
LES IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA PRODUCTION AGRICOLE SONT IMPORTANTS DEPUIS PLUSIEURS DÉCENNIES ET S’INTENSIFIENT. S’ADAPTER EST NÉCESSAIRE POUR PROTÉGER LES AGRICULTEURS ET ÉLEVEURS, LIMITER LES DOMMAGES ET PRÉSERVER LA STABILITÉ DE L’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE. À L’ÉCHELLE MONDIALE, LE CHANGEMENT CLIMATIQUE CONSTITUE UN FACTEUR DE RISQUE POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE CROISSANT AVEC LE NIVEAU DE RÉCHAUFFEMENT
IL EXISTE DE NOMBREUSES OPTIONS D’ATTÉNUATION ET D’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE POUR LE SYSTÈME ALIMENTAIRE, MAIS SA STRUCTURE ET SON FONCTIONNEMENT SONT RIGIDES, FREINENT L’ADOPTION DE NOUVELLES PRATIQUES ET VERROUILLENT LA POSSIBILITÉ DE CHANGEMENTS TRANSFORMATIONNELS. UNE RÉDUCTION AMBITIEUSE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET UNE ADAPTATION PROTECTRICE NÉCESSITENT UNE PLANIFICATION ET DES INVESTISSEMENTS CONCERTÉS QUE SEUL UN CHANGEMENT PROFOND DES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES REND POSSIBLE.
LA TRANSFORMATION DU SYSTÈME AGROALIMENTAIRE FRANÇAIS, ESSENTIELLE POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX CLIMATIQUES, PASSE PAR UNE MISE EN COHÉRENCE DES POLITIQUES AGRICOLES AVEC LES OBJECTIFS DES POLITIQUES CLIMATIQUES AINSI QU’AVEC LES OBJECTIFS DE NUTRITION ET DE SANTÉ DES POLITIQUES ALIMENTAIRES. ELLE S’APPUIE SUR LES OPPORTUNITÉS DE SYNERGIES LIÉES À L’AGROÉCOLOGIE, ET IMPLIQUE UNE NOUVELLE GOUVERNANCE PARTAGÉE DE CES OBJECTIFS POUR REDÉFINIR LE PARTAGE DE LA VALEUR ENTRE TOUS LES ACTEURS DU SYSTÈME.
Dans son chapitre X de "L'homme et la Terre", Élisée Reclus traite des rapports entre science et religion : "L’évolution dans laquelle l’humanité se trouve actuellement engagée a créé une opposition bien tranchée, une guerre sans merci, entre la science, c’est-à-dire la recherche objective de la vérité, et l’ensemble des sentiments, des croyances et des survivances fétichistes que l’on appelle religion."
Pour autant, si la science à ouvert la boîte de Pandore, il ne faut pas croire, dit-il, que tous les savants soient des héros.
Son analyse reste d'une étonnante actualité.
L’humanité n’a pas besoin de Souverain Pontife.
"Ainsi le soin de la santé publique n’est plus du ressort de l’Église. Le soin de la santé morale lui échappe également de plus en plus, et de toutes parts la société se révolte contre elle pour lui retirer l’enseignement, De même que le pape, après avoir brigué la domination absolue dans le monde entier, a fini par avoir pour limites de son empire les murs de son palais, de même l’Église se voit arracher successivement toutes les maîtrises qu’elle revendiquait dans la direction des intelligences et des volontés. Bouddha, Jésus, ni Mahomet ne peuvent la renseigner à cet égard : l’humanité n’a pas besoin de Souverain Pontife. Bien plus, il n’est pas une religion qui puisse satisfaire d’une manière complète le mystique entraîné par les illusions du rêve : si désireuse qu’elle soit de faire bon accueil au prosélyte, chacune d’elles est cependant encore trop précise dans ses dogmes, sa tradition, son histoire, pour ne pas gêner ceux dont la fantaisie vagabonde dans l’infini de l’espace et du temps. L’Église et les Églises ne sont que des moments dans la série de l’histoire humaine, et le sentiment poétique les déborde de toutes parts. Combien plus vaste est le chant du mystère ! L’homme n’est-il pas comme un point imperceptible dans l’immense nature ? Les "larmes des choses", suivant l’expression du poète romain, ont ému de tout temps, même avant la venue des Dieux. Dans la société future, comme dans la société présente, les amours déçues, la mort prématurée des jeunes et des bons, la lutte pour l’existence, ne sont-ce pas là des problèmes sur lesquels on rêvera longtemps avec douleur ou mélancolie et qui pénètrent l’individu de profondes émotions que nulle secousse religieuse ne pourrait dépasser ?"
La science ne cherche que le vrai, dût ce vrai apporter le désastre avec lui.
"Mais, quoique la science nous révèle un monde sans bornes de phénomènes admirables, sollicitant des transports d’émerveillement et d’enthousiasme, elle n’en procède pas moins à son œuvre avec calme et sérénité, ne cherchant que le vrai, dût ce vrai apporter le désastre avec lui. A elle d’ouvrir la boîte de Pandore, quand même l’espérance devrait également en fuir à jamais ! A cet égard, la science a ses martyrs comme la religion, mais des martyrs bien autrement désintéressés, puisqu’ils ne s’imaginent point qu’ils iront, à leur mort, s’asseoir « à la droite de Dieu », accueillis par le concert des anges. Les expériences que le médecin fait sur son propre corps en essayant l’effet des poisons ou des remèdes périlleux, la greffe et le traitement des maladies contagieuses le mènent simplement à de pénibles souffrances et à la mort sans qu’il ait d’autre satisfaction que de bien faire. Du reste, il n’y a point à l’en féliciter, car l’homme qui a le bonheur de suivre sa voie personnelle, de cheminer sur le sentier qu’il se fraie vers l’inconnu, a les joies incomparables que donnent la découverte et la contemplation de la vérité conquise."
Il ne faut pas croire que tous les savants soient des héros.
"Toutefois, il ne faut pas croire que tous les savants soient des héros, et même on doit reconnaître que la plupart portent aussi le « vieil homme » en eux. Ils courent, au point de vue moral, un danger particulier qui provient d’une trop grande spécialisation : lorsqu’ils n’ont plus que leurs études propres dans la part de l’horizon vers laquelle ils se sont tournés, ils risquent fort de perdre l’équilibre de la vie normale, de se rapetisser et de s’amoindrir dans toutes les branches qu’ils ont négligées, et l’on est très souvent étonné de constater en eux une opposition extraordinaire entre leur génie, ou du moins leur grand savoir, et de petits côtés ridicules ou mesquins. Les passions, les intérêts privés, la basse courtisanerie, les jalousies perfides se rencontrent fréquemment dans le monde des savants, au grand détriment de la science elle-même. On est également stupéfait de voir que la survivance des haines nationales s’est maintenue dans la recherche de la vérité, patrimoine commun des hommes. L’habitude est encore très fréquente de diviser le domaine de la science d’après les patries respectives. Chaque homme de science n’est qu’un représentant de l’immense humanité pensante, et, s’il lui arrive de l’oublier, il diminue d’autant la grandeur de son œuvre.
Pourtant l’on ose même émettre la prétention bizarre de rétrécir la science aux intérêts d’un parti, d’une classe, d’un souverain ! Certes, tel fameux chimiste — Thénard, dit-on — prêta largement au rire lorsqu’il présenta au roi Louis-Philippe « deux gaz qui allaient avoir l’honneur de se combiner devant lui », mais fallait-il rire ou pleurer lorsqu’on entendit un professeur éminent, ayant peut-être à se faire pardonner son nom français, revendiquer un privilège inestimable pour les savants allemands, celui d’être les gardes du corps intellectuels de l’impériale maison des Hohenzollern ?
Si tels savants se font gloire de servir le maître, il en est d’autres qui ont la prétention d’êtres maîtres eux-mêmes. Pendant un temps, sous l’influence du socialisme primitif des saint-simoniens et des comtistes, un article de foi semblait prévaloir : comme une grande usine discrètement conduite par des ingénieurs, la société devait être gérée, pour un temps du moins, par des techniciens et des artistes, c’est-à-dire précisément par les chefs des écoles nouvelles, visant, eux aussi, à l’infaillibilité. Jusqu’à maintenant, ces ambitions ne sont point encore réalisées, même au Brésil, où pourtant l’école positiviste de Comte a fait semblant de diriger la politique nationale, livrée comme ailleurs à la routine et au caprice. Il est certain que, constitués en classes et en castes, comme les mandarins chinois, les savants d’Europe les plus forts dans leurs spécialités respectives seraient aussi mauvais princes que tous autres gouvernants et se laisseraient d’autant plus facilement persuader de leur supériorité essentielle sur le commun des hommes qu’ils seraient réellement plus instruits.
Déjà, bien avant de détenir le pouvoir, nombre de savants, et surtout ceux qui occupent les positions les plus hautes, ont grand souci de l’effet produit par tel ou tel enseignement. C’est ainsi qu’au mois de septembre 1877, lors de la réunion des naturalistes à Munich, un grand combat fut suscité au sujet de la théorie d’évolution qui, sous le nom de « darwinisme », agitait alors le monde. Or, par un singulier déplacement du point de vue, la grosse question qui se débattit ne fut point celle de la vérité en elle-même, mais des conséquences sociales qui découleraient des idées nouvelles. Les préoccupations d’ordre économique et politique hantaient tous les esprits, même ceux qui eussent voulu s’y dérober. Le « progressiste » Virchov, très misonéiste malgré sa profonde science, attaqua violemment la théorie nouvelle de l’évolution organique et résuma sa pensée dans cette sentence finale qu’il croyait décisive : « Le darwinisme mène au socialisme ». De son côté, Haeckel et, avec lui, tous les disciples de Darwin présents au congrès, prétendirent que la théorie préconisée par lui portait le coup de grâce aux socialistes, et que ceux-ci, pour prolonger pendant quelque temps leurs illusions déplorables, n’avaient qu’à faire la conspiration du silence contre les ouvrages du maître[25]. Mais les années se déroulèrent. Malgré les objurgations de Virchov et de Haeckel, l’histoire continua son cours, et le socialisme fit son entrée dans le monde parallèlement au darwinisme qui pénétrait dans la science. Les deux révolutions se sont parfaitement accordées, et nombreux sont les savants qui nous ont expliqué, après coup, pourquoi il devait en être ainsi. Il ressort du moins de l’incertitude de leurs prophéties que les pédants groupés en caste intéressée ne représentent nullement la science, et que celle-ci se développe sans leur concours officiel dans les mille intelligences des hommes qui cherchent isolément, passionnés seulement pour le vrai. C’est par le renouvellement continu que se fait le progrès du savoir, et nul homme ne peut créer, nul même ne peut apprendre s’il ne cherche à s’incorporer la connaissance nouvelle en toute droiture et sincérité. C’est dans l’effort libre de chaque individu que gît tout le problème de renseignement."
https://www.arte.tv/fr/videos/110980-001-A/le-grand-entretien-avec-philippe-descola/
Élève de Lévi-Strauss, ethnologue, anthropologue, médaille d'or du CNRS et professeur au Collège de France, Philippe Descola a consacré sa vie de chercheur à tenter de comprendre la relation des êtres humains au reste du vivant. Lors de son premier terrain parmi les Achuar en Amazonie, il fait une découverte qui va révolutionner le monde des idées. La nature n'existe pas, ou du moins pas pour tout le monde. C'est un concept européen qui n'a pas plus de quatre siècles et qui a bouleversé le cours de notre histoire collective.
“Depuis plusieurs siècles en Occident, la nature se caractérise par l'absence de l'homme et l'homme, par ce qu'il a su surmonter de naturel en lui.”
La journaliste Laura Raim a rencontré Philippe Descola pour lui demander comment il avait réussi à décaler son regard, pour voir au-delà de nos évidences, au-delà de tout ce qu'on lui avait appris, jusqu’à remettre en question les enseignements de son mentor Lévi-Strauss. Dans ce film portrait, une biographie par les idées, Philippe Descola remonte le fil du temps pour mieux nous raconter la construction de sa pensée. C'est toute une vie de recherche, de rencontres et de doute qu'il accepte de partager.
Au sujet des ZAD (voir : 01.06.00)
"Je suis très attentif aux expériences qui sont menées de territoires alternatifs dans le monde et en particulier en France dans les ZAD qui sont des formes d'organisations collectives qui sont intéressantes car elles visent à échapper à la fois au train du capitalisme, c'est à dire à la production de profits et au fait de la définition de la valeur individuelle indexée sur la capacité à mobiliser des ressources matérielles, et d'autre part au fait de l'identification profonde entre les habitants des ZAD comme Notre Dame des Landes, que je connais un peu moins mal que d'autres, à s'identifier à un milieu particulier d'une façon très profonde. Un phénomène d'autant plus intéressant que la plupart des habitants de ces ZAD sont issus d'autres milieux et ne sont pas des paysans au départ. C'est une identification qui s'est développée au fil du temps et c'est un système électif, c'est une activité élective, qui n'est pas issue de très anciennes familiarités avec un certain type de bocage ou autre.
Je suis intéressé par les ZAD, par ce qui se passe chez les zapatistes &c, ce sont des lieux de vie alternatifs. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire de l'humanité, ce n'est même pas la première fois dans l'histoire récente. Des communes anarchistes il y en a eu beaucoup au 19ème siècle, au 20ème siècle, des volontés de créer des zones à l'écart où on puisse librement essayer de penser des institutions qui soient différentes de celles qu'on a. Ce qui est intéressant maintenant c'est que ces territoires alternatifs fonctionnent un peu en réseau et que leurs façons de faire, de voir leur organisation collective, ont pour résultat de faire réfléchir au delà en quelque sorte des militants.
Je pense que l'acharnement de l’État contre ces territoires alternatifs montre bien qu'ils sont perçus comme une menace pour un certain statut quo. Il suffit d'entendre ce que certains hommes politiques, femmes politiques aussi d'ailleurs, continuent à dire sur les ZAD. C'est une très grande ignorance mais c'est fondé aussi sur la perception d'une menace vis ç vis des institutions au sein desquelles nous avons déployé notre vie collective depuis deux siècles.